En 2024, j’ai vu au Musée du Quai Branly une exposition dédiée aux Mexicas, dont je garde un souvenir assez marquant. J’avais alors noté de lire cette bande dessinée, dans laquelle j’ai découvert une figure emblématique de l’Amérique centrale du XVIème siècle, dans cette zone qui deviendra le Mexique, et qui était alors habitée par des peuples opposés, voire ennemis.
Malinalli est la fille d’un chef de tribu, mais depuis le décès de celui-ci la vie du clan n’est plus la même pour elle. Entre les membres du clan qui sont vendus comme esclaves, ceux qui sont livrés pour des sacrifices humains, et la crainte permanente des exactions du peuple mexica, le quotidien de Malinalli est souvent celui d’une jeune fille qui se cache, encore, toujours. L’arrivée de conquistadors espagnols (dont Hernan Cortez, figure emblématique de cette époque) donne à Malinalli une opportunité qui pourrait aussi faire d’elle une traîtresse : elle va devenir la traductrice officielle entre les peuples.
Cette bande dessinée est particulièrement originale, en cela qu’elle traite d’une époque et d’un personnage féminin peu présents dans la littérature. Malinalli, à propos de laquelle nous sont parvenus peu de récits (et aucun d’elle directement, rappelons si nécessaire que les femmes à cette époque n’avaient pas le droit de s’exprimer), est un personnage féminin qui apparaît très moderne. Elle est à la fois prisonnière des traditions et des usages de son clan, et en même temps possède une certaine instruction (celle de la connaissance des plantes, que lui a transmise sa grand-mère ; celle des langues aussi) et surtout une indépendance d’esprit peu commune. Elle est souvent nommée comme étant « celle qui parle » et la bande dessinée fait la part belle à son rôle essentiel dans les échanges qui eurent lieu entre les Espagnols et différents peuples autochtones.
Quelle est la part historique, quelle est la part de fiction ? L’essentiel est la mise en avant d’une figure féminine trop oubliée de l’Histoire, dans un ouvrage très bien réalisé, où les regards sont expressifs, où l’enchaînement des cases reproduit bien les variations de rythme du récit (les temps apaisés à la rivière vs les moments de fuite, par exemple).
Dans un court texte en fin d’ouvrage, l’auteure explique avoir cherché à rendre Malinalli «humaine ». Qu’elle se rassure, ce souhait est réalisé.
Grand Angle, 216 pages, 24,90€