Essai / Document

« Réinventer l’amour » de Mona Chollet

9782355221743J’ai traversé ce livre avec des pensées contradictoires.

J’ai d’abord été agréablement surprise par l’écriture claire et fluide, qui en fait une lecture très accessible. D’ailleurs tous les exemples pris par l’auteure sont « grand public ». Le style est plus journalistique qu’essayiste, cela me convenait bien.

Dans l’introduction, j’ai apprécié que l’auteure raconte sa propre relation aux hommes, qu’elle donne quelques informations sur sa vie qui, elle le reconnaît elle-même, influent « forcément » sur ses écrits. Lucide sur elle-même, elle ne prétend pas être exonérée de tomber dans certains pièges ou clichés dans ses propres choix. Elle le redit plusieurs fois dans le livre, et cela m’a semblé essentiel pour nuancer les positions théoriques et la réalité parfois plus triviale que les grandes pensées. Elle n’est pas blasée de l’amour ni des relations hétérosexuelles ; des amies lui ont dit « tu es moins en colère que nous » et cela se ressent.

Bien sûr j’ai lu avec une attention particulière les quelques pages d’analyse de « Belle du Seigneur » (un classique!), où la passion d’Ariane et Solal ne peut survivre au quotidien.

Et que dire des témoignages sur la charge mentale… ? C’est affligeant de lire qu’on en est encore là…

Malheureusement, j’ai regretté qu’il y ait assez peu d’idées nouvelles. Les anecdotes et les illustrations sont intéressantes, mais au final les propos sont déjà vus si on a déjà quelques lectures féministes derrière soi. Loin de moi l’idée de minimiser le travail réalisé, c’est juste ma perception de femme déjà largement sensibilisée aux questions de charge mentale, de plafond de verre et de patriarcat professionnel, de « mensplaining » etc. J’ai eu parfois l’impression de sentir en filigrane que les femmes ne se rendent pas toujours compte des situations qu’elles vivent, que leurs œillères sont trop présentes pour qu’elles soient lucides, bref d’une certaines infantilisation qui m’a mise mal à l’aise.

Cela ne retire rien au fait que le livre fait sans doute écho au vécu de nombreuses femmes, qui se sentiront moins seules – et rien que ça, c’est déjà beaucoup.

S 2-3La Découverte, 19€

Essai / Document

« Lettre à D. » d’André Gorz

Capture d’écran 2025-03-12 163636Ce livre est extrêmement connu, et j’en entends parler depuis si longtemps, je l’ai noté dans ma liste de lectures il y a tant d’années, que j’ai même l’impression de l’avoir peut-être déjà lu – ce qui est possible.

La « D » à qui est adressée cette lettre est Dorine, l’épouse du philosophe André Gorz . Ce texte est connu pour être une déclaration d’amour passionnée d’un homme au soir de sa vie, pour la femme qu’il a aimée pendant plus de cinquante ans.

Passé l’étonnement de la taille du livre – c’est un tout petit format d’environ 70 pages, polices et interlignes assez grandes – j’étais donc curieuse de découvrir ce « classique ».

Mais très vite, j’ai ressenti une certaine gêne dans ma lecture. Certes le premier paragraphe est une jolie déclaration d’amour, prometteuse pour la suite. Hélas le livre prend vite une autre tournure. Sous couvert d’une déclaration d’amour à sa femme aujourd’hui disparue, c’est en alité le récit de sa propre vie (ses projets, ses écrits, son mode de vie) qui est fait par l’auteur. De Dorine, finalement, on n’apprend que très peu de choses. Et il y a moins de déclarations d’amour basées sur sa personnalité à elle, que de regrets exprimés par l’auteur sur ses propres erreurs.

Je prendrai un jour le temps de compter les « Je » dans ce livre, mais j’ai eu l’impression qu’ils étaient bien plus nombreux que les « Tu ». Quel paradoxe !

Je referme donc ce livre avec un sentiment très mitigé, et en tout cas la certitude que je n’ai pas lu ce que j’étais venue chercher.

S 1-3Folio, 96 pages, 6,50€

Cosy mystery·Policier·Roman

« Les enquêtes d’Hannah Swensen (tome 12) : Meurtres et chaussons aux pommes » de Joanne Fluke

Capture d’écran 2025-03-11 020119La première question que je me pose en pensant au prochain tome des enquêtes pâtissières d’Hannah Swensen, c’est le nom du gâteau qui sera mis à l’honneur dans le titre. Après diverses tartes, un pudding, un carrot cake, un cobbler aux pêches (une découverte pour moi), un cheesecake, des muffins et j’en passe, voici donc le quart d’heure de gloire des chaussons aux pommes !

Hannah et son associée Lisa doivent en effet en confectionner des centaines pour un gala de charité. Hannah, d’ailleurs, ne se réjouit pas de participer à ce gala, où elle doit au pied levé remplacer l’assistante d’un magicien. Le gala vire au cauchemar quant le Monsieur Loyal du spectacle, qui n’est autre qu’un ex d’Hannah, est retrouvé assassiné.

Dans ce douzième tome, j’ai très vite eu l’impression que j’allais prendre des nouvelles d’une vieille copine : voir comment avançaient ses amours (toujours entre Mike et Norman), m’intéresser aux nouvelles recettes qu’elle propose dans sa pâtisserie, dire bonjour à sa mère et ses sœurs, et passer une main sur le dos de son chat Moshe.

La victime était déjà apparue dans un précédent tome, mais je n’en avais pas souvenir – et contrairement à mes premières craintes, cela n’a pas été bloquant pour ma lecture.

Certaines recettes, comme d’habitude, donnent faim et vous feront sans doute sortir la plaque à pâtisserie.

Quant aux prétendants de Hannah, si Mike apparaît plus sincère que jamais (et lucide sur ses travers), Norman est quant à lui plus distant – il vous faudra attendre les toutes dernières lignes du roman pour en connaître la raison.

S 3-3Le Cherche Midi, 360 pages, 15,90€ (partenariat)

Roman

« Le code rose » de Kate Quinn

Le-Code-Rose-Grand-Prix-du-Roman-Historique-2023J’ai abordé ce livre comme un roman historique, et je me suis trompée. Il est bien plus que ça.

Oui, il y est question de la Seconde Guerre mondiale. Oui, le roman retrace la vie de « casseurs de codes », esprits brillants recrutés pour déchiffrer des messages codés, si précieux en temps de guerre.

Mais il y est surtout question d’amitié, d’émancipation féminine, de coopération vers un but commun. C’est passionnant, et les 700 pages ne doivent surtout pas vous rebuter, tant l’histoire est prenante.

Osla est une jeune femme de bonne famille ; Mad une fille des quartiers malfamés, maltraitée par la vie. Toutes deux sont recrutées par Bletchley Park pour contribuer à l’effort de guerre. Si elles ne sont officiellement que secrétaires, elles contribuent en réalité à décoder des messages secrets défense. A leur suite est recrutée Beth, la fille de leur logeuse. A peine sortie de l’adolescence, et totalement dévouée à sa mère, Beth utilise son esprit logique hors du commun pour craquer les codes les plus retors – et se libère en même temps du joug familial.

Elles sont donc trois, différentes, complémentaires, attachantes chacune à sa manière, et j’ai adoré suivre leurs aventures au sein de Bletchley Park et en dehors, leurs victoires contre les codes, leurs déboires sentimentaux, leur capacité de résistance et de reconstruction. C’est un très beau roman qui rend hommage à des femmes qui œuvrèrent dans l’ombre et gardèrent le secret de leur activité, quel qu’en ait été le coût pour elles. Ne refermez pas ce livre sans lire la note de fin de l’auteure, où elle raconte la genèse de ses personnages et ses sources d’inspiration.

S 3-3Hauteville, 744 pages, 8,90€

Biographie

« Frida Kahlo par Frida Kahlo – Écrits (1922-1954) »

Capture-d’écran-2024-10-22-à-12.30.32Frida Kahlo est depuis longtemps l’artiste qui me touche le plus, tant j’admire la force, la résilience, et l’incroyable vitalité dont elle faisait preuve. On ne peut pas comprendre ses tableaux sans connaître sa vie, et je recommande toujours l’excellent biopic « Frida » avec Salma Hayek exceptionnelle dans le rôle de l’artiste mexicaine.

Je suis tellement contente de voir ce livre de correspondances enfin réédité ! J’en croyais à peine mes yeux en librairie tant je l’ai attendu longtemps.

Il regroupe par ordre chronologique des lettres écrites par Frida entre 1922 (elle avait 15 ans) et 1954 (année de son décès). Elle écrit à ses amis, à Diego Rivera bien sûr, le grand amour de sa vie, à sa famille, à ses amis, à ses médecins. Les lettres sont présentées sans analyse (avec cependant quelques références sur les destinataires des lettres) mais comme le dit Raquel Tibol dans la préface, ces écrits « n’en ont pas besoin ».

Dès les premières lettres, j’ai retrouvé l’énergie, la spontanéité, la sensibilité brute qu’il y a dans ses tableaux. Ce livre ne suffit pas à connaître toutes les grandes étapes de sa vie (il y a notamment une grande coupure entre 1928 et 1930, pourtant période essentielle où elle rencontre Diego Rivera – j’aurais tant voulu lire cette rencontre avec le regard de la principale intéressée). On ne sait rien non plus de la liaison qui lui a été attribuée avec Léon Trotski. Elle parle peu de ses tableaux et de son travail de peintre, mais beaucoup de ses sentiments, de son corps qui la torturait, et de contingences domestiques (elle réclame de l’argent assez fréquemment à ses amis à la fin de sa vie).

J’ai eu la chance, lors d’une exposition au Palais Galliera, d’approcher des objets ayant appartenu à Frida Kahlo (dont ses corsets, particulièrement émouvants). Avec la réédition des lettres qu’elle a écrites, j’ai le sentiment de m’être approchée d’elle encore un peu plus.

S 3-3Christian Bourgeois éditeur, 512 pages, 12,80€

Essai / Document

« Le But » de Eliyahu M. Goldratt et Jeff Cox

Capture d’écran 2025-02-28 175330En ce moment j’essaie de piocher davantage de lectures dans ma (grande) PAL, et c’est comme ça que « Le But », qui m’y attend depuis au moins un an, s’est retrouvé sur le haut de la pile. Ce livre m’avait été conseillé comme étant une référence en matière d’organisation et de management. Il est d’ailleurs classé dans la liste du Times des 25 livres de management les plus influents.

Premier constat, cette édition propose avant l’introduction un article écrit par le même auteur, vingt-cinq ans après la publication du « But », et censé en approfondir les concepts. Autant vous dire que cet article a failli me décourager de lire la suite, car il expose de manière très condensée de nombreux concepts qui ne sont pas encore familiers au lecteur. Pour une entrée en matière, c’est assez ardu !

Pourtant le cœur du livre est beaucoup plus accessible. Il raconte, sous forme de roman, comment Al, un directeur d’usine, est confronté à des difficultés dans sa chaîne de production, et comment il va réorganiser celle-ci pour la rendre optimale.

Dit comme ça, j’imagine que je ne vous fais pas rêver… Mais tout l’intérêt du livre est de voir le processus d’analyse et de test que fait le personnage principal. On suit ses raisonnements, souvent pleins de bon sens et issus de la vie quotidienne (donc accessibles sans être un expert des chaînes de production !), et la mise en œuvre des propositions que son équipe et lui inventent.

L’essentiel du livre est bien vulgarisé – à part la toute fin du livre, où les solutions évidentes ont déjà été explorées, et où on passe un cap de complexité. Mais à ce moment-là, l’essentiel a déjà été dit et compris.

Un petit coup de griffe pour finir : j’ai été très agacée par les nombreuses coquilles, les dialogues où il manque des tirets, l’absence d’espace entre paragraphes alors qu’il y a des changements de situation… pour un livre publié par l’Afnor, cela aurait mérité un travail de relecture plus sérieux.

S 2-3Afnor éditions, 421 pages, 30,50€

Roman

« Nage libre » de Jessica Anthony

9782749181943ORIDans les États-Unis des années 1950, Kathleen et Virgil forment un couple parfait… en apparence. Lui est représentant dans les assurances ; elle est une ancienne joueuse de tennis de haut niveau. Ils ont deux enfants, vont à l’église le dimanche, et monsieur joue au golf.

Mais les apparences sont parfois trompeuses, et il n’est parfois pas nécessaire de gratter beaucoup le vernis pour découvrir un quotidien moins lisse qu’il n’y paraît.

Dans ce petit roman de moins de 150 pages, l’auteure réussit à nous immerger dans cette Amérique de film où madame prépare le dîner pour la famille, tandis que monsieur sort boire un verre le soir avec ses collègues et les retrouve sur un green le week-end. Et quand l’épouse décide de bousculer les habitudes et de passer son temps dans la piscine de l’immeuble, en plein mois de novembre, on comprend qu’il se passe quelque chose, que la roue bien huilée du quotidien est soudain grippée. Les révélations s’enchaînent, dans une écriture vive et sans temps mort. L’auteure croque avec justesse et efficacité les personnalités de l’épouse et du mari, chacun englué dans ses habitudes et dans ses erreurs, jusqu’aux dernières pages qui mettent un point final à la crise – on laissera chaque lecteur juge de la fin choisie par l’auteure.

S 2-3Le Cherche Midi, 144 pages, 18€ (partenariat)

Roman

« Les braises de Patagonie » de Delphine Grouès

9782749181806ORIEn 1958, Valentina est l’une des rares femmes médecins à exercer sur les terres hostiles de Patagonie. Nous la suivons dans ses périples en pleine nature sauvage, forte contre les éléments, à la rencontre d’hommes qui la considèrent avec plus ou moins de respect.

En 1988, Luis enterre sa mère au Havre. Au-delà du chagrin, c’est un moment d’introspection qui lui rappelle à quel point cette femme est restée secrète toute sa vie. Un banal rendez-vous chez le notaire va lui ouvrir des perspectives de compréhension du passé.

A travers deux vies (dont on saisit assez rapidement comment elles seront reliées), on explore cette terre sauvage, dure, mais passionnante aussi, qu’est la Patagonie. On entrevoit aussi quelques axes historiques sur le Chili du XXième siècle. Le roman entremêle descriptions courtes de la nature locale, points historiques, et récit familial. La notion de transmission est évidemment très présente, mais sans pathos, plutôt prise sous l’angle de la compréhension et de la résilience.

S 2-3Le Cherche Midi, 256 pages, 20,90€ (reçu dans le cadre d’un partenariat)

BD

« La maison du péril », adaptation BD par Frédéric Brrémaud et Alberto Zanon, d’après Agatha Christie

Capture d’écran 2025-02-16 102649J’étais impatiente de découvrir cette nouvelle adaptation en BD d’un roman d’Agatha Christie, dans la collection désormais bien fournie des éditions Paquet.

Plusieurs auteurs et illustrateurs contribuent à cette collection, mais j’ai reconnu dans « La maison du péril » les personnages tels qu’ils sont croqués dans d’autres tomes – j’étais donc dans un univers familier, même si la première fois je n’avais pas complètement aimé certains visages ni le style d’Hercule Poirot.

L’histoire est celle de Nick Buckley, une jeune femme désargentée propriétaire d’une demeure qui tombe en ruines ; alors qu’Hercule Poirot séjourne à proximité, il est témoin d’une tentative d’assassinat sur la jeune femme. Celle-ci lui explique alors que plusieurs autres incidents similaires ont eu lieu les jours précédents. Il n’en faut pas plus au détective belge pour s’intéresser à ces agressions, et tenter de sauver Nick.

L’histoire est bien adaptée, les personnages tous bien identifiables, et le récit progresse au fil des fausses pistes et des découvertes. J’avais pressenti le dénouement, peut-être plus facilement que cela n’aurait été le cas dans le roman originel (j’ai lu le roman, mais comme souvent je mélange un peu les histoires de Poirot et donc je n’en garde pas de souvenir précis).

J’ai beaucoup aimé aussi les décors et les couleurs, en particulier la maison (et le bureau bibliothèque!). Ils restituent bien l’ambiance à laquelle on s’attend quand Poirot enquête en Angleterre. Bref, c’est un bon tome de la série !

S 3-3Paquet, 64 pages, 16,50€

Cosy mystery·Policier

« La cuisine mortelle de Tita Rosie (tome 2) : L’art meurtrier du halo-halo » de Mia P. Manansala

9782749178899ORILila est sur le point d’ouvrir un café avec deux de ses amies. La dernière ligne droite avant l’inauguration lui occasionne beaucoup de stress ; alors quand elle est sollicitée pour devenir jurée d’un concours de beauté local, c’est l’occasion pour elle de s’oxygéner.

Mais le concours vire rapidement au drame lorsque Rob Thomson, riche entrepreneur, sponsor du concours et coureur de jupons, est retrouvé noyé. Lila, qui a déjà apporté son aide à la police dans une précédente enquête, est à nouveau sollicitée pour enquêter discrètement.

Cette série ressemble beaucoup à celle des Hannah Swensen (des enquêtes avec une héroïne qui est fan de cuisine et qui parle nourriture pendant la moitié du roman), même si le décor et les recettes sont très différents. Je ne connais pas la plupart des aliments et des plats cités, donc cela ne me met pas beaucoup en appétit – il y a bien un (long) lexique au début du roman, mais c’est pénible de s’y référer tout le temps.

Il y a finalement très peu d’intrigue et beaucoup de digressions : la confection de la carte du café, les aspirations des concurrentes au concours de beauté, etc. Le dénouement tient la route, mais il faut accepter d’être passé par des chapitres largement consacrés à des sujets annexes.

S 1-3Le Cherche Midi, 368 pages, 15,90€ (partenariat)