BD

« Le passage » de Benoît Vieillard

le_passage_cover-05631Nantes, 1837. Un notaire et un restaurateur ont tous deux de grandes idées pour transformer l’insalubre rue de la Fosse, et y faire déboucher un passage d’un nouveau genre. Au lieu de s’opposer, ils décident de s’unir, lèvent des fonds, et se lancent dans un investissement faramineux. On suit ainsi, au fil des pages, la création et la transformation du célèbre passage Pommeraye.

Si le livre a le format d’une bande dessinée, chaque double page est un plan en coupe de l’une ou l’autre des entrées du passage. Il y a un fil rouge de page en page, mais on peut s’attarder aussi sur les multiples détails, la vie aux différents étages des immeubles, la chocolaterie, la boucherie, l’hôtel…

L’angle de vue est vraiment intéressant, et plus original que si l’histoire avait été racontée via de classiques vignettes. Il fait réfléchir le lecteur sur la mémoire des lieux, sur ce que chacun y laisse, et sur l’évolution d’un endroit très fréquenté, que les passants traversent sans s’interroger. Si l’on ne connaît pas ce passage nantais, ce livre donne très envie d’aller y flâner et d’y chercher l’âme des esprits visionnaires qui l’on façonné, et de ceux qui ont continué, au fil des décennies, à y insuffler de la vie.

S 3-3Ed. Ouest France, 88 pages, 21€

BD

« Celle qui parle » d’Alicia Jaraba

Capture d’écran 2025-01-15 160345En 2024, j’ai vu au Musée du Quai Branly une exposition dédiée aux Mexicas, dont je garde un souvenir assez marquant. J’avais alors noté de lire cette bande dessinée, dans laquelle j’ai découvert une figure emblématique de l’Amérique centrale du XVIème siècle, dans cette zone qui deviendra le Mexique, et qui était alors habitée par des peuples opposés, voire ennemis.

Malinalli est la fille d’un chef de tribu, mais depuis le décès de celui-ci la vie du clan n’est plus la même pour elle. Entre les membres du clan qui sont vendus comme esclaves, ceux qui sont livrés pour des sacrifices humains, et la crainte permanente des exactions du peuple mexica, le quotidien de Malinalli est souvent celui d’une jeune fille qui se cache, encore, toujours. L’arrivée de conquistadors espagnols (dont Hernan Cortez, figure emblématique de cette époque) donne à Malinalli une opportunité qui pourrait aussi faire d’elle une traîtresse : elle va devenir la traductrice officielle entre les peuples.

Cette bande dessinée est particulièrement originale, en cela qu’elle traite d’une époque et d’un personnage féminin peu présents dans la littérature. Malinalli, à propos de laquelle nous sont parvenus peu de récits (et aucun d’elle directement, rappelons si nécessaire que les femmes à cette époque n’avaient pas le droit de s’exprimer), est un personnage féminin qui apparaît très moderne. Elle est à la fois prisonnière des traditions et des usages de son clan, et en même temps possède une certaine instruction (celle de la connaissance des plantes, que lui a transmise sa grand-mère ; celle des langues aussi) et surtout une indépendance d’esprit peu commune. Elle est souvent nommée comme étant « celle qui parle » et la bande dessinée fait la part belle à son rôle essentiel dans les échanges qui eurent lieu entre les Espagnols et différents peuples autochtones.

Quelle est la part historique, quelle est la part de fiction ? L’essentiel est la mise en avant d’une figure féminine trop oubliée de l’Histoire, dans un ouvrage très bien réalisé, où les regards sont expressifs, où l’enchaînement des cases reproduit bien les variations de rythme du récit (les temps apaisés à la rivière vs les moments de fuite, par exemple).

Dans un court texte en fin d’ouvrage, l’auteure explique avoir cherché à rendre Malinalli  «humaine ». Qu’elle se rassure, ce souhait est réalisé.

S 3-3Grand Angle, 216 pages, 24,90€

Policier

« Les secrets de la femme de ménage » de Freida McFadden

9782290391198J’avais beaucoup aimé le thriller psychologique « La femme de ménage », mais je me demandais comment une suite était possible – sauf à imaginer que Millie soit vraiment une femme de ménage très très malchanceuse dans le choix de ses employés !

J’ai donc débuté la lecture du deuxième tome avec prudence.

La première chose à vous dire, c’est que ce tome peut tout à fait se lire indépendamment du premier.

Millie est désormais en couple avec Brock, un avocat. Elle est toujours étudiante, et peine à joindre les deux bouts – elle rechigne à s’installer avec Brock. A la recherche d’un petit job, elle est embauchée par Douglas Garrick, un célèbre businessman du digital.Wendy, la femme de Douglas, vit prostrée dans sa chambre, et Millie ne tarde pas à comprendre que cette situation cache quelque chose…

La construction de ce tome est très proche de celle du premier, si bien que j’ai deviné beaucoup plus de pièges que dans le précédent, où je m’étais davantage laissée porter par les chapitres. Il y a donc, forcément, un « gros » rebondissement (et plusieurs moindres), que l’on voit un peu venir mais qui fonctionnent quand même. La lecture reste fluide, l’intrigue assez efficace, et les chapitres défilent sans qu’on s’en rende compte.

S 3-3J’ai lu, 416 pages, 8,60€

Essai / Document

« Les mythes grecs » de Pierre Sauzeau

8669.1728401254J’ai eu entre les mains de nombreux ouvrages consacrés à la mythologie grecque, et celui-ci est sûrement le plus complet et le plus précis d’entre eux.

Tout d’abord l’auteur précise assez vite qu’il n’y a pas « une » mythologie grecque, mais que de nombreuses versions sont parvenues jusqu’à nous – et dans la suite du livre il précise souvent les différentes versions en question, avec leurs auteurs.

L’ouvrage est aussi précis que pointu, il y a une vraie démarche d’exhaustivité et de précision dans chacun des chapitres. Je n’ai donc pas abordé ce livre comme une suite de « récits » mythologiques – d’ailleurs ce n’en est pas l’objectif me semble-t-il, l’auteur ayant pris le parti de rester très factuel, d’éviter tout embrasement littéraire qu’il est si facile de faire naître quand on parle de héros ou de grandes épopées.

Une fois ceci acquis, j’ai choisi d’abandonner la lecture linéaire de l’ouvrage et de choisir mes chapitres de lecture au gré de mes envies (et comme dans un dictionnaire, une entrée en appelle une autre, et j’ai fait des allers-retours entre les chapitres sans aucune difficulté).

Les chapitres sont structurés soit par récit mythologique (la Toison d’or, la Guerre de Troie, les Travaux d’Héraclès etc) soit par thématique (le ciel, les nymphes, les magiciens et magiciennes etc).

Ne manquez pas en introduction la représentation quasi généalogique des dieux et demi-dieux, qui vous donnera le vertige et montrera au lecteur, s’il en était besoin, le maillage entrelacé de ces personnages incontournables qu’il va côtoyer au cours des 550 pages.

S 3-3Les Belles lettres, 570 pages, 29,90€ (merci à l’éditeur pour l’envoi de ce livre)

BD

« Le crime d’Halloween », adaptation en BD du roman d’Agatha Christie par Dominique Ziegler et Cristian Montes

Capture d’écran 2025-01-05 094932Je connaissais déjà le roman d’Agatha Christie « Le crime d’Halloween », pour l’avoir lu plusieurs fois (et d’ailleurs chroniqué ici). Mais je ne résiste pas à cette collection d’adaptations en BD aux éditions Paquet, qui fait appel à différents auteurs et dessinateurs selon les titres. Je ne collectionne pas tous les titres de la collection, je me concentre sur les romans que j’ai bien aimés, ou les illustrations qui me font particulièrement de l’œil.

J’ai tout de suite aimé l’ambiance de cette adaptation ; le roman d’Agatha Christie est bien respecté, dans la construction et dans l’atmosphère de cet après-midi d’Halloween où se réunissent les enfants d’un village pour participer à différents jeux. Quand la jeune Joyce se vante d’avoir assisté un jour à un meurtre, personne ne la prend au sérieux. Mais quand elle est retrouvée morte quelques instants plus tard, chacun regrette de ne pas avoir prêté attention à ses paroles.

Ariadne Oliver, célèbre auteure de romans policiers, était présente sur les lieux. Elle fait appel à son ami Hercule Poirot pour démasquer le coupable.

L’histoire, je l’ai dit, est très fidèle à l’œuvre originale. Les dessins sont aussi très réussis : les décors sont pleins de détails (les jardins, les bibliothèques, les maisons…) et la gestuelle des personnages est très bien reproduite (il y a un joli travail sur les mains, en particulier).

Rendez-vous le 22 janvier pour la prochaine adaptation en BD de cette collection : ce sera « La maison du péril ».

S 3-3Ed. Paquet, 64 pages, 16,50€

Essai / Document

« Écrire sa vie » de Marianne Chaillan

9791032931929Ne vous fiez pas au titre, ce livre n’est pas un ouvrage de développement personnel. C’est un livre de philosophie. Autrement dit, ne vous attendez pas à des formules toutes faites ou des solutions clés en main, mais plutôt à des pistes de réflexion – à vous de voir quel courant philosophique aura le plus de résonance en vous.

Le point de départ est inspiré du film « Le Cercle des poètes disparus », quand Keating montre à ses élèves les photos des promos précédentes. Peut-on y deviner ce que deviendront ces jeunes gens ?

L’auteure propose alors plusieurs pistes de réflexion, inspirées des grands philosophes. Chez les stoïciens, aucun de ces jeunes n’aura vraiment le choix, déterminé par un destin qui le dépasse. Chez Aristote, c’est la contingence du futur, et nos propres délibérations, qui font de nous des êtres libres. Chez Sartre, aucune situation n’est favorable ou adverse : « Tel rocher qui manifeste une résistance profonde si je veux le déplacer sera, au contraire, une aide précieuse si je veux l’escalader pour contempler le paysage ». Au fil des chapitres, on fait un détour par la sociologie (Durkheim, Bourdieu), pour revenir à la dictature du « on » chez Heidegger, et la notion de liberté chez Spinoza, qui doit nous « décomplexer » en remettant en cause la notion de libre arbitre.

J’ai retrouvé des auteurs et des thèmes abordés en cours de philo au lycée, dans une version accélérée mais très pédagogique, utilisant des exemples actuels qui parlent à tous. J’ai pris pas mal de notes pour approfondir certains concepts et poursuivre mes lectures (Kafka, Camus, notamment).

Le livre ouvre aussi sur des sujets connexes, les algorithmes internet qui nous enferment dans nos domaines de prédilection, les techniques de nudging (le petit truc qui oriente nos décisions, comme l’achat d’un article parce qu’il est précisé que c’est le dernier disponible), tout en continuant à faire appel aux classiques, Balzac, Zola… J’ai navigué plaisamment entre les époques et les courants de pensée.

L’auteure conclut, sur l’air de « My way » de Sinatra : « Le bonheur n’est pas dans une plénitude qui exclurait toute souffrance, mais dans l’assentiment que l’on donne à son existence, telle qu’elle est. »

S 3-3Éditions de l’Observatoire, 160 pages, 19€

C'est mercredi, on lit avec les petits !

« Le journal de Gurty (tome 13) – C’est nul d’être amoureuse » de Bertrand Santini

Capture d’écran 2025-01-03 192410Pour les vacances de Noël, la facétieuse petite chienne Gurty quitte Paris pour rejoindre la maison d’Aix-en-Provence, où son maître Gaspard lui a réservé une surprise : Marian et son chien Foggy, rencontrés en Angleterre (dans le tome 10) passeront les fêtes avec eux.

Gurty et Foggy se ressemblent, sont gourmands tous les deux, et partagent tous leurs jeux. Mais Gurty l’assure : elle n’est pas a-mou-reuse ! En revanche, son amie Fleur ne semble pas insensible au nouveau venu britannique…

Quant à Marian et Gaspard, ils filent le parfait amour ; l’écureuil-qui-fait-hi-hi prédit donc l’arrivée imminente d’un bébé, au grand désarroi de Gurty et Foggy.

J’ai à nouveau bien rigolé dans ce tome, où Gurty offre le meilleur d’elle-même, tantôt drôle et joueuse, tantôt jalouse et de mauvaise foi. Comme toujours dans la série, il y a plusieurs niveaux de lecture, et les adultes peuvent rigoler autant que les enfants devant les mésaventures sentimentales de Gurty.

« Moi, j’adore dormir et manger. Entre l’amour et le poulet, je choisis le poulet, et voilà pourquoi je ne veux JAMAIS avoir de fiancé ».

Il y a quelques répliques comme celle-ci qui deviennent cultes et que les enfants reprendront en riant (comme celle de la « pizza qui va bien » dans les premiers tomes – les initiés comprendront la référence). C’est drôle, sensible, et pas dénué de fond (sur les sentiments, la jalousie, etc). Encore un bon tome dans la série !

S 3-3Ed. Sarbacane, 272 pages, 13,50€

Policier

« Cartes sur table » d’Agatha Christie

Capture d’écran 2024-12-27 110303L’an dernier, j’avais participé au #readChristie2023, mais je m’étais lassée en cours d’année d’avoir des lectures « imposées ». Je n’ai pas renouvelé l’expérience cette année, mais je relis régulièrement des romans d’Agatha Christie (soit les textes originaux, soit des adaptations comme les excellentes BD éditées chez Paquet).

Je n’avais pas gardé grand souvenir de « Cartes sur table », et cette édition traînait dans ma PAL depuis fort longtemps – elle n’en est sortie que parce que je cherchais un petit format à lire.

Je me suis plutôt ennuyée dans cette lecture (pardon Agatha!) qui était pourtant prometteuse. Mr Shaitana a décidé d’organiser un dîner un peu spécial : non pas un dîner de cons, mais un dîner de meurtriers et d’enquêteurs. Il est en effet persuadé d’avoir démasqué quatre criminels impunis, et compte sur l’aide de quatre spécialistes du crime pour l’aider à les faire avouer. Parmi les quatre spécialistes figure Hercule Poirot (mais il est moins présent que dans les romans où il enquête seul, et sa présence ressemble à un prétexte), et Mrs Oliver, une romancière que l’on retrouvera plus tard dans « Poirot joue le jeu ».

Mais au dîner, c’est Mr Shaitana lui-même qui est tué. Et dans le huis-clos de cette soirée, les regards se portent vite sur les quatre criminels invités.

Le roman pêche par trop d’hypothèses hasardeuses (à la place d’une vraie enquête méthodique), chacun y allant de sa petite analyse personnelle (souvent à l’emporte-pièce) pour identifier le coupable. C’est long et peu passionnant, je me suis vite lassée de cette lecture.

Next !

S 1-3Le Masque, 220 pages, 7,40€

Roman

« Le roman de Marceau Miller »

Capture d’écran 2024-12-26 102943Marceau Miller est un écrivain à succès. Lorsqu’il meurt pendant une session d’alpinisme à mains nues, sa veuve ne peut se résoudre à considérer sa mort comme un accident : elle est persuadée qu’il a été tué.

Mais qui était donc Marceau Miller ? Quels secrets cachait-il ? Et ses amis, Karen l’associée de sa femme, Rollin et Alexis ses copains de jeunesse, en savent-ils plus qu’ils ne le disent ?

Le roman commence avec une mise en abyme qui place aussitôt le lecteur dans une ambiance très particulière : Marceau Miller est censé être l’auteur du livre que l’on a entre les mains, et il raconte la scène de sa propre mort… Evidemment tout n’est pas cohérent dans cet angle de vue, mais cela donne un rythme très vif à la lecture dès les premières pages. Tout le roman est bien cadencé, les chapitres sont courts et l’histoire progresse avec efficacité. J’ai retrouvé un peu l’esprit des romans de Joël Dicker (avec moins de complexité dans la construction), notamment à travers les personnages qui mènent une vie à l’apparence parfaite, dans de belles maisons au bord du lac Léman, mais qui cachent des failles que le lecteur découvre peu à peu.

S 3-3Ed. La Martinière, 400 pages, 20,90€. Parution à venir le 17 janvier 2025. Merci aux éditions La Martinière de me l’avoir fait découvrir en avant-première !

Roman

« Le code Twyford » de Janice Hallett

G07688_LeCodeTwyford_CV.inddLes romans avec des messages codés et autres casse-têtes ont souvent beaucoup de succès auprès des lecteurs, qui se mettent à la place des personnages pour résoudre énigmes et codes secrets. Or Edith Twyford, le personnage au cœur de l’intrigue de ce roman, aurait elle-même caché des messages dans ses livres pour enfants – livres interdits depuis longtemps, car jugés immoraux.

Steven Smith, après avoir passé des années en prison, n’a qu’une idée en tête : résoudre l’énigme qu’aurait laissée Edith Twyford pour élucider un autre mystère, celui de la disparition mystérieuse de son ancienne professeure. Il retrouve d’anciens camarades de classe, et les convainc d’enquêter avec lui.

Une fois de plus, cette lecture vient d’un conseil d’une autre bloggueuse. Il est resté longtemps dans ma PAL et je l’en ai sorti récemment, après plusieurs lectures qui m’avaient laissée un peu sur ma faim. J’ai trouvé la forme originale (ce sont des retranscriptions d’enregistrements). J’ai aimé aussi toute la partie de recherche sur le décryptage du code. Mais j’ai trouvé que l’histoire finissait par s’enliser, avec des longueurs. J’aurais préféré, en tant que lectrice, être davantage « challengée », avoir moi-même les énigmes à résoudre, et ne pas juste être spectatrice de l’enquête – c’est un peu frustrant dans un roman à clé. Le dernier quart du roman est vraiment long, on ne sait pas si toutes les réponses ont été données ou s’il faut s’attendre à d’ultimes révélations.

S 2-3Folio, 646 pages, 9,90€