Roman

« L’école des soignantes » de Martin Winckler

ecole-des-soignantesJ’avais été très marquée par « Le chœur des femmes » de Martin Winckler. Quand je l’avais lu, je crois que c’était la première fois que je lisais un médecin, homme qui plus est, décrire avec autant de justesse le vécu des femmes, leur lien avec leur corps, avec la médecine. Il y a tant à dire sur la prise en charge de la santé des femmes – c’est une thématique qui émerge de plus en plus, mais le chemin à parcourir est encore long. Des violences médicales existent encore trop souvent, héritage d’un certain patriarcat et de préjugés en tous genres.

Dans ce livre, Martin Winckler imagine un hôpital où les femmes sont au cœur de la prise en charge – femmes qu’on soigne, et femmes qui soignent. Un homme entre comme soignant dans cet hôpital, et c’est par son regard et son vécu que l’on découvre cet hôpital atypique. Il y a, comme dans les autres livres de Martin Winckler, toujours beaucoup d’engagement, une défense permanente des femmes. Hélas dans ce livre-ci j’ai trouvé les messages peu subtils, les propositions moins nuancées (presque une somme de caricatures qui sonnaient un peu faux à force d’être accumulées). J’ai préféré m’arrêter vers la page 100 (sur plus de 500), et rester sur le bon souvenir de ma précédente lecture.

S 1-3P.O.L, 562 pages, 21,50€

Policier·Roman

« Un dernier verre avant la guerre » de Dennis Lehane

81Jg5x-ejBL._SY466_Aurais-je abordé ce livre de la même manière s’il ne m’avait pas été recommandé ? Probablement pas. Il y a des livres que l’on ouvre avec un a priori positif, parce qu’on nous en a parlé en bien, parce qu’on a envie de se dire qu’on va aimer cette lecture nous aussi.

Heureusement – et j’en viens au fait – cette lecture a été à la hauteur de mes attentes ! C’est le premier tome d’une série consacrée aux détectives Patrick Kenzie et Angela Gennaro, installés à Boston (dans un clocher, bizarrerie de l’histoire).

Si vous avez l’habitude de lire mes chroniques, vous vous dites peut-être : détectives + duo + série = cosy mystery.

Pas du tout.

Ici on est loin des quiches empoisonnées et des jalousies de village. Ici on est dans le glauque, le poisseux, l’Amérique sombre des années 1990. D’ailleurs j’ai trouvé le début un peu daté, avec des détails qui créent une ambiance de vieux film noir, où des politiques véreux font appel à des détectives pour retrouver des documents volés par une femme de ménage. Dans l’Amérique décrite ici, c’est avant tout un combat de classes, les puissants contre les modestes, les Blancs contre les Noirs.

Les deux personnages principaux ne sont pas spécialement sympathiques : lui est désabusé (au début du livre on ne sait pas trop dans quel camp il joue) ; elle est une femme battue dont on ne comprend pas l’absence de révolte. Mais j’ai fini par m’attacher à eux, aux blagues acerbes de Patrick, aux erreurs d’Angela (bien qu’il multiplie les liaisons, Patrick est amoureux d’elle, et elle devient attachante à travers ses yeux à lui).

Il y a quelques scènes assez violentes pendant les affrontements entre gangs de rue ; j’ai lu ces quelques pages en diagonale pour ne pas trop m’y attarder. Tout le reste du roman est bien construit, avec des messages de fond, et un bon équilibre entre la noirceur du récit et parfois des petites pointes d’humour noir qui nous arrachent un sourire et laissent une trêve de quelques pages au lecteur.

Je sais déjà que je lirai le prochain tome (je l’ai déjà réservé à la bibliothèque…), et dans tous les cas je ne regrette pas d’avoir suivi ce conseil de lecture !

S 3-3Rivages, 352 pages, 9,65€

Roman

« Perspective(s) » de Laurent Binet

Capture d’écran 2024-09-29 202901J’étais très intriguée par ce roman dont j’ai souvent vu passer la couverture dans des chroniques de lecteurs. L’histoire se passe à Florence (raison de plus pour me laisser séduire) en 1557. Un célèbre peintre, commandité pour décorer une chapelle, est retrouvé assassiné. Cela faisait des années qu’il travaillait dans le plus grand secret sur cette fresque, alors les suspects ne manquent pas : des religieuses choquées par les peintures de nu, un comparse peintre, un noble…

La bonne idée de ce roman est d’être un mélange de roman épistolaire et d’enquêtes. Les lettres que s’échangent les différents personnages permettent d’identifier progressivement les suspects et de comprendre quelles auraient pu être leurs motivations – jusqu’au dénouement, qui n’est pas totalement inattendu.

J’ai plusieurs fois confondu ou oublié des personnages et ai été obligée de me référer à la quatrième de couverture pour reprendre le fil. J’ai aussi regretté quelques longueurs dans le dernier tiers du roman, et ai fini par m’ennuyer – dommage !

La partie qui explicite le titre « Perspective(s) » est très intéressante, mais hélas elle est arrivée trop tard dans ma lecture et n’a pas suffi à me faire changer d’avis sur l’ensemble du livre.

S 1-3Grasset, 304 pages, 21,50€

Roman

« Le Silence et la Colère » de Pierre Lemaitre

Capture d’écran 2024-09-25 141931S’il y a bien un auteur dont je conseille tout le temps les romans, c’est Pierre Lemaitre. Depuis ses romans noirs jusqu’à la trilogie « Les enfants du désastre » (contenant l’excellent « Couleurs de l’incendie »), j’ai lu à peu près tous ses romans.

Dans « Le Silence et la Colère », on retrouve la famille Pelletier déjà présente dans « Le Grand monde ». Les deux romans peuvent se lire indépendamment, mais ne vous privez pas de les lire dans l’ordre pour apprécier encore plus la singularité des personnages. Il y a Louis, le patriarche (ou du moins est-ce ainsi qu’il se voit) ; François le fils sérieux, journaliste ; Hélène, photographe et pigiste ; et Jean, dit Bouboule, marié à la tyrannique Geneviève. Chaque personnage a de l’épaisseur, chacun à lui seul pourrait porter un roman entier, tant l’auteur développe bien les intrigues autour d’eux. Tout est passionnant à lire : les doutes de François sur l’identité de sa compagne ; l’enquête d’Hélène dans un village promis à la destruction, sa grossesse non désirée à une époque où l’avortement était pénalement répréhensible ; Bouboule, son magasin et ses « dérapages » ; le patriarche et sa lubie de pèlerinage en famille… Et puis Geneviève, terrifiante, mesquine, et ridicule à la fois – elle est le ressort tragique et comique de cette saga. Tout, vous dis-je, tout m’a happée dès la première page et jusqu’à ce que je referme le livre. Il est difficile de résumer un tel roman, dense, bien construit, avec plein de ramifications ; alors faute de mieux, je n’ai qu’un mot : foncez !

S 3-3Calmann-Lévy, 592 pages, 23,90€ (existe aussi en format poche)

Roman

« Trust » de Hernan Diaz

152855_couverture_Hres_0Petite déception sur ce roman, sur lequel j’avais pourtant lu d’enthousiastes avis.

Début XXième siècle, dans l’Amérique conquérante et audacieuse, Andrew est un financier à qui tout réussit. Sa fortune est immense, et lui est aussi respecté que craint. Mais derrière la réussite financière, sa vie personnelle auprès de sa femme Mildred n’est pas aussi rose – car celle-ci est gravement malade.

Et soudain le roman bascule sur une toute autre histoire.

Il faut attendre une bonne moitié du roman pour comprendre où l’auteur veut en venir. J’ai eu un moment d’incompréhension dans ma lecture, perturbée par des chapitres sans lien. Je me disais bien que les pièces du puzzle s’assembleraient à un moment pour donner un sens à l’ensemble, mais j’ai été trop perdue dans ma lecture pour retomber sereinement sur mes pieds. Le dernier tiers du roman, quand les choses prennent place, devient alors beaucoup plus intéressant, même si je n’ai pas trouvé l’ensemble révolutionnaire.

S 1-3Points, 406 pages, 10,20€. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nicolas Richard

En anglais·Roman

« American Royals (tome 2) : Majesty » de Katharine McGEE

majestyMon défi lecture de l’été était de sortir du fond de ma PAL un roman en anglais, acheté il y a longtemps, et reposé rapidement après seulement quelques pages lues. Défi relevé avec la lecture de « American Royals »… et je devrais même dire que le défi a été doublement relevé, puisque j’ai poursuivi avec la lecture du deuxième tome de la série.

Ce deuxième opus est aussi réussi que le premier. On y retrouve bien sûr Beatrice, dans son nouveau rôle de Reine (oui oui) des Etats-Unis ; sa sœur la turbulente Samantha, son frère Jefferson qui fait tourner les têtes, la timide amie Nina et la détestable Daphne Deighton qui rêve d’intégrer la famille royale.

La bonne idée qui apporte un vent de nouveauté sur l’histoire est l’arrivée de nouveaux personnages secondaires, qui complexifient l’histoire (il faut aimer les histoires de triangles amoureux dans ce tome ! ) ; en effet, Daphne veut éloigner Nina de Jeff en la jetant dans les bras de son meilleur ami (Ethan) ; Sam veut rendre jaloux Teddy (le futur roi) avec l’aide de Marshall ; et Beatrice a vu Connor, son premier amour, disparaître du jour au lendemain à l’annonce de son mariage. Ça a l’air un peu compliqué raconté comme ça, mais l’histoire est suffisamment bien menée pour ne jamais perdre le lecteur dans ces jeux de dupes. Le roman est plein de fraîcheur et d’énergie, les chapitres avancent bien (il se passe toujours quelque chose qui fait progresser l’histoire) ; Beatrice est parfaite dans son rôle de jeune reine, sa sœur est complètement décalée dans un univers très rigide, leurs amoureux sont parfaits dans leurs rôles, et on adore même détester la peste Daphne.

Au passage, la modernité du roman est aussi portée par les jolis personnages féminins, notamment Beatrice en première Reine des Etats-Unis.

J’ai hâte de lire le prochain tome !

S 3-3Penguin Random House, 370 pages

En anglais·Roman

« American Royals (tome 1) »  de Katherine McGee

Capture d’écran 2024-08-10 165438Il y a bien longtemps (2 ans, peut-être), j’étais très motivée pour essayer de lire un roman en anglais (après plusieurs tentatives infructueuses). J’avais opté pour un roman « young adult » qui me semblait plus accessible : « American Royals ». J’avais même acheté les 2 tomes (motivée, vous disais-je).

Je ne suis même pas arrivée à la page 10 du premier tome, qui est allé dormir sur une étagère…

Et me voilà, au début de cet été, remotivée pour repartir à l’assaut de ce roman !

Les premiers chapitres ont été assez durs à lire, mais ma grande victoire de cet été sera d’être allée au bout des 440 pages ! Je suis même prête à attaquer le deuxième tome !

L’histoire, maintenant. L’auteure imagine que Georges Washington (premier Président des Etats-Unis) avait en réalité créé une monarchie. Le roman se déroule de nos jours, et l’on suit les aventures (surtout sentimentales) des trois enfants du roi actuel.

Béatrice, l’héritière, est amoureuse de son garde du corps – mais ses parents lui préparent un mariage arrangé. Samantha et Jefferson, ses cadets, jumeaux, sont eux aussi amoureux, mais pas des bonnes personnes non plus… Ajoutez à cela une peste qui veut devenir princesse et une roturière complexée qui ne trouve pas sa place, et vous aurez le tableau complet.

Il y a plein de références évidentes à la monarchie anglaise (la rebelle tante Margaret, les tabloïds, etc) et on réalise à peine que l’histoire se déroule aux Etats-Unis. Je pensais que le contexte américain serait beaucoup plus exploité dans l’histoire, c’est le seul bémol que je mets. Sinon, c’est léger et rafraîchissant, avec quelques parenthèses plus sérieuses sur la place des femmes dans les instances de pouvoir, ou encore le poids des traditions ancestrales.

S 3-3Penguin Books, 440 pages

Roman

« Les adieux à la villa aux étoffes » (tome 6) d’Anne Jacobs

9782264083937ORIJ’ai toujours un petit pincement dans mon cœur de lectrice quand je sais que j’aborde un dernier tome, surtout quand c’est une série que j’ai autant aimée que « La villa aux étoffes ».

J’avais quitté la famille Melzer dans les tourments de la Seconde Guerre mondiale, alors que Marie (l’héroïne et épouse du directeur de l’usine de textile) avait émigré aux Etats-Unis pour fuir l’Allemagne nazie. Au début de ce tome, j’ai été un peu déstabilisée, ayant perdu mes repères sur la nouvelle génération (les enfants de Marie et leurs cousins), jeunes adultes face à la guerre, et dont j’avais pour certains oublié jusqu’à leurs prénoms, davantage concentrée sur les histoires de leurs parents…

Mais j’ai vite retrouvé le fil de l’histoire. C’est d’ailleurs une des grandes qualités de cette série que de toujours bien resituer les personnages pour le lecteur – et ils sont nombreux, les personnages, entre la famille au cœur de l’intrigue, les domestiques, les amis et les ennemis…

Ne lisez pas la quatrième de couverture, qui va trop loin dans le résumé, et profitez juste de retrouver les héros de cette histoire attachante. Le récit des réactions de chacun face à la guerre sonne toujours juste, sans caricature ni facilité. Tandis que Paul perd peu à peu tout contrôle sur l’usine familiale, Dodo sa fille est devenue une aviatrice hors paire. Klippstein est plus détestable que jamais – mais on découvre aussi ses failles. Quant aux domestiques, ils ancrent le récit dans la gestion du quotidien (l’approvisionnement, l’hébergement), qui font aussi partie du charme de ces romans. On tremble, on sourit, on serre les dents… jusqu’à la dernière page.

S 3-310/18, 624 pages, 10,10€

Roman

« L’affaire Agatha Christie » de Nina de Gramont

9782266333146ORIJe ne peux pas lire « tous » les livres qui sortent autour de Agatha Christie… ils sont trop nombreux ! Mais je me laisse souvent tenter, quand même… Et ce roman, qui surfe sur le mystère de la disparition de la célèbre auteure pendant quelques jours, a évidemment fini un jour dans ma PAL…

Autant le dire tout de suite : Agatha Christie est en grande partie un prétexte à l’histoire, puisque le roman raconte surtout la vie de… la maîtresse du mari d’Agatha Christie. Alors bien sûr, le parti pris de ce roman est de montrer en quoi cette femme a causé le départ d’Agatha Christie, mais l’essentiel du roman tourne bel et bien autour de la maîtresse plutôt que de l’auteure.

L’histoire reste intéressante et raconte le passé de cette femme (Nan), les épreuves qu’elle a vécues, et son amour de jeunesse ; mais aussi, au fil des chapitres, comment et pourquoi elle est arrivée dans la vie d’Archibald Christie. C’est Nan, d’ailleurs, qui est la narratrice du roman (même s’il y a parfois des maladresses dans la narration, des passages où elle parle d’elle à la troisième personne…). Le regard qu’elle porte sur Agatha Christie met plutôt en valeur la romancière, et le personnage de Nan, qui pourrait n’avoir « que » le mauvais rôle, suscite finalement la compassion du lecteur.

Certains éléments des derniers chapitres sont assez surprenants – voire pas crédibles. Il faut donc aller au-delà de toutes ces réserves pour profiter du roman, qui le mérite pourtant car l’écriture est à la fois efficace et rythmée, et l’histoire intéressante.

S 2-3Pocket, 448 pages, 9€

Roman

« 555 » d’Hélène Gestern

G08083_555_CV.inddJe ne sais pas si je serais allée spontanément vers ce roman dont le titre n’était pas assez évocateur pour moi, mais j’ai lu une chronique si enthousiaste sur ce livre que je l’ai acheté dans les jours qui ont suivi.

L’histoire est celle de deux amis artisans, qui partagent un atelier. Lorsqu’un client lui confie un bel étui de violoncelle à restaurer, Grégoire ne s’attend pas à trouver, cachée dans la doublure, une partition. Et pas n’importe quelle partition : elle pourrait être une partition inédit de Scarlatti, le génial compositeur italien du XVIIIe siècle.

Vont alors graviter, pour des raisons plus ou moins honnêtes, une belle galerie de personnages autour de cette partition : ceux qui voudront la vendre, ceux qui voudront l’acheter, ceux qui voudront simplement la jouer, pour l’amour de l’art…

Le roman commence comme une enquête (pourquoi et comment cette partition s’est-elle retrouvée là ? Est-elle vraiment une partition originale de Scarlatti ?), mais l’histoire va bien au-delà. Les personnages, avec leurs blessures de vie, apportent chacun un regard et des attentes différentes sur cette partition. Et je me suis retrouvée, lectrice, comme une petite souris dans les coulisses d’une représentation, à l’affût de tout ce qui peut fasciner dans la musique : dans l’atelier des artisans, dans le salon d’une concertiste, dans une salle de concert… les lieux étaient très visuels et je m’y sentais immergée. En proposant des personnages contrastés (d’âges différents, de parcours différents), l’auteure montre aussi comment une même œuvre peut avoir des retentissements différents.

La fin est un tout petit peu longue à mon goût, et le dénouement largement prévisible, mais le roman n’en est pas moins très réussi.

S 3-3Folio, 9,90€