Roman

« La lucidité » de José Saramago

Capture d’écran 2025-07-09 072923Abandonner la lecture d’un roman sans l’avoir terminé a longtemps été impossible pour moi. Par une sorte de respect pour l’auteur, par optimisme aussi (en me disant que l’histoire finirait bien par s’améliorer), je me suis longtemps astreinte à lire jusqu’à la dernière ligne, même quand j’y passais des heures d’ennui. Ce n’est que l’immensité des œuvres merveilleuses qui m’attendent qui a fini par me faire renoncer au supplice de la lecture par obligation. Désormais, même si je continue à m’accrocher autant que possible, j’accepte de poser un livre qui ne me plaît pas.

Mais quant à abandonner la lecture d’un roman écrit par un Prix Nobel de littérature, c’était encore un autre niveau de renoncement… Pourtant c’est ce que j’ai fini par faire (vers la page 150) avec ce roman que j’avais pourtant choisi, dont le sujet me plaisait, et que j’avais hâte de découvrir.

Ce qui m’avait plu ? Un roman qui pourrait presque être qualifié de roman d’anticipation, sur un sujet politique. Imaginez : lors d’élections dans la capitale d’un pays (que l’auteur finit par citer, à savoir le Portugal, mais qui pourrait être transposé dans beaucoup d’autres pays), 80 % des électeurs ont voté blanc.

Le phénomène est inexpliqué : journalistes et experts peinent à comprendre la motivation des électeurs et à déterminer les ressorts communautaires qui auraient pu jouer – et qui semblent inexistants, comme si seul le hasard avait abouti à cette situation.

Si rien d’illégal n’a été commis par ces électeurs, le résultat de l’élection crée cependant un désordre sans précédent dans le pays, et bientôt l’état de siège est décrété.

Voilà où je me suis arrêtée.

Ce qui m’a gênée dans ma lecture ? D’abord le style assez perturbant, de longues phrases incluant des dialogues sans tirets ni guillemets. Au début, cela donne du rythme, étonne, se différencie de ce que je lis d’habitude ; mais j’ai fini par trouver cette syntaxe trop difficile à suivre sur la durée. Ensuite j’ai trouvé que l’histoire ne progressait pas assez, voire tournait en rond : personne ne comprend ce qui s’est passé, et les politiques se perdent en conjectures, plans, etc, qui se répètent au fil des pages.

J’aurais aimé connaître le dénouement, mais peut-être n’y en a-t-il pas…

Pour cette fois en tout cas, c’est sans regret que je referme le livre à mi-parcours.

S 1-3Points, 384 pages, 7,80€

En anglais·Roman·Young adult

« American Royals (tome 3) : Rivals » de Katharine McGee

Capture d’écran 2025-07-06 154643J’avais quitté la famille royale d’Amérique (oui vous avez bien lu) en août dernier. J’avais vaguement commencé la lecture de ce troisième tome, avant de le poser pendant de longs mois… et de le reprendre ces jours-ci.

Beatrice, la nouvelle reine des Etats-Unis, préside cette année la conférence mondiale qui réunit les princes et rois du monde entier. Attention avalanche de nouveaux personnages dans les premiers chapitres ! C’est d’ailleurs ce qui m’a éloignée de cette série que pourtant j’aime beaucoup. Je ne retrouvais pas dans le début du roman ce qui m’avait plu dans les précédents – même si c’est amusant de découvrir l’héritière du trône français, une Bourbon, ou l’héritier Romanov, dans une ambiance Tournoi des Trois Sorciers digne d’Harry Potter (en moins impressionnant, quand même).

Tandis que Beatrice tente de s’imposer en tant que jeune reine, les coulisses de la royauté continuent de s’agiter autour de sa sœur Sam, amoureuse d’un duc qui devra renoncer à son titre pour l’épouser ; et autour de son frère Jeff, dans un étonnant triangle amoureux aux multiples rebondissements. Le centre de gravité de la série se déplace d’ailleurs dans ce tome : Beatrice apparaît davantage au second plan, tandis que Sam prend toute son ampleur, et que les prétendantes de Jeff créent tout le romanesque de l’histoire. En effet, la peste Daphne et la naïve Nina, toutes deux amoureuses de Jeff, et ennemies jurées depuis deux tomes, décident de s’allier contre une troisième rivale – ce n’est pas du tout crédible et j’ai regretté la transformation de Daphne, que j’ai adoré détester dans les précédents tomes.

Si le début manque un peu de rythme, j’ai finalement bien aimé le reste de l’histoire (avec pas mal de rebondissements dans le dernier quart). Comme dans les précédents tomes, la place des femmes, le racisme, le poids des traditions, sont abordés avec intelligence, ce qui fait de ce roman young adult un livre qui parlera aussi à un public plus large.

S 3-3Penguin, 400 pages, $19.99

Fantasy·Roman

« Roman de Ronce et d’Épine » de Lucie Baratte

Qui a dit que les contes étaient réservés aux enfants ? C’est (encore une fois) au Festival du livre de Paris que j’ai découvert ce petit bijou atypique. Autant le dire tout de suite, pour apprécier ce texte vous devez renoncer à vouloir tout comprendre et tout expliquer, et vous laisser porter par un récit d’abord… Lire la suite « Roman de Ronce et d’Épine » de Lucie Baratte

Roman

« Aux cabanes » de Bertrand Touzet

Capture d’écran 2025-06-15 154851Je garde un souvenir très précis d’un précédent roman de Bertrand Touzet : non pas des détails de l’histoire (j’en lis beaucoup…) mais de l’impression de grande humanité et de grande justesse que m’avait fait ce livre. Avec « Aux cabanes », j’ai spontanément envie d’utiliser les mêmes qualificatifs.

A l’approche de la quarantaine, Mathilde est en pleine introspection. Engluée dans une n-ième relation sans avenir, elle part s’isoler aux « Cabanes », une petite maison familiale au bord de la mer. C’est l’occasion pour elle de se questionner sur les choix importants de sa vie, et de se poser sur son passé.

Dès les premières pages, il se dégage de ce texte beaucoup de sensibilité, et je m’émerveille toujours de voir un auteur masculin écrire avec autant de justesse sur un personnage féminin.

A noter, il y a presque un récit « parallèle », car Mathilde est dessinatrice accréditée dans les procès d’assises – et l’auteur démontre sa capacité à écrire avec humanité sur une multitude de sujets. Si une partie de l’histoire se passe dans le sud de la France, Paris est aussi très présente dans le récit : le Paris village de carte postale tout autant que le Paris des attentats.

S 3-3Presses de la cité, 288 pages, 21€ (service de presse)

Fantasy·Roman

« Le sang de la cité » de Guillaume Chamanadjian

imageLa couverture est magnifique…

Voilà quoi ça tient, parfois, de choisir un livre… le repérer parmi des milliers d’autres au Festival du livre de Paris, le garder en tête, pour plus tard…

Ce qui m’impressionne dans les romans de fantasy, c’est la capacité de leurs auteurs à créer des univers entiers, un langage à part, des références qui nous sont étrangères quand on commence la lecture et qui peu à peu nous deviennent familières. Ici, c’est la cité de Gemina qui est le décor où cohabitent plusieurs maisons, dont la Caouane. Nox en est un digne représentant : intrépide livreur qui travaille au service d’un marchand de vin, il parcourt la cité en tous sens, connaît tout le monde, et se faufile dans toutes les rues. Mais les rivalités sont nombreuses et Nox se retrouve au coeur de négociations et de guerres entre maisons.

J’ai aimé ce personnage vif, malin, qui navigue avec aisance dans le monde. Les personnages féminins sont intéressants aussi : la toxique Daphné, la talentueuse Aussilia, la maline Guenessia.

Ce tome est le premier d’un cycle divisé en deux thématiques (Capitale du Sud / Capitale du Nord), chacune comptant trois tomes. Tous les tomes sont reliés par jeu, la Tour de garde (que j’ai imaginé, à ce stade de ma lecture, être une sorte de jeu d’échecs), et les liens précis entre les tomes restent à explorer dans de futures lectures.

S 3-3Aux Forges de Vulcain, 416 pages, 20€ (service de presse)

Roman

« Si j’étais toi » de Cesca Major

Capture d’écran 2025-05-30 172453La couverture est un peu trompeuse, et laisse présager un roman plus léger et sentimental qu’il ne l’est – tous les romans qui parlent de couples de sont pas forcément niais, et celui-ci en est une preuve.

Certes le point de départ a déjà été lu ou vu dans d’autres histoires : un couple (pas très heureux) se retrouve dans une situation improbable – l’homme a pris l’apparence de la femme, et réciproquement.

Amy, qui a du mal à s’engager avec Flynn, se retrouve donc dans la peau de celui-ci, qui vient de lui proposer d’emménager ensemble et qui s’apprête à la demander en mariage. Or tous les deux se rendaient au week-end de mariage de la sœur d’Amy. Flynn, dans le corps d’Amy, va donc devoir se débattre avec les robes, le hammam entre copines, et les relations entre sœurs. Amy, quant à elle, aura quelques déconvenues sportives dans le corps de Flynn. Mais surtout, chacun va découvrir des morceaux du passé de l’autre qu’il ne soupçonnait pas.

Peut-on aimer quelqu’un quel que soit son passé ? A-t-on besoin de tout savoir de l’autre pour le connaître vraiment ? Autant de questions traitées en filigrane dans ce roman qui, malgré un point de départ évidemment pas crédible, se révèle assez juste dans l’exploration des sentiments et la complexité d’un couple.

L’écriture est agréable, le récit alterne quelques scènes cocasses avec d’autres plus émouvantes, et le tout forme un sympathique roman sur les relations de couple.

S 3-3Le Cherche-Midi, 408 pages, 23€ (service de presse)

Roman

« Prince Otto » de Robert Louis Stevenson

8761.1742220925Si j’avais lu ce texte sans en connaître l’auteur, je n’aurai jamais pu deviner qu’il avait été écrit par Robert Louis Stevenson – on est bien loin de « L’île au trésor » ou de « L’étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde ». Si vous avez des souvenirs de lectures imposées au collège, laissez-les de côté et faites-vous une nouvelle opinion de l’auteur à travers ce texte.

Je ne sais pas si je dois qualifier ce livre de « roman », tant il s’apparente davantage à une fable. Otto est le prince d’un royaume imaginaire, situé quelque part vers l’actuelle Allemagne, et vit coupé de ses sujets. Son règne est entaché par la liaison que sa femme entretient avec son principal ministre – ce qui fait de lui un pantin dans son propre royaume. Lorsque l’occasion se présente d’échanger en direct avec ses sujets, il découvre comment son peuple le perçoit… et il devra défendre, argument par argument, ses choix et ses positions.

Le début est très prenant, l’intrigue commence dès la première page, et je me suis amusée à suivre les péripéties d’Otto face à l’intransigeance de ses sujets. Le rythme s’essouffle ensuite un peu, une fois la « mécanique » bien huilée. Mais j’ai trouvé ce texte très accessible et d’une modernité surprenante : bien qu’écrit il y a 140 ans, je n’ai pas pu m’empêcher de faire un parallèle avec notre société actuelle, où les apparences sont trompeuses, où les jugements se font sur la base de nos bouches à oreilles contemporains que sont les réseaux sociaux. Je suis toujours frappée de constater que, dans nos classiques de littérature, tant de choses sont déjà écrites…

S 2-3Les Belles lettres, 288 pages, 23,90€ (partenariat)

Roman

« Un avenir radieux » de Pierre Lemaitre

Capture d’écran 2025-05-08 171351J’avais à peine lu la première page de ce roman que je savais déjà que j’allais y retrouver tout le plaisir de lecture que j’éprouve à la lecture de chaque roman de Pierre Lemaitre. Dire que j’ai eu un coup de cœur en lisant un roman de Pierre Lemaitre deviendrait presque une lapalissade.

Il y a toujours dans son écriture un style à part, presque parlé, raconté (d’ailleurs j’adore les versions audio de ses livres quand il les lit lui-même), un phrasé inimitable, et puis cette incroyable capacité à créer une galerie de personnages consistants, riches de détails, terriblement humains. J’ai adoré ce roman, et l’auteur reste définitivement sur le podium de mes auteurs préférés.

On sent comme dans ses précédentes fresques historiques un soin tout particulier apporté aux détails, au contexte, et cela donne un réalisme qui fait que l’histoire d’une famille presque banale (les Pelletier) en fait une saga symbolique de son époque.

En pleine Guerre froide, François, journaliste et deuxième fils de la famille Pelletier, est recruté comme espion et doit partir à Prague. Jean, le fils aîné, est en passe de devenir enfin un patron reconnu. Hélène, la seule fille de la fratrie, propose une émission de radio novatrice. Les enfants Pelletier sont au cœur de ce troisième tome de la saga « Les Années glorieuses ».

Il y a aussi la nouvelle génération, et en première ligne les enfants de Jean et de la terrible Geneviève : Colette, l’enfant aux multiples traumatismes ; Philippe le petit prince de sa mère. Geneviève quant à elle est toujours aussi fourbe, et ses prévisions astrologiques sont le ressort comique de ce tome.

Il en faut du talent pour être capable de donner chair à tous ces personnages, pour parler avec justesse de la mentalité des années 1950, des rapports de couple, de l’angoisse de la mort, et de se mettre dans la tête d’un enfant, d’une femme sourde, d’un homme faible, d’une femme forte, d’un ancien combattant de la Première Guerre mondiale, d’industriels… Quelle galerie de personnage, tous aussi réussis les uns que les autres !

Ce roman peut sans doute se lire indépendamment des deux premiers tomes, mais ce serait tellement dommage. Lisez « Le Grand monde », lisez « Le Silence et la colère », avant de lire celui-ci. Je croyais que ce tome serait le dernier de la saga, j’apprends avec bonheur qu’il y en aura un quatrième, déjà annoncé pour janvier 2026.

S 3-3Calmann-Lévy, 592 pages, 23,90€

Roman

« La Louisiane » de Julia Malye

Capture d’écran 2025-05-02 170855Il y a des romans dont chaque chapitre est un petit coup de poing, et ce roman-ci en fait partie. C’est un roman de femmes, ou plutôt un roman sur des parcours de femmes. Elles sont de toutes jeunes filles (quinze ans parfois) à quitter en ce jour de 1720 la Salpêtrière, embarquées plus ou moins malgré elles dans un bateau qui va traverser l’Atlantique. Orphelines, avorteuses, criminelles : leurs passés chargés avaient fait d’elle des prisonnières dans cette institution qu’est la Salpêtrière. Alors l’exil vers la Louisiane pourrait être un nouveau départ. On attend d’elles qu’elles deviennent des épouses pour les colons qui y sont installés, et bien sûr des mères de famille.

Mais ce « nouveau départ » se transforme vite en cauchemar. Je m’attendais, à la lecture de la quatrième de couverture, à un parcours de résilience et à une lumière au bout du chemin. Mais il est question de viols, de mariages forcés, de femmes battues… rares sont celles qui trouveront un peu de salut. L’ambiance est pesante, et si j’ai aimé cette lecture, j’ai parfois dû la poser (surtout le soir avant de dormir !). Certains passages sont elliptiques et comme les filles, une fois mariées, changent de nom, il m’est arrivé de me perdre un peu dans leurs vies.

Ce roman raconte aussi (j’allais dire : surtout) l’éternelle douleur des femmes, leurs luttes pour ne pas être enceintes, leurs luttes pour le devenir plus tard (le personnage de Geneviève, la « faiseuse d’anges », est central dans le livre), la violence que les hommes leur imposent… Ce qui m’a frappée dans ce livre, c’est le manque d’amour…

N’oubliez pas de lire la postface de l’auteure pour comprendre ses sources d’inspiration, et mesurer, s’il en était besoin, le travail de huit années de recherches qui a permis d’aboutir à ce roman historique.

S 3-3Le Livre de poche, 576 pages, 10,40€

En anglais·Roman

« Gatsby le magnifique » de Francis Scott Fitzgerald

8758.1740652207« Un classique est un livre que tout le monde voudrait avoir lu, mais que personne ne veut lire » disait Mark Twain.

« Gatsby le magnifique » faisait pour moi partie de ces romans dont j’avais maintes fois entendu parler, sans jamais m’y confronter. C’est la jolie édition bilingue que les éditions « Les Belles lettres » m’ont proposé de découvrir qui m’a donné envie de lire enfin ce texte.

J’ai lu le roman essentiellement en français, mais je me suis référée plusieurs fois au texte originel – en particulier parce que la traduction proposée ici est celle de 1926 et il me semble (bien que n’étant pas traductrice) que certaines tournures de phrases ou expressions seraient traduites différemment aujourd’hui.

Nick Carraway s’est installé à New-York, dans le West Egg, et vit modestement à côté de son voisin – le fameux Gatsby – qui est plutôt flambeur et donne régulièrement de somptueuses fêtes. La cousine de Nick, Daisy, est mariée à Tom, archétype de l’Américain moyen de l’entre-deux guerres, qui n’est pas rendu sympathique au lecteur. Si le début du roman s’étale en bavardages de voisinage, mesquineries, et autres heures d’ennui, on découvre progressivement des liens entre personnages, et l’histoire prend son envol.

J’ai trouvé le texte assez daté – dans le sens où on situe facilement l’endroit, l’époque, avec des marqueurs très forts qui ont ancré dans mon esprit une image très nette des personnages. Les échanges entre les personnages, leur mentalité, les pensées des femmes, les attitudes des hommes, reflètent une époque.

Il y a quelques passages un peu trop elliptiques à mon goût, même si l’histoire n’en pâtit pas au final. La deuxième partie du roman est plus sombre, c’est la partie où l’ordre établi se retrouve bousculé définitivement.

Voilà donc un classique que je suis contente d’avoir lu !

S 2-3Les Belles lettres, édition bilingue Anglais-Français, 362 pages, 15,90€ (partenariat)