Audio·Roman

« Entre la source et l’estuaire » de Grégoire Domenach

Capture d’écran 2023-06-03 071250Sur le Doubs, un homme navigue avec son père. Il a un bateau à vendre ; il ne fait que passer. Mais dans un village, il est intrigué par un homme, taiseux, défiguré, sur lequel courent beaucoup du rumeur. Etrangement, cet homme, Lazare, accepte de se confier et de lui raconter les événements qui ont fait basculer sa vie et l’ont mis au ban de son village.

Dès le début du roman, j’ai été intriguée par ce personnage, Lazare, qui semble impressionnant voire dangereux, et qui révèle au fil du texte une vraie profondeur dans les sentiments et dans son rapport à la vie. Histoire a priori classique d’un triangle amoureux infernal et destructeur, la réussite du roman réside dans les portraits des personnages et dans quelques rebondissements bien amenés qui captivent le lecteur. Dès le début de l’écoute, je n’ai pas pu lâcher ce livre audio avant de savoir ce qu’il allait advenir de Lazare et des autres protagonistes.

Le récit à double narrateur (le navigateur qui raconte sa rencontre avec Lazare, et Lazare qui raconte son passé) est bien construit et donne beaucoup de rythme à l’écoute.

Découvrir ce roman en version audio permet de se laisser porter par la voix de Stéphane Varupenne, comme on se laisserait porter par le courant de la rivière. D’une histoire personnelle, intime, Grégoire Domenach fait un récit sensible et profond, mélancolique, qui interroge sur des thèmes universels comme la passion ou ce qu’il reste de nous après la mort.

S 3-3Audiolib, lu par Stéphane Varupenne, 4h33 d’écoute, 21,90€ en version CD

Roman

« Champollion l’Egyptien » de Christian Jacq

CHAMPOLLION_OK_CV-1-977x1536Sans nul doute, c’est la médiatisation de l’exposition sur « Ramsès II » qui m’a donné envie de me plonger dans un roman qui parle d’Egypte. Naturellement, un peu par facilité, mon choix s’est orienté vers un romancier connu pour ses nombreux ouvrages sur l’Egypte, et j’ai choisi son roman le plus célèbre. Avec « Champollion l’Egyptien » de Christian Jacq, je pensais partir sur les traces du premier à avoir traduit les hiéroglyphes – et donc je pensais que le livre m’éclairerait sur sa méthode, ses découvertes, son cheminement intellectuel.

Mais ce n’est pas du tout le thème de ce roman.

Le lecteur accompagne Champollion dans son voyage en Egypte, où il est censé « tester » en conditions réelles sa théorie sur le décryptage des hiéroglyphes. C’est donc plutôt un roman de voyage, sur une expédition pleine de pièges, où les ennemis sont nombreux à se dresser sur la route de Champollion. Un chercheur en minéralogie, un dessinateur, un prêtre censé surveiller Champollion, et une mystérieuse femme ambiguë complète l’expédition.

J’ai trouvé toute la première moitié du roman assez fastidieuse et décevante, avec des dialogues un peu poussifs. Une fois résignée à ne rien apprendre sur la méthode de Champollion et sur la traduction des hiéroglyphes, j’ai accepté que le roman soit un roman de voyage et d’aventures, et j’ai lu la deuxième moitié avec ce nouveau prisme. Il y a quelques passages et réflexions intéressants : sur l’origine du christianisme et sur ce qu’il a pu emprunter aux croyances de l’Egypte ancienne ; sur l’opposition entre préservation des trésors historiques et volonté de faire progresser un peuple vers la modernité.

Mais je suis restée quand même sur ma faim quant au mystère des hiéroglyphes, qui restent tout aussi obscurs pour moi qu’avant de commencer la lecture de ce roman. Dommage !

S 1-3XO Editions, 400 pages, 21,90€

Roman

« Manon des sources » de Marcel Pagnol

9782877065122-001-TLes années ont passé, Manon est devenue une jolie jeune fille de quinze ans, sauvage et libre. Elle garde toujours ses chèvres dans les collines, et évite les contacts avec les villageois des Bastides blanches.

Ugolin s’est enrichi grâce aux oeillets, qu’il cultive grâce à l’eau qui arrive en abondance de la source qui a tant manqué au père de Manon… Peu à peu, Ugolin développe des sentiments pour Manon. Mais les villageois commencent à parler, et si le Papet reste une figure imposante et respectée, il ne dupe plus grand monde sur sa responsabilité dans l’assèchement de la source. Manon, pour se venger, décide de priver à son tour le village de la précieuse eau…

Si l’on dit parfois qu’un film est fidèle au roman, ici c’est inversé car le livre a été écrit après le film de Pagnol, et c’est donc le livre qui est fidèle au film. Et puisqu’il y a eu une autre version dans les années 1990, la boucle est bouclée.

Roman familial, de vengeance, d’amour, d’ambition, ce livre se lit avec le même plaisir que le premier (même si le début est un peu plus lent, la deuxième partie est pleine de rebondissements). L’eau, au coeur du premier roman, est toujours très présente dans celui-ci, de même que les collines nourricières et sauvages. C’est un classique qui a bien mérité ce qualificatif.

S 3-3Grasset, coll Fortunio, 288 pages, 8€

Roman

« Jean de Florette » de Marcel Pagnol

9782877065115-001-TJ’ai vu plusieurs fois, il y a longtemps, les films « Jean de Florette » et « Manon des sources » avec Yves Montand, Gérard Depardieu, Daniel Auteuil, Emmanuelle Béart… Pourtant il a fallu attendre que je regarde la première version de « Manon des sources », avec Jacqueline Pagnol, pour avoir envie de lire les romans.

Au départ, d’ailleurs, il n’existait que le film « Manon des sources », et la genèse avec l’histoire du père (Jean) y est incluse et racontée au passé. Les livres ont été écrits plus tard.

Je pensais tout savoir de l’histoire, et pourtant j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce texte. J’ai aimé cette Provence indissociable de Pagnol, ses figuiers, ses amandiers, et ses vieilles bâtisses. J’ai eu chaud sous le soleil d’août, et attendu avec Jean la pluie salvatrice. C’est un beau texte, qui se lit facilement et dépayse le lecteur dès les premières pages. Les personnages sont fascinants et entiers, solides et simples comme les pierres de leurs bâtisses.

L’histoire est celle de Jean, dit Jean de Florette car sa mère s’appelait Florette. Il hérite d’une vieille maison délabrée, les Romarins, sur les hauteurs du village des Bastides blanches. Or cette maison, si elle n’a guère de valeur, est entourée de terres sur lesquelles Ugolin rêve de faire fortune en cultivant des oeillets. Alors avec son Papet, son vieil oncle, il bouche la source avoisinante, réduisant à la sécheresse la terre de Jean de Florette.

Je n’ai pas pu m’ôter de l’esprit Yves Montand en Papet intransigeant et calculateur, Daniel Auteuil en Ugolin soumis (même si son amitié avec Jean me paraît plus marquée dans le livre) et Gérard Depardieu en Jean de Florette, citadin instruit qui fait des plans et des calculs, et se rêve en fermier.

J’ai tout aimé dans ce livre ; aussitôt refermé, je débute déjà la lecture de « Manon des sources ».

S 3-3Grasset, coll. Fortunio, 288 pages, 8€

Roman

« Retour à la villa aux étoffes (tome 4) » de Anne Jacobs

9782264080646ORI1930. La crise économique fait rage, et oblige les Meltzer à revoir leur train de vie. L’usine ne tourne plus qu’à moitié, l’atelier de Marie accumule les impayés. Paul est au bord de l’épuisement. Lisa est devenue mère plusieurs fois, et a pris la tête de l’organisation de la villa, tandis que Kitty garde son inépuisable enthousiasme.

Les enfants, quant à eux, tracent leurs chemins : Dodo ne rêve que de machines et d’avions, tandis que son frère Leo s’obstine à viser la perfection au piano.

J’ai retrouvé avec plaisir tous les personnages dans ce quatrième tome, heureuse de constater que l’auteure fait grandir doucement les enfants sans en faire tout de suite les personnages principaux. Je n’aurais pas voulu quitter trop vite Marie et Paul, Kitty, Lisa, pour ne suivre que les aventures de leurs enfants. Et l’histoire pourtant ne s’essouffle pas : il se passe toujours quelque chose à la Villa, chez les maîtres ou chez les domestiques – d’ailleurs il y a toujours de beaux personnages aussi dans l’équipe de maison.

600 pages, c’est encore un beau pavé à lire, mais l’histoire est prenante et je ne me suis jamais perdue parmi les très nombreux personnages – pour moi c’est une preuve que c’est bien écrit !

J’arrive au bout des 4 premiers tomes ; il en existe un 5e dont j’attends impatiemment la sortie en poche fin mai pour poursuivre ma lecture !

S 3-3Ed 10/18, 624 pages, 10,10€

Roman

« L’héritage de la villa aux étoffes » (tome 3) d’Anne Jacobs

9782264079084ORIAvant de commencer la lecture de ce troisième tome, je craignais que l’auteure, pour relancer l’histoire, nous fasse faire un bond dans le temps et passe à la génération suivante de personnages (les enfants de Paul et Marie, ceux de Kitty). Mais le roman commence en 1920 (et non 1923 comme le mentionne la 4e de couverture…), dans une relative continuité du précédent. La guerre est terminée ; Paul a repris sa place à la tête de l’usine, et Marie est à peine remerciée d’avoir sauvé l’entreprise familiale. Pour lui trouver une occupation, Paul lui achète un atelier de couture. Mais cela ne suffit pas à apaiser les relations au sein du couple. Entre les complots que mène en permanence la gouvernante des enfants, et le mépris de Paul envers les tableaux de la mère de Marie, c’en est trop : Marie quitte la villa avec ses enfants.

Quant à Elisabeth, exilée en Poméranie, elle ne trouve pas auprès de Sebastian Winckler la réciprocité sentimentale qu’elle avait espérée.

Après un démarrage un peu lent, je me suis à nouveau captivée pour cette famille, ses aventures domestiques et celles de leurs employés. C’est toujours très rythmé, et comme il y a beaucoup de personnages c’est autant de ficelles narratives à exploiter. L’arrivée d’un personnage détestable (la gouvernante) pimente aussi l’histoire – je m’étonnais de ne pas trouver ce genre de personnage dans les deux premiers tomes.

Je suis prête pour le quatrième tome !

S 3-3Ed.10/18, 648 pages, 10,10€

Roman

« Les filles de la villa aux étoffes » (tome 2) d’Anne Jacobs

9782264078148ORIJe me réjouissais de retrouver la famille Meltzer dans ce deuxième tome.

1916. Marie a épousé Paul. C’est une bonne nouvelle et le signe que cette saga ne tourne pas en rond, que l’histoire progresse entre les personnages. Pourtant l’intrigue met un peu de temps à démarrer. Comme j’ai déjà acheté les tomes 3 et 4, j’ai eu un moment de doute et me suis demandé si je ne m’étais pas précipitée dans ces achats…

Mais finalement j’ai aimé ce deuxième tome aussi, en retrouvant Marie, Kitty et Elisabeth face à leurs préoccupations d’adultes, obligées de laisser leurs enfantillages derrière elles quand les hommes partent à la guerre.

La guerre, d’ailleurs, prend une place importante dans ce livre (un peu trop au début surtout, avec le domestique Humbert dont je me souvenais à peine).

Ce roman est une lecture plaisante, dans la tradition des sagas familiales avec des histoires croisées, de beaux personnages (des forts, des lâches, des fourbes,…) et sans caricature. On partage les doutes, les chagrins, et le temps d’une lecture on a l’impression d’être une petite souris se promenant d’un étage à l’autre de cette « villa aux étoffes ». Je lirai le troisième tome, sans hésitation.

S 3-3Ed 10/18, 696 pages, 10,10€

 

Roman

« La villa aux étoffes » (tome 1) d’Anne Jacobs

La-villa-aux-etoffesAmateurs de sagas familiales, ne passez pas à côté de ce roman !

La comparaison affichée par certains romans avec des livres ou séries à succès est monnaie courante, et je m’agace régulièrement de voir des comparaisons avec Agatha Christie ou Downton Abbey qui ne sont basées sur rien de concret – juste des arguments pour vendre…

Mais cette fois-ci, la comparaison avec Downton Abbey est vraiment justifiée ! L’histoire se passe certes en Allemagne, mais sinon de nombreux ingrédients sont réunis : une riche famille, dont on suit les hauts et les bas ; des domestiques qui font partie intégrante de la vie de la maison ; et les destins qui se croisent entre ces deux mondes.

Alors bien sûr, il y aussi plein de divergences ; en particulier la famille Meltzer n’est pas aristocrate mais une famille d’industriels. Quelques mots, d’ailleurs, sur cette famille. Johann, le patriarche, est à la tête de l’usine de tissus qui a fait sa fortune, et n’entend pas laisser sa place trop vite à son fils Paul, qu’il juge bon à rien. Paul a deux sœurs, aussi différentes que le jour et la nuit : Kitty, de consistance fragile, est une artiste fantasque ; tandis qu’Elisabeth est la plus raisonnable – mais aussi celle à qui on accorde moins d’attention.

Ce petit monde où les chamailleries sont fréquentes est bousculé par l’arrivée de Marie, une nouvelle domestique que Johann Meltzer cherche à aider, tout en affichant une hostilité permanente à son égard.

Ce roman, premier d’une série de cinq, est un joli pavé de plus de 600 pages, mais je ne me suis pas ennuyée un seul instant ! J’ai aimé suivre ces personnages, leurs petits défauts, leurs secrets, et je suis prête à lire le deuxième tome !

En 2022, j’avais lu avec frénésie les six tomes de « Blackwater » et, dans un style très différent (et beaucoup plus de pages !), me voici prête à lire toute cette série. J’imagine déjà suivre la famille Meltzer sur plusieurs générations, mais je garde la surprise et ne lirai pas les résumés.

En avant pour le deuxième tome !

S 3-310/18, 648 pages, 10,10€

Roman

« Les filles d’Egalie » de Gerd Brantenberg

LesFillesDEgalie_PLAT1BandeauCe roman me faisait de l’œil depuis longtemps – mais que voulez-vous, j’ai beau lire une belle quantité de livres chaque année, je ne peux évidemment pas lire toute la production littéraire qui me fait envie… Enfin, voilà un livre de plus qui rejoint les chroniques de ce blog. Le premier constat est que ce livre ne ressemble à aucun autre. Il fait la part belle au féminin sous toutes ses formes, et d’abord dans l’écriture.

Imaginez un roman où tout est écrit au féminin, y compris (et surtout), toutes les expressions que l’on utilise au masculin sans même s’en rendre compte. Ce roman aurait pu commencer par « Elle était une fois… » car tout est écrit au féminin. A l’heure de l’écriture inclusive, cela pourrait sembler déjà vu, mais détrompez-vous car le jeu d’écriture va beaucoup plus loin. Il faut aussi remettre le roman dans son contexte : il a été écrit en 1977, ce qui en fait un texte particulièrement en avance sur son temps, qui questionne notre rapport au masculin dans la langue.

Et quel défi de traduction ! C’est toujours difficile de juger d’une traduction quand on ne lit pas simultanément le texte original et sa version traduite, mais ici on ne peut que saluer l’énorme travail que la traduction a dû représenter, car on imagine qu’il y avait plein de pièges qui auraient pu faire basculer le texte traduit vers la réussite ou vers des lourdeurs. Ici c’est très bien fait, et certaines trouvailles sont de petits bijoux de langage.

Mais quelle gymnastique de lecture ! Plus d’une fois j’ai dû relire des phrases pour en comprendre le sens.

La forme l’emporte à mon avis sur le fond ; je n’ai pas trop accroché à l’histoire, mais peut-être que j’étais trop concentrée sur l’écriture pour me plonger totalement dans le récit. Le point de départ était pourtant tout aussi original : au bal des débutants, le fils de la présidente ne veut pas devenir un homme-objet… Tout un programme !

S 2-3Zulma, 384 pages, 22€

Roman

« Bélhazar » de Jérôme Chantreau

9782290361283J’ai choisi ce livre pour le titre, pour le labyrinthe de la couverture, et pour le commentaire élogieux de François Busnel qui le décrit comme « le » roman de 2021.

Dès le début de la lecture, j’ai été un peu gênée, comme je le suis toujours quand je ne dissocie pas le vrai du faux, la part de roman ou de témoignage. Le livre oscille entre les deux : le personnage principal, Bélhazar, est un adolescent très romanesque à lui tout seul, atypique, brillant, mais différent.

Or ce jeune homme est mort dans des circonstances bizarres, une altercation qui a nécessité l’intervention de la gendarmerie, et le jeune homme est mort sous les balles de sa propre arme.

L’un de ses professeurs, bien longtemps après sa mort, décide de rouvrir le dossier – je n’ai pas tout à fait compris pourquoi : il n’était pas proche de son élève, pas choqué plus qu’un autre au moment de son décès. S’agit-il de rendre justice et hommage à tous les jeunes gens disparus dans d’étranges circonstances ? Cela se justifierait, bien sûr, face l’incompréhension de la mort de jeunes gens.

J’ai poursuivi la lecture au milieu de mes questionnements, attendant une réponse que je n’ai pas trouvée.

S 1-3J’ai lu, 320 pages, 8,20€