Roman

« Pussy suicide » de Rosanna Lerner

Capture d’écran 2025-01-30 191322Ottessa n’a que seize ans, mais une vie sexuelle déjà très active. Oscar lui fait tourner la tête, mais elle ne sait pas nommer cela amour. Elle collectionne les rencontres, les aventures d’un soir où même les prénoms ne sont pas dits. Avec sa copine Chloé, aussi paumée et délurée qu’elle, elles sortent en boîte, draguent des hommes de tous âges, se perdent.

Vous l’aurez compris, c’est un roman qui parle de destruction, de gamines désorientées pour lesquelles le sexe est un exutoire. Le vocabulaire est cru, les scènes sont très explicites.

Mais le récit est froid, les scènes s’enchaînent sans grande nuance, et la pitié que j’ai ressentie au début pour Ottessa s’est vite éteinte. Tous les ingrédients étaient réunis pour que le roman soit percutant, troublant, dérangeant ; pour que l’on tremble pour Ottessa quand elle se met en danger, pour qu’on ait envie de la sortir de la spirale infernale dont elle est prisonnière. Pourtant cela n’a pas fonctionné pour moi, je n’y ai vu qu’une accumulation de scènes prévisibles, sans nuance dans les émotions. Même la fin ne va pas jusqu’au bout, comme un ultime renoncement à faire de ce roman davantage qu’un livre qui sera vite oublié.

S 1-3Grasset, 224 pages, 19€ (livre reçu dans le cadre d’une opération « Masse critique »)

Roman

« Mon cœur a déménagé » de Michel Bussi

J’ouvre toujours les romans de Michel Bussi avec la curiosité de voir où l’auteur va m’emmener, dans quel labyrinthe habilement construit il va me perdre, et dans quels pièges je vais tomber.

9782266347105ORISes romans à « twist » (pour reprendre le terme que l’auteur utilise) sont inégaux, il y en a certains que j’adore et d’autres que j’ai trouvés moins surprenants. Celui-ci fait partie de ceux qui sont plutôt réussis, pas complètement révolutionnaire mais avec pas mal de rebondissements jusqu’aux dernières pages (et aussi des rebondissements intermédiaires, ce qui est encore mieux).

Ophélie, sept ans, vit dans un climat familial toxique : son père, alcoolique et drogué, est violent avec sa mère… jusqu’au jour où celle-ci est retrouvée morte. Le mari est accusé, emprisonné, et Ophélie est placée dans un foyer. Elle est persuadée que le travailleur social qui accompagnait sa mère aurait pu la sauver. A partir de là, elle n’aura qu’une idée en tête : le retrouver et se venger de lui.

On suit Ophélie jusqu’à l’âge adulte, dans une quête pleine de détermination où la vengeance est construite pierre par pierre, réfléchie, et donc redoutablement efficace.

Sur fond de drame familial, et tout en mettant sous les projecteurs les violences faites aux femmes et les féminicides, Michel Bussi entraîne son héroïne dans une trajectoire de vengeance bien menée.

Il n’oublie pas au passage quelques clins d’œil à ses références préférés, que ses lecteurs assidus ne manqueront pas de relever : Rouen, Saint-Exupéry, et bien sûr un extrait de chanson en guise de titre.

S 3-3Pocket, 480 pages, 9,20€

Roman

« Sous le compost » de Nicolas Maleski

9791033904687J’aime bien l’humour grinçant, le second degré, les histoires dont on ne sait pas tout de suite si elles seront drôles ou sombres – ou les deux. « Sous le compost » remplit tous ces critères. Son titre, déjà, ne laisse pas indifférent et m’a fait imaginer plein d’histoires, plein de chemins possibles pour ce roman.

L’histoire est celle de Franck et Gisèle, un couple uni qui vit dans un petit village. Elle mène une brillante carrière de vétérinaire ; il est écrivain de seconde zone et avant tout père au foyer et cultivateur de potager à plein temps.

Lorsqu’une lettre anonyme informe Franck que sa femme le trompe, il aurait pu la quitter, ou s’effondrer – et cela aurait été un tout autre roman. Mais Franck décide de prendre le contre-pied de cette tromperie, et de tromper à son tour sa femme avec celle de l’amant supposé. Passé l’effet de vengeance, il va se retrouver dans une situation de plus en plus difficile à gérer…

Avec un second degré très bien amené, l’auteur nous propose un roman qui balaie une grande diversité de situations qui mettent en scène les rapports humains, bien au-delà des relations de couple qui sont à la base de l’histoire : les amitiés de village, les jalousies professionnelles, et même le quotidien avec les enfants. Franck est tour à tour la victime et le coupable, il retourne les situations avec aplomb et une certaine dose de cocasserie.

C’est irrévérencieux, et cela m’a plu.

S 3-3HarperCollins, 256 pages, 7,50€

Roman

« Le roman de Marceau Miller »

Capture d’écran 2024-12-26 102943Marceau Miller est un écrivain à succès. Lorsqu’il meurt pendant une session d’alpinisme à mains nues, sa veuve ne peut se résoudre à considérer sa mort comme un accident : elle est persuadée qu’il a été tué.

Mais qui était donc Marceau Miller ? Quels secrets cachait-il ? Et ses amis, Karen l’associée de sa femme, Rollin et Alexis ses copains de jeunesse, en savent-ils plus qu’ils ne le disent ?

Le roman commence avec une mise en abyme qui place aussitôt le lecteur dans une ambiance très particulière : Marceau Miller est censé être l’auteur du livre que l’on a entre les mains, et il raconte la scène de sa propre mort… Evidemment tout n’est pas cohérent dans cet angle de vue, mais cela donne un rythme très vif à la lecture dès les premières pages. Tout le roman est bien cadencé, les chapitres sont courts et l’histoire progresse avec efficacité. J’ai retrouvé un peu l’esprit des romans de Joël Dicker (avec moins de complexité dans la construction), notamment à travers les personnages qui mènent une vie à l’apparence parfaite, dans de belles maisons au bord du lac Léman, mais qui cachent des failles que le lecteur découvre peu à peu.

S 3-3Ed. La Martinière, 400 pages, 20,90€. Parution à venir le 17 janvier 2025. Merci aux éditions La Martinière de me l’avoir fait découvrir en avant-première !

Roman

« Le code Twyford » de Janice Hallett

G07688_LeCodeTwyford_CV.inddLes romans avec des messages codés et autres casse-têtes ont souvent beaucoup de succès auprès des lecteurs, qui se mettent à la place des personnages pour résoudre énigmes et codes secrets. Or Edith Twyford, le personnage au cœur de l’intrigue de ce roman, aurait elle-même caché des messages dans ses livres pour enfants – livres interdits depuis longtemps, car jugés immoraux.

Steven Smith, après avoir passé des années en prison, n’a qu’une idée en tête : résoudre l’énigme qu’aurait laissée Edith Twyford pour élucider un autre mystère, celui de la disparition mystérieuse de son ancienne professeure. Il retrouve d’anciens camarades de classe, et les convainc d’enquêter avec lui.

Une fois de plus, cette lecture vient d’un conseil d’une autre bloggueuse. Il est resté longtemps dans ma PAL et je l’en ai sorti récemment, après plusieurs lectures qui m’avaient laissée un peu sur ma faim. J’ai trouvé la forme originale (ce sont des retranscriptions d’enregistrements). J’ai aimé aussi toute la partie de recherche sur le décryptage du code. Mais j’ai trouvé que l’histoire finissait par s’enliser, avec des longueurs. J’aurais préféré, en tant que lectrice, être davantage « challengée », avoir moi-même les énigmes à résoudre, et ne pas juste être spectatrice de l’enquête – c’est un peu frustrant dans un roman à clé. Le dernier quart du roman est vraiment long, on ne sait pas si toutes les réponses ont été données ou s’il faut s’attendre à d’ultimes révélations.

S 2-3Folio, 646 pages, 9,90€

Roman

« Le coloc de Noël » de Lili Malone

9dd1d89d439b7f1e4f3bc3d1d64a8954-detail_page_coverDans mon incroyable calendrier de l’Avent de cette année se cache chaque jour une surprise d’un genre différent. Et dans l’un des paquets j’ai découvert ce roman de Noël. J’ai l’habitude, chaque année en cette saison, de lire un roman à l’ambiance bon enfant, chocolat chaud et gentille romance.

Autant dire que la version 2024 est un peu plus épicée que ce que je lis d’habitude !

Élodie a loué pour les fêtes un chalet avec ses deux meilleures amies. Mais le chalet en question a aussi été loué à trois copains. Ni les uns ni les autres n’ont envie de cette cohabitation, et comme toujours dans ce genre de roman, c’est d’abord un jeu du chat et de la souris qui s’installe entre Élodie et Luc, l’un des trois colocataires inattendus. Mais à force de croiser la jeune femme nue à la sortie de la salle de bains, et de la sauver de situations périlleuses sur les pistes de ski, Luc se laisse attendrir… tandis qu’Élodie se contente très bien de son célibat (et de son sex-toy).

Tout est assez prévisible, et on n’attend pas autre chose… Les amatrices de New Romance vont retrouver tous les codes du genre, l’histoire d’amour et les passages explicites, sur fond – saison oblige – de raclette et de décorations de Noël. Pour ma part, j’ai surtout ri de certains passages amenés un peu vite, comme le passage où Élodie est soulagée de ne pas avoir de cheville cassée et de pouvoir continuer ses cours de pole dance… Au bingo de la New Romance, toutes les cases sont cochées.

S 1-3Addictives Eds, 8,90€

Policier·Roman

« Le fauteuil hanté » de Gaston Leroux

9782253006107-001-TJ’ai eu envie de lire ce roman de 1909 sur les (toujours bons) conseils de mon ami Yves. Le point de départ me plaisait bien : à l’Académie française, les Immortels sont terrorisés depuis que les successeurs au fauteuil de Mgr d’Abbeville meurent mystérieusement, les uns après les autres, au moment de leur discours d’hommage. Plus personne ne voudra candidater, et le siège vacant risque de le rester pour longtemps.

A moins que le salut de l’Académie ne passe par un homme que personne n’attend dans ce rôle… un simple marchand de tableaux, Gaspard Lalouette, qui cache cependant un secret…

J’avais lu d’autres romans de Gaston Leroux il y a fort longtemps : « Le mystère de la chambre jaune » (un classique) ou encore la série des « Chéri-Bibi » (qui a beaucoup vieilli). Dans « Le fauteuil hanté », l’ambiance et les personnages sont aussi datés, mais j’ai aimé entrer dans les coulisses de l’Académie française, avec ses personnalités fantasques et ce mystère autour des morts successives et inexpliquées de plusieurs prétendants à l’Académie.

La fin est un peu étrange, ne correspond pas à ce que j’attendais (même si j’avais flairé une partie de la solution), mais tout finit par trouver une explication.

S 2-3Le Livre de poche, 192 pages, 4,20€

Policier·Roman

« Dans l’ombre d’April » de Ruth Ware

9782265155992ORIDepuis « La disparue de la cabine n°10 », j’ai attendu chaque roman de Ruth Ware avec impatience. J’aime le côté page turner de ses thrillers psychologiques, cette impatience qu’elle crée chez le lecteur de toujours vouloir poursuivre sa lecture – peu importe l’heure, peu importe ce qu’on a à faire.

April est une it-girl, qui souffle le chaud et le froid sur le microcosme des étudiants de Pelham. Sa colocataire, Hannah, est une fille modeste et sérieuse, quand April est riche et dévergondée. Pourtant les deux étudiantes deviennent amies, et la mort d’April plonge Hannah dans le désespoir, d’autant plus que c’est son témoignage qui envoie un homme en prison.

Les années ont passé, et un événement va remettre en cause le témoignage d’Hannah, et obliger celle-ci à repenser son passé sous un autre angle.

Le roman se lit très bien (comme toujours avec Ruth Ware) ; il n’y a pas de temps mort, même si la tension est beaucoup moins forte que dans ses précédents romans. Ce roman se lit plus comme une enquête que comme un thriller. On apprend à découvrir les personnages, et on s’immerge dans le campus où les étudiants se fréquentent dans une ambiance digne du « Cercle des poètes disparus ».

Les allers-retours entre la vie « avant » la mort d’April, et celle « après » (comprenez : dix ans plus tard) sont plutôt bien amenés – et pourtant vous savez combien je déteste les flash-backs dans les romans !

Au final, même s’il est moins addictif que les précédents, c’est un bon roman d’enquête, dans un décor différent de ceux déjà explorés par l’auteure.

S 2-3Fleuve éditions, 496 pages, 22,90€ (reçu dans le cadre d’un partenariat)

Roman

« Un homme qui savait » d’Emmanuel Bove

I23597J’ai tant de livres qui attendent d’être lus près de ma table de chevet, des livres que j’empile au fur et à mesure de mes coups de cœur, des lectures d’autres chroniqueurs, de mes centres d’intérêt et de mes lubies du moment, que parfois j’oublie comment un livre est arrivé là.

J’ai oublié ce qui m’avait donné envie de lire ce livre.

Le pire, c’est que la lecture de ce roman ne m’a pas aidée à m’en souvenir !

Maurice Lesca, retraité dont on ne sait pas grand-chose, vit dans la misère (ou dans une aisance perdue) avec sa sœur Emily – leur cohabitation étant subie plus que voulue. La seule autre femme avec laquelle Maurice discute, c’est Madame Maze, la libraire, pour laquelle il s’est mis en tête de récupérer de l’argent auprès de l’ex mari de celle-ci.

Le roman raconte le quotidien triste et rébarbatif de cet homme. J’ai attendu jusqu’aux dernières pages une étincelle, un sursaut, une révélation qui aurait donné un autre prisme à la vie de cet homme. Rien n’est venu. Alors si le texte est plutôt bien écrit, cela n’a pas suffi à me convaincre : il m’a manqué un rebondissement, ou un éclairage différent sur Maurice Lesca, pour que je trouve le personnage attachant et l’histoire plus captivante.

S 1-3La table ronde, 224 pages, 7,10€

Roman

« Aux marges du palais » de Marcus Malte

PLAT1MargesDuPalais-scaledD’un côté, il y a un palais, une cage dorée dans laquelle vit Aneth, seize ans, héritière protégée qui n’est jamais sortie de chez elle.
De l’autre côté des grilles du palais, c’est un autre monde qui vit : peuple pauvre, affamé, parfois sans domicile. C’est dans cette partie-là du monde que vivent la Baronne, Mo, Zap, La Souris, Doc, autant de marginaux qui se sont regroupés pour partager un logement (et leurs galères). C’est aussi ce groupe-là, mené par la Baronne, qui projette de bousculer le monde établi en s’attaquant à la Tour F le 1er mai.

    « Je veux que tous ces hommes, toutes ces femmes, tous ceux qui se joindront à nous, je veux qu’ils aient l’occasion de se montrer, de sortir de leur trou à rat, de relever la tête, de faire entendre leur voix. Je veux qu’au moins une fois dans leur vie ils puissent hurler : J’existe ! »

L’écriture est riche, pleine de jeux de mots et de doubles sens : c’est un beau travail de précision, qui se déguste pour le plaisir du bon mot, de la petite phrase bien trouvée. Le texte est écrit de façon à créer une certaine proximité entre l’auteur et le lecteur ; l’auteur se met à notre niveau comme s’il racontait cette histoire de vive voix, avec ses commentaires, comme s’il était pleinement concerné par le récit et nous le racontait avec son regard et sa sensibilité. C’est assez efficace pour conserver l’attention du lecteur (malgré quelques longueurs) et le mettre dans la confidence de la préparation de ce 1er mai révolutionnaire. Le royaume de Frzangzwe ressemble beaucoup à une certaine critique de la France (même s’il m’a fallu une bonne partie du livre pour voir le jeu de mot sur le pays!).
La couverture, faut-il encore le mentionner quand on parle de Zulma, est une fois de plus très réussie.
Petit regret, les titres des chapitres sont formulés comme des définitions de mots croisés, et je n’en ai résolu qu’un seul ! Mettre les solutions en fin d’ouvrage aurait été une bonne conclusion.

S 2-3Zulma, 496 pages, 24€ (reçu dans le cadre d’une « masse critique »)