BD

« Imbroglio » de Lewis Trondheim

2547C’est une toute petite BD en noir et blanc d’une vingtaine de pages, mais il s’y passe tant de rebondissements !

Charles, Mylène et Peter forment un drôle de trio ; sur la base d’une accusation de falsification des comptes, les deux hommes vont essayer de s’entre-tuer… mais sans succès, et avec d’incroyables revirements de situation. On se laisse surprendre par le premier rebondissement, puis par le deuxième… et on finit par attendre avec amusement tous les suivants.

C’est un huis-clos malin et original, d’une efficacité redoutable, qui se lit en quelques instants mais laisse un petit sourire sur les lèvres pendant bien plus longtemps.

S 3-3L’Association, 22 pages

Cosy mystery·Policier

« Les enquêtes d’Hannah Swensen (tome 11): Meurtres et pudding de Noël » de Joanne Fluke

9782749179162ORIEn avril 2021, je découvrais grâce à l’équipe du Cherche Midi cette série de cosy mysteries sur fond de recettes de cookies et autres douceurs sucrées. Trois ans et demi plus tard (et merci à la maison d’édition pour sa fidélité), me voici avec le tome 11 entre les mains – un joli tome 11 sur le thème des fêtes de fin d’année, avec une couverture brillante et pailletée.

Je connais bien la structure de ces romans maintenant, et même s’il y a toujours une enquête, j’ai appris à patienter avant que l’intrigue policière commence (presque à la moitié du livre) – cette fois-ci, c’est le marchand de sapins de Noël qui est retrouvé assassiné, et ses pratiques commerciales douteuses font que les suspects ne manquent pas.

En attendant, il se sera passé bien d’autres choses dans le quotidien d’Hannah, l’héroïne de la série : elle aura cuisiné des tas de recettes plus gourmandes les unes que les autres (dont les recettes figurent à chaque fin de chapitre), décoré son sapin de Noël avec les décorations familiales, aidé sa mère à comprendre pourquoi son associée est devenue fuyante… bref toutes les petites histoires habituelles, sur fond de temps glacial du Minnesota.

Le trio amoureux avec Norman et Mike est moins présent que dans d’autres tomes – c’est un soulagement, car les relations entre les trois personnages sont au statu quo depuis bien longtemps, c’en était devenu agaçant.

C’est une « lecture doudou » parfaite pour la saison, que j’ai réservée pour ma part à la lecture du soir sous la couette. Si vous avez aimé les précédents tomes, celui-ci ne vous décevra pas.

S 3-3Le Cherche Midi, 384 pages, 15,90€ (partenariat)

C'est mercredi, on lit avec les petits !

« Tout ce qui conte » de Thomas Scotto et Nicolas Lacombe

tout-ce-qui-conteJ’ai reçu ce livre dans le cadre d’une opération « Masse critique » de Babelio, et la première impression que j’ai eue en ouvrant le colis a été de me dire que ce livre était un fort bel ouvrage, avec une épaisse couverture cartonnée, et des reproductions de gravures très bien faites.

L’histoire est celle d’Imelda, gardienne des objets symboliques des contes. Sur ses étagères, vous trouverez une pantoufle de vair, trois chaises de tailles différentes, une rose sous cloche ou encore une lampe magique… Mais Imelda s’inquiète : aujourd’hui, il ne manque aucun objet sur ses étagères : cela veut dire que personne ne fait appel à eux pour raconter les histoires dont ils sont les emblèmes…

Si le texte parle de contes, il est lui-même écrit de manière très poétique, le plus souvent en rimes. Il invite le lecteur à se souvenir des objets qu’il a rencontrés dans ses lectures de contes, objets qui en sont devenus des emblèmes, et dont la seule évocation suffit à faire remonter à la mémoire tout un univers littéraire.

Il est difficile de conseiller un âge de lecture pour ce livre ; certains mots ou phrases sont assez exigeants et peuvent ne pas être compris par les plus jeunes, mais le texte, lu à voix haute, est quasi mélodieux (et la poésie doit-elle toujours être parfaitement explicite ?). Pour peu qu’on le lise avec toute l’implication nécessaire, il plaira à coup sûr. Et les enfants peuvent s’amuser à retrouver les contes dont sont issus les objets stockés chez Imelda… voire même découvrir quelques contes un peu moins connus.

Ce livre est avant tout une déclaration d’amour aux contes, les plus célèbres et ceux un peu oubliés. Il invite les adultes à la transmission de ces histoires, à lire et faire lire les contes pour que la mémoire collective se perpétue.

S 3-3Balivernes, 25€

Essai / Document

« Ces hommes qui m’expliquent la vie » de Rebecca Solnit

147241_couverture_Hres_0C’est une discussion récente sur le « mansplaining » (ou en français : « mecsplication ») qui m’a fait sortir ce livre de ma pile à lire, où il m’attendait depuis plusieurs mois, conseillé par l’une de mes collègues. Le « mansplaining », ce sont les situations où un homme explique à une femme, de manière condescendante, un sujet dont elle est elle-même experte. Même si l’auteure de ce livre indique ne pas être la créatrice de la notion, elle en est bien l’inspiratrice.

« Au cas où je n’aurais pas été assez claire, je le dis et le répète : j’aime qu’on m’explique des choses, qu’on me parle de sujets qui m’intéressent mais dont j’ignore tout ; c’est quand ils m’expliquent ce que je sais et eux non que la conversation dérape ».

Ce livre est un recueil d’articles féministes écrits il y a 10-15 ans, qui vont au-delà du « mansplaining », et restent hélas d’actualité – même si j’ai pris conscience en lisant ces articles de tout le chemin parcouru en dix ans dans la libération de la parole et la définition des frontières de ce qui n’est plus tolérable.

J’ai apprécié, dès les premières pages, qu’il n’y ait pas de caricature, et que le discours ne soit pas basiquement « anti-mecs ». Au contraire, l’auteure fait très bien la distinction entre le bon grain et l’ivraie. Dire que la très grande majorité des violences (agressions, viols) est commise par des hommes n’est pas la même chose que de dire que tous les hommes sont des agresseurs.

« Nous sommes libres ensemble ou esclaves ensemble »

est une phrase que n’aurait pas reniée mon prof de philo dans nos cours sur la liberté.

Mariage pour tous, affaire Strauss-Kahn, Virginia Woolf… sont autant de thématiques abordées. Arrêtez-vous aussi sur les paragraphes où l’auteure explique comment les mots peuvent changer la donne.

« La violence domestique, la mecsplication, la culture du viol et le sexual entitlement font désormais partie des outils linguistiques qui redéfinissent le monde que doivent affronter beaucoup de femmes au quotidien, et ouvrent la voie pour commencer de le changer. ».

A noter, la version poche restitue mal les œuvres d’Ana Teresa Fernandez qui illustrent chaque début d’article.

S 3-3Points, 176 pages, 8,40€

Cosy mystery·Policier

« Le club des amateurs de romans policiers (tome 4) : Et ils ne furent plus que neuf » de C.A. Larmer

9782749179018ORIFans d’Agatha Christie, cette série est faite pour vous ! Surtout si vous avez toujours rêvé de faire partie d’un club de lecture autour des cosy crimes… et je réalise en l’écrivant que dans mon premier club de lecture, nous avions lu « Ils étaient dix » – j’avais environ douze ans.

Après leurs mésaventures des précédents tomes, Alicia et sa sœur Lynette, les fondatrices du club de lecture en question, ont ouvert les portes du club à de nouvelles recrues : deux retraitées (présentes dans un précédent tome, mais je les avais oubliées), et deux hommes plutôt séduisants, dont on se demande assez vite s’ils sont vraiment là par amour de la lecture…

Changement de décor pour ce quatrième tome : le groupe s’installe dans un endroit isolé, ambiance « Ils étaient dix » – d’ailleurs c’est ce titre qui fait l’objet de leur lecture commune.

Une remarque essentielle : vous devez a-bso-lu-ment avoir lu « Ils étaient dix » avant de lire ce roman ! D’abord parce que c’est un classique du genre ; ensuite parce que ce roman dévoile une bonne partie de l’intrigue et de son dénouement – ce serait dommage de vous priver de la découverte du texte original.

Ensuite, si vous avez aimé l’ambiance de « Ils étaient dix », vous allez la retrouver à 99 % dans ce roman. C’est toute la réussite de cette série que de faire revivre l’ambiance et l’intrigue d’un roman archi connu, tout en créant une nouvelle intrigue, avec d’autres personnages, un autre lieu, une autre époque. Où comment faire revivre une œuvre dans la mémoire des lecteurs, sans jamais la dénaturer…

Je n’ai pas eu de temps mort dans ma lecture, j’ai apprécié les quelques fausses pistes, même si j’ai deviné beaucoup de ficelles et que les explications finales sont en partie un peu légères. J’ai aimé l’ambiance en huis-clos, le sympathique groupe de lecteurs, et cela en fait un roman très agréable dans la catégorie cosy crime.

Une suite est d’ores et déjà annoncée pour 2025, et (roulement de tambour) après quatre tomes autour de l’œuvre d’Agatha Christie, on va changer d’auteur mis à l’honneur.

S 3-3Le Cherche Midi, traduit par Tania Capron, 384 pages, 15,90€ (partenariat)

Cosy mystery·Policier

« Les Trois Dahlia (tome 2) : Lady Detective » de Kate Watson

9782749177793ORIRosalind, Caroline et Posy ont, chacune leur tour, incarné le rôle de Dahlia Levely, la célèbre enquêtrice. Tandis que Rosalind et Posy sont réunies sur un nouveau tournage, Rosalind reçoit des menaces de mort. Elles appellent à la rescousse la « troisième Dahlia », Caroline, et reconstituent ainsi le trio d’enquêtrices que j’avais découvert dans « Meurtres à Aldermere House ».

D’ailleurs si vous aviez aimé le premier tome, celui-ci en reprend tous les codes : un tournage de film, dans une grande et belle maison, avec une enquête qui n’avance pas assez vite et trois enquêtrices de fiction qui décident de prendre les choses en main et de s’unir, malgré leurs différences, pour résoudre l’enquête.

On pense évidemment très fort à Agatha Christie à travers ce personnage de roman (Dahlia) adapté au cinéma et à la télévision, mais aussi à travers l’ambiance en huis-clos de l’enquête. Il est donc très facile d’entrer dans l’histoire et de se familiariser avec les trois héroïnes – en revanche il y a beaucoup d’autres personnages, et je n’ai pas aimé qu’ils soient tous présentés très vite au début (c’est le meilleur moyen pour que je ne les identifie pas). J’ai aussi regretté quelques longueurs dans l’histoire, notamment à la moitié du livre.

Si l’histoire est indépendante du premier tome, je vous conseille quand même de lire les tomes dans l’ordre, pour bien comprendre les relations entre les « Trois Dahlia » (conflictuelles dans le premier, soudées par intérêt dans le deuxième).

A noter, le joli effort sur la couverture sur ce deuxième volume.

S 2-3Le Cherche-Midi, 512 pages, 15,90€ (partenariat)

Policier·Roman

« Dans l’ombre d’April » de Ruth Ware

9782265155992ORIDepuis « La disparue de la cabine n°10 », j’ai attendu chaque roman de Ruth Ware avec impatience. J’aime le côté page turner de ses thrillers psychologiques, cette impatience qu’elle crée chez le lecteur de toujours vouloir poursuivre sa lecture – peu importe l’heure, peu importe ce qu’on a à faire.

April est une it-girl, qui souffle le chaud et le froid sur le microcosme des étudiants de Pelham. Sa colocataire, Hannah, est une fille modeste et sérieuse, quand April est riche et dévergondée. Pourtant les deux étudiantes deviennent amies, et la mort d’April plonge Hannah dans le désespoir, d’autant plus que c’est son témoignage qui envoie un homme en prison.

Les années ont passé, et un événement va remettre en cause le témoignage d’Hannah, et obliger celle-ci à repenser son passé sous un autre angle.

Le roman se lit très bien (comme toujours avec Ruth Ware) ; il n’y a pas de temps mort, même si la tension est beaucoup moins forte que dans ses précédents romans. Ce roman se lit plus comme une enquête que comme un thriller. On apprend à découvrir les personnages, et on s’immerge dans le campus où les étudiants se fréquentent dans une ambiance digne du « Cercle des poètes disparus ».

Les allers-retours entre la vie « avant » la mort d’April, et celle « après » (comprenez : dix ans plus tard) sont plutôt bien amenés – et pourtant vous savez combien je déteste les flash-backs dans les romans !

Au final, même s’il est moins addictif que les précédents, c’est un bon roman d’enquête, dans un décor différent de ceux déjà explorés par l’auteure.

S 2-3Fleuve éditions, 496 pages, 22,90€ (reçu dans le cadre d’un partenariat)

Essai / Document

« L’invention de la couleur par les Lumières » d’Aurélia Gaillard

8626.1723108128Je me souviens d’un document de France Culture intitulé « Pourquoi la couleur a disparu de notre quotidien », où le designer Jean-Gabriel Causse décryptait les raisons de la disparition progressive des couleurs dans l’architecture, la mode, les biens de consommation (dont les voitures). Ce document m’est resté en mémoire, et je continue à m’intéresser au sujet. C’est pourquoi j’étais curieuse de découvrir « L’invention de la couleur par les Lumières ».

Dans cet essai, l’auteure débute par une analyse bien antérieure aux Lumières du rôle et de la perception de la couleur, d’Aristote au Moyen-Age. Elle analyse également comment l’étude scientifique de la couleur (avec les travaux de Newton) a marqué le début d’une révolution. Le vocabulaire, aussi, s’est enrichi pour rendre compte de l’infinie variété des nuances de couleurs (un lexique en fin d’ouvrage y est d’ailleurs consacré).

Le contenu est très documenté, les sources précises, et le livre fourmille d’informations intéressantes. A noter cependant, cela reste un ouvrage assez formel, de haut niveau, et donc parfois assez ardu à lire. Pour ma part, j’ai dû le reposer et le reprendre à plusieurs reprises pour « digérer » la quantité d’informations.

A ne pas manquer dans votre lecture, le chapitre consacré au rose, qui commence par une analyse lexicale, et fait ensuite (évidemment !) référence aux travaux de Michel Pastoureau (que je cite très souvent sur cette thématique du rose, et du « genre » du rose en particulier).

S 2-3Les Belles lettres, 330 pages, 27€ (livre reçu dans le cadre d’une opération proposée par l’éditeur)

Roman

« Un homme qui savait » d’Emmanuel Bove

I23597J’ai tant de livres qui attendent d’être lus près de ma table de chevet, des livres que j’empile au fur et à mesure de mes coups de cœur, des lectures d’autres chroniqueurs, de mes centres d’intérêt et de mes lubies du moment, que parfois j’oublie comment un livre est arrivé là.

J’ai oublié ce qui m’avait donné envie de lire ce livre.

Le pire, c’est que la lecture de ce roman ne m’a pas aidée à m’en souvenir !

Maurice Lesca, retraité dont on ne sait pas grand-chose, vit dans la misère (ou dans une aisance perdue) avec sa sœur Emily – leur cohabitation étant subie plus que voulue. La seule autre femme avec laquelle Maurice discute, c’est Madame Maze, la libraire, pour laquelle il s’est mis en tête de récupérer de l’argent auprès de l’ex mari de celle-ci.

Le roman raconte le quotidien triste et rébarbatif de cet homme. J’ai attendu jusqu’aux dernières pages une étincelle, un sursaut, une révélation qui aurait donné un autre prisme à la vie de cet homme. Rien n’est venu. Alors si le texte est plutôt bien écrit, cela n’a pas suffi à me convaincre : il m’a manqué un rebondissement, ou un éclairage différent sur Maurice Lesca, pour que je trouve le personnage attachant et l’histoire plus captivante.

S 1-3La table ronde, 224 pages, 7,10€

Essai / Document

« Proust, roman familial » de Laure Murat

9782253908630-001-T« Proust m’a sauvée »

écrit l’auteure en excipit du livre.

Il faut lire les 200 pages de ce texte pour comprendre comme Laure Murat, née aristocrate d’une famille citée à plusieurs reprises dans « A la recherche du temps perdu », reniée par sa mère en raison de son homosexualité, a trouvé dans l’oeuvre de Proust des clés de décryptage de son propre contexte social et familial.

Ne vous découragez pas à la lecture du premier tiers du livre, où sont cités de nombreux membres de sa famille (avec les liens de parenté), apparemment célèbres. Cela ressemble à un Who’s Who assez indigeste, où le name dropping est assez ennuyeux pour qui ne connaît pas l’arbre généalogique de l’auteure.

La suite est plus intéressante. En creusant les marqueurs de l’aristocratie, décrits par Proust et vécus par l’auteure pendant sa jeunesse, en cherchant à définir le snobisme, en analysant ses propres relations familiales, l’auteure ouvre un champ plus personnel, plus touchant. Elle propose alors un récit intime sur ses relations familiales, l’étroitesse d’esprit à laquelle elle a été confrontée en révélant son homosexualité (les passages avec sa mère sont terribles).

Le récit se recentre sur Proust dans la dernière partie, sur l’enseignement que cette professeure en fait à ses étudiants, et surtout sur son amour assumé pour une œuvre exigeante qu’elle défend contre tous les a priori. Et de conclure :

« Aucun livre de la langue française ne provoque autant de préventions et de défiances ».

On n’aurait pas dit mieux.

S 2-3Le Livre de poche, 264 pages, 8,40€