Roman

« La mort de Tante Dimity (tome 1) » de Nancy Atherton

Jamais le terme « cosy » ne m’avait semblé aussi adapté à un roman.

Qui n’a jamais rêvé d’être contacté par un cabinet de notaire pour découvrir un héritage inattendu ? Qui ne rêverait pas que ce cabinet de notaire soit un ancien manoir hors du temps, tenu par un duo père-fils à vos petits soins, qui vous nourrissent, nous hébergent dans une suite digne d’un palais, vous couvrent de cadeaux ?

L’héroïne, c’est Lori. Divorcée, sans le sou, encore en deuil de sa mère, elle est invitée à partir sur les traces de Tante Dimity, personnage principal des histoires que lui racontait sa mère… et dont elle découvre qu’elle a bel et bien existé.

Alors la voilà en pèlerinage dans un charmant cottage des Cotswolds… où elle découvre (attention je spoile, mais c’est central dans l’histoire) que Tante Dimity est toujours présente, comme un gentil fantôme qui lui parlerait et veillerait sur elle.

Oui, c’est complètement improbable, mais c’est tellement doux à lire ! Il y a un petit côté « conte de fées » qui fait du bien, et Tante Dimity est comme une Mary Poppins des Cotswolds, capable de donner du relief à un quotidien trop banal.

Après avoir été un peu dubitative sur le fait que j’étais en train de lire un roman de fantôme, je ne peux m’empêcher d’avoir envie de lire la suite pour retrouver l’ambiance au coin du feu et les bons sentiments qui ont parcouru tout ce premier tome.

Verso, 400 pages, 14,90€ (j’avais profité d’une offre à 9,90€ pour ce tome)

Policier

« Vendanges mortelles à Pornic » de Jean-Luc Bannalec

La moitié de mon plaisir de lecture de la série des enquêtes du Commissaire Dupin est d’être transportée à chaque tome dans un nouveau coin de Bretagne. Cette fois-ci, c’est Pornic qui est mis à l’honneur. Mais ne vous attendez pas à flâner sur le port ni autour du château en photo sur la couverture. Non, direction les vignes ! Le roman se déroule dans de grands domaines viticoles, entre caves et vignes.

Dupin est officiellement en voyage de noces, et fait étape avec sa femme Claire sur le domaine d’une amie de celle-ci, Cécile. Le propriétaire du domaine voisin, et ex mari de Cécile, est retrouvé mort. Un grand domaine, ça attire les convoitises… à moins qu’il ne s’agisse d’une affaire de coeur ? Dans tous les cas, Dupin est en position délicate : il n’est pas mandaté pour enquêter, et la meilleure copine de sa femme est aussi la principale suspecte.

Comme dans les autres tomes, l’enquête est bien construite, et Dupin fidèle à lui-même, avec ses petites manies et l’appui infaillible de son équipe, composée de personnages hauts en couleur. Il y a d’ailleurs une petite histoire parallèle avec un pic-vert qui menace la maison de Dupin – petit récit secondaire amusant et décalé.

Etrangement, alors que j’ai toujours imaginé Dupin en inspecteur Columbo (ne me demandez pas pourquoi.. peut-être le personnage avait-il un imper beige dans l’un des premiers tomes!), il aura fallu attendre ce douzième tome pour que le visage de Dupin prenne celui de Pasquale Aleardi, qui l’interprète dans la série télé adaptée des romans.

Presses de la cité, 352 pages, 22€

Roman

« William » de Mason Coile

Henry et Lili mènent une vie confortable, bien que leur couple batte de l’aile ; Lily est une brillante créatrice de start-up, Henry un inventeur associable, qui préfère se réfugier des heures dans son laboratoire à mettre au point toutes sortes de robots. Sa dernière création ? Un robot qu’il a prénommé William, bourré d’intelligence artificielle.

Lors d’un dîner avec des amis, Henry décide de sortir sa créature de son laboratoire ; mais le robot se retourne contre eux, et la soirée vire au cauchemar.


La même histoire aurait pu être écrite il y a quelques années avec des robots humanoïdes ; elle surfe avec la montée en puissance de l’intelligence artificielle et des craintes qu’elle peut susciter. Le robot qui se retourne contre son créateur et dépasse ce pour quoi il était programmé, ce n’est pas tout à fait nouveau. Mais cela fonctionne bien quand même ! La bonne idée du roman est de se dérouler en huis-clos (la maison et son jardin), sur un laps de temps très limité. Les personnages apparaissent prisonniers d’une situation qu’ils ne comprennent pas, la tension monte au fil des pages. Les chapitres sont courts, redoutablement efficaces.
J’aime bien les thrillers psychologiques mais il ne faut pas que la tension soit permanente : j’aime qu’il y ait soit des chapitres de « pause » (il n’y en a pas dans « William », au contraire la pression est croissante), soit que le roman soit assez court (ce qui est le cas ici).

Le Cherche Midi, 256 pages, 22€ (service de presse)

Policier·Roman

« Qui a tué Harry Kennedy ? » d’Antony Johnston

Addictif, régressif, ludique ! Avec ce livre, vous allez retrouver le plaisir des lectures d’enfance sur le concept des « romans dont vous êtes le héros ». C’est en effet la particularité de ce roman d’enquête : le lecteur est le principal enquêteur. Armé d’un carnet et d’un crayon, vous allez donc interroger les suspects, choisir quels lieux inspecter,… Lire la suite « Qui a tué Harry Kennedy ? » d’Antony Johnston

Essai / Document

« Kolkhoze » d’Emmanuel Carrère


Il en faut du courage pour écrire un livre comme celui-ci. Pour raconter la vieillesse de ses parents, la fin de vie de sa mère. Pour écrire les événements avec sincérité, tout en sachant que les mots vont blesser. L’auteur n’en est pas à son coup d’essai, et rappelle d’ailleurs à quel point son « Roman russe » avait nui à sa relation avec sa mère – même si lui ressentait un besoin impérieux d’écrire sur les parts d’ombre de sa famille.


J’aime bien le style d’Emmanuel Carrère, sa façon de mêler l’intime et l’actualité mondiale, de partager avec le lecteur comment les événements du monde résonnent dans sa propre vie, sur ses propres choix. J’aime sa lucidité sur ses névroses, la fraîcheur avec laquelle il dit les choses. C’est bien écrit mais c’est simple, sans fioriture.

Ce livre est impossible à résumer, entre anecdotes et récits familiaux, géopolitique, généalogie… Et pourtant, l’ensemble fonctionne bien. Tout ne m’a pas intéressée dans le récit, et j’ai eu les plus grandes difficultés à situer les uns par rapport aux autres tous les membres de sa famille, maternelle, paternelle… Mais j’ai été émue par la tendresse d’un fils envers ses parents, malgré leurs différends, malgré les incompréhensions. C’est cette partie-là du récit qui m’a le plus touchée.

Le livre figure dans la première sélection pour le Goncourt 2025… rendez-vous le 4 novembre pour savoir ce qu’en a pensé la célèbre Académie !

P.O.L, 560 pages, 24€

Roman

« Ravage » de René Barjavel

Pourquoi lire en 2025 un roman d’anticipation écrit en 1943 et se déroulant en 2052 ? Est-ce que cela a du sens ?

Je garde un souvenir assez précis de ma lecture de « La Nuit des temps » du même auteur. J’avais 12 ou 13 ans. C’était, peut-être, mon premier vrai roman de science-fiction, et il m’avait profondément marquée.

C’est le hasard qui m’a mis aujourd’hui « Ravage » entre les mains – ou plutôt, dans les oreilles, car je cherchais un roman en version audio.

Le début m’a beaucoup plu : d’abord parce que c’est toujours amusant de voir comment, en 1943, un auteur pouvait imaginer le futur – pas de voiture volante ou autonome, pas de téléphone portable non plus, les ordinateurs sont absents. En revanche toute la société tourne à l’électricité. Et le jour où celle-ci est complètement coupée, c’est le chaos. La société s’effondre. Les morts, soigneusement conservés depuis plusieurs générations dans des lieux réfrigérés dans les habitations, se putréfient. Le choléra rôde. Toute cette partie résonne dans notre actualité : quand la crise énergétique fait l’actualité ; quand on a vécu une pandémie, capable de révéler tantôt la plus grande humanité, tantôt le plus grand individualisme, il n’est pas difficile de faire des rapprochements !

Ensuite les choses se compliquent : François, le principal personnage, décide de quitter la capitale avec la jeune femme qu’il aime et quelques individus qu’il réunit pour former un groupe. Sur leur chemin qui traverse la France, ils vont croiser la maladie, la mort, la faim, et toutes sortes d’horreurs.

Plus le roman progressait, plus je me sentais mal à l’aise. Tant de noirceur dans quelques heures d’écoute… Bien sûr c’est un classique, et je ne regrette pas de l’avoir découvert. Mais j’ai hâte de passer à une lecture moins pesante.

Le Livre qui parle (épuisé), 7h30 d’écoute. Lu par Bertrand Suarez-Pazos

Biographie·Roman

« Ma mère et moi » d’Anne B. Ragde

J’ai choisi de lire ce livre sur la seule base du nom de son auteure – que je connais par l’excellente saga des «  Neshov » (impossible à résumer ici en quelques lignes, je vous invite à lire mes chroniques sur les différents tomes – et je réalise au passage qu’il existe un sixième tome que je n’ai jamais lu!).

Si l’histoire des Neshov n’a rien de glamour ni de joyeux, j’ai gardé le souvenir d’une écriture précise et sonnant juste. J’ai retrouvé dès les premières pages de ce livre (autobiographique) le talent de l’auteur pour parler de n’importe quel sujet avec une aisance déconcertante.

Le titre laisse supposer qu’elle ne va parler que de sa mère – et peut-être pour régler ses comptes. Le contenu est bien plus fin que cela. Certes, l’auteure raconte beaucoup d’anecdotes autour de se mère, et en particulier autour de leur dernier voyage. Mais elle parle aussi de sa vie, de son métier d’écrivain (avec ses réussites et ses éloges, mais aussi avec ses périodes de nécessaire solitude), de son rapport à l’argent, de ses trois ex-maris… J’avais l’impression de lire le texte d’une copine qui me parlerait de sa vie, naturellement, sans filtre, un peu en vrac parfois. J’ai aimé la sincérité du propos.

« Je me suis parfois dit au cours de ma vie, quand les choses tournaient mal : si je survis à ça, je pourrai écrire là-dessus ». C’est de ce bois-là que sont faits les grands écrivains.

Les Belles lettres, 304 pages, 25€ (reçu en service de presse)

C'est mercredi, on lit avec les petits !·Roman

« La très catastrophique visite du zoo » de Joël Dicker


Avec ce roman, Joël Dicker s’essaie avec succès à la littérature jeunesse (disons à partir de 10 ans), dans un texte construit comme des réactions en chaîne. Tout commence par l’inondation d’une école, qui va entraîner en quelques jours une succession de catastrophes… jusqu’au zoo, lieu final (mais pas du tout central) de l’intrigue. Entre temps, un petit groupe d’élèves se livre à une enquête en bonne et due forme pour découvrir qui a inondé l’école, avec l’aide d’une mamie férue d’énigmes policières.


J’ai vu ce livre partout depuis sa sortie, dans les rayons, sur les réseaux sociaux,… et bien qu’aimant beaucoup les roman de Joël Dicker je ne serais pas allée spontanément vers celui-ci. Au final, j’ai pourtant passé un bon moment de lecture. Le texte est rythmé, les chapitres sont courts et suivent les rebondissements. Bien sûr il faut sans doute être un lecteur beaucoup plus jeune pour apprécier tous les (nombreux) jeux de mots. Mais j’ai noté aussi la volonté de l’auteur d’écrire sur des sujets sérieux. Et ce n’est pas rien de s’attaquer à des thèmes comme la démocratie – je vous laisserai apprécier le vote Brocoli vs Pizza pour illustrer les risques de l’abstention.

Rosie & Wolfe, 256 pages, 19€

Roman

« Une invitée particulière » de Nelle Lamarr

Ce livre est un pur roman psychologique, où tous les personnages ont des choses à cacher, où la tension est permanente, où l’on sait dès le début que l’on va se faire piéger par l’auteure et qu’on en redemande.

Tanya est une adolescente anglaise qui débarque dans la famille de Natalie et Matt pour passer une année aux Etats-Unis. Très vite, la lycéenne se fait détester par Paige et Will, les enfants du couple, tandis que Natalie la mère se comporte avec la plus grande gentillesse avec elle. Tanya a visiblement des secrets dans son passé. Elle ment. Elle manipule. C’est une peste et j’ai adoré la détester. Les autres membres de la famille ne sont pas exempts de mystères, et tout cela forme un sacré nœud à démêler.

Il est assez facile de deviner les grosses ficelles, mais l’auteure manie l’art de l’intrigue avec dextérité. Impossible de lâcher ce roman, je l’ai dévoré très rapidement malgré ses 400 pages. J’ai pensé à Freida McFadden bien sûr, mais aussi à Ruth Ware.

C’est simple, efficace. Un bon moment de lecture.

J’ai lu, 448 pages, 8,60€

Roman

« Le barman du Ritz » de Philippe Collin

« Dehors on traque les juifs, on fusille des gamins au mont Valérien, on meurt de faim, mais un palace se doit d’être irréprochable pour ce qui est des bigoudis. »

C’est toute l’ambiguïté de l’ambiance au Ritz depuis que la Gestapo en a fait un de ses lieux privilégiés de rendez-vous. On se presse autour du bar de Frank Meier, le talentueux barman qui réalise des cocktails comme personne, sait écouter sans intervenir, affiche toujours une mine impassible.

Pourtant Frank cache un secret : lui-même est juif. D’origine autrichienne, il a fait Verdun du côté de la France – et place encore en Pétain les espoirs d’un ancien combattant envers celui qui était encore considéré comme un héros.

La tension monte crescendo dans le roman ; et la légèreté prudente du début se transforme peu à peu en étau au fil des arrestations et de l’avancée de la guerre. D’abord à l’abri derrière son bar, Frank joue de plus en plus avec le feu. Entre ceux qu’il protège et celles qu’il convoite, il côtoie au quotidien des ennemis qu’il s’évertue à servir en affichant une neutralité bien maîtrisée.

L’histoire est inspirée de personnages ayant réellement existé (celui de Frank d’abord, des officiers allemands, mais aussi de plusieurs célébrités de l’époque, Guitry, Chanel,…). Le personnage de Frank est déstabilisant, son sang-froid et son aisance face à n’importe quel interlocuteur mettent parfois mal à l’aise dans la lecture. Et tandis que l’horreur se produit, le champagne et les cocktails coulent à flot…

Quant à Blanche Auzello, que Frank admire en secret, elle est à la fois évanescente, ombrageuse et rebelle, et finalement la seule capable de fendiller l’armure du barman.

Albin Michel, 416 pages, 21,90€