En France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son compagnon. Derrière cette statistique, au-delà des chiffres qui alertent, il y a une réalité de violences quotidiennes pour de nombreuses femmes. Surtout, il y a des noms de femmes qui souffrent : Morrigan, Marion, Alice, Fatiha…
« J’ai simplement peur de mourir » dit Morrigan au milieu du livre, résumant en une phrase toute simple l’horreur d’une violence banalisée.
L’histoire de leur quotidien prend le lecteur aux tripes. Présenté comme un roman, ce récit est bien plus que cela, car on imagine la réalité et les visages derrière le texte. Plusieurs fois j’ai fait des pauses dans cette lecture qui coupe le souffle, tendue par des passages qui sont des litanies de l’horreur :
« Cheveux arrachés, coquard, œil au beurre noir, pommette gonflée, joue déchirée sur plusieurs centimètres, coups à l’oreille (pas de trace visible), tympan foutu (perforé), lèvre fendue, dent perdue, mâchoire brisée, cicatrice au menton, traces d’étranglement sur le cou, coup à l’épaule (pas de trace encore), épaule démise, bleus dans le dos, bras tordu, bleus sur le bras, bras cassé, griffures, poignet cassé, poignet tordu, entorse au doigt, rhumatisme dans un petit doigt cassé, hématome sur les côtes, coup au ventre (pas de trace), fausse couche, utérus explosé, foie détruit, brûlure à la cuisse (cigarette), d’autres fractures, une brûlure de cigarette encore, d’autres bleus, d’autres brûlures. »
Et puis il y a ces poèmes de Pat Lowther (que je ne connaissais pas), dont on imagine au départ qu’ils vont apporter un peu de douceur, mais qui sont des témoignages de la même violence (elle-même a été tuée par son mari dans d’atroces conditions).
Un livre fort et percutant, documenté, engagé (jusque dans l’utilisation de l’écriture inclusive, encore assez rare dans les récits), qui met chaque lecteur devant ses responsabilités : ne pas subir, ne pas laisser faire. A travers l’association qui accompagne ces femmes, la parole retrouve une force bien plus importante que celle des poings.
Editions du ruisseau intrépide, 223 pages