Essai / Document

« L’invention de la couleur par les Lumières » d’Aurélia Gaillard

8626.1723108128Je me souviens d’un document de France Culture intitulé « Pourquoi la couleur a disparu de notre quotidien », où le designer Jean-Gabriel Causse décryptait les raisons de la disparition progressive des couleurs dans l’architecture, la mode, les biens de consommation (dont les voitures). Ce document m’est resté en mémoire, et je continue à m’intéresser au sujet. C’est pourquoi j’étais curieuse de découvrir « L’invention de la couleur par les Lumières ».

Dans cet essai, l’auteure débute par une analyse bien antérieure aux Lumières du rôle et de la perception de la couleur, d’Aristote au Moyen-Age. Elle analyse également comment l’étude scientifique de la couleur (avec les travaux de Newton) a marqué le début d’une révolution. Le vocabulaire, aussi, s’est enrichi pour rendre compte de l’infinie variété des nuances de couleurs (un lexique en fin d’ouvrage y est d’ailleurs consacré).

Le contenu est très documenté, les sources précises, et le livre fourmille d’informations intéressantes. A noter cependant, cela reste un ouvrage assez formel, de haut niveau, et donc parfois assez ardu à lire. Pour ma part, j’ai dû le reposer et le reprendre à plusieurs reprises pour « digérer » la quantité d’informations.

A ne pas manquer dans votre lecture, le chapitre consacré au rose, qui commence par une analyse lexicale, et fait ensuite (évidemment !) référence aux travaux de Michel Pastoureau (que je cite très souvent sur cette thématique du rose, et du « genre » du rose en particulier).

S 2-3Les Belles lettres, 330 pages, 27€ (livre reçu dans le cadre d’une opération proposée par l’éditeur)

Essai / Document

« Proust, roman familial » de Laure Murat

9782253908630-001-T« Proust m’a sauvée »

écrit l’auteure en excipit du livre.

Il faut lire les 200 pages de ce texte pour comprendre comme Laure Murat, née aristocrate d’une famille citée à plusieurs reprises dans « A la recherche du temps perdu », reniée par sa mère en raison de son homosexualité, a trouvé dans l’oeuvre de Proust des clés de décryptage de son propre contexte social et familial.

Ne vous découragez pas à la lecture du premier tiers du livre, où sont cités de nombreux membres de sa famille (avec les liens de parenté), apparemment célèbres. Cela ressemble à un Who’s Who assez indigeste, où le name dropping est assez ennuyeux pour qui ne connaît pas l’arbre généalogique de l’auteure.

La suite est plus intéressante. En creusant les marqueurs de l’aristocratie, décrits par Proust et vécus par l’auteure pendant sa jeunesse, en cherchant à définir le snobisme, en analysant ses propres relations familiales, l’auteure ouvre un champ plus personnel, plus touchant. Elle propose alors un récit intime sur ses relations familiales, l’étroitesse d’esprit à laquelle elle a été confrontée en révélant son homosexualité (les passages avec sa mère sont terribles).

Le récit se recentre sur Proust dans la dernière partie, sur l’enseignement que cette professeure en fait à ses étudiants, et surtout sur son amour assumé pour une œuvre exigeante qu’elle défend contre tous les a priori. Et de conclure :

« Aucun livre de la langue française ne provoque autant de préventions et de défiances ».

On n’aurait pas dit mieux.

S 2-3Le Livre de poche, 264 pages, 8,40€

Biographie·Essai / Document

« Agir et penser comme la Reine d’Angleterre » de Dorica Lucaci

6ccf73ec2e34288f6cde38bb0e01Une fois n’est pas coutume, la recommandation de cette lecture me vient… du Guide du Routard ! L’idée étant, pour un séjour à Londres, de se plonger via la lecture dans une ambiance toute british.

Le concept du livre est le suivant : à partir d’éléments autobiographiques sur Elizabeth II (qui était encore vivante quand le livre a été publié pour la première fois), l’auteure propose quelques conseils de vie sur des thématiques variées.

Ainsi il est question, en vrac, d’éducation, de vie publique, de courage, de famille, de relation aux autres, de lâcher-prise, de couple, de dignité… n’en jetez plus !

J’ai bien aimé redécouvrir des anecdotes sur la reine Elizabeth II (même si je n’ai rien appris… moi aussi j’ai vu « The Crown »). L’idée de départ du livre (aller chercher de l’inspiration dans la vie de la monarque sans doute la plus célèbre de notre époque) est assez plaisante. Mais les conseils proposés manquent de profondeur, ce sont au mieux des conseils dignes de magazines de psychologie bas de gamme, au pire de simples lapalissades. J’ai fini par survoler les parties avec les conseils (sans intérêt) pour concentrer ma lecture sur les parties biographiques et les anecdotes.

S 2-3Editions de l’Opportun, 240 pages, 12,90€

Biographie·Essai / Document

« Voyage à Berlin – Danielle Darrieux sous l’Occupation », de Jérôme Bimbenet

tallandier-d.darieux-sous-occupation-crgSur la photo de couverture, c’est une jeune femme élégante, souriante, pleine de fraîcheur : c’est une femme amoureuse. Nous sommes en mars 1942 et Danielle Darrieux part rejoindre l’homme qu’elle aime, Porfirio Rubirosa, qui ne peut quitter Berlin.

Qui étaient les acteurs qui ont accepté de voyager en train jusqu’en Allemagne par temps de guerre ? Pourquoi ont-ils accepté ce voyage, qu’avait chacun d’entre eux à y gagner ?

Longtemps ce voyage leur a été reproché, même si Danielle Darrieux s’est toujours défendue en arguant qu’elle n’avait pour seule motivation que de retrouver son fiancé.

Faire tout un livre sur ce voyage pourrait faire craindre quelques longueurs, en particulier pour les lecteurs qui n’ont pas connu la plupart des acteurs cités (ce qui est mon cas). Pourtant le livre va bien au-delà du voyage de Danielle Darrieux et raconte une tranche de l’histoire du cinéma français.

Si l’auteur du livre semble un admirateur sincère de Danielle Darrieux, il n’est pas un admirateur aveugle et s’étonne – voire s’agace – des réponses un peu naïves de l’actrice lorsqu’elle a été interrogée sur certains épisodes de cette période. L’auteur ne juge pas, n’accuse pas, il souligne des faits et raconte des situations qui mettent le lecteur mal à l’aise – amoureuse, ambitieuse, mais aveugle à quel point ?

Derrière l’actrice, il y a aussi le portrait d’une époque, les écarts de traitement entre le milieu du cinéma et le reste de la population. J’ai trouvé très instructif de voir cette période historique traitée sous un angle très spécial (celui du cinéma français et des vedettes de l’époque), entre insouciance, ambitions personnelles, et œillères souvent difficiles à défendre.

S 2-3Tallandier, 297 pages, 21,50€

Essai / Document

« Agriculteurs – Témoignages 1900-2023 », réunis et présentés par Hélène Parisot

9791090566590.MAIN_L’Association pour l’autobiographie et le Patrimoine Autobiographique (APA) collecte et conserve toutes sortes d’écrits personnels (journaux intimes, correspondances etc). C’est dans ses locaux, à Ambérieu-en-Bugey, que l’auteure a consulté, rassemblé, coordonné et commenté les récits de huit agriculteurs. Chacun, à travers son histoire familiale et personnelle, raconte un pan de la transformation de l’agriculture qui s’est opérée en France depuis plus d’un siècle. Les textes sont assez courts (les passages ont été sélectionnés), mais condensent l’essentiel des messages que chacun veut porter : sa vision de la principale transformation qui a eu un impact sur l’exploitation familiale, ses envies et ses renoncements face à une agriculture qui évolue à toute vitesse, les paradoxes du monde agricole.

Les témoignages montrent parfois une vision désabusée de l’agriculture (ou du moins : du système agricole des dernières décennies), mais toujours un amour du métier qui vient souvent de l’enfance et d’un enracinement régional. L’introduction de chaque témoignage permet de comprendre le contexte autour du récit sélectionné. La préface d’Hélène Parisot, ainsi que l’entretien avec un agriculteur de 2023, permettent aussi de mieux cerner la démarche de rassemblement de ces textes.

Nul besoin d’être un expert du monde agricole, ni d’avoir le projet de reprendre une exploitation : le livre s’adresse à un large public qui s’intéresse tout simplement à l’évolution d’une profession souvent méprisée, quoique indispensable.

S 3-3Ed Mauconduit, 144 pages, 13€. Reçu dans le cadre d’une « masse critique ».

Essai / Document

« Frida Kahlo, au-delà des apparences » (catalogue de l’exposition) 

81433_xlAujourd’hui se termine l’exposition « Frida Kahlo, au-delà des apparences » au Palais Galliera. Les réservations étaient complètes depuis 4 semaines, j’avais la chance d’avoir mon billet depuis longtemps et d’avoir pu y aller il y a quelques jours.

Je connais déjà assez bien la vie et l’oeuvre de cette artiste mexicaine iconique, donc je n’ai pas découvert grand-chose via les (nombreuses) photos et (quelques) tableaux exposés. En revanche, la présentation d’objets plus personnels, retrouvés dans la « Casa Azul », sa maison bleue, est très émouvante : j’ai été très sensible en particulier à la présentation de ses corsets (dont l’un en plâtre), sa prothèse de jambe, ses chaussures à talon renforcé. Son passeport, un télégramme en français, quelques lettres, sont des pièces plus anecdotiques mais qu’il est toujours plaisant de découvrir.

Je suis (évidemment!) ressortie avec le catalogue de l’exposition. C’est une très bonne surprise, car il reprend certes des photos de pièces de l’exposition, mais il va bien au-delà et propose des textes sur plusieurs thématiques : « La construction de l’identité de Frida Kahlo : handicap, ethnicité et vêtements » ; « Frida Kahlo : poser, composer, exposer » ; « Frida à Paris. Ne jamais passer inaperçue dans la vie » entre autres articles…

Même si vous n’avez pas vu l’exposition, le catalogue est passionnant si vous voulez aller encore plus à la rencontre de cette artiste hors-norme.

S 3-3Paris-Musées, 42€

Essai / Document·Poésie

« La Terre, c’est… » par 120 autrices et auteurs ; textes illustrés par Jack Koch

9782265156012ORICe recueil est un petit bijou de poésie !

Sur le thème « La Terre, c’est… », 120 autrices et auteurs ont écrit un court texte, de quelques lignes à une page.

Certains textes rendent un hommage à la Terre nourricière, à la Terre protectrice, quand d’autres textes nous alertent sur les dégâts que nous causons à notre planète. Au fil des pages, on découvre des textes qui font sourire ou réfléchir, des petites histoires ou parfois des réflexions profondes semées comme des petites graines en quelques mots simples. J’ai adoré ce livre, que j’ai lu par petites touches, en piochant mes lectures au hasard, comme je le fais avec les recueils de poésie.

Chaque texte est joliment illustré par Jack Koch, à travers des illustrations tout aussi poétiques que les textes.

Foncez les yeux fermés sur ce recueil qui contient de jolies pépites. C’est aussi une bonne idée de cadeau à faire. En plus, 1,5€ est reversé sur chaque vente par l’éditeur à l’association « Le Rire médecin », qui apporte de la bonne humeur aux enfants hospitalisés. Une autre bonne raison de ne pas hésiter à offrir ou s’offrir ce livre !

S 3-3Fleuve éditions, 272 pages, 17,90€ dont 1,5€ reversé au « Rire médecin »

Essai / Document

« Les carnets secrets d’Agatha Christie » de John Curran

carnetsLes fans inconditionnels d’Agatha Christie doivent absolument lire ce livre ! En effet, c’est une plongée dans les carnets de notes préparatoires aux romans et nouvelles de la plus célèbre auteure de romans d’enquêtes. On y découvre les idées initiales, les sources d’inspiration, mais aussi les questionnements sur les intrigues et les pistes abandonnées. On y découvre aussi les idées de titres qui n’ont pas été retenues – et l’on sait à quel point le titre est décisif, surtout pour un roman policier !

Ecrit par un admirateur d’Agatha Christie, pour les admirateurs d’Agatha Christie, ce livre peut se lire d’une traite ou par petits bouts. J’ai en effet trouvé quelques longueurs à la lecture de certains carnets (surtout quand ils faisaient référence à des histoires dont je ne me souvenais plus), mais cela n’ôte rien au plaisir de découverte, car la plupart des carnets sont passionnants !

Seul point d’attention, le livre dévoile la solution de très nombreuses intrigues – c’est indispensable pour comprendre le processus créatif, les choix et les hésitations de l’auteure. Si vous avez le projet de lire ou relire certains romans, il vous suffit de sauter la partie qui y fait référence (les romans dont la solution est dévoilée sont cités au début de chaque partie).

Cerise sur le gâteau, le livre s’achève avec deux nouvelles inédites d’Hercule Poirot : l’une, certes inédite dans cette version, a été plus ou moins reprise dans une autre nouvelle ; l’autre en revanche semble bien être une pépite qu’Agatha Christie n’aurait jamais proposée à son éditeur ! Et pour moi qui ai lu « tout » Agatha Christie, c’est une lecture qui a un charme supplémentaire, d’autant que la nouvelle en question est de très bonne qualité !

S 3-3Editions du Masque, 580 pages, 24,50

Essai / Document

« Meurtres haute-couture » d’Astrid Faguer et Maud Gabrielson

MeurtresHauteCouture_RVB-e1662111573247Dans ce livre documentaire très bien fait sont racontées 9 affaires plus ou moins récentes, et plus ou moins célèbres, qui ont entaché le monde de la mode et du luxe. C’est une plongée dans la partie obscure de cet univers de paillettes, entre kidnappings, décès suspects et autres affaires sordides.

Je connaissais (au moins dans les grandes lignes) plusieurs de ces histoires ; d’autres m’étaient totalement inconnues. On y trouve des victimes et des personnages sulfureux, tous mi-anges mi-démons qui ont une vie aussi extra-ordinaire que le milieu dans lequel ils évoluent.

C’est intéressant, le livre se lit comme une succession de courtes enquêtes journalistiques, qui redonnent le contexte, la personnalité des protagonistes, et bien sûr les faits. On sent le gros travail de documentation et de collecte d’informations qui a été nécessaire pour constituer ces récits.

S 3-3Editions Séguier, 224 pages, 20,50€

Essai / Document

« La fabrique du suspense » de Michel Bussi

cdab82b92031363432363735393432333737313837J’ai lu quasiment tous les romans (adultes) de Michel Bussi, et depuis « Nymphéas noirs » j’admire sa capacité à promener des lecteurs dans un récit parfois déstabilisant, mais qui offre toujours une fin réaliste – ce que l’on appelle le « twist ».

Dans cet ouvrage écrit par Michel Bussi, je suis entrée dans les coulisses de son écriture, avec l’impression de lever une partie du voile de la création de romans que j’ai tellement aimé lire.

Le livre donne quelques éléments sur son enfance et ses premiers pas d’écrivain (je vous conseille de lire son texte très drôle sur le 5e Evangile, écrit à l’âge de 12 ans). Il cite aussi quelques auteurs dont il apprécie les romans – et cela me fait toujours plaisir de voir Patrick Cauvin cité deux fois, après tout « Haute-Pierre » est aussi un bon roman pour les amateurs de twist ! J’ai aussi beaucoup aimé les explications très claires sur le twist et les différentes manières de créer du suspense. J’ai replongé avec plaisir dans tous les grands romans de l’auteur, auxquels il fait largement référence et en explique les « trucs » de construction. Attention pour ceux qui ne les ont pas lus, respectez bien les signes qui marquent les spoilers, car l’auteur dévoile toutes ses fins – et ce serait tellement dommage de les découvrir ainsi.

Au passage, l’auteur donne son avis sur ce qu’est un bon livre, et casse les préjugés sur la « Littérature » avec un grand L – et je suis bien d’accord avec lui, moi qui ai lu et aimé plein de « classiques » (Zola, Hugo etc etc) et aime beaucoup me détendre avec des livres plus légers et peut-être plus accessibles – et qu’importe ! J’aime lire et je lis de tout sans préjugé.

Pour l’instant les autres livres de cette collection « Secrets d’écriture » ne me disent rien, mais en revanche je relirai certainement celui-ci.

S 3-3Le Robert / Presses de la cité, 176 pages, 14,90€