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« Manifeste pour une cuisine responsable» de Chef Simon

manifeste cuisineAvant de commencer ce livre, je ne connaissais pas « Chef Simon ». J’avais surtout envie de lire ce livre car la notion de « cuisine responsable » m’interpellait. Qu’est-ce que la cuisine responsable ? J’imagine que ce n’est pas juste de la cuisine saine et bonne pour la santé, mais aussi respectueuse des hommes et de leur environnement en général. Bio, équitable, issue d’une culture durable, respectueuse de la santé humaine et des animaux…

Avant de parler du contenu du livre, je m’arrête un instant sur la préface de Michel Tanguy, car je ne peux qu’applaudir à la lecture de cette introduction, en particulier quand il écrit « faisons de nos achats des actes politiques ». Voilà une entrée en matière qui m’a mise en appétit, si je puis dire…

Le reste du livre alterne entre explications sur l’univers de l’alimentation au sens très large, coups de gueule de « Chef Simon » et recettes. Restaurateur, formateur, l’auteur prône une cuisine saine, s’insurge contre l’industrie agro alimentaire qui veut nous faire avaler n’importe quoi, et n’oublie pas au passage de tacler les autres « Chefs », qui en prennent plein leur grade.

L’ensemble est assez séduisant, surtout les premiers chapitres, en particulier pour les lecteurs attentifs à leur alimentation et soucieux de ne pas se laisser imposer tout et n’importe quoi dans leur assiette. Son « lexique des sectes alimentaires » est à la fois très tranché et assez drôle ! J’ai apprécié aussi un certain pragmatisme : dans un livre de cuisine « responsable », cela fait du bien de ne pas trop sentir le poids de la culpabilité et de lire que son auteur peut aussi céder à la facilité d’une pizza !

Ma curiosité une fois mise en éveil, j’aurais aimé que l’auteur, qui n’a visiblement pas sa langue dans sa poche, aille toutefois au bout de certaines de ces revendications. Ainsi quand il écrit que « un produit bio d’ici n’est pas un produit bio de là-bas », de quoi parle-t-il exactement ? Ici, c’est la France ou l’Europe ? Est-il préférable de manger un aliment issu de l’agriculture conventionnelle française, ou de l’agriculture bio étrangère ? J’aurais aimé avoir son avis sur ces questions sur lesquelles il ouvre lui-même un débat.

Côté recettes, j’ai aimé ses idées de « recyclage » alimentaire, qui m’ont rappelé mes « recettes du placard » (ou du frigo) et l’accommodation des restes telle que la pratiquaient nos grands-mères avec beaucoup de bon sens. Par contre, la plupart me paraissent hors de portée voire hors champ culinaire tout court pour moi (comme la viande fumée par exemple).

Au final, je reste un peu sur ma faim (hi hi) sur cet ouvrage mais je l’ai lu avec beaucoup d’intérêt et de curiosité. Il ouvre des réflexions et a le mérite d’interpeller le lecteur sur ses habitudes d’alimentation et plus généralement de consommation. C’est déjà un bon point.*

S 2-3Chêne, 248 pages, 29,90€

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« Inventions expliquées » de Nicole Masson et Yann Caudal

inventionsDerrière le terme « d’inventions » se cache une multitude de nouveautés, innovations, ou idées, qui font désormais notre quotidien. Des dizaines d’entre elles sont répertoriées dans cet ouvrage, du baccalauréat au fer à repasser, du mp3 au camembert, de la clémentine à la brosse à dents.

L’ouvrage est sympathique et se parcourt avec plaisir, même si beaucoup d’explications sont déjà très connues du grand public : biscotte qui vient comme biscuit de « cuit deux fois », l’histoire comte Sandwich et celle du préfet Poubelle etc. Rien de très original pour un adulte, par contre je trouve que ce livre est une bonne idée de cadeaux pour de plus jeunes lecteurs, des enfants de dix-douze ans un peu curieux qui seront ravis de piocher des anecdotes dans ce livre.

S 2-3Chêne, 240 pages, 14,90€

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« La littérature française en 100 romans » de Yves Stalloni

100 romansOn ne compte plus les anthologies et les recueils qui réunissent des résumés des meilleurs ouvrages de la littérature française. Difficile de faire une proposition novatrice dans ce contexte ! Mais l’ouvrage d’Yves Stalloni est plutôt bien réalisé. Dès l’avant-propos, l’auteur en fixe le cadre et l’objectif : « avant tout faire lire, donner envie de partir à la rencontre des maîtres de la fiction, de revenir à sa bibliothèque ou à celle de son voisin ou de sa commune, inviter à dépoussiérer les romans imposés par le collège et le lycée […] ». Il cite aussi Proust : « La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent pleinement vécue, c’est la littérature. »

Ensuite commence une liste de cent romans, classés par ordre chronologique, auxquels sont consacrées une ou deux pages. Raconter « Les Misérables » d’Hugo, son contexte et son engagement en une seule page, je dois dire que c’est assez surprenant ! Pourvu que cela suffise à donner envie à ceux qui ne l’on pas lu de découvrir ce monument de la littérature…

Petite originalité, des extraits de manuscrits et quelques jolis dessins parsèment le livre. Ils sont plutôt bienvenus pour éviter la monotonie, mais j’aurais aimé en voir davantage, histoire d’entrer différemment en contact avec certains impressionnants romans de notre belle littérature française.

S 2-3Chêne, 256 pages, 14,90€

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« Les bouées jaunes » de Serge Toubiana

bouéesL’auteur est veuf, depuis que la maladie a emporté sa compagne Emmanuèle, trop jeune, trop tôt. Ce texte est à la fois un témoignage mêlant les souvenirs communs et « la vie d’après ». C’est une déclaration d’amour, même les défauts de la femme aimée deviennent des qualités dans cet éloge funèbre très sentimental.

Bien sûr le texte est empreint d’émotion, et le lecteur ne peut qu’être attendri face au portrait plus qu’élogieux fait par ce veuf. Sans doute beaucoup de femmes aimeraient que leur compagnon parlent ainsi d’elles après leur décès ! Il y a aussi des passages très tendres, comme les citations de Delphine Horvilleur, femme rabbin qui utilise la « tradition mystique juive » pour réconforter Emmanuèle. Le texte est émouvant mais sans être triste, car au-delà du récit de la fin de vie, il y a une volonté de témoigner de la personnalité d’une femme et d’en laisser une trace parmi les vivants.

Mais le défaut de ce texte est qu’à force d’être intime, il en devient trop personnel ; il fait appel à des références personnelles qui ne sont pas celles du lecteur (en tout cas, pas les miennes). Ainsi je ne connaissais quasiment aucun des noms de leurs nombreux amis, cités à de multiples reprises, dont on comprend qu’ils gravitent essentiellement dans le milieu des arts et de la culture, celui du cinéma et de la littérature en particulier. Par exemple, citer le nom de toutes les personnes qui ont rendu visite à Emmanuèle à la fin de sa vie. Je comprends que cette liste peut être importante pour celui qui a écrit le texte, peut-être pour leur famille et leurs amis, mais je n’ai pas saisi l’intérêt pour le lecteur.

S 2-3Stock

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« Miracle morning » de Hal Elrod

miracle morningAu cours des derniers mois, j’ai eu plusieurs fois l’occasion de discuter avec des personnes dites « morningophiles », c’est-à-dire adeptes d’un réveil très matinal pour avoir le temps de profiter d’une activité – souvent le sport en l’occurrence. Se lever plus tôt pour mieux profiter de sa journée ? Pourquoi pas ! J’étais donc très curieuse de découvrir l’ouvrage initial qui a lancé cette « tendance ».

Le début explique bien le principe de cette méthode, et ses fondements. Pourquoi attendre le soir, sa fin de journée, pour s’adonner à une passion ou un loisir qui nous tient à coeur ? Il faut en faire le point de départ de nos journées, l’impulsion qui va donner du sens aux heures suivantes.

Jusque là, c’est plutôt intéressant, et finalement empreint de bon sens (et à contre-courant de ce que je fais ).

Ensuite l’ouvrage dérive vers du développement personnel plus classique, et devient moins pertinent. L’auteur nous explique comment sortir de notre « médiocrité » (si vous aviez un petit moral en débutant l’écoute de ce livre, le fait d’entendre des dizaines de fois que vous vivez dans la médiocrité ne va pas vous réconforter!). L’auteur égraine des généralités sans jamais les justifier sur la base d’études ou de raisonnements scientifiques, juste sur la base de son « expérience ».

Si l’idée de départ m’avait séduite, j’ai fini par ne pas savoir faire la part des choses entre idées novatrices et théories à l’emporte-pièce.

S 1-3Audiolib, lu par Bernard Gabay, traduit par Christophe Billon

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« Gratitude, journal IX 2004-2008 » de Charles Juliet

  livre-gratitudePour commencer la lecture d’un journal d’une personne qu’on ne connaît pas (pardon à l’auteur), il faut en espérer trois choses :

1) soit sa vie est incroyablement romanesque, et le journal sera plein de rebondissements

2) soit l’auteur saura sublimer la réalité du quotidien et rendre celui-ci poétique, sensible, amusant, etc

3) soit l’époque à laquelle il vit (ou la façon dont il place son journal dans l’époque à laquelle il vit) en fait un texte presque historique, ou sociologique.

J’ai arrêté la lecture de ce livre avant la centième page. Et croyez-moi, il est rarissime que j’abandonne la lecture d’un livre. Mais là, je n’ai pas du tout compris l’intérêt de ce livre.

Chaque journée est propice à quelques lignes, sur tout et n’importe quoi : une pensée généraliste sur la vie, une anecdote, une rencontre. Il n’y a aucun fil conducteur : sur une même page et trois journées différentes, on parle de Che Guevara, Confucius, et « Marie-Hélène et son amie Mireille ».

Autre exemple, la journée du 27 novembre (que je retranscris dans son intégralité) : « Je ne sais plus où j’ai vu cet homme assis sur une chaise en un lieu public. Il pouvait avoir une cinquantaine d’années. Des cheveux longs et en broussaille descendant sur la nuque, encadrant son visage. Une barbe rousse, légère et abondante, qui se poursuivait par une tresse allant jusqu’au sol. ». Une telle description, pourquoi pas, mais j’aurais aimé savoir pourquoi cet homme avait marqué l’auteur, à qui ou à quoi il lui fait penser. Mais non, rien. Alors, près de 400 pages d’une accumulation de courts textes comme celui-ci, désolée mais j’ai passé mon tour.

S 0-3

Editions P.O.L, 384 pages, 19€

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« Les carnets de cuisine de la Mère Poulard» de Eric Vannier

poulardQuel agréable livre que cet ouvrage consacré à la Mère Poulard, figure emblématique du Mont-Saint-Michel ! De la Mère Poulard, que sait-on vraiment ? Qu’elle faisait des omelettes, devenues avec l’agneau des prés salés un incontournable de la gastronomie locale ? Et à part ça… pas grand-chose.

Ce livre très bien documenté redonne une place plus importante à cette femme cuisinière, hôtelière, en racontant sa vie, ses débuts de cuisinière et son arrivée au Mont pour suivre l’architecte chargé de sa réhabilitation, sa rencontre et son mariage avec Victor Poulard et leur installation.

Il est fait référence à son omelette, mais aussi à ses biscuits. Je dois dire que je pensais que la déclinaison de l’image de la Mère Poulard sur des biscuits n’était que du pur marketing, et j’étais étonnée de découvrir qu’il y avait une vraie histoire derrière ces biscuits sur lesquels figure l’année 1888 !

Les photos sont magnifiques (et donnent très envie d’aller ou de retourner au Mont-Saint-Michel). La seconde partie du livre est composée d’un cahier de recettes inspirées de la Mère Poulard : recettes traditionnelles, plutôt simples, et très appétissantes. Pour l’instant je n’ai testé que la recette de la mousse au chocolat… et elle va devenir ma recette incontournable de mousse !

S 3-3Chêne, Photos Sophie Tramier, 336 pages, 18,80€

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« Origines de l’homme, origines d’un homme » de Yves Coppens

Quand j’entame la lecture de mémoires ou d’une autobiographie, quel que soit l’auteur (son métier, son sexe, son parcours), et quelle que soit l’époque à laquelle il a vécu, ma curiosité est guidée par la même question : qu’est-ce qui fait qu’un enfant est devenu un talent, quelles étapes d’un parcours transforment une vie en destin ?… Lire la suite « Origines de l’homme, origines d’un homme » de Yves Coppens

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« L’amour après » de Marceline Loridan-Ivens

aprèsCe livre s’ouvre sur une scène dramatique : lors d’une séance de dédicace, l’auteur perd la vue. Mais aussitôt, au lieu de se lamenter, et bien qu’inquiète, elle rebondit vers la vie. Elle part manger « des petits calamars frits ». Cette étonnante attitude est-elle symbolique du fil conducteur de sa vie, s’accrocher, résister aux blessures ?

L’auteur, rescapée des camps, ouvre une valise qui contient des lettres échangées avec les amours de sa vie. Elle décide d’en retranscrire certaines, en les replaçant dans le contexte de sa vie, et de réfléchir à ce que peut être l’amour quand on a connu l’horreur.

Le rythme de ce texte est très fort dès le début. Je suis très partagée sur ce livre. D’un côté, la thématique principale, sur la capacité à aimer, est fort intéressante. Par petites touches, l’auteur évoque l’horreur connue dans sa jeunesse, et le lecteur mesure la profondeur des cicatrices qui en résultent.

« […] tous les jours qui passent ne sont pas la vie, mais du rabe qu’on a lui a laissé et qu’elle n’a pas le droit de gâcher. » « Je suis une fille de Birkenau et vous ne m’aurez pas. »

Mais d’un autre côté j’étais souvent gênée dans ma lecture par une certaine impudeur à livrer ainsi aux lecteurs les lettres d’amour d’hommes parfois connus et/ou parfois encore vivants (pauvre Edgar Morin). J’avais parfois l’impression de lire les écrits d’une adolescente qui jette en pâture ses amoureux sans bien mesurer la puissance des sentiments en jeu.

« Tout le malheur de l’homme vient de ce qu’il ne sait pas rester enfermé dans une chambre. » (Pascal)

S 2-3Grasset, 162 pages, 16€

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« En camping-car » de Ivan Jablonka

camping carDepuis quelques années, le mot « camping » est régulièrement associé au film de Franck Dubosc, que l’on soit un adepte du camping avec ses places réservées, ses soirées, ses rituels… ou que l’on déteste ça pour les mêmes précédentes raisons.

Ici l’histoire n’a rien à voir, le lecteur est prévenu dès la deuxième page : « Nous avons la chance de voyager, de découvrir des pays […]. Il y a des gosses qui passent les vacances chez eux ou dans un quelconque camping des Flots bleus ». Dont acte.

L’auteur retrace ses étés vagabonds dans le camping-car familial, le combi Volkswagen qui permettait de passer des vacances simples mais de se déplacer partout, y compris à l’étranger, dans ces années où le camping sauvage était encore facilement accessible. Ce mode de vie est bien sûr un rêve pour un gamin ; même si certaines journées sont moins drôles que d’autres, que parfois l’ennui se transforme en d’interminables journées de lecture, c’est un univers propice à la rêverie et au développement de l’imagination.

« Je nous imaginais, avec notre camping-car et quelques ustensiles, capables de déménager du jour au lendemain, de rouler pour ne plus nous arrêter, pour ne jamais nous enraciner ; car se poser c’est attendre, les envahisseurs et les tortionnaires ».

Avec le recul, le petit garçon devenu adulte garde un souvenir tendre et heureux de ces étés-là. Le point de départ du livre est assez classique ; je suppose que vous avez déjà lu des tas d’ouvrages sur des souvenirs d’enfance. Ce qui est intéressant, c’est de voir ce que l’auteur fait de ses souvenirs. Ici, il ne se contente pas de les raconter, il s’en sert pour faire une analyse presque sociologique, il cherche à lier des choix au départ familiaux aux modes de vie et aux influences d’une époque (ainsi le combi familial devient un objet de consommation). Après avoir fait plusieurs récits de voyages, qui ressemblent aux souvenirs que l’on se raconte autour d’un album-photo, l’auteur prolonge son récit par des interrogations, une analyse sur les vacances selon le milieu social, l’époque, et parle aussi de liberté et de l’évolution de l’Europe.

J’ai aimé deux choses en particulier dans ce livre :

D’abord, ce que l’auteur raconte de valeurs acquises au cours de ses vacances : le combi l’a fait devenir « un citoyen européen » grâce à ses voyages, et lui a aussi appris l’écologie (économiser l’eau, se passer d’électricité…).

Ensuite ses souvenirs de vacances sont racontés avec beaucoup de pudeur et de tendresse, notamment envers la figure paternelle, dont le portrait est dressé avec une bienveillance toute filiale.

Ce joli livre vient d’obtenir hier le Prix Essai 2018 des lecteurs de France Télévisions, et je suis fière d’y avoir (un petit peu) contribué !

S 3-3Seuil, Prix Essai 2018 des lecteurs de France Télévisions