Audio·Essai / Document

« Eloge du carburateur» de Matthew B. Crawford

eloge carburateurS’il y a bien une période adéquate pour prendre le temps de se poser sur la notion de travail, c’est bien celle que nous vivons actuellement. Entre ceux qui travaillent encore plus, les professionnels qui font tourner le pays au quotidien, ceux qui découvrent le télétravail… jamais le travail n’aura pris des formes aussi inédites et parfois inattendues.

Si le livre de Matthew B. Crawford aborde le travail sous un angle plus large, et notamment en analysant les métiers dits « intellectuels » face aux métiers dits « manuels », je lui ai forcément trouvé une résonance particulière en ce moment. Qui, en effet, crée le plus de valeur (au sens noble du terme) ? Qui « crée » tout court, d’ailleurs ?

L’auteur a lui-même un parcours atypique : intellectuel brillant, membre d’un « think tank », il s’est reconverti en réparateur de motos ! Il explique ainsi son parcours, et surtout l’épanouissement et le sens qu’il a trouvés dans son nouveau métier.

Je n’ai pas trouvé les idées exposées particulièrement révolutionnaires – j’ai l’impression que cela fait quand même quelques années que l’on sait qu’un diplôme ne protège pas du chômage, et que les métiers dits « manuels » comme plombier ou électricien reviennent en odeur de sainteté auprès de parents qui ont compris qu’on pouvait très bien gagner sa vie ainsi !

En revanche, j’ai trouvé particulièrement intéressante la démonstration sur le côté intellectuel souvent sous-estimé des métiers manuels, la réflexion qu’ils nécessitent et le sentiment d’aboutissement ressenti quand le travail est terminé, que le résultat fonctionne ou même qu’il laisse une empreinte de soi.

La réflexion sur le travail fait du bien en ce moment où nos équilibres professionnels traditionnels sont bouleversés, quel que soit d’ailleurs le travail exercé.

S 2-3Audiolib, 8h03 d’écoute, 21,90€

Audio·Roman

« Miroir de nos peines » de Pierre Lemaitre

Il y a des livres que l’on attend avec gourmandise, comme la promesse de passer un moment de littérature agréable, fort, émouvant, parfois drôle. Avec « Miroir de nos peines », dernier opus de la trilogie des « Enfants du désastre », Pierre Lemaitre signe à nouveau un roman réussi et qui réunit tous ces critères. J’ai choisi non… Lire la suite « Miroir de nos peines » de Pierre Lemaitre

Audio·Biographie

« Munkey Diaries (journal, 1957-1982)» de Jane Birkin

munkeyJe connaissais très peu le parcours de Jane Birkin. Bien sûr je l’ai vue, très belle, dans quelques films. Je l’ai entendue dans des interviews, avec son accent étonnant et charmant. J’avais quelques repères sur sa famille, ses filles, sa vie avec Gainsbourg.

J’étais donc très curieuse de mieux la découvrir au travers du premier volet de son journal intime, qui court de 1957 à 1982 (soit approximativement jusqu’à sa rupture avec Gainsbourg). Et je dois dire que l’écoute de ce livre (lu par Jane Birkin elle-même, tout autre choix aurait été inadapté) est allée au-delà de mes espérances.

J’ai découvert tout d’abord une femme très originale, et pour laquelle l’adjectif « vivante » prend tout son sens, tant sa vie est sautillante, libre, loufoque parfois, torturée aussi par moments. Rien ne semble impossible, je ne sais pas si c’est lié à la femme, à l’époque, ou aux deux. J’ai été assez amusée par certains passages assez surréalistes ; j’ai été émue aussi très souvent, par les chapitres sur son enfance, et par une sorte de mélancolie ou d’inquiétude qui revient régulièrement. Et bien sûr j’ai été touchée par son amour immense et sincère pour ses filles.

C’est autant le témoignage d’années de vie que d’une époque entière (le récit des années avec Gainsbourg est particulièrement truculent), que l’on écoute pour découvrir une femme, une artiste, que l’ambiance d’années passées entre Londres, Paris, les plateaux de tournage ou les vacances en bord de mer.

Malgré plus de 11 heures d’écoute, le journal est tronqué, par choix, pour ne pas blesser, ou tout simplement parce que certains journaux originaux ont été perdus. Parfois on passe donc d’une époque à l’autre un peu rapidement, mais peu importe. L’ensemble forme un journal cohérent, et une belle transmission. Car il faut beaucoup de courage pour publier de son vivant son journal intime, même quand plusieurs décennies ont passé, sans l’édulcorer ou le revisiter avec ses yeux d’aujourd’hui, et sans donner une impression de voyeurisme au lecteur.

S 3-3Audiolib, 11h27 d’écoute, lu par Jane Birkin, 24,90€

Audio·Biographie

« Marie et Bronia, le pacte des sœurs» de Natacha Henry

marie et broniaLes deux sœurs qui prêtent leurs noms au titre de ce livre, Marie et Bronia, sont Marie Curie et Bronia Dluska, toutes deux nées Skłodowska dans la Pologne de la fin du XIXème siècle. Nées dans une famille modeste mais aimante et instruite, elles ont traversé jeunes de lourdes épreuves, dont la perte de leur mère. Animé par le goût de l’instruction, et persuadé que l’avenir passe par la science, le père de Marie et Bronia les encourage à poursuivre leurs études, bien que cela leur soit interdit dans la Pologne sous influence russe.

Un pacte naît entre elles : tandis que Bronia s’inscrira à la faculté en France, à la Sorbonne, Marie travaillera en Pologne en tant que gouvernante pour payer les études de son aînée. Puis quand Bronia sera devenue médecin, elle paiera à son tour les études de Marie, à la Sorbonne toujours.

Si la vie continue à les malmener, y compris sentimentalement, les sœurs incroyablement soudées tiennent bon. Et ce récit de leurs vies dédiées à la science, mais solidement appuyées sur leur famille, est un bonheur à écouter. J’ai suivi avec énormément de plaisir le récit de la vie de Marie Curie, mais aussi celui indissociable de sa sœur (leurs vies sont d’ailleurs intelligemment traitées sans « favoritisme » par l’auteure, ce qui est un excellent parti pris). Ce goût pour le travail, pour le savoir, pour la science, est un modèle pour toutes les jeunes filles qui croient encore que les sciences leur sont inaccessibles.

Par ailleurs, même si les deux sœurs sont scientifiques, le récit est très accessible, tourné à la fois vers leur quotidien et vers leurs grands succès. La lecture de Florine Orphelin retranscrit très bien ce qu’on imagine être un mélange de douceur et de détermination chez les deux sœurs. Découvrez vite ce livre audio, c’est une réussite et un bonheur d’écoute !

S 3-3Audiolib, lu par Florine Orphelin, 5h54 d’écoute, 17,50€

Audio·Roman

«Soif» d’Amélie Nothomb

soifS’il y a bien une année où il est difficile de dire si j’ai aimé ou pas « le » roman annuel que sort Amélie Nothomb à l’automne, c’est bien cette année. Car derrière la couverture qui ressemble invariablement aux autres couvertures de ses romans des dernières années (une photo de l’auteure en gros plan), le livre est un OVNI parmi tout ce qu’elle a écrit jusqu’ici. Et pour cause : le narrateur n’est autre que Jésus en personne. L’originalité ne s’arrête pas là, puisque l’auteure a décidé de lui donner la parole précisément pendant la crucifixion. Avouez que cela sort des sentiers battus de l’auteure, qui nous a habitués à toutes sortes de récits, mais loin de ce genre.

Le roman est assez court (environ 2h d’écoute dans la version audio), ce qui est bien car plus long aurait rendu le récit interminable vu le contexte – on parle quand même de souffrance et de mort.

Ensuite, sur le fond, j’ai du mal à me prononcer car je fais difficilement la part de ce qui relève des Évangiles, et de ce qui sort de l’imagination d’Amélie Nothomb. Jésus amoureux de Marie-Madeleine ? Pourquoi pas, après tout « Da Vinci code » avait déjà popularisé cette idée, en se basant sur des Évangiles apocryphes. Mais Jésus qui dit à Dieu qu’il ne connaît pas vraiment l’amour ni la souffrance car il n’a pas de corps, est-ce un choix de l’auteure ? Et ceux pour qui il a fait des miracles, l’ont-ils tous renié ? (la partie où les mariés des noces de Cana lui reprochent d’avoir servi du bon vin après du mauvais est assez surréaliste). Il est difficile de juger un tel roman, que j’imagine être un mélange d’interprétation de textes religieux et d’imagination de l’auteure.

Mais le roman a le mérite d’interpeller le lecteur, de le faire se questionner, pourquoi pas d’ouvrir des dialogues. Pour un livre, quel qu’il soit, c’est déjà une réussite.

S 2-3Audiolib, 2h30 d’écoute. Lu par Grégory Baquet

Audio·Roman

«Un mariage anglais» de Claire Fuller

mariage anglaisAlors que leur mère a disparu depuis longtemps, deux sœurs se retrouvent au chevet de leur père vieillissant, qui vient de faire un malaise.

Et l’on découvre dans un va-et-vient entre aujourd’hui et la jeunesse de leurs parents, comment Gil (le père) et Ingrid (la mère) se sont rencontrés à l’université – lui étant professeur, et elle étudiante. On pourrait imaginer une belle histoire d’amour malgré l’écart d’âge, mais très vite on comprend que Gil, séducteur, a été à l’origine de bien des souffrances dans la vie d’Ingrid.

Le récit sur les jours actuels n’a que peu – voire pas du tout d’intérêt. Je me suis d’ailleurs fortement ennuyée pendant le premier quart du roman, ne comprenant pas où voulait nous emmener l’auteur.

En revanche, plus on plonge dans le passé d’Ingrid au travers de lettres qu’elle a semées dans divers livres, plus on s’émeut de sa vie. Aucune des souffrances de femmes n’aura été épargnée à Ingrid, que ce soit en amour ou dans sa vie de mère. Au final, c’est un beau portrait de femme qui est dressé, avec ses fêlures cachées, et ses espoirs de midinette jamais totalement oubliés.

Le titre « Mariage anglais » me semble moins proche de l’histoire que ne l’est le titre original « Swimming lessons », Ingrid ayant une passion pour la nage qui rythme le récit et donne un tempo lent et mélancolique au roman.

S 2-3Audiolib, 10h24 d’écoute, 23€

Audio·Roman

«La vie secrète des écrivains» de Guillaume Musso

vie secrète écrivainsQuand j’ai tenu entre mes mains ce livre audio, j’étais toute contente et pressée d’en débuter l’écoute. Je ne peux pas dire que je fais partie des lecteurs inconditionnels de Guillaume Musso. J’ai dû lire quelques uns de ses livres mais je n’en garde pas de souvenirs ; je trouve l’homme assez sympathique en interview ; et je respecte sa capacité à embarquer autant de lecteurs dans chacun de ses nouveaux livres.

Ce qui m’a surtout enthousiasmée, c’est que j’avais entendu beaucoup de bien de ce livre, y compris de chroniqueurs « sérieux » que je ne savais pas ouverts à cette littérature. Et puis le titre, cette idée qu’on allait parler littérature et écrivains, me plaisait.

Voilà, le contexte était donc très favorable pour débuter cette lecture !

L’histoire, en quelques mots : Nathan Fawles, un très célèbre écrivain, s’est retiré de la vie publique et a cessé d’écrire depuis plusieurs années. Il vit reclus sur l’île méditerranéenne de Beaumont, où il ne sort pas et ne parle à personne.

Deux personnes, qui ne se connaissent pas, vont décider presque au même moment de percer à jour le mystère de son retrait de la vie médiatique : Mathilde, une journaliste suisse, et Raphaël, un jeune écrivain en quête de conseils de la part de son idole.

Si le livre n’est pas un polar à proprement parler, il est construit avec beaucoup de suspense. Et ce suspense est bien mené, dans le sens où il n’y a pas de faux rebondissements ou de fausses attentes : l’histoire progresse bien, de manière continue, et on attend les chapitres suivants sans néanmoins ressentir la frustration que l’on a dans certains page turners où l’on se sent « promené » par l’auteur.

J’ai écouté avec plaisir les deux premiers tiers du roman, captivée par des rebondissements et par un assemblage progressif des pièces du puzzle. J’ai été tour à tour intéressée, surprise, impatiente… En revanche j’ai trouvé le dernier tiers du roman moins réussi : des explications qui apparaissent d’un coup et sans résonance particulière avec le début du livre ; quelques longueurs ; et un épilogue d’une vingtaine de minutes qui revient sur l’ensemble du roman sans rien apporter d’original.

A noter, comme d’habitude l’Audiolib se termine par une interview de l’auteur, et il est toujours intéressant de comprendre comme celui-ci travaille et comment il a construit son roman.

Malgré une fin un peu décevante pour moi, le roman reste très agréable à écouter, et la lecture de Rémi Bichet est plus proche de l’interprétation que de la simple lecture, ce qui apporte à la fois confort et plaisir d’écoute.

S 2-3Audiolib, 6h50 d’écoute, 22,90€

 

Audio·Roman

«Le Sillon» de Valérie Manteau

sillonJ’ai eu un coup de cœur pour ce livre audio, dont le premier chapitre, pourtant, ne m’avait pas convaincue.

Toute la difficulté est de résumer ce livre. Non pas que le récit soit complexe ; mais si je vous dis qu’il est le récit d’une Française sur la situation en Turquie de nos jours, certes je vous donnerai l’une des clés de lecture du livre, mais elle sera bien insuffisante.

En effet ce livre est avant tout le témoignage d’un immense amour d’une jeune femme pour Istanbul, et surtout pour une jeunesse moderne et non résignée qui y vit. Prenant prétexte d’un livre qu’elle écrit sur Hrant Dink, journaliste arménien assassiné en 2007, la narratrice donne sa perception de l’évolution récente de la Turquie et revient sur son histoire récente.

Le premier chapitre ne m’avait pas convaincue car je ne m’attendais pas à ce style, à la fois très oral et parfois imprécis quant aux personnages qui parlent. Passée cette première barrière, j’ai été finalement happée par cette histoire, à la fois proche et lointaine, ancrée dans le quotidien et dans l’Histoire.

A écouter absolument, jusqu’aux dernières minutes et la toujours très intéressante interview de l’auteur qui clôture la plupart des Audiolib.

S 3-3Audiolib, lu par l’auteure, 5h21 d’écoute, 19€. Prix Renaudot 2018

Audio·Essai / Document

«La vie secrète des animaux» de Paul Wohlleben

vie secrète« La vie secrète des arbres » a été un succès littéraire et médiatique, révélant au grand public notamment comment les arbres communiquent entre eux par un réseau qu’on a presque envie de qualifier de « magique ».

En commençant l’écoute de « La vie secrète des animaux », je me demandais ce que Peter Wohlleben, le forestier sans doute le plus célèbre, allait pouvoir nous raconter. Allait-il simplement nous dire que les animaux ont des sentiments ? Je craignais qu’on enfonce des portes ouvertes pendant les sept heures d’écoute.

Au final, ce document a été une très belle découverte. Aucun ennui, aucune platitude au fil des chapitres. Au contraire ! Chaque chapitre est consacré à une espèce animale, dans un contexte donné. Et l’on découvre alors les formidables capacités intellectuelles, émotionnelles, et communicantes des animaux. Le récit est basé sur les recherches les plus récentes, illustrées sans cesse par les observations d’un homme qui vit au plus près des animaux.

Les chapitres pourraient presque s’écouter indépendamment les uns des autres, chacun étant un récit en soi. Si le fond est traité avec sérieux et rigueur, le texte est très accessible et s’écoute comme autant de petites histoires passionnantes.

S 3-3Audiolib, lu par Thibault de Montalembert, 7h02 d’écoute, 22,90€

Audio·Roman

«Félix et la source invisible» de Eric-Emmanuel Schmitt

félixFélix et sa maman Fatou habitent dans la plus belle ville du monde, Paris, dans le quartier de Belleville – même si son oncle s’amuse à l’appeler « Mocheville ». Fatou tient un café où se côtoient des personnalités sensibles et attachantes : Robert Larousse, ainsi surnommé car il s’attelle à apprendre le dictionnaire (dans l’ordre) ; Madame Simone, qui était « une pute et un homme », ou encore Madame Tran qui s’immisce doucement dans les conversations.

Mais Fatou déprime. Son tempérament s’est éteint. Félix, son oncle et son père, vont organiser pour elle un voyage qui doit la ramener vers la vie et la lumière.

Roman initiatique, poésie d’un petit garçon qui veut redonner le goût de vivre à sa mère, « Félix et la source invisible » est dans la parfaite continuité des précédents romans de Eric-Emmanuel Schmitt. N’y cherchez pas du suspense ni une intrigue qui vous tiendra éveillé jusqu’au bout de la nuit : l’écriture est douce, les chapitres se suivent au gré (d’abord) d’un quotidien sublimé par des personnages bien croqués et (ensuite) d’un voyage en Afrique qui se transforme en quête spirituelle.

Dans le café de Fatou étaient installés Robert Larousse, Madame Simone, Madame Tran… et moi, suivant leurs discussions de comptoirs. La vie, quoi.

S 2-3Audiolib, 18€, 3h51 d’écoute