Ce livre s’ouvre sur une scène dramatique : lors d’une séance de dédicace, l’auteur perd la vue. Mais aussitôt, au lieu de se lamenter, et bien qu’inquiète, elle rebondit vers la vie. Elle part manger « des petits calamars frits ». Cette étonnante attitude est-elle symbolique du fil conducteur de sa vie, s’accrocher, résister aux blessures ?
L’auteur, rescapée des camps, ouvre une valise qui contient des lettres échangées avec les amours de sa vie. Elle décide d’en retranscrire certaines, en les replaçant dans le contexte de sa vie, et de réfléchir à ce que peut être l’amour quand on a connu l’horreur.
Le rythme de ce texte est très fort dès le début. Je suis très partagée sur ce livre. D’un côté, la thématique principale, sur la capacité à aimer, est fort intéressante. Par petites touches, l’auteur évoque l’horreur connue dans sa jeunesse, et le lecteur mesure la profondeur des cicatrices qui en résultent.
« […] tous les jours qui passent ne sont pas la vie, mais du rabe qu’on a lui a laissé et qu’elle n’a pas le droit de gâcher. » « Je suis une fille de Birkenau et vous ne m’aurez pas. »
Mais d’un autre côté j’étais souvent gênée dans ma lecture par une certaine impudeur à livrer ainsi aux lecteurs les lettres d’amour d’hommes parfois connus et/ou parfois encore vivants (pauvre Edgar Morin). J’avais parfois l’impression de lire les écrits d’une adolescente qui jette en pâture ses amoureux sans bien mesurer la puissance des sentiments en jeu.
« Tout le malheur de l’homme vient de ce qu’il ne sait pas rester enfermé dans une chambre. » (Pascal)
Grasset, 162 pages, 16€