Roman

« Le barman du Ritz » de Philippe Collin

« Dehors on traque les juifs, on fusille des gamins au mont Valérien, on meurt de faim, mais un palace se doit d’être irréprochable pour ce qui est des bigoudis. »

C’est toute l’ambiguïté de l’ambiance au Ritz depuis que la Gestapo en a fait un de ses lieux privilégiés de rendez-vous. On se presse autour du bar de Frank Meier, le talentueux barman qui réalise des cocktails comme personne, sait écouter sans intervenir, affiche toujours une mine impassible.

Pourtant Frank cache un secret : lui-même est juif. D’origine autrichienne, il a fait Verdun du côté de la France – et place encore en Pétain les espoirs d’un ancien combattant envers celui qui était encore considéré comme un héros.

La tension monte crescendo dans le roman ; et la légèreté prudente du début se transforme peu à peu en étau au fil des arrestations et de l’avancée de la guerre. D’abord à l’abri derrière son bar, Frank joue de plus en plus avec le feu. Entre ceux qu’il protège et celles qu’il convoite, il côtoie au quotidien des ennemis qu’il s’évertue à servir en affichant une neutralité bien maîtrisée.

L’histoire est inspirée de personnages ayant réellement existé (celui de Frank d’abord, des officiers allemands, mais aussi de plusieurs célébrités de l’époque, Guitry, Chanel,…). Le personnage de Frank est déstabilisant, son sang-froid et son aisance face à n’importe quel interlocuteur mettent parfois mal à l’aise dans la lecture. Et tandis que l’horreur se produit, le champagne et les cocktails coulent à flot…

Quant à Blanche Auzello, que Frank admire en secret, elle est à la fois évanescente, ombrageuse et rebelle, et finalement la seule capable de fendiller l’armure du barman.

Albin Michel, 416 pages, 21,90€

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