Préface : Bernard Kouchner ; textes : Frédérique Féron et Pascal Meynardier ; direction iconographique : Marc Brincourt   

          Avant de commencer la lecture de cet ouvrage consacré à l’abbé Pierre, j’ai fait l’inventaire de ce que j’avais gardé en mémoire de cet homme, presque dix ans après sa mort.

            La première image qui m’est venue est sa silhouette, celle de l’homme barbu avec son béret et sa gabardine. La seconde est bien sûr celle d’une association dont le nom est indissociable du sien, Emmaüs, et plus globalement celle d’un engagement qui a commencé aux yeux du grand public avec son appel de l’hiver 1954. La troisième, enfin, est liée à la médiatisation de celui qui est resté longtemps « personnalité préférée des Français ». En résumé, je n’ai conservé que des évidences, presque des clichés, de cet homme dont au fond je ne connais rien.

Un portrait à sa hauteur

            Ainsi, la première chose qui m’a frappée dans le livre « L’Abbé Pierre, un bâtisseur d’humanité », c’est une photo de lui : on y voit un bel homme, à l’air déterminé, plus soucieux que souriant. Page après page, j’ai lu la vie de cet homme devenu moine à l’âge de dix-neuf ans. D’une sensibilité extrême et de santé fragile, sa vie a été faite de périodes d’espérance et d’action, mais aussi de longs moments de doute, exacerbés par les maladies et aussi par un état quasi dépressif.

            Je ne me souvenais pas avoir vu de photos de lui jeune – j’en ai sans doute vu lors de son décès, mais aucune ne m’était restée en mémoire. Grâce aux archives de Paris Match, ce livre très réussi retrace en images le parcours hors normes de l’Abbé Pierre. Les titres des chapitres résument à eux seuls toute la complexité du personnage : « insurgé », « justicier », « superstar »… il était tout cela à la fois.

            Je connaissais bien sûr son appel de l’hiver 1954, en revanche j’ignorais qu’il était à l’origine de la loi contre les expulsions hivernales. Et si je connaissais bien sûr ses combats pour le logement, j’avais oublié ses prises de position pour une Eglise plus ouverte, et en faveur du mariage des prêtres par exemple.

La complexité d’un homme

            Il est toujours difficile de résumer la vie d’un homme dans un livre – a fortiori quand cette vie a été aussi dense que celle de l’Abbé Pierre. Dans la même collection aux Editions du Chêne, j’avais déjà lu l’excellent ouvrage consacré à Coluche, et celui-ci sur l’Abbé Pierre est du même niveau d’exigence et de qualité. Rien n’est caché de ses difficultés, de ses doutes, de ses erreurs : l’affaire Gauraudy, les discordes au sein d’Emmaüs,… J’avais salué cette honnêteté dans le récit sur la vie de Coluche, et j’ai apprécié de la retrouver dans cet ouvrage – même la préface de son ami Bernard Kouchner sait nuancer les qualités de l’Abbé Pierre. C’est très bien ainsi, car les biographies n’ont d’intérêt que si elles montrent la complexité de ceux à qui elles sont consacrées.

Mon conseil

            Quelles que soient vos convictions religieuses, politiques, sociales, ce portrait nourri de photos surprenantes vous ouvrira l’esprit.

Ed. du Chêne, 24,90€, 208 pages