BD

« Bergères guerrières – La relève (tome 1) » de Jonathan Garnier et Amélie Fléchais

9782344016459-001-TIl y a dix ans, les hommes du village sont partis à la guerre. Depuis, nul n’est revenu. Comment s’organiser quand la moitié du village disparaît du jour au lendemain ? Comment défendre les terres ? Les femmes qui sont restées auraient pu être des victimes collatérales de cette guerre ; elles ont décidé de refuser leur sort et de prendre le destin de leur village en main.

Cette année, c’est la jeune Molly, accompagnée de ses copines, qui va intégrer l’entraînement pour devenir elle aussi une « bergère guerrière » et apprendre à défendre son village.

Cette BD fort réussie raconte le rite initiatique que vivent ces jeunes filles – elles vont apprendre à tirer à l’arc, à se battre, à manier l’épée. Si Molly est effrontément courageuse, toutes ses copines ne le sont pas autant, et l’histoire raconte aussi la pression qui pèse sur ces enfants qui doivent passer un cap dans leur vie. Ensemble, unies par l’appartenance à ce groupe, elles deviennent fortes. Et je ne parle pas de Liam, le petit garçon qui ne devrait pas faire partie de ce groupe de filles, mais qui va peu à peu gagner sa place à force de détermination.

Une jolie leçon de courage, d’engagement, de solidarité ! Cette lecture m’a d’autant plus plu qu’elle m’a été conseillée par une ado (merci Alix !) dont je ne peux que saluer la qualité des lectures.

S 3-3Glénat, 72 pages, 15,50€

BD·C'est mercredi, on lit avec les petits !

« Les enquêtes des enfants capables (tome 1) » de Nathalie Dargent et Lucie Bryon

81DDCsu4YaL._SY466_Ben et Capucine ont créé avec leur « mécanichien » Toto et leur ami imaginaire Ujesh le « Club des enfants capables ». Ben est un inventeur de génie, tandis que sa sœur Capucine adore les enquêtes et les mystères.

Dans ce premier tome, ils doivent retrouver qui a envoyé une lettre de menace à Ben pour le dissuader de participer à une course aérienne. L’enquête réserve quelques surprises, surtout dans le dénouement final. Les personnages sont originaux, enthousiastes, malins. Les dessins sont jolis et restituent bien l’ambiance un peu désuète de la fin du XIXième siècle, avec de nombreuses idées et illustrations de machines étonnantes (ne manquez pas de lire la double page après le roman, avec sa liste d’inventions plus ou moins farfelues, et toujours drôles).

S 3-3Ed Milan (le 1er tome ne se trouve plus en librairie, mais il est disponible dans une intégrale)

BD

« Tous nos étés » de Séverine Vidal et Victor L. Pinel

Capture d’écran 2024-08-10 210940Parfois le choix d’une lecture se fait en fonction de la saison. Quand j’ai sélectionné quelques lectures pour cet été, cette bande dessinée m’a naturellement tapé dans l’œil : par le titre d’abord, mais aussi parce qu’elle raconte l’histoire d’une maison familiale de vacances.

Cette maison de vacances, nous la suivons sur plusieurs décennies, au fil de ses propriétaires successifs. J’ai été un tout petit peu gênée par l’enchaînement des dates, j’ai à chaque fois dû revenir en arrière pour situer la période qui commençait. Passé ce petit ralentissement dans ma lecture, j’ai beaucoup apprécié cette BD aux couleurs douces, qui restitue très bien l’ambiance estivale (à la plage ou sous l’ombre des arbres du jardin).

La BD commence avec Julie, enceinte, veuve depuis peu, de retour pour l’été dans la maison familiale. Son oncle a décidé de vendre sa part – et c’est toute la famille qui est chamboulée. Peu à peu, on découvre l’histoire de la maison avant que la famille de Julie ne l’achète. C’est doux, sentimental, plein de souvenirs comme savent les réveiller les lieux qui ont bercé les étés de notre enfance.

L’été n’est pas fini, vous avez encore largement le temps de vous plonger dans cette jolie BD de saison.

S 3-3Grand angle, 160 pages, 19,90€

BD

« Larzac » de Pierre-Marie Terral et Sébastien Verdier

larzac-histoire-dune-revolte-paysanneSi le Larzac semble aujourd’hui une terre plutôt isolée, qui ne fait plus trop parler d’elle, c’est aussi un endroit qui a symbolisé dans les années 1970 une lutte pacifique entre les paysans et l’État.

Pour celles et ceux qui n’auraient pas vécu ces années-là, rappelons quelques éléments : en 1971, l’État annonce l’extension d’un camp militaire déjà présent sur le Larzac. Or cette extension signifie l’expropriation d’une centaine de personnes qui exploitent ces terre, et qui décident de ne pas se laisser faire. Dans un combat sans violence, mais avec une grande détermination, ils vont occuper les lieux, aidés par une jeunesse pacifiste, anti-militariste, venue des villes pour s’installer plus ou moins à long terme ici.

D’habitude j’ai une préférence pour les bandes dessinées en couleur, mais ici les dessins en noir et blanc sont très bien réalisés et j’ai beaucoup aimé le rendu. Les différents protagonistes (paysans, néo-ruraux, politiques, militaires) ont tous droit à la parole, et les oppositions au sein d’un même camp ne sont pas minimisées (comme les divergences entre paysans locaux et nouveaux venus).

La lecture est d’autant plus agréable et rythmée qu’il y a aussi de nombreuses touches d’humour, ou encore des copies de photos ou de tracts, qui donnent un côté documentaire mais sans jamais alourdir la lecture. Cette bande dessinée est une très grande réussite : elle parvient à raconter l’histoire et les positions de chaque clan, de manière linéaire qui rend le récit très clair et très compréhensible. Il est fort probable, si vous ne connaissez pas encore le Larzac, que cette BD vous donnera envie d’aller faire un petit tour du côté de la « Blaquière », cette bergerie emblématique des lieux.

S 3-3Dargaud, 176 pages, 23,50€

BD

« Mauvais genre » de Chloé Cruchaudet

Capture d’écran 2024-06-30 210135Paul et Louise sont amoureux, vivent ensemble, se marient. Mais la guerre est déclarée et Paul, qui faisait son service militaire, est appelé à combattre. Dans les tranchées, il voit l’horreur, la mort. Il tente d’échapper à la guerre en se blessant volontairement. Mais cela ne suffit pas.

Il déserte. Mais vivre enfermé le rend fou. Pour sortir dans la rue, il emprunte les vêtements de sa femme… et se rend vite compte que cette nouvelle apparence pourrait le sauver…

Cette BD est la tragique histoire d’un couple déchiré par les conséquences de la guerre, l’histoire aussi d’un homme marqué par l’horreur qu’il a vue, et la soif d’être libre et vivant. C’est un livre fort et marquant, dont on ne ressort pas tout à fait indemne.

Le choix du noir et blanc, avec quelques touches de rouge, est particulièrement judicieux pour servir le récit. Certains dessins, pour appuyer l’histoire, sont assez durs et nécessitent que le lecteur soit prévenu. L’ambiance globale est très spéciale ; si au départ le travestissement de Paul peut sembler amusant, il devient vite l’objet de scènes destructrices.

Je connaissais Chloé Cruchaudet pour son adaptation de la biographie de Céleste Albaret (la gouvernante de Proust) ; je la découvre ici dans un registre très différent, sombre, mais avec les mêmes qualités graphiques et narratives.

S 3-3Ed. Delcourt, 160 pages, 23,49€

BD

« Aparthotel Deluxe » de Edo Brenes

9782849534731_20496_R400Dans une ville du Costa Rica, les destins se croisent. Il y a un homme qui vide l’appartement de son père décédé ; et quelques jours avant, des voisins qui se sont croisés sur le palier, inquiets d’entendre la douche couler depuis des heures.

Mélancolie et réflexions sur la vie et l’âme humaine sont au coeur de cette BD. Les personnages, très différents les uns des autres, partagent avec le lecteur une tranche de vie, le temps d’une soirée propice aux rencontres, aux pensées nostalgiques, aux projets et aux déceptions. On ne sait jamais ce qui se passe derrière la porte refermée d’un appartement. On ne connaît pas toujours ses voisins. La BD incite le lecteur à l’introspection. Que garde-t-on de son enfance ? Assume-t-on toujours qui on est ? Chaque personnage porte son lot d’interrogations, et une petite pierre à l’édifice de cette BD.

Les dessins sont très bien réalisés et méritent d’être minutieusement observés. Ils portent l’histoire autant que le texte, dans des tons ocres ou gris pas très joyeux mais qui sont au service du récit.

S 3-3La Boîte à bulles, 144 pages, 24€

BD

« Le droit du sol » d’Étienne Davodeau

F00234Cette BD m’attendait depuis des mois et des mois, je ne sais pas dire pourquoi j’ai attendu aussi longtemps pour la lire… A la faveur d’une « pause » entre deux romans, je me suis finalement immergée dans la marche d’Etienne Davodeau (dont je connaissais « Les ignorants », conseillé par une amie blogueuse spécialiste ès BD il y a fort longtemps).

L’objectif de la marche d’Etienne Davodeau est de rejoindre Bure, dans la Meuse, qui fait l’objet d’un projet d’enfouissement de déchets nucléaires. Et puisque le point d’arrivée montrera ce que les humains sont capables d’enfouir de nocif dans le sous-sol, le point de départ de la marche en sera l’exact opposé : un joli site du Lot où les hommes, un jour lointain, ont dessiné dans une caverne…

Le livre est un tout petit peu long à démarrer – disons que c’est un échauffement – mais devient ensuite très intéressant. Au premier niveau, d’abord, avec les réflexions et le quotidien d’un marcheur, ses rencontres, quelques situations qui font sourire. Puis au second niveau, quand on entre dans le fond du sujet et que l’auteur donne la parole à un expert du nucléaire ou à un militant. C’est très pédagogique, assez accessible dans les explications.

Les dessins, en noir et blanc, sont réussis et retranscrivent bien l’ambiance de la randonnée.

N’attendez pas aussi longtemps que moi pour découvrir cette BD !

S 3-3Futuropolis, 216 pages, 25€

BD·C'est mercredi, on lit avec les petits !

« Enquête au collège » (BD) de Jean-Philippe Arrou-Vignod et Joël Legars

Ce document a été créé et certifié chez IGS-CP, Charente (16)

Je connaissais déjà les « Enquêtes au collège » de Jean-Philippe Arroud-Vignod, pour les avoir lues en roman. Ce sont des enquêtes amusantes, qui ont pour héros trois collégiens : Mathilde, Rémi et Pierre-Paul dit P.P Cul-Vert (le petit intello et assurément le plus drôle des trois).

J’étais très curieuse de découvrir l’adaptation en bande dessinée de ces romans. Dans cette enquête-ci, l’agent d’entretien du collège a été agressé la nuit dans une salle de classe. Les premiers indices accusent Rémi ; il va lui falloir l’aide de ses amis pour être innocenté.

J’ai d’abord été un peu perturbée par les dessins des personnages, qui ne sont pas les mêmes que ceux de la version roman (et en particulier P.P. Cul-Vert a une drôle de tête avec ses énormes lunettes). Mais je me suis vite habituée et j’ai trouvé les personnages attachants comme dans les romans.

Il y a une vraie enquête, avec des fausses pistes, des témoins, des indices, et une fin tout à fait honorable. L’agent d’entretien est juste assommé et il est précisé dès le début qu’il est « hors de danger », ce qui permet de ne pas ajouter de gravité supplémentaire à l’histoire.

J’espère que les autres romans de cette série seront aussi adaptés en BD !

S 3-3Gallimard Bande dessinée, 80 pages, 16,50€ (reçu via « Masse critique »)

Manga

« A la recherche du temps perdu », adaptation en manga par le collectif Variety Artworks d’après Marcel Proust

9782302064089-001-XMa découverte de l’œuvre de Proust est assez originale. Pour ceux qui n’ont pas suivi mes précédentes chroniques, j’avais d’abord commencé par lire le texte original, qui m’est tombé des mains et que je n’ai pas rouvert pendant des années. Puis j’ai découvert les premiers tomes de la formidable adaptation en BD par Stéphane Heuet, un petit bijou visuel qui se base sur le texte original et qui m’a donné envie de réessayer de lire Proust dans le texte. Et quand j’ai lu la chronique d’un lecteur sur cette adaptation en manga, j’ai été intriguée. Quel challenge de synthétiser toute la « Recherche » dans un manga de 384 pages ! Les éditeurs ont pris la précaution de mettre un encart au début du livre pour préciser que c’est une adaptation qui ne dispense pas de la lecture des romans, comme une première approche pour découvrir ces textes. Et c’est exactement comme ça que j’ai abordé ce livre, comme on verrait un film avant de lire le livre. Cela donne les grandes lignes, cela permet de situer les personnages, et pour le reste, allez lire le roman…

Je ne suis pas du tout une experte de Proust et n’ai pas tout lu de son œuvre. Pour ce que j’en connais, je trouve que malgré les larges coupes indispensables pour tenir dans un format court, et malgré un ordre qui me paraît modifié dans le déroulé, on retrouve bien les personnages clés, les passages incontournables, et les conclusions métaphysiques de l’auteur, son rapport au temps,… Donc cela fonctionne plutôt bien et la promesse initiale est tenue !

Une particularité de ce manga est qu’il se lit comme un livre européen et non pas dans le format japonais des mangas.

Je ne suis pas très fan des bruitages écrits et des commentaires pour préciser les attitudes des personnages, qui n’apportent pas grand-chose ici, les dessins étant déjà réussis et expressifs.

Sans forcément reprendre le texte initial comme dans la BD de Stéphane Heuet, quelques phrases incontournables (« longtemps je me suis couché de bonne heure » etc) auraient apporté la cerise sur le gâteau.

En tout cas c’est vraiment une bonne entrée en matière à mettre dans les mains de tous ceux qui n’arrivent pas à lire les romans mais sont curieux d’en découvrir l’histoire et les personnages.

S 3-3Editions Soleil, 384 pages, 8,50€

BD

« Céleste. Bien sûr, monsieur Proust (partie 1) » de Chloé Cruchaudet

9782302095700-001-XTous les lecteurs de Marcel Proust et ceux qui s’intéressent à sa vie connaissent forcément ce prénom : Céleste.

Car Céleste Albaret a été pendant huit ans la gouvernante de l’écrivain, l’accompagnant au quotidien.

Un livre et un documentaire ont déjà mis en avant le témoignage que la gouvernante a accepté de faire de son vivant. Cette BD s’appuie largement dessus (entre autres sources) pour retracer la relation particulière de cette femme avec Proust. Jeune mariée au chauffeur de Proust, assumant de ne rien savoir faire de ses dix doigts (ce qui était peu courant pour une femme de son époque et de son milieu), elle entre au service de Proust comme coursier et livre ses colis dans tout Paris. Très vite elle se rend indispensable ; admirative de Proust (on comprend aussi qu’elle en était platoniquement amoureuse), elle trouve avec l’écrivain un mode de fonctionnement qui n’appartient qu’à eux. Lui, vit reclus dans sa chambre ; elle, peu conventionnelle et maladroite, vit ses journées dans l’attente qu’il la sollicite, et finit par se rendre indispensable pour la réécriture de « La recherche ».

Première partie d’une courte série qui comptera deux tomes, cette BD réussit à retranscrire la relation si particulière entre ces deux êtres atypiques – et au passage, évoque le mari dans quelques vignettes comiques.

Les dessins sont fidèles aux visages que l’on connaît (celui de Proust, celui de Céleste – qui est d’ailleurs repris en photo en fin de BD). Les dessins sont plutôt monochromes, mais avec un jeu de couleur bien trouvé (1 ambiance, 1 couleur).

J’avais repéré ce livre depuis longtemps, et sa lecture m’a donné envie de rouvrir « La recherche » et sa merveilleuse adaptation en BD par Stéphane Heuet. Et bien sûr, j’attends la seconde partie !

S 3-3Ed. Soleil, 18,95€