Biographie·Roman

« Ma mère et moi » d’Anne B. Ragde

J’ai choisi de lire ce livre sur la seule base du nom de son auteure – que je connais par l’excellente saga des «  Neshov » (impossible à résumer ici en quelques lignes, je vous invite à lire mes chroniques sur les différents tomes – et je réalise au passage qu’il existe un sixième tome que je n’ai jamais lu!).

Si l’histoire des Neshov n’a rien de glamour ni de joyeux, j’ai gardé le souvenir d’une écriture précise et sonnant juste. J’ai retrouvé dès les premières pages de ce livre (autobiographique) le talent de l’auteur pour parler de n’importe quel sujet avec une aisance déconcertante.

Le titre laisse supposer qu’elle ne va parler que de sa mère – et peut-être pour régler ses comptes. Le contenu est bien plus fin que cela. Certes, l’auteure raconte beaucoup d’anecdotes autour de se mère, et en particulier autour de leur dernier voyage. Mais elle parle aussi de sa vie, de son métier d’écrivain (avec ses réussites et ses éloges, mais aussi avec ses périodes de nécessaire solitude), de son rapport à l’argent, de ses trois ex-maris… J’avais l’impression de lire le texte d’une copine qui me parlerait de sa vie, naturellement, sans filtre, un peu en vrac parfois. J’ai aimé la sincérité du propos.

« Je me suis parfois dit au cours de ma vie, quand les choses tournaient mal : si je survis à ça, je pourrai écrire là-dessus ». C’est de ce bois-là que sont faits les grands écrivains.

Les Belles lettres, 304 pages, 25€ (reçu en service de presse)

BD·Biographie

« La dernière nuit d’Anne Bonny » de Claire Richard et Alvaro Ramirez

Une histoire de pirate ? Oui, mais ce pirate-là est une femme !

Élevée dans la campagne irlandaise, assoiffée de liberté, Anne sera pirate et amante du capitaine, à une époque où les femmes n’étaient pas les bienvenues sur un bateau. Au soir de sa vie, alors que la mort s’invite dans le bordel qu’elle tient maintenant d’une main de fer, Anne Bonny décide de dicter ses mémoires et de rétablir sa vérité, n’en déplaise au biographe qui avait fait son portrait lors de son procès.

L’histoire est passionnante, rythmée comme un quotidien de pirate qui navigue d’île en île. Entre sa vie de pirate et celle de tenancière sans scrupule de maison close, difficile de trouver le personnage d’Anne Bonny sympathique, loin de là ! Mais on ne peut qu’admirer le courage dont elle a su faire preuve pour s’émanciper.

J’ai bien aimé aussi les apartés dans le récit, où deux historiens débattent de la véracité du récit, des interprétations possibles, et plus globalement du rapport des historiens aux archives dont ils disposent.

C’est une BD intéressante, documentée, avec des illustrations soignées, qui permet de découvrir un personnage au tempérament fort et indépendant.

Le Lombard, 160 pages, 22,95€

Biographie·Essai / Document

« Raconter son histoire » d’Anne-Laurence Coopman et Christophe Janssen

Capture d’écran 2025-07-11 185139Les récits de vie m’ont toujours intéressée. Qu’il s’agisse de biographies ou autobiographies de grands personnages historiques, ou de textes plus modestes d’anonymes, il se crée toujours à la lecture d’un récit de vie une empathie et le lecteur y gagne, me semble-t-il, un petit bout d’humanité en plus.

Cet essai sur les récits de vie, basé sur des exemples concrets (d’anonymes ou de célébrités) n’est pas un manuel à l’usage de ceux qui voudraient écrire leur vie. Les deux auteurs, psychologues cliniciens et habitués des recherches sur le sujet, partagent leur expérience et leurs analyses sur le sujet, dans un ouvrage accessible et documenté.

En s’appuyant sur des artistes connus du grand public (Annie Ernaux, Delphine de Vigan, Art Spiegelman…), ils posent tout d’abord les principes de la narration de soi, puis abordent le poids des secrets et des non-dits, les traumatismes, les récits croisés (dans les fratries, dans les couples) et les dispositifs individuels ou collectifs pour se raconter.

Ce livre peut d’adresser au plus grand nombre, mais y seront particulièrement sensibles ceux qui font l’effort de se poser sur leur vie, leur parcours, leur héritage psychologique, et cherchent à transcender les épreuves.

S 3-3Académia, 200 pages, 20€

BD·Biographie

« Pour une fraction de seconde » de Guy Delisle

9782413085850-001-XJ’aime les grands destins. Ceux qui inspirent. Les destins des visionnaires, des rebelles, de ceux qui étaient parfois incompris à leur époque et qui pourtant ont créé une révolution, quelle qu’en soit la nature.

Je ne connaissais rien d’Eadweard Muybridge, mais j’ai adoré le récit de sa vie dans cette BD. Je n’attendais pas Guy Delisle dans ce registre, mais le résultat est réussi.

Eadweard Muybridge est un génial inventeur de la seconde moitié du dix-neuvième siècle. Il a en particulier travaillé toute sa vie sur la photographie, et plus précisément sur une quête permanente de l’image parfaite. Je n’aurais jamais imaginé que réaliser la photo d’un cheval au galop, pour démontrer que l’animal quitte par moment complètement le sol, puisse être la quête de (presque) toute une vie. Pourtant je me suis laissée porter par l’histoire et j’ai suivi avec grand intérêt les essais et les recherches de Muybridge.

Et quelle bonne idée d’avoir reproduit certaines de ses photos ! Bien loin de casser le rythme du récit, cela apporte au contraire une émotion supplémentaire, un rappel que toute cette histoire (parfois rocambolesque) a été bien réelle.

Inventeur génial, esprit un peu fou, meurtrier aussi, Muybridge se révèle être un personnage haut en couleurs. On croise aussi dans cette BD d’autres inventeurs célèbres (Edison, Tesla…), ce qui donne au lecteur des repères sur le contexte des recherches de l’époque. C’est passionnant !

Pour l’anecdote, le directeur de la collection Shampooing dans laquelle est publiée cette BD n’est autre que… Lewis Trondheim.

S 3-3Editions Delcourt, 208 pages, 24,50€

Biographie

« Frida Kahlo par Frida Kahlo – Écrits (1922-1954) »

Capture-d’écran-2024-10-22-à-12.30.32Frida Kahlo est depuis longtemps l’artiste qui me touche le plus, tant j’admire la force, la résilience, et l’incroyable vitalité dont elle faisait preuve. On ne peut pas comprendre ses tableaux sans connaître sa vie, et je recommande toujours l’excellent biopic « Frida » avec Salma Hayek exceptionnelle dans le rôle de l’artiste mexicaine.

Je suis tellement contente de voir ce livre de correspondances enfin réédité ! J’en croyais à peine mes yeux en librairie tant je l’ai attendu longtemps.

Il regroupe par ordre chronologique des lettres écrites par Frida entre 1922 (elle avait 15 ans) et 1954 (année de son décès). Elle écrit à ses amis, à Diego Rivera bien sûr, le grand amour de sa vie, à sa famille, à ses amis, à ses médecins. Les lettres sont présentées sans analyse (avec cependant quelques références sur les destinataires des lettres) mais comme le dit Raquel Tibol dans la préface, ces écrits « n’en ont pas besoin ».

Dès les premières lettres, j’ai retrouvé l’énergie, la spontanéité, la sensibilité brute qu’il y a dans ses tableaux. Ce livre ne suffit pas à connaître toutes les grandes étapes de sa vie (il y a notamment une grande coupure entre 1928 et 1930, pourtant période essentielle où elle rencontre Diego Rivera – j’aurais tant voulu lire cette rencontre avec le regard de la principale intéressée). On ne sait rien non plus de la liaison qui lui a été attribuée avec Léon Trotski. Elle parle peu de ses tableaux et de son travail de peintre, mais beaucoup de ses sentiments, de son corps qui la torturait, et de contingences domestiques (elle réclame de l’argent assez fréquemment à ses amis à la fin de sa vie).

J’ai eu la chance, lors d’une exposition au Palais Galliera, d’approcher des objets ayant appartenu à Frida Kahlo (dont ses corsets, particulièrement émouvants). Avec la réédition des lettres qu’elle a écrites, j’ai le sentiment de m’être approchée d’elle encore un peu plus.

S 3-3Christian Bourgeois éditeur, 512 pages, 12,80€

Biographie·Essai / Document

« Agir et penser comme la Reine d’Angleterre » de Dorica Lucaci

6ccf73ec2e34288f6cde38bb0e01Une fois n’est pas coutume, la recommandation de cette lecture me vient… du Guide du Routard ! L’idée étant, pour un séjour à Londres, de se plonger via la lecture dans une ambiance toute british.

Le concept du livre est le suivant : à partir d’éléments autobiographiques sur Elizabeth II (qui était encore vivante quand le livre a été publié pour la première fois), l’auteure propose quelques conseils de vie sur des thématiques variées.

Ainsi il est question, en vrac, d’éducation, de vie publique, de courage, de famille, de relation aux autres, de lâcher-prise, de couple, de dignité… n’en jetez plus !

J’ai bien aimé redécouvrir des anecdotes sur la reine Elizabeth II (même si je n’ai rien appris… moi aussi j’ai vu « The Crown »). L’idée de départ du livre (aller chercher de l’inspiration dans la vie de la monarque sans doute la plus célèbre de notre époque) est assez plaisante. Mais les conseils proposés manquent de profondeur, ce sont au mieux des conseils dignes de magazines de psychologie bas de gamme, au pire de simples lapalissades. J’ai fini par survoler les parties avec les conseils (sans intérêt) pour concentrer ma lecture sur les parties biographiques et les anecdotes.

S 2-3Editions de l’Opportun, 240 pages, 12,90€

Biographie

« Emma Calvé » de Laetitia Bex

Capture d’écran 2024-09-06 195050Je n’avais jamais entendu parler d’Emma Calvé avant de découvrir une pièce qui lui est consacrée dans un musée de Millau. Je suis toujours intriguée par la genèse des destins hors du commun : comprendre leur parcours, découvrir leur histoire familiale, et surtout lever un peu le voile qui sépare la personnalité célèbre et l’homme ou la femme derrière les apparences.

Emma Calvé (1858-1942) est une cantatrice qui était très célèbre à son époque. D’origine modeste, très attachée à l’Aveyron de son enfance, c’est sa voix qui lui a permis de devenir une artiste mondialement connue – elle a en particulier beaucoup voyagé aux Etats-Unis.

Ce livre retrace essentiellement sa vie d’artiste, ses choix, ses succès, mais aussi ses failles (ses maladies, ses angoisses) et ses engagements pour de nombreuses causes. Quand les sources documentaires existent, on apprend aussi les grandes étapes de sa vie de femme – on y découvre les grands traits de sa personnalité, mais elle-même est toujours restée réservée sur sa vie privée, et beaucoup d’interrogations restent sans réponse.

J’ai beaucoup aimé cette biographie qui se lit comme un roman, à travers des chapitres très courts qui donnent beaucoup de rythme au récit. Les quelques photos reproduites au centre du livre permettent de mettre un visage sur une vie. Nul besoin d’être un mélomane averti pour être séduit par ce livre, un beau portrait de femme talentueuse et tourmentée.

S 2-3Acala, 385 pages, 20€

Biographie·Essai / Document

« Voyage à Berlin – Danielle Darrieux sous l’Occupation », de Jérôme Bimbenet

tallandier-d.darieux-sous-occupation-crgSur la photo de couverture, c’est une jeune femme élégante, souriante, pleine de fraîcheur : c’est une femme amoureuse. Nous sommes en mars 1942 et Danielle Darrieux part rejoindre l’homme qu’elle aime, Porfirio Rubirosa, qui ne peut quitter Berlin.

Qui étaient les acteurs qui ont accepté de voyager en train jusqu’en Allemagne par temps de guerre ? Pourquoi ont-ils accepté ce voyage, qu’avait chacun d’entre eux à y gagner ?

Longtemps ce voyage leur a été reproché, même si Danielle Darrieux s’est toujours défendue en arguant qu’elle n’avait pour seule motivation que de retrouver son fiancé.

Faire tout un livre sur ce voyage pourrait faire craindre quelques longueurs, en particulier pour les lecteurs qui n’ont pas connu la plupart des acteurs cités (ce qui est mon cas). Pourtant le livre va bien au-delà du voyage de Danielle Darrieux et raconte une tranche de l’histoire du cinéma français.

Si l’auteur du livre semble un admirateur sincère de Danielle Darrieux, il n’est pas un admirateur aveugle et s’étonne – voire s’agace – des réponses un peu naïves de l’actrice lorsqu’elle a été interrogée sur certains épisodes de cette période. L’auteur ne juge pas, n’accuse pas, il souligne des faits et raconte des situations qui mettent le lecteur mal à l’aise – amoureuse, ambitieuse, mais aveugle à quel point ?

Derrière l’actrice, il y a aussi le portrait d’une époque, les écarts de traitement entre le milieu du cinéma et le reste de la population. J’ai trouvé très instructif de voir cette période historique traitée sous un angle très spécial (celui du cinéma français et des vedettes de l’époque), entre insouciance, ambitions personnelles, et œillères souvent difficiles à défendre.

S 2-3Tallandier, 297 pages, 21,50€

Biographie

« Edouard-Alfred Martel » de Norbert Casteret

I23356Le monde souterrain, celui des gouffres et des grottes, est un monde fascinant qui réveille l’imagination. Se dire que, il y a une grosse centaine d’années, les spéléologues exploraient ces espaces à la bougie me paraît incroyable (et un peu fou, aussi).

En commençant cette biographie d’Edouard-Alfred Martel, spéléologue autodidacte, explorateur de dizaines et dizaines de grottes et gouffres de France et d’Europe (il a découvert, et étudié pendant des années, le gouffre de Padirac par exemple), je pensais lire un récit d’aventures. Ce que j’aime d’habitude dans ces biographies, c’est en particulier découvrir la jeunesse des héros, ce qui les a menés sur le chemin d’une vie extra-ordinaire. Je voulais lire ses étonnements, ses projets, ses succès et ses échecs.

J’ai donc été assez déçue par cette lecture, qui est moins le récit de sa vie qu’un récit assez technique et scientifique, porté par le regard d’un homme (Norbert Casteret), lui-même spéléologue, qui raconte les exploits de l’un de ses prédécesseurs. Il porte donc un regard admiratif sur lui, mais surtout un regard d’expert parfois décalé pour une lectrice novice comme moi.

La biographie se transforme assez vite en liste d’exploits et recensement des excursions. Les anecdotes sont plutôt intéressantes (sa rencontre avec un forgeron qui deviendra son co-équipier, son empoisonnement par une eau souterraine, qui alimentera par la suite de nombreux travaux sur la pollution des eaux souterraines, etc). Mais j’aurais aimé lire un récit moins décousu, plus axé sur sa vie de spéléologue et sa vie « à côté ».

A noter, les photos au centre du livre sont bienvenues et donnent chair à l’homme dont on lit l’histoire.

S 1-3La Table Ronde, coll. La petite vermillon, 256 pages, 8,70€

Biographie

« Monsieur Proust » , souvenirs de Céleste Albaret recueillis par Georges Belmont

Capture d’écran 2024-06-30 212206Pour évoquer ce livre, je vais distinguer la forme et le fond.

Sur la forme : j’ai rarement eu entre les mains un livre avec autant de fautes d’orthographe, coquilles, fautes de frappe. Une absence évidente de correction a rendu cette lecture par moments très agaçante. Sauf si Proust a vécu en « 1012 », que son manuscrit a été refusé par l’écrivain « André Gilde », et qu’il a finalement reçu le Prix « Concourt ».

Sur le fond pourtant, ce livre est passionnant et mérite d’être lu par tous ceux qui veulent en savoir plus sur Proust, et en particulier les huit dernières années de sa vie. J’avais en tête l’image d’un homme alité, écrivant dans sa chambre, sa robe de chambre sur les épaules. Le témoignage de Céleste Albaret, qui fut sa gouvernante pendant les dernières années de sa vie, donne une image plus complète et plus nuancée de l’écrivain.

Céleste Albaret a rencontré Marcel Proust par l’intermédiaire de son mari, qui était le chauffeur de taxi de l’écrivain. D’abord messagère livrant son courrier, elle s’est peu à peu rendue indispensable auprès de Proust, s’adaptant à ses horaires décalés, respectant ses lubies, et passant du temps à discuter avec lui de son entourage et de son œuvre. On comprend mieux d’ailleurs l’obsession de fin de vie de Proust, tourné exclusivement vers la finalisation de son roman.

Alors il y a bien quelques anecdotes qui semblent aller à l’encontre d’autres témoignages ou même d’écrits laissés par Proust, mais on comprend vite que le récit est celui d’une femme dont la vie a été bouleversée par cette rencontre et qui vouait un culte sans faille à l’écrivain et à l’homme.

C’est un livre de référence, que je me réjouis d’avoir lu, et qui éclaire d’une manière différente ce que j’avais déjà lu sur (ou de) Proust.

Au passage : Chloé Cruchaudet a fait une très belle adaptation en BD (2 tomes) de ce livre.

S 3-3Robert Laffont, 480 pages, 12€