Roman

« Les rescapés de Junas » de Florence Roche

9782258206656ORIDans les années 1950, un petit village ardéchois est décimé par un mal mystérieux : en quelques heures à peine, tous les habitants meurent foudroyés. Est-ce une épidémie ravageuse, une malédiction ?

Il faudra attendre vingt années pour que quelqu’un s’intéresse à nouveau au sort du village. Cette personne, c’est Mathilde. Héritière d’une industrie autrefois florissante d’eau en bouteille, elle se retrouve à enquêter sur le passé de son père, aujourd’hui décédé, qui semble avoir aimé une jeune femme dont elle n’a jamais rien su. Et les réactions de son grand-père et de sa mère ne font qu’attiser sa curiosité.

Les allers-retours entre 1955 et 1975 font qu’il y a au départ beaucoup de personnages à situer dans l’histoire, mais tout se met en place finalement assez bien.

Mathilde est un personnage dynamique, volontaire, et cela donne beaucoup de rythme à l’histoire. Il y a quelques petites maladresses (personnages providentiels, rencontres fortuites) mais cela permet de ne pas alourdir le récit en conservant une bonne progression dans l’histoire. Car ce roman se lit comme une enquête, et même une double enquête : l’une est familiale, l’autre concerne l’anéantissement du village de Junas dans les années 1950.

Avoir choisi l’industrie de l’eau comme décor est une très bonne idée, et plus originale que le vin, le parfum, etc, qui sont des trames qui fonctionnent toujours bien mais que l’on retrouve dans de nombreux romans.

C’est un bon roman, agréable à lire. J’étais très curieuse d’aller jusqu’au bout du roman pour avoir les réponses et comprendre ce qui s’était passé, je l’ai lu en 2 jours seulement !

S 3-3Presses de la cité, 352 pages, 21€

Roman

« La femme moderne selon Manet » de Alain Le Ninèze

manetCette collection de petits livres propose un point de vue très attractif : et si les grandes œuvres nous étaient racontées de l’intérieur ? Si par exemple, le célébrissime tableau « Olympia » de Manet était raconté par Victorine Meurent, le modèle qui donne ses traits à Olympia ? C’est très original comme approche !

On découvre l’envers du travail de l’artiste, mais aussi ses fréquentations, ses relations avec son modèle, et l’accueil peu chaleureux qui fut réservé au tableau. Le lecteur voit aussi graviter au fil des pages quelques uns des noms d’artistes les plus célèbres du XIXe siècle, de Baudelaire à Zola, de Pissaro à Monet. Le livre est court (une centaine de pages). On aurait pu imaginer suivre encore plus de détails de la création de cette œuvre ; c’est visiblement un parti pris de se concentrer sur un résumé assez succinct. On sent que ce texte a nécessité un certain travail de documentation ; en revanche le style et les dialogues ne sont pas des plus recherchés et ce décalage m’a un peu gênée à la lecture. Cela donne quand même envie de revoir les tableaux de Manet. J’ai apprécié d’ailleurs que le tableau « Olympia » soit reproduit sur la couverture intérieure, avec même un détail agrandi. « Le déjeuner sur l’herbe », auquel il est aussi largement fait référence (et pour lequel Victorine Meurent a aussi servi de modèle), n’est en revanche pas repris en illustration – il faudra aller le chercher vous-mêmes.

S 2-3Ateliers Henry Dougier, 128 pages, 12,90€

Audio·Roman

« Les gens de Bilbao naissent où ils veulent » de Maria Larrea

bilbaoQuel beau roman autobiographique !

La narratrice raconte son histoire familiale, celle de sa mère, celle de son père, deux gamins pas très aimés, pas très désirés, nés en Espagne. Adultes, leur vie se poursuit à Paris, dans la loge d’un théâtre parisien, où ils élèvent une petite fille – la narratrice.

J’ai lu ou écouté beaucoup de récits autobiographiques, et celui-ci est particulièrement incisif. La très bonne idée de cette version audio est d’avoir confié la lecture à l’auteure elle-même : le récit en est d’autant plus touchant, et l’auteure porte ses mots avec une telle énergie ! J’ai adoré sa lecture, tantôt sensible, tantôt révoltée, et son espagnol parfait (notamment pour les insultes et les cris d’énervement!).

L’histoire est particulièrement touchante. C’est une quête familiale, une quête de l’histoire personnelle, que je ne vous raconte pas en détail pour ne pas interférer dans votre découverte de ce beau texte. La première moitié de l’histoire est un récit assez classique (mais très bien mené) d’une histoire familiale ; la seconde partie est beaucoup plus personnelle, plus intime. J’ai adoré ce roman, et j’ai adoré le découvrir en version audio.

Pour un premier roman, l’auteure frappe fort. J’ai hâte de découvrir sa plume dans un prochain roman.

S 3-3Audiolib, lu par l’auteur, 4h16 d’écoute, 21,90€ en version CD

Roman

« Le festin » de Margaret Kennedy

G07507_LeFestin_CV.inddDès les premières pages, le lecteur sait que ce « festin » se terminera mal.

Au début du roman, le décor est planté : une falaise s’est effondrée sur une pension de famille ; il y a eu des morts. La grande question sera donc : qui a survécu ? qui est mort ?

La pension de famille est tenue par une famille qui est prête à accepter tous les locataires pour gagner un peu d’argent. Se côtoient donc un chanoine irascible, une mère méchante et ses petites filles, des domestiques à la langue bien pendue… J’ai cru ne jamais me repérer parmi les personnages ! Mais tout se met progressivement en place, les personnages et la tension qui monte progressivement.

Certains critiques ont comparé l’ambiance de ce livre à un livre d’Agatha Christie, ce qui est assez pertinent : un groupe d’individus qui ne se connaissent pas, réunis dans une pension de famille, inconscients du drame qui les attend…

Au fil des chapitres, qui suivent les jours de la semaine, la tension monte vers le drame que le lecteur est le seul à anticiper. Les vies des personnages, d’abord traitées indépendamment les unes des autres, finissent par s’entremêler et former un ensemble cohérent.

En conclusion, il faut accepter le début qui est un peu décousu, pour capter ensuite tout le tissage de l’histoire.

S 3-3Folio, 576 pages, 9,70€

Roman

« Mon mari » de Maud Ventura

mariElle habite une jolie maison, est mariée, mère de deux enfants. Après quinze ans de mariage, elle est toujours amoureuse de son mari. Mais c’est un amour maladif, jaloux, possessif, excessif.

Au quotidien, elle note dans des carnets sa vie amoureuse : ce qui s’est passé dans la journée, ses stratagèmes tordus pour entretenir la flamme.

Ecrit à la première personne, le roman nous fait vivre de l’intérieur les pensées de cette femme dérangée, qui cache ses angoisses sous une apparente normalité. Jusqu’où ira sa peur de perdre l’amour de son mari ?

L’ambiance du livre est proche du thriller psychologique, avec une tension qui monte crescendo, jusqu’à l’épilogue particulièrement réussi.

Troublant et redoutablement efficace, le roman lève le voile sur les coulisses de la jalousie et de la folie amoureuse. C’est le premier roman de Maud Ventura, et je suis curieux de retrouver le style de cette auteure sur une autre thématique.

S 3-3L’iconoclaste, collection Proche, 8,50€

Roman

« Demain, et demain, et demain » de Gabrielle Zevin

9782265155602ORICoup de cœur !

« Demain, et demain, et demain » est un roman qui ne ressemble à rien de ce que j’avais lu jusqu’ici. Il mêle amitié, quête de soi, jeux vidéo, mais aussi un mélange bien dosé d’ambition et de destruction. La grande réussite de ce livre est de m’avoir happée dès les premières pages, avec les retrouvailles fortuites de Sally et Sam dans le métro. Ils ne se sont pas vus depuis des années, pourtant ils ont partagé des heures et des heures dans la salle de jeux d’un hôpital.

Devenus étudiants, ils décident de réunir leurs talents pour créer ensemble un jeu vidéo.

Je ne suis pas joueuse et ne connais pas grand-chose aux jeux vidéo, et pourtant j’ai adoré suivre ce duo atypique dans son projet, avec leur fantastique créativité et avec les doutes qui l’accompagnent.

Impossible de lâcher ce livre avant la fin ! Car finalement, derrière l’histoire de la création de jeux, c’est l’histoire entremêlée de deux êtres différents mais complémentaires, qui ne savent pas vivre ensemble mais ne savent pas non plus vivre l’un sans l’autre. C’est dérangeant, étonnant, captivant : le meilleur livre que j’ai lu depuis longtemps.

S 3-3Fleuve éditions, 528 pages, 22,90€

Roman

« Vidocq et l’énigme du temple» de Louis Bayard

9782749176376ORIJ’avais quelques hésitations avant d’entamer ce livre, car je n’avais pas gardé un excellent souvenir du premier roman que j’avais lu de cet auteur (« Un œil bleu pâle »). Mais celui-ci n’a rien à voir ! Dès les premières pages, j’ai trouvé l’histoire intéressante, mêlant récit historique et roman, et j’ai eu envie de voir comment l’auteur allait faire progresser son récit.

Ce roman est bien plus réussi que le premier, plus clair, plus dynamique : les chapitres sont courts et rythmés, l’écriture est fluide. Il y a une fois encore deux personnages principaux, qui se complètent : d’un côté Vidocq, un « monstre », puissant, géant ; de l’autre côté le Dr Carpentier, timide, un peu maladroit, mais homme réfléchi et loyal. Leurs chemins se croisent autour d’un mystère : celui du fils de Louis XVI, le petit Dauphin qui a suscité bien des interrogations et autour duquel les romanciers ont plaisir à inventer des récits tant son histoire offre une large palette romanesque.

Ce roman est une bonne surprise, une lecture prenante à laquelle je ne m’attendais pas, mais que j’ai appréciée jusqu’à la fin.

S 3-3Le Cherche Midi, 496 pages, 19,95€

Cosy mystery·Policier·Roman

« Les enquêtes de Roderick Alleyn (tome 1) : Le jeu de l’assassin » de Ngaio Marsh

9791039200189ORIJ’avais noté ce titre depuis longtemps… Un roman (vraiment) dans le style d’Agatha Christie, ça ne pouvait que me plaire !

Et, au passage, je commence une de mes bonnes résolutions de l’année (oui, il n’est jamais trop tard !) qui était de lire un peu plus en version numérique.

Sir Hubert a réuni quelques invités pour le week-end. Ils vont participer à une « murder party » (ou « jeu de l’assassin »). L’un d’eux sera désigné secrètement comme le meurtrier, et devra organiser un faux meurtre. Les autres participants devront ensuite enquêter et le démasquer.

Sauf que, vous l’avez compris, le « faux » meurtre » se transforme en « vrai » meurtre, et là il n’est plus question de jouer. Scotland yard est appelé sur place, et l’inspecteur Alleyn va mener son enquête, secondé efficacement par Nigel, le cousin de la victime.

On est vraiment dans une ambiance digne d’Agatha Christie, avec huis-clos à la campagne, groupe réuni pour quelques jours, un inspecteur qui arrive etc. L’auteure, Ngaio Marsh, a publié ce roman en 1932 – on est à la même époque qu’Agatha. Et il y a 32 romans dans la série, ce qui me laisse encore quelques belles heures de lecture !

L’inspecteur Alleyn, qui est le héros de la série, est un inspecteur discret, un peu prétentieux mais sans réel signe distinctif. A tel point que j’ai cru pendant une bonne partie du roman que le personnage récurrent était Nigel !

A suivre…

S 3-3ArchiPoche, 260 pages, 10,99€ en version numérique

Roman

« Tempête sur la Villa aux étoffes (tome 5) » de Anne Jacobs

9782264082053ORIIl s’est passé un peu de temps entre ma lecture du tome 4 et celle de ce tome. Alors je craignais d’avoir un peu de mal à revenir dans l’histoire, à me souvenir de tous les personnages etc.

Finalement, j’ai adoré ce tome autant que les précédents !

La « tempête » dont il est question est celle de la Seconde Guerre mondiale. Ce tome se déroule en 1936, et déjà les lois anti-juives se multiplient, menaçant Marie qui a des origines juives, et faisant du même coup trembler toute l’usine, avec un risque de commandes en baisse, et donc de licenciement pour de nombreux ouvriers. Paul Melzer, directeur de l’usine familiale et époux de Marie, soutient coûte que coûte son épouse. Alors c’est Marie elle-même qui va devoir prendre une terrible décision…

Dès les premières pages, j’ai retrouvé l’ambiance de la famille Melzer, leurs réunions de famille autour de la table, etc. Les enfants, Dodo, Léo, Henni, ont grandi et, contrairement à mes craintes dans un précédent tome, leurs aventures aussi sont intéressantes à suivre. Dodo se rêve pilote et fait tout pour y arriver ; Léo continue de composer de la musique, avec plus ou moins de réussite ; et Henni seconde efficacement son oncle Paul à l’usine, avec un mélange de malice et pragmatisme. Chaque personnage a son caractère propre et, c’est important de le souligner, malgré le grand nombre de personnages (la famille, les domestiques, les travailleurs ou partenaires de l’usine…), on ne confond jamais les personnages. C’est vraiment bien fait (j’ai pensé pour cela à Ken Follett qui sait très bien gérer la multitude de personnages sans perdre son lecteur).

Les femmes ont toujours la part belle dans le récit, Marie bien sûr, mais aussi Kitty qui continue à apporter beaucoup de fraîcheur et un peu de légèreté au milieu d’une histoire qui s’assombrit inexorablement ; ou encore Tilly, plus présente que dans les autres tomes.

J’ai été un peu surprise par les choix de Marie, un peu précipités pour un personnage qui est toujours tempéré et réfléchi, comme si l’auteure avait voulu accélérer certains passages. Cela m’a fait une impression bizarre à la lecture. Mais comme toujours, il se passe tellement d’événements dans un seul tome que tout cela est vite balayé, et l’histoire reprend son cours…

Maintenant j’attends avec impatience la sortie en poche du sixième (et dernier !) tome, mais je sais qu’il me faudra être patiente car il vient tout juste de sortir en grand format.

S 3-3Ed. 10/18, 648 pages, 10,10€

Roman

« L’Or et le Sel » de Pascale Pujol

PujolLOr-1erPlatWebAttention, coup de cœur !

Après le décès de la matriarche, une famille se résout à vendre la demeure familiale, ce « château » trop grand et trop vieux auquel plus personne ne s’intéresse. Pourtant, au moment de vider les lieux avant l’installation du nouveau propriétaire, les souvenirs remontent, et les regrets aussi.

Au moment de faire les adieux à cette bâtisse, la petite-fille, la belle-fille, la femme de ménage, et même la notaire, ont toutes quelque chose à dire sur ce lieu. Le regret de n’être pas assez venue, d’avoir toujours refusé d’emporter quelques meubles pour soi, le ménage de printemps, le mystère d’un puits que l’on dit à sec… c’est fou tout ce qu’on peut garder en soi d’une maison.

L’écriture est incroyable de justesse et de précision, un mélange de douceur nostalgique et de colère de voir cette maison cédée à un business man. L’auteure a choisi de n’écrire que des témoignages féminins, ce qui crée un fil rouge entre les chapitres. C’est un très beau texte sur le souvenir, sur la puissance des lieux, et finalement sur les liens familiaux. Tout le livre est magnifique, jusqu’au dernier chapitre, poétique et puissant, qui vous donnera la clé du titre.

À lire absolument !

S 3-3Le Dilettante, 160 pages, 16€