Roman

« Perspective(s) » de Laurent Binet

Capture d’écran 2024-09-29 202901J’étais très intriguée par ce roman dont j’ai souvent vu passer la couverture dans des chroniques de lecteurs. L’histoire se passe à Florence (raison de plus pour me laisser séduire) en 1557. Un célèbre peintre, commandité pour décorer une chapelle, est retrouvé assassiné. Cela faisait des années qu’il travaillait dans le plus grand secret sur cette fresque, alors les suspects ne manquent pas : des religieuses choquées par les peintures de nu, un comparse peintre, un noble…

La bonne idée de ce roman est d’être un mélange de roman épistolaire et d’enquêtes. Les lettres que s’échangent les différents personnages permettent d’identifier progressivement les suspects et de comprendre quelles auraient pu être leurs motivations – jusqu’au dénouement, qui n’est pas totalement inattendu.

J’ai plusieurs fois confondu ou oublié des personnages et ai été obligée de me référer à la quatrième de couverture pour reprendre le fil. J’ai aussi regretté quelques longueurs dans le dernier tiers du roman, et ai fini par m’ennuyer – dommage !

La partie qui explicite le titre « Perspective(s) » est très intéressante, mais hélas elle est arrivée trop tard dans ma lecture et n’a pas suffi à me faire changer d’avis sur l’ensemble du livre.

S 1-3Grasset, 304 pages, 21,50€

BD·C'est mercredi, on lit avec les petits !

« Les enquêtes des enfants capables (tome 1) » de Nathalie Dargent et Lucie Bryon

81DDCsu4YaL._SY466_Ben et Capucine ont créé avec leur « mécanichien » Toto et leur ami imaginaire Ujesh le « Club des enfants capables ». Ben est un inventeur de génie, tandis que sa sœur Capucine adore les enquêtes et les mystères.

Dans ce premier tome, ils doivent retrouver qui a envoyé une lettre de menace à Ben pour le dissuader de participer à une course aérienne. L’enquête réserve quelques surprises, surtout dans le dénouement final. Les personnages sont originaux, enthousiastes, malins. Les dessins sont jolis et restituent bien l’ambiance un peu désuète de la fin du XIXième siècle, avec de nombreuses idées et illustrations de machines étonnantes (ne manquez pas de lire la double page après le roman, avec sa liste d’inventions plus ou moins farfelues, et toujours drôles).

S 3-3Ed Milan (le 1er tome ne se trouve plus en librairie, mais il est disponible dans une intégrale)

Roman

« Le Silence et la Colère » de Pierre Lemaitre

Capture d’écran 2024-09-25 141931S’il y a bien un auteur dont je conseille tout le temps les romans, c’est Pierre Lemaitre. Depuis ses romans noirs jusqu’à la trilogie « Les enfants du désastre » (contenant l’excellent « Couleurs de l’incendie »), j’ai lu à peu près tous ses romans.

Dans « Le Silence et la Colère », on retrouve la famille Pelletier déjà présente dans « Le Grand monde ». Les deux romans peuvent se lire indépendamment, mais ne vous privez pas de les lire dans l’ordre pour apprécier encore plus la singularité des personnages. Il y a Louis, le patriarche (ou du moins est-ce ainsi qu’il se voit) ; François le fils sérieux, journaliste ; Hélène, photographe et pigiste ; et Jean, dit Bouboule, marié à la tyrannique Geneviève. Chaque personnage a de l’épaisseur, chacun à lui seul pourrait porter un roman entier, tant l’auteur développe bien les intrigues autour d’eux. Tout est passionnant à lire : les doutes de François sur l’identité de sa compagne ; l’enquête d’Hélène dans un village promis à la destruction, sa grossesse non désirée à une époque où l’avortement était pénalement répréhensible ; Bouboule, son magasin et ses « dérapages » ; le patriarche et sa lubie de pèlerinage en famille… Et puis Geneviève, terrifiante, mesquine, et ridicule à la fois – elle est le ressort tragique et comique de cette saga. Tout, vous dis-je, tout m’a happée dès la première page et jusqu’à ce que je referme le livre. Il est difficile de résumer un tel roman, dense, bien construit, avec plein de ramifications ; alors faute de mieux, je n’ai qu’un mot : foncez !

S 3-3Calmann-Lévy, 592 pages, 23,90€ (existe aussi en format poche)

Cosy mystery·Policier

« Son espionne royale (tome 13) : Amour et mort parmi les léopards » de Rhys Bowen

9782221272107ORIAdieu les courants d’air du château familial de Rannoch : pour son voyage de noces avec Darcy, Georgie découvre le Kenya. Si vous aimez l’ambiance « Out of Africa », vous allez adorer.

Nos deux tourtereaux sont hébergés chez des expatriés britanniques, aux mœurs particulièrement légères… Mais entre la surveillance de son cousin David (un prétexte au début du roman, mais finalement peu exploité) et une mission secrète de Darcy, c’est un autre événement qui va perturber la lune de miel de Georgie.

Le début est très long – oserai-je dire que ça sent le remplissage sans grand intérêt pendant un bon premier tiers du roman ? Il faut attendre l’arrivée au Kenya, et la mort d’un des hôtes, pour que l’histoire s’épaississe un peu.

Sinon, pour l’ambiance, ça fait du bien de voir Georgie enfin heureuse en couple, et le dépaysement de ce tome apporte aussi un petit vent de nouveauté dans la série.

S 2-3Robert Laffont – Coll. La Bête noire, 360 pages, 14,90€

Roman

« Trust » de Hernan Diaz

152855_couverture_Hres_0Petite déception sur ce roman, sur lequel j’avais pourtant lu d’enthousiastes avis.

Début XXième siècle, dans l’Amérique conquérante et audacieuse, Andrew est un financier à qui tout réussit. Sa fortune est immense, et lui est aussi respecté que craint. Mais derrière la réussite financière, sa vie personnelle auprès de sa femme Mildred n’est pas aussi rose – car celle-ci est gravement malade.

Et soudain le roman bascule sur une toute autre histoire.

Il faut attendre une bonne moitié du roman pour comprendre où l’auteur veut en venir. J’ai eu un moment d’incompréhension dans ma lecture, perturbée par des chapitres sans lien. Je me disais bien que les pièces du puzzle s’assembleraient à un moment pour donner un sens à l’ensemble, mais j’ai été trop perdue dans ma lecture pour retomber sereinement sur mes pieds. Le dernier tiers du roman, quand les choses prennent place, devient alors beaucoup plus intéressant, même si je n’ai pas trouvé l’ensemble révolutionnaire.

S 1-3Points, 406 pages, 10,20€. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nicolas Richard

Biographie

« Emma Calvé » de Laetitia Bex

Capture d’écran 2024-09-06 195050Je n’avais jamais entendu parler d’Emma Calvé avant de découvrir une pièce qui lui est consacrée dans un musée de Millau. Je suis toujours intriguée par la genèse des destins hors du commun : comprendre leur parcours, découvrir leur histoire familiale, et surtout lever un peu le voile qui sépare la personnalité célèbre et l’homme ou la femme derrière les apparences.

Emma Calvé (1858-1942) est une cantatrice qui était très célèbre à son époque. D’origine modeste, très attachée à l’Aveyron de son enfance, c’est sa voix qui lui a permis de devenir une artiste mondialement connue – elle a en particulier beaucoup voyagé aux Etats-Unis.

Ce livre retrace essentiellement sa vie d’artiste, ses choix, ses succès, mais aussi ses failles (ses maladies, ses angoisses) et ses engagements pour de nombreuses causes. Quand les sources documentaires existent, on apprend aussi les grandes étapes de sa vie de femme – on y découvre les grands traits de sa personnalité, mais elle-même est toujours restée réservée sur sa vie privée, et beaucoup d’interrogations restent sans réponse.

J’ai beaucoup aimé cette biographie qui se lit comme un roman, à travers des chapitres très courts qui donnent beaucoup de rythme au récit. Les quelques photos reproduites au centre du livre permettent de mettre un visage sur une vie. Nul besoin d’être un mélomane averti pour être séduit par ce livre, un beau portrait de femme talentueuse et tourmentée.

S 2-3Acala, 385 pages, 20€

Biographie·Essai / Document

« Voyage à Berlin – Danielle Darrieux sous l’Occupation », de Jérôme Bimbenet

tallandier-d.darieux-sous-occupation-crgSur la photo de couverture, c’est une jeune femme élégante, souriante, pleine de fraîcheur : c’est une femme amoureuse. Nous sommes en mars 1942 et Danielle Darrieux part rejoindre l’homme qu’elle aime, Porfirio Rubirosa, qui ne peut quitter Berlin.

Qui étaient les acteurs qui ont accepté de voyager en train jusqu’en Allemagne par temps de guerre ? Pourquoi ont-ils accepté ce voyage, qu’avait chacun d’entre eux à y gagner ?

Longtemps ce voyage leur a été reproché, même si Danielle Darrieux s’est toujours défendue en arguant qu’elle n’avait pour seule motivation que de retrouver son fiancé.

Faire tout un livre sur ce voyage pourrait faire craindre quelques longueurs, en particulier pour les lecteurs qui n’ont pas connu la plupart des acteurs cités (ce qui est mon cas). Pourtant le livre va bien au-delà du voyage de Danielle Darrieux et raconte une tranche de l’histoire du cinéma français.

Si l’auteur du livre semble un admirateur sincère de Danielle Darrieux, il n’est pas un admirateur aveugle et s’étonne – voire s’agace – des réponses un peu naïves de l’actrice lorsqu’elle a été interrogée sur certains épisodes de cette période. L’auteur ne juge pas, n’accuse pas, il souligne des faits et raconte des situations qui mettent le lecteur mal à l’aise – amoureuse, ambitieuse, mais aveugle à quel point ?

Derrière l’actrice, il y a aussi le portrait d’une époque, les écarts de traitement entre le milieu du cinéma et le reste de la population. J’ai trouvé très instructif de voir cette période historique traitée sous un angle très spécial (celui du cinéma français et des vedettes de l’époque), entre insouciance, ambitions personnelles, et œillères souvent difficiles à défendre.

S 2-3Tallandier, 297 pages, 21,50€

En anglais·Roman

« American Royals (tome 2) : Majesty » de Katharine McGEE

majestyMon défi lecture de l’été était de sortir du fond de ma PAL un roman en anglais, acheté il y a longtemps, et reposé rapidement après seulement quelques pages lues. Défi relevé avec la lecture de « American Royals »… et je devrais même dire que le défi a été doublement relevé, puisque j’ai poursuivi avec la lecture du deuxième tome de la série.

Ce deuxième opus est aussi réussi que le premier. On y retrouve bien sûr Beatrice, dans son nouveau rôle de Reine (oui oui) des Etats-Unis ; sa sœur la turbulente Samantha, son frère Jefferson qui fait tourner les têtes, la timide amie Nina et la détestable Daphne Deighton qui rêve d’intégrer la famille royale.

La bonne idée qui apporte un vent de nouveauté sur l’histoire est l’arrivée de nouveaux personnages secondaires, qui complexifient l’histoire (il faut aimer les histoires de triangles amoureux dans ce tome ! ) ; en effet, Daphne veut éloigner Nina de Jeff en la jetant dans les bras de son meilleur ami (Ethan) ; Sam veut rendre jaloux Teddy (le futur roi) avec l’aide de Marshall ; et Beatrice a vu Connor, son premier amour, disparaître du jour au lendemain à l’annonce de son mariage. Ça a l’air un peu compliqué raconté comme ça, mais l’histoire est suffisamment bien menée pour ne jamais perdre le lecteur dans ces jeux de dupes. Le roman est plein de fraîcheur et d’énergie, les chapitres avancent bien (il se passe toujours quelque chose qui fait progresser l’histoire) ; Beatrice est parfaite dans son rôle de jeune reine, sa sœur est complètement décalée dans un univers très rigide, leurs amoureux sont parfaits dans leurs rôles, et on adore même détester la peste Daphne.

Au passage, la modernité du roman est aussi portée par les jolis personnages féminins, notamment Beatrice en première Reine des Etats-Unis.

J’ai hâte de lire le prochain tome !

S 3-3Penguin Random House, 370 pages

Biographie

« Edouard-Alfred Martel » de Norbert Casteret

I23356Le monde souterrain, celui des gouffres et des grottes, est un monde fascinant qui réveille l’imagination. Se dire que, il y a une grosse centaine d’années, les spéléologues exploraient ces espaces à la bougie me paraît incroyable (et un peu fou, aussi).

En commençant cette biographie d’Edouard-Alfred Martel, spéléologue autodidacte, explorateur de dizaines et dizaines de grottes et gouffres de France et d’Europe (il a découvert, et étudié pendant des années, le gouffre de Padirac par exemple), je pensais lire un récit d’aventures. Ce que j’aime d’habitude dans ces biographies, c’est en particulier découvrir la jeunesse des héros, ce qui les a menés sur le chemin d’une vie extra-ordinaire. Je voulais lire ses étonnements, ses projets, ses succès et ses échecs.

J’ai donc été assez déçue par cette lecture, qui est moins le récit de sa vie qu’un récit assez technique et scientifique, porté par le regard d’un homme (Norbert Casteret), lui-même spéléologue, qui raconte les exploits de l’un de ses prédécesseurs. Il porte donc un regard admiratif sur lui, mais surtout un regard d’expert parfois décalé pour une lectrice novice comme moi.

La biographie se transforme assez vite en liste d’exploits et recensement des excursions. Les anecdotes sont plutôt intéressantes (sa rencontre avec un forgeron qui deviendra son co-équipier, son empoisonnement par une eau souterraine, qui alimentera par la suite de nombreux travaux sur la pollution des eaux souterraines, etc). Mais j’aurais aimé lire un récit moins décousu, plus axé sur sa vie de spéléologue et sa vie « à côté ».

A noter, les photos au centre du livre sont bienvenues et donnent chair à l’homme dont on lit l’histoire.

S 1-3La Table Ronde, coll. La petite vermillon, 256 pages, 8,70€

BD

« Tous nos étés » de Séverine Vidal et Victor L. Pinel

Capture d’écran 2024-08-10 210940Parfois le choix d’une lecture se fait en fonction de la saison. Quand j’ai sélectionné quelques lectures pour cet été, cette bande dessinée m’a naturellement tapé dans l’œil : par le titre d’abord, mais aussi parce qu’elle raconte l’histoire d’une maison familiale de vacances.

Cette maison de vacances, nous la suivons sur plusieurs décennies, au fil de ses propriétaires successifs. J’ai été un tout petit peu gênée par l’enchaînement des dates, j’ai à chaque fois dû revenir en arrière pour situer la période qui commençait. Passé ce petit ralentissement dans ma lecture, j’ai beaucoup apprécié cette BD aux couleurs douces, qui restitue très bien l’ambiance estivale (à la plage ou sous l’ombre des arbres du jardin).

La BD commence avec Julie, enceinte, veuve depuis peu, de retour pour l’été dans la maison familiale. Son oncle a décidé de vendre sa part – et c’est toute la famille qui est chamboulée. Peu à peu, on découvre l’histoire de la maison avant que la famille de Julie ne l’achète. C’est doux, sentimental, plein de souvenirs comme savent les réveiller les lieux qui ont bercé les étés de notre enfance.

L’été n’est pas fini, vous avez encore largement le temps de vous plonger dans cette jolie BD de saison.

S 3-3Grand angle, 160 pages, 19,90€