Biographie

« Frida Kahlo par Frida Kahlo – Écrits (1922-1954) »

Capture-d’écran-2024-10-22-à-12.30.32Frida Kahlo est depuis longtemps l’artiste qui me touche le plus, tant j’admire la force, la résilience, et l’incroyable vitalité dont elle faisait preuve. On ne peut pas comprendre ses tableaux sans connaître sa vie, et je recommande toujours l’excellent biopic « Frida » avec Salma Hayek exceptionnelle dans le rôle de l’artiste mexicaine.

Je suis tellement contente de voir ce livre de correspondances enfin réédité ! J’en croyais à peine mes yeux en librairie tant je l’ai attendu longtemps.

Il regroupe par ordre chronologique des lettres écrites par Frida entre 1922 (elle avait 15 ans) et 1954 (année de son décès). Elle écrit à ses amis, à Diego Rivera bien sûr, le grand amour de sa vie, à sa famille, à ses amis, à ses médecins. Les lettres sont présentées sans analyse (avec cependant quelques références sur les destinataires des lettres) mais comme le dit Raquel Tibol dans la préface, ces écrits « n’en ont pas besoin ».

Dès les premières lettres, j’ai retrouvé l’énergie, la spontanéité, la sensibilité brute qu’il y a dans ses tableaux. Ce livre ne suffit pas à connaître toutes les grandes étapes de sa vie (il y a notamment une grande coupure entre 1928 et 1930, pourtant période essentielle où elle rencontre Diego Rivera – j’aurais tant voulu lire cette rencontre avec le regard de la principale intéressée). On ne sait rien non plus de la liaison qui lui a été attribuée avec Léon Trotski. Elle parle peu de ses tableaux et de son travail de peintre, mais beaucoup de ses sentiments, de son corps qui la torturait, et de contingences domestiques (elle réclame de l’argent assez fréquemment à ses amis à la fin de sa vie).

J’ai eu la chance, lors d’une exposition au Palais Galliera, d’approcher des objets ayant appartenu à Frida Kahlo (dont ses corsets, particulièrement émouvants). Avec la réédition des lettres qu’elle a écrites, j’ai le sentiment de m’être approchée d’elle encore un peu plus.

S 3-3Christian Bourgeois éditeur, 512 pages, 12,80€

Essai / Document

« Le But » de Eliyahu M. Goldratt et Jeff Cox

Capture d’écran 2025-02-28 175330En ce moment j’essaie de piocher davantage de lectures dans ma (grande) PAL, et c’est comme ça que « Le But », qui m’y attend depuis au moins un an, s’est retrouvé sur le haut de la pile. Ce livre m’avait été conseillé comme étant une référence en matière d’organisation et de management. Il est d’ailleurs classé dans la liste du Times des 25 livres de management les plus influents.

Premier constat, cette édition propose avant l’introduction un article écrit par le même auteur, vingt-cinq ans après la publication du « But », et censé en approfondir les concepts. Autant vous dire que cet article a failli me décourager de lire la suite, car il expose de manière très condensée de nombreux concepts qui ne sont pas encore familiers au lecteur. Pour une entrée en matière, c’est assez ardu !

Pourtant le cœur du livre est beaucoup plus accessible. Il raconte, sous forme de roman, comment Al, un directeur d’usine, est confronté à des difficultés dans sa chaîne de production, et comment il va réorganiser celle-ci pour la rendre optimale.

Dit comme ça, j’imagine que je ne vous fais pas rêver… Mais tout l’intérêt du livre est de voir le processus d’analyse et de test que fait le personnage principal. On suit ses raisonnements, souvent pleins de bon sens et issus de la vie quotidienne (donc accessibles sans être un expert des chaînes de production !), et la mise en œuvre des propositions que son équipe et lui inventent.

L’essentiel du livre est bien vulgarisé – à part la toute fin du livre, où les solutions évidentes ont déjà été explorées, et où on passe un cap de complexité. Mais à ce moment-là, l’essentiel a déjà été dit et compris.

Un petit coup de griffe pour finir : j’ai été très agacée par les nombreuses coquilles, les dialogues où il manque des tirets, l’absence d’espace entre paragraphes alors qu’il y a des changements de situation… pour un livre publié par l’Afnor, cela aurait mérité un travail de relecture plus sérieux.

S 2-3Afnor éditions, 421 pages, 30,50€

Roman

« Nage libre » de Jessica Anthony

9782749181943ORIDans les États-Unis des années 1950, Kathleen et Virgil forment un couple parfait… en apparence. Lui est représentant dans les assurances ; elle est une ancienne joueuse de tennis de haut niveau. Ils ont deux enfants, vont à l’église le dimanche, et monsieur joue au golf.

Mais les apparences sont parfois trompeuses, et il n’est parfois pas nécessaire de gratter beaucoup le vernis pour découvrir un quotidien moins lisse qu’il n’y paraît.

Dans ce petit roman de moins de 150 pages, l’auteure réussit à nous immerger dans cette Amérique de film où madame prépare le dîner pour la famille, tandis que monsieur sort boire un verre le soir avec ses collègues et les retrouve sur un green le week-end. Et quand l’épouse décide de bousculer les habitudes et de passer son temps dans la piscine de l’immeuble, en plein mois de novembre, on comprend qu’il se passe quelque chose, que la roue bien huilée du quotidien est soudain grippée. Les révélations s’enchaînent, dans une écriture vive et sans temps mort. L’auteure croque avec justesse et efficacité les personnalités de l’épouse et du mari, chacun englué dans ses habitudes et dans ses erreurs, jusqu’aux dernières pages qui mettent un point final à la crise – on laissera chaque lecteur juge de la fin choisie par l’auteure.

S 2-3Le Cherche Midi, 144 pages, 18€ (partenariat)

Roman

« Les braises de Patagonie » de Delphine Grouès

9782749181806ORIEn 1958, Valentina est l’une des rares femmes médecins à exercer sur les terres hostiles de Patagonie. Nous la suivons dans ses périples en pleine nature sauvage, forte contre les éléments, à la rencontre d’hommes qui la considèrent avec plus ou moins de respect.

En 1988, Luis enterre sa mère au Havre. Au-delà du chagrin, c’est un moment d’introspection qui lui rappelle à quel point cette femme est restée secrète toute sa vie. Un banal rendez-vous chez le notaire va lui ouvrir des perspectives de compréhension du passé.

A travers deux vies (dont on saisit assez rapidement comment elles seront reliées), on explore cette terre sauvage, dure, mais passionnante aussi, qu’est la Patagonie. On entrevoit aussi quelques axes historiques sur le Chili du XXième siècle. Le roman entremêle descriptions courtes de la nature locale, points historiques, et récit familial. La notion de transmission est évidemment très présente, mais sans pathos, plutôt prise sous l’angle de la compréhension et de la résilience.

S 2-3Le Cherche Midi, 256 pages, 20,90€ (reçu dans le cadre d’un partenariat)

BD

« La maison du péril », adaptation BD par Frédéric Brrémaud et Alberto Zanon, d’après Agatha Christie

Capture d’écran 2025-02-16 102649J’étais impatiente de découvrir cette nouvelle adaptation en BD d’un roman d’Agatha Christie, dans la collection désormais bien fournie des éditions Paquet.

Plusieurs auteurs et illustrateurs contribuent à cette collection, mais j’ai reconnu dans « La maison du péril » les personnages tels qu’ils sont croqués dans d’autres tomes – j’étais donc dans un univers familier, même si la première fois je n’avais pas complètement aimé certains visages ni le style d’Hercule Poirot.

L’histoire est celle de Nick Buckley, une jeune femme désargentée propriétaire d’une demeure qui tombe en ruines ; alors qu’Hercule Poirot séjourne à proximité, il est témoin d’une tentative d’assassinat sur la jeune femme. Celle-ci lui explique alors que plusieurs autres incidents similaires ont eu lieu les jours précédents. Il n’en faut pas plus au détective belge pour s’intéresser à ces agressions, et tenter de sauver Nick.

L’histoire est bien adaptée, les personnages tous bien identifiables, et le récit progresse au fil des fausses pistes et des découvertes. J’avais pressenti le dénouement, peut-être plus facilement que cela n’aurait été le cas dans le roman originel (j’ai lu le roman, mais comme souvent je mélange un peu les histoires de Poirot et donc je n’en garde pas de souvenir précis).

J’ai beaucoup aimé aussi les décors et les couleurs, en particulier la maison (et le bureau bibliothèque!). Ils restituent bien l’ambiance à laquelle on s’attend quand Poirot enquête en Angleterre. Bref, c’est un bon tome de la série !

S 3-3Paquet, 64 pages, 16,50€

Cosy mystery·Policier

« La cuisine mortelle de Tita Rosie (tome 2) : L’art meurtrier du halo-halo » de Mia P. Manansala

9782749178899ORILila est sur le point d’ouvrir un café avec deux de ses amies. La dernière ligne droite avant l’inauguration lui occasionne beaucoup de stress ; alors quand elle est sollicitée pour devenir jurée d’un concours de beauté local, c’est l’occasion pour elle de s’oxygéner.

Mais le concours vire rapidement au drame lorsque Rob Thomson, riche entrepreneur, sponsor du concours et coureur de jupons, est retrouvé noyé. Lila, qui a déjà apporté son aide à la police dans une précédente enquête, est à nouveau sollicitée pour enquêter discrètement.

Cette série ressemble beaucoup à celle des Hannah Swensen (des enquêtes avec une héroïne qui est fan de cuisine et qui parle nourriture pendant la moitié du roman), même si le décor et les recettes sont très différents. Je ne connais pas la plupart des aliments et des plats cités, donc cela ne me met pas beaucoup en appétit – il y a bien un (long) lexique au début du roman, mais c’est pénible de s’y référer tout le temps.

Il y a finalement très peu d’intrigue et beaucoup de digressions : la confection de la carte du café, les aspirations des concurrentes au concours de beauté, etc. Le dénouement tient la route, mais il faut accepter d’être passé par des chapitres largement consacrés à des sujets annexes.

S 1-3Le Cherche Midi, 368 pages, 15,90€ (partenariat)

Policier

« La mort frappe aussi les gens heureux » de Sophie Hannah

9782253249795-001-TSophie Hannah a été choisie par les héritiers d’Agatha Christie pour faire revivre Hercule Poirot dans de nouvelles enquêtes. J’ai déjà lu les quatre précédents romans qu’elle a écrits, dont je garde un souvenir inégal : j’en ai apprécié certains, j’ai été déçue par d’autres…

Ce tome-ci entre pour moi dans la catégorie des enquêtes décevantes. C’est étonnant d’ailleurs de l’avoir pressenti après seulement quelques pages lues. Certes j’ai retrouvé Hercule Poirot avec toutes ses caractéristiques, ses petites manies, sa haute estime de lui-même, et bien sûr son inimitable sens de la déduction qui aboutit à un dénouement face à son public, dans une bibliothèque.

Mais l’histoire est lente, se disperse dans de multiples détails et éléments de contexte qui n’apportent rien (mais franchement, faites cent pages de moins et resserrez le récit sur l’intrigue!). Les pistes mettent du temps à aboutir, on sent qu’il y a des personnages et des pistes qui seront décisifs dans le dénouement mais sans savoir comment. Le dénouement, d’ailleurs, bien qu’étant dans la lignée de ce qu’aurait pu imaginer Agatha Christie, est plutôt décevant. Le meurtrier est démasqué environ cinquante pages avant la fin, et comme toujours dans cette configuration, j’ai donc trouvé les dernières pages inutiles.

Heureusement il y a Catchpool, qui n’est pas seulement le faire-valoir de Poirot, mais qui est aussi celui qui récapitule l’avancée de l’enquête pour aider le lecteur, celui qui a le rôle du naïf qui ne comprend pas tout et se questionne – comme nous humbles lecteurs qui ne sommes pas aussi perspicaces que le grand Hercule.

S 1-3Le Livre de poche, 384 pages, 8,90€

Fantasy·Roman

« Janua Vera » de Jean-Philippe Jaworski

Capture d’écran 2025-02-12 130230J’ai ouvert ce livre avec beaucoup de curiosité, intriguée de découvrir un univers nouveau pour moi, sans savoir à quoi m’attendre (ni sur le fond, ni sur la forme).

Les dix nouvelles qui composent cet ouvrage sont toutes très bien écrites, dans un style précis mais accessible (modulo 1 ou 2 histoires avec un vocabulaire très spécifique), utilisant toujours le juste mot pour décrire le détail d’une tenue, restituer une ambiance, saisir la complexité d’une personnalité.

L’auteur a créé tout un univers autour du Vieux Royaume, dont il a imaginé une chronologie (complexe) disponible en annexe, et raconte dans chaque nouvelle l’histoire de personnages très variés, des combattants ou des servantes, sur fond de galanterie, de vengeance, de songes voire de magie. La petite mélodie de l’écriture crée un lien entre les différents récits, qui pourraient se lire indépendamment les uns des autres – j’ai d’ailleurs lu ce roman par petits bouts, comme on croque des carrés de chocolat sans dévorer la tablette en une seule fois. Les légendes et les croyances qui parsèment le livre donnent à certains textes des airs de contes, même si le cahier des charges d’une nouvelle (un texte court, et une chute inattendue) est toujours bien respecté. Les fins de chaque texte sont en effet surprenantes, et ponctuent joliment chaque récit avant d’entamer le suivant.

Même si ce livre n’est pas dans mon univers naturel de lecture, j’ai été touchée par la dimension intemporelle de ce que vivent les personnages, les guerres de conquêtes de territoires, les rêves et les croyances, la paternité,…

Ne manquez pas les annexes qui donnent un éclairage complémentaire au contexte, et démontrent l’imagination foisonnante de l’auteur.

S 3-3Les moutons électriques éditeur, 413 pages

Nouvelles

« La Peur » de Stefan Zweig

9782253153702-001-TDe Stefan Zweig, j’ai déjà lu un certain nombre de « classiques », et je me souviens en particulier de la lecture de la biographie de Marie-Antoinette (sans doute l’une des premières biographies à avoir autant réhabilité cette reine – mais c’est un autre sujet) et du style clair et précis de l’auteur. J’ai retrouvé cela dans ce recueil de nouvelles, au nombre de six, qui sont autant de portraits méticuleux et bien croqués.

Ainsi, on découvre les portraits d’une femme adultère rongée par la peur d’être démasquée (c’est la nouvelle qui donne son titre au recueil) ; d’un pickpocket trahi par ses gestes et son allure ; d’une servante nommée Crescence, paysanne entrée au service d’un baron dont elle va devenir la complice zélée de ses trahisons ; d’un bouquiniste inoubliable ; d’un collectionneur devenu aveugle qui s’accroche au souvenir de ses précieuses acquisitions.

Chaque nouvelle est écrite comme un portrait, mais c’est en réalité tout un monde que Zweig décrit autour de chaque personnage : son cadre de vie, son histoire personnelle, ses interactions avec les autres, ses pensées profondes.

Les six nouvelles peuvent se lire indépendamment. Elles jouent toutes avec les codes de la nouvelle, dans le sens où chacune porte en quelques pages ou dizaines de pages une histoire complète, avec un univers propre. Pour moi qui suis si difficile avec ce genre exigeant qu’est la nouvelle, ce recueil est une belle découverte.

S 3-3Le Livre de poche, 249 pages, 6,90€

Roman

« Pussy suicide » de Rosanna Lerner

Capture d’écran 2025-01-30 191322Ottessa n’a que seize ans, mais une vie sexuelle déjà très active. Oscar lui fait tourner la tête, mais elle ne sait pas nommer cela amour. Elle collectionne les rencontres, les aventures d’un soir où même les prénoms ne sont pas dits. Avec sa copine Chloé, aussi paumée et délurée qu’elle, elles sortent en boîte, draguent des hommes de tous âges, se perdent.

Vous l’aurez compris, c’est un roman qui parle de destruction, de gamines désorientées pour lesquelles le sexe est un exutoire. Le vocabulaire est cru, les scènes sont très explicites.

Mais le récit est froid, les scènes s’enchaînent sans grande nuance, et la pitié que j’ai ressentie au début pour Ottessa s’est vite éteinte. Tous les ingrédients étaient réunis pour que le roman soit percutant, troublant, dérangeant ; pour que l’on tremble pour Ottessa quand elle se met en danger, pour qu’on ait envie de la sortir de la spirale infernale dont elle est prisonnière. Pourtant cela n’a pas fonctionné pour moi, je n’y ai vu qu’une accumulation de scènes prévisibles, sans nuance dans les émotions. Même la fin ne va pas jusqu’au bout, comme un ultime renoncement à faire de ce roman davantage qu’un livre qui sera vite oublié.

S 1-3Grasset, 224 pages, 19€ (livre reçu dans le cadre d’une opération « Masse critique »)