Roman

« Les gens dans l’enveloppe » d’Isabelle Monnin

Capture d'écran 2024-03-08 173518L’auteure de ce livre a acheté un jour sur internet un lot de photographies familiales. Romancière et journaliste, elle se lance deux défis : d’abord, écrire un roman dont les personnages seront inspirés des photos, de ces « gens dans l’enveloppe » qu’elle a reçue par la Poste ; ensuite, se lancer dans une enquête sur les traces de cette famille.

Dans le roman, elle centre l’histoire autour d’une petite fille, qu’elle décide de prénommer Laurence, et qu’elle imagine abandonnée par sa mère partie rejoindre son amant en Argentine. Cette partie-là est assez classique. J’imagine que c’était très amusant pour l’auteure de chercher des détails sur les photos autour desquels inventer une histoire (une peinture, un rôtissoire à poulet… sont autant de pistes sur lesquelles bâtir des anecdotes).

Mais la partie la plus intéressante du livre est l’enquête menée pour découvrir qui étaient les personnes présentes sur les photos. Je ne vous donne pas plus d’informations, pour vous laisser partir vous aussi sur leurs traces.

On ne comprend qu’à la toute fin du livre comment ces photos se sont retrouvées vendues sur internet (ça m’a travaillée pendant toute la lecture, ce n’est pas habituel de vendre un lot de photos familiales).

Ce livre m’a fait penser à « Je suis le carnet de Dora Maar », qui a aussi pour point de départ un objet acheté par hasard sur internet, et qui ouvre la voix à un récit original.

Pour être exhaustive, il y aussi une troisième partie sous forme d’un CD avec des musiques originales proposées par Alex Beaupain, et des reprises. Pour ma part, je l’ai laissé de côté mes temps de lecture de ce livre ne se prêtaient pas à une écoute simultanée du CD, et je n’ai pas eu envie d’y revenir une fois le livre refermé.

S 3-3JC Lattès, Livre + CD 22€

Essai / Document

« Agriculteurs – Témoignages 1900-2023 », réunis et présentés par Hélène Parisot

9791090566590.MAIN_L’Association pour l’autobiographie et le Patrimoine Autobiographique (APA) collecte et conserve toutes sortes d’écrits personnels (journaux intimes, correspondances etc). C’est dans ses locaux, à Ambérieu-en-Bugey, que l’auteure a consulté, rassemblé, coordonné et commenté les récits de huit agriculteurs. Chacun, à travers son histoire familiale et personnelle, raconte un pan de la transformation de l’agriculture qui s’est opérée en France depuis plus d’un siècle. Les textes sont assez courts (les passages ont été sélectionnés), mais condensent l’essentiel des messages que chacun veut porter : sa vision de la principale transformation qui a eu un impact sur l’exploitation familiale, ses envies et ses renoncements face à une agriculture qui évolue à toute vitesse, les paradoxes du monde agricole.

Les témoignages montrent parfois une vision désabusée de l’agriculture (ou du moins : du système agricole des dernières décennies), mais toujours un amour du métier qui vient souvent de l’enfance et d’un enracinement régional. L’introduction de chaque témoignage permet de comprendre le contexte autour du récit sélectionné. La préface d’Hélène Parisot, ainsi que l’entretien avec un agriculteur de 2023, permettent aussi de mieux cerner la démarche de rassemblement de ces textes.

Nul besoin d’être un expert du monde agricole, ni d’avoir le projet de reprendre une exploitation : le livre s’adresse à un large public qui s’intéresse tout simplement à l’évolution d’une profession souvent méprisée, quoique indispensable.

S 3-3Ed Mauconduit, 144 pages, 13€. Reçu dans le cadre d’une « masse critique ».

Cosy mystery·Policier

« La cuisine mortelle de Tita Rosie (tome 1) : L’art meurtrier du lait de coco » de Mia P. Manansala

9782749178776ORIJ’ai un goût prononcé pour les « cosy mysteries », ces romans à enquête qui ont été remis à la mode avec la déferlante « Agatha Raisin ». Plusieurs séries que j’ai lues ont la particularité de combiner enquête et contexte culinaire : bien sûr il y a les « Enquêtes de Hannah Swensen » (déjà 10 tomes publiés en France) mais aussi « Les thés meurtriers d’Oxford » (je n’ai lu que les deux premiers).

Mais dans cette nouvelle série publiée par le Cherche-Midi (qui a décidément de belles trouvailles en ce moment en matière de cosy mysteries), il n’est question ni de cookies, ni de scones : Lila, une jeune Américaine célibataire, revient dans sa ville natale auprès de sa grand-mère et de sa tante, qui tiennent ensemble un restaurant de spécialités philippines. Mais l’ex petit-ami de Lila, devenu un détestable critique gastronomique, meurt empoisonné dans le restaurant tenu par la famille de Lila, qui devient aussitôt la principale suspecte.

L’enquête démarre vite et bien : comment le jeune homme a-t-il été empoisonné ? Qui avait un intérêt à le mettre définitivement hors d’état de nuire à la réputation de tous les restaurants de la ville ? Autant de questions auxquelles Lila se donne pour mission de répondre elle-même.

Comme souvent dans ce type de roman, ce sont aussi toutes les petites histoires à côté de l’enquête qui font le plaisir de lecture. Les retrouvailles avec sa meilleure amie, un triangle amoureux qui se profile (j’espère qu’il ne durera pas aussi longtemps que celui des Hannah Swensen…), mais aussi les interrogations d’une jeune femme partagée entre sa loyauté pour ses origines, et l’envie de s’émanciper de sa famille. Je n’ai pas trop compris pourquoi le titre de la série est centré sur « Tita Rosie » (la tante de Lila), alors que Lila est le personnage principal et que sa tante a un rôle très secondaire. Peut-être cela se précisera-t-il dans la suite de la série…

J’ai découvert plein de plats et de traditions culinaires des Philippines, et c’est clairement la grande originalité de ce roman. Il faut cependant prendre le temps de consulter le glossaire en début de roman pour bien comprendre de quels plats il est question ! Il y aussi quelques recettes à la fin du roman, mais les recettes ne tiennent pas autant de place que dans les « Hannah Swensen ». J’ai passé un bon moment de lecture, dans une ambiance dépaysante, et je lirai le prochain tome avec plaisir.

S 3-3Le Cherche-Midi, 432 pages, 15,90€

Audio·Roman

« Les petites reines » de Clémentine Beauvais

Capture d'écran 2024-02-27 205609On choisit parfois un livre sur le seul nom de son auteur. Et parfois, on choisit un livre audio sur le nom de son lecteur – en l’occurrence ici, une lectrice, l’excellente Rachel Arditi, que j’avais déjà entendue dans « Les dames de Marlow ».

J’avais aussi lu quelques chroniques très enthousiastes sur « Les petites reines », roman qui a aussi été adapté en bande dessinée.

Bref, j’avais deux bonnes raisons d’écouter ce livre audio !

Le bilan de mon écoute est très positif. L’histoire, d’abord, a un point de départ qui interpelle : Mireille, Hakima et Astrid ont été élues « boudins de l’année » par l’un de leur camarade. Avec la viralité des réseaux sociaux, il y a de quoi déprimer… Mais Mireille n’en est pas à sa première élection, et prend cela désormais avec beaucoup de recul. Elle rallie à sa défense les deux autres « boudins », et elles partent toutes les trois à vélo, destination Paris, pour y porter chacune une revendication qui lui tient à coeur.

C’est aussi drôle que sensible, aussi bouleversant que léger. Il y a de tout dans ce roman vif et intelligent. Le message est optimiste, montre que les insultes et le harcèlement ne doivent jamais être banalisés ; et aussi qu’il y a de la place pour la révolte et la résilience, que la honte peut changer de camp.

Quant à la lecture de Rachel Arditi, elle est juste parfaite : d’ailleurs c’est moins une lecture qu’une incarnation. La voix de l’actrice porte le texte avec une incroyable justesse, le juste rythme, le bon choix d’enthousiasme ou de silence.

Ce roman est publié comme un roman jeunesse, mais il peut être lu par des adultes autant que par des collégiens.

S 3-3Audiolib, lu par Rachel Arditi, 6h15 d’écoute, 19,20€ en version CD

Roman

« Leçons de chimie – La brillante destinée d’Elizabeth Zott » de Bonnie Garmus

Incroyable destin que celui d’Elizabeth Zott ! Brillante chimiste de l’Amérique du début des années 1960, son travail est pourtant relégué au second plan. Pensez donc : une femme, chercheuse en chimie ? Quelle plaisanterie ! Et les hommes qu’elle rencontre le lui font vite comprendre : en abusant d’elle, en volant son travail, ils lui montrent chaque jour que… Lire la suite « Leçons de chimie – La brillante destinée d’Elizabeth Zott » de Bonnie Garmus

Biographie·Roman

« Danser encore » de Charles Aubert

Danser-encoreJ’aime bien quand les livres me font découvrir des univers qui ne me sont pas familiers, et bousculent mes a priori. Un livre sur un boxeur ? Sans doute serais-je passée à côté (à tort) s’il ne m’avait pas été conseillé.

Ce roman biographique entraîne le lecteur dans l’univers de la boxe, et pourtant il porte le doux titre de « Danser encore », tant Rukeli (Johann Trollman) avait une technique qui ne ressemblait à aucune autre.

Si vous ne connaissez rien à la boxe, et même si vous n’aimez pas les sports de combat, que cela ne vous empêche pas de découvrir ce texte, qui va bien au-delà du sport. Il raconte le parcours de Rukeli, boxeur tsigane au style jugé trop atypique dans une Allemagne en pleine montée du nazisme. Le rayonnement du champion, sa vie modeste et ordinaire, bousculée d’abord par les succès sportifs, puis rattrapée par les préjugés raciaux et par la guerre, font de ce livre un combat entre ombre et lumière.

Les chapitres, présentés comme des « rounds » se lisent facilement. L’écriture est accessible et efficace, avant tout au service de l’histoire.

S 3-3Istya & Cie, 172 pages, 20€

Policier·Roman

« Les meurtres zen (tome 3) – Des meurtres pour retrouver son calme » de Karsten Dusse

9782749176727ORIJ’ai déjà eu l’occasion de lire des romans ou des témoignages sur le pèlerinage vers Saint Jacques de Compostelle, mais assurément aucun ne ressemblait au pèlerinage façon Björn Diemel ! Si vous avez suivi les deux premiers tomes de cette série au nom étrange de « Meurtres zen », vous savez déjà que Björn, avocat de mafieux et autres trafiquants, est devenu lui-même à la tête d’une organisation basée sur le meurtre et l’élimination de toutes sortes « d’obstacles ».

Cette fois-ci, Björn a décidé de partir en pèlerinage. Bien sûr, rien ne va se passer comme prévu, car une menace de représailles pèse sur lui.

Je me demande toujours, avant d’entamer un tome de cette série, comment l’auteur va se renouveler. Et je dois dire qu’il y arrive plutôt bien, tout en gardant ce qui fait l’originalité de cette série, c’est-à-dire un humour noir et second degré présent dans tous les chapitres. Björn est père de famille, encore un peu épris de son ex-femme, et derrière cette façade d’homme ordinaire se cache un tueur qui s’ignore (presque) tant il semble déconnecté de la réalité. Les interprétations très personnelles qu’il fait des conseils de son psy le rendent dangereux sans même qu’il s’en rende compte.

C’est drôle et gênant, bourré de second degré et de moments où l’on oscille entre dégoût, sourire noir et incrédulité. Bref, dans son genre, c’est très efficace !

S 3-3Le Cherche-Midi, 384 pages, 19,90€

Roman

« Ma tempête » de Eric Pessan

HD_AFDV_Tempete_couv-280x410Shakespeare comme vous ne l’avez jamais lu !

Un père de famille, contraint de garder sa fille un jour de grève de la crèche, transforme cette journée en initiation ludique au plus grand dramaturge anglais. Sa fille n’a pourtant que deux ans, mais il transforme son appartement en scène immense, où il lui fait découvrir « La Tempête ».

Pourquoi ce texte-là en particulier ? Parce que pendant plusieurs années, il a préparé la mise en scène de cette pièce, l’a retraduite intégralement… et que son projet n’a pas pu voir le jour. Depuis, il déprime.

Le roman alterne entre scènes familiales, jeu autour de la pièce de théâtre, et réflexions sur la condition d’artiste, d’auteur, de metteur en scène. Le statut des intermittents est expliqué simplement, et les aberrations de certaines subventions publiques sont dénoncées à travers l’exemple de cette pièce sacrifiée. Mais ce n’est pas un essai sur le sujet, et le livre reste un roman, qui traite bien des interrogations d’un homme qui place l’art au coeur de sa vie et qui est confronté à des plans marketing, business plan, et autres démarches loin de son univers.

Ce livre court (moins de 150 pages) se lit aussi comme le récit d’une journée entre un papa et sa fille adorée, l’envie qu’il a de lui transmettre ses passions tout en ayant conscience qu’elle développera ses propres goûts et centres d’intérêt.

Tous ces thèmes trouvent leur place dans ce livre, avec beaucoup de justesse, de pudeur, et une grande déclaration d’amour à tous les arts.

S 3-3Aux forges de Vulcain, 160 pages, 18€

Cosy mystery·Policier

« Son espionne royale (tome 12) : Quatre enterrements et peut-être un mariage » de Rhys Bowen

9782221266533ORICette fois-ci semble la bonne : le mariage de Georgie et de Darcy est pour bientôt. Le couple va devoir trouver son petit nid d’amour – ce qui s’avère plus compliqué que prévu. Grâce à la proposition (miraculeuse) d’un ancien amant de sa mère dont elle héritera, Georgie est invitée à loger au château de Eynsleigh.

Georgie, qui n’a jamais été capable de remettre à sa place son insupportable bonne Queenie, se transforme (miraculeusement, là encore) en parfaite maîtresse de maison, menant son petit monde à la baguette. Il faut dire qu’elle a du pain du planche, avec un majordome irrespectueux, un cuisinier qui ouvre des conserves, et des jardiniers qui ne jardinent pas…

Ce tome est l’un des meilleurs de la série. Il faut faire abstraction de quelques gros revirements de situation (l’héritage, Queenie métamorphosée, Georgie directive) et profiter de l’ambiance du roman. Dans le château de Georgie, on assiste presque à un huis-clos domestique. Georgie organise son petit monde, surveille les comptes, passe ses commandes, attribue les rôles.

L’enquête aussi est très différente de d’habitude, et l’essentiel du roman tourne autour de l’installation de Georgie dans sa nouvelle demeure et la résolution de quelques mystères du quotidien. Il y aura bien une enquête de fond, mais elle est bien amenée et découle naturellement de toute la première partie du roman.

C’est aussi un tome où les personnages secondaires récurrents semblent rentrer dans le rang (Queenie, le grand-père, et même un peu la mère de Georgie – par certains aspects seulement!). On y revoit aussi les petites princesses Elisabeth (future Elisabeth II) et Margaret. Les petits clins d’oeil à l’histoire de la monarchie anglaise ne manquent pas, et donnent un supplément d’intérêt à ce tome.

S 3-3Robert Laffont coll. La Bête noire, 378 pages, 14,90€

Roman

« Les albums » de Ariel Denis

LES_ALBUMS-652x1024Imaginez le cauchemar que vit le personnage de ce roman : grand lecteur, tous ses albums chéris, ceux qui ont bercé son enfance (Tintin, Spirou, Marsupilami…) ont disparu.

Au réveil, groggy, il repense à ses déménagements et à la bascule dans sa vie de lecteur qui a eu lieu quand il avait treize ans. Un narrateur omniscient se plonge, aux côtés du lecteur, dans la quête d’un passé disparu, fait de lecteurs enfantines, d’albums usés et décolorés à force d’être lus.

Sous couvert « d’enquête », c’est une part de l’histoire de la bande dessinée qui est racontée, avec un hommage rendu à la ligne claire.

Beaucoup de citations issues notamment des « Tintin » vont parler à de nombreux lecteurs. Nombreux parmi vous partagent sûrement des références et reconnaîtront des lectures d’enfance (et aussi des sacrifices regrettables faits lors de déménagements).

Le livre est assez court (moins de 150 pages), et c’était le format maximal pour moi sur ce thème. Le sujet n’est pas inintéressant, mais le prisme de « l’enquête » ne fonctionne pas (selon moi). C’est surtout un prétexte narratif.

S 2-3Champ Vallon, 136 pages, 19€. Reçu dans le cadre d’une « masse critique »