Essai / Document

« Proust contre la déchéance » de Joseph Czapski

Capture d’écran 2025-06-01 143216Oui, je le reconnais, le seul nom de « Proust » dans un titre me fait m’arrêter pour feuilleter l’ouvrage en question. Mais dans le cas de ce petit roman, c’est autre chose qui m’a décidée à l’acheter : ce livre est un précieux témoignage. En effet, il regroupe une partie des conférences données par l’auteur lors de son internement dans un camp russe en 1940. Rendez-vous compte : cet homme a été capable de donner une série de conférences d’une impressionnante précision, avec une structure accessible au plus grand nombre, en citant les noms des personnages, les références, etc, de tête. Il n’avait accès ni à l’oeuvre ni à la moindre documentation, évidemment. Une note de début d’ouvrage attire l’attention du lecteur sur certaines approximations – mais ce n’est pas si approximatif que ça !

Si le texte est très accessible, il est préférable d’avoir déjà lu Proust, ou au moins d’avoir quelques repères sur l’œuvre pour se repérer dans les personnages. Nul doute que ceux qui ne sont pas familiers de « La Recherche… » auront envie d’en lire au moins quelques extraits !

Quelques notes des conférences sont reproduites en milieu de livre ; et même si je ne les ai pas comprises car elles ne sont pas traduites, j’ai trouvé émouvant d’avoir accès à ces documents – je me suis dit que c’était une chance, tout simplement.

S 3-3Libretto, 96 pages, 6,50€

Fantasy·Roman

« Le sang de la cité » de Guillaume Chamanadjian

imageLa couverture est magnifique…

Voilà quoi ça tient, parfois, de choisir un livre… le repérer parmi des milliers d’autres au Festival du livre de Paris, le garder en tête, pour plus tard…

Ce qui m’impressionne dans les romans de fantasy, c’est la capacité de leurs auteurs à créer des univers entiers, un langage à part, des références qui nous sont étrangères quand on commence la lecture et qui peu à peu nous deviennent familières. Ici, c’est la cité de Gemina qui est le décor où cohabitent plusieurs maisons, dont la Caouane. Nox en est un digne représentant : intrépide livreur qui travaille au service d’un marchand de vin, il parcourt la cité en tous sens, connaît tout le monde, et se faufile dans toutes les rues. Mais les rivalités sont nombreuses et Nox se retrouve au coeur de négociations et de guerres entre maisons.

J’ai aimé ce personnage vif, malin, qui navigue avec aisance dans le monde. Les personnages féminins sont intéressants aussi : la toxique Daphné, la talentueuse Aussilia, la maline Guenessia.

Ce tome est le premier d’un cycle divisé en deux thématiques (Capitale du Sud / Capitale du Nord), chacune comptant trois tomes. Tous les tomes sont reliés par jeu, la Tour de garde (que j’ai imaginé, à ce stade de ma lecture, être une sorte de jeu d’échecs), et les liens précis entre les tomes restent à explorer dans de futures lectures.

S 3-3Aux Forges de Vulcain, 416 pages, 20€ (service de presse)

Roman

« Si j’étais toi » de Cesca Major

Capture d’écran 2025-05-30 172453La couverture est un peu trompeuse, et laisse présager un roman plus léger et sentimental qu’il ne l’est – tous les romans qui parlent de couples de sont pas forcément niais, et celui-ci en est une preuve.

Certes le point de départ a déjà été lu ou vu dans d’autres histoires : un couple (pas très heureux) se retrouve dans une situation improbable – l’homme a pris l’apparence de la femme, et réciproquement.

Amy, qui a du mal à s’engager avec Flynn, se retrouve donc dans la peau de celui-ci, qui vient de lui proposer d’emménager ensemble et qui s’apprête à la demander en mariage. Or tous les deux se rendaient au week-end de mariage de la sœur d’Amy. Flynn, dans le corps d’Amy, va donc devoir se débattre avec les robes, le hammam entre copines, et les relations entre sœurs. Amy, quant à elle, aura quelques déconvenues sportives dans le corps de Flynn. Mais surtout, chacun va découvrir des morceaux du passé de l’autre qu’il ne soupçonnait pas.

Peut-on aimer quelqu’un quel que soit son passé ? A-t-on besoin de tout savoir de l’autre pour le connaître vraiment ? Autant de questions traitées en filigrane dans ce roman qui, malgré un point de départ évidemment pas crédible, se révèle assez juste dans l’exploration des sentiments et la complexité d’un couple.

L’écriture est agréable, le récit alterne quelques scènes cocasses avec d’autres plus émouvantes, et le tout forme un sympathique roman sur les relations de couple.

S 3-3Le Cherche-Midi, 408 pages, 23€ (service de presse)

Cosy mystery·Policier

« Le Club des amateurs de romans policiers (tome 5) – Madame Wynter est morte » de C.A Larmer

Capture d’écran 2025-05-13 202657Cette série basée sur un club de lecture auto-proclamé « Club des amateurs de romans policiers » (et ceux d’Agatha Christie en premier lieu) a évidemment tout pour me plaire, et j’ai déjà lu avec enthousiasme les quatre précédents tomes. J’ai eu un tout petit peu de mal à démarrer la lecture de celui-ci, en particulier car les personnages arrivent tous d’un coup – c’est toujours une angoisse pour moi en pareil cas de ne plus savoir « qui est qui ». Heureusement cette petite crainte s’est vite dissipée, et j’ai situé sans difficulté tous les personnages présents dans cette croisière de luxe spéciale « jeunes mariés ».

L’une des jeunes épouses n’est autre que Claire, une des membres du Club de lecture. Si vous avez lu les précédents tomes, vous savez que l’on est plus habitués à voir Alicia ou Lynette (les deux sœurs fondatrices du Club) en première ligne. Ce n’est pas le cas ici, et j’ai trouvé que cela apportait un nouvel angle intéressant à la série.

J’ai retrouvé en revanche le côté huis-clos (que j’adore), à nouveau sur un bateau (comme dans le tome 2), cette fois-ci avec un clin d’oeil à « La disparue de la cabine n°10 » de l’excellente Ruth Ware. Quant au meurtre, tout est dans le titre : Elsbeth Wynter, qui s’est incrustée dans la croisière que son fils et sa belle-fille devaient faire en amoureux, est retrouvée morte noyée. Accident ou meurtre, c’est ce qu’il faudra déterminer. Comme dans les romans d’Agatha Christie, n’importe lequel des personnages pourrait être le coupable.

Une fois entrée dans l’histoire, je n’ai pas pu lâcher ce roman jusqu’au dénouement dans les dernières pages.

Attention le roman dévoile l’intrigue et le dénouement de « Mort sur le Nil » d’Agatha Christie, et de « La disparue de la cabine n°10 » de Ruth Ware. Comme ces deux livres sont d’excellents romans policiers, je vous conseille de les découvrir avant celui-ci… ce qui vous fera trois bonnes lectures assurées !

S 3-3Le Cherche Midi, 448 pages, 15,90€ (partenariat)

Roman

« Prince Otto » de Robert Louis Stevenson

8761.1742220925Si j’avais lu ce texte sans en connaître l’auteur, je n’aurai jamais pu deviner qu’il avait été écrit par Robert Louis Stevenson – on est bien loin de « L’île au trésor » ou de « L’étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde ». Si vous avez des souvenirs de lectures imposées au collège, laissez-les de côté et faites-vous une nouvelle opinion de l’auteur à travers ce texte.

Je ne sais pas si je dois qualifier ce livre de « roman », tant il s’apparente davantage à une fable. Otto est le prince d’un royaume imaginaire, situé quelque part vers l’actuelle Allemagne, et vit coupé de ses sujets. Son règne est entaché par la liaison que sa femme entretient avec son principal ministre – ce qui fait de lui un pantin dans son propre royaume. Lorsque l’occasion se présente d’échanger en direct avec ses sujets, il découvre comment son peuple le perçoit… et il devra défendre, argument par argument, ses choix et ses positions.

Le début est très prenant, l’intrigue commence dès la première page, et je me suis amusée à suivre les péripéties d’Otto face à l’intransigeance de ses sujets. Le rythme s’essouffle ensuite un peu, une fois la « mécanique » bien huilée. Mais j’ai trouvé ce texte très accessible et d’une modernité surprenante : bien qu’écrit il y a 140 ans, je n’ai pas pu m’empêcher de faire un parallèle avec notre société actuelle, où les apparences sont trompeuses, où les jugements se font sur la base de nos bouches à oreilles contemporains que sont les réseaux sociaux. Je suis toujours frappée de constater que, dans nos classiques de littérature, tant de choses sont déjà écrites…

S 2-3Les Belles lettres, 288 pages, 23,90€ (partenariat)

Roman

« Un avenir radieux » de Pierre Lemaitre

Capture d’écran 2025-05-08 171351J’avais à peine lu la première page de ce roman que je savais déjà que j’allais y retrouver tout le plaisir de lecture que j’éprouve à la lecture de chaque roman de Pierre Lemaitre. Dire que j’ai eu un coup de cœur en lisant un roman de Pierre Lemaitre deviendrait presque une lapalissade.

Il y a toujours dans son écriture un style à part, presque parlé, raconté (d’ailleurs j’adore les versions audio de ses livres quand il les lit lui-même), un phrasé inimitable, et puis cette incroyable capacité à créer une galerie de personnages consistants, riches de détails, terriblement humains. J’ai adoré ce roman, et l’auteur reste définitivement sur le podium de mes auteurs préférés.

On sent comme dans ses précédentes fresques historiques un soin tout particulier apporté aux détails, au contexte, et cela donne un réalisme qui fait que l’histoire d’une famille presque banale (les Pelletier) en fait une saga symbolique de son époque.

En pleine Guerre froide, François, journaliste et deuxième fils de la famille Pelletier, est recruté comme espion et doit partir à Prague. Jean, le fils aîné, est en passe de devenir enfin un patron reconnu. Hélène, la seule fille de la fratrie, propose une émission de radio novatrice. Les enfants Pelletier sont au cœur de ce troisième tome de la saga « Les Années glorieuses ».

Il y a aussi la nouvelle génération, et en première ligne les enfants de Jean et de la terrible Geneviève : Colette, l’enfant aux multiples traumatismes ; Philippe le petit prince de sa mère. Geneviève quant à elle est toujours aussi fourbe, et ses prévisions astrologiques sont le ressort comique de ce tome.

Il en faut du talent pour être capable de donner chair à tous ces personnages, pour parler avec justesse de la mentalité des années 1950, des rapports de couple, de l’angoisse de la mort, et de se mettre dans la tête d’un enfant, d’une femme sourde, d’un homme faible, d’une femme forte, d’un ancien combattant de la Première Guerre mondiale, d’industriels… Quelle galerie de personnage, tous aussi réussis les uns que les autres !

Ce roman peut sans doute se lire indépendamment des deux premiers tomes, mais ce serait tellement dommage. Lisez « Le Grand monde », lisez « Le Silence et la colère », avant de lire celui-ci. Je croyais que ce tome serait le dernier de la saga, j’apprends avec bonheur qu’il y en aura un quatrième, déjà annoncé pour janvier 2026.

S 3-3Calmann-Lévy, 592 pages, 23,90€

Poésie

« Retrouver la douceur » de Cécile Coulon

9791027808106ORI-1-600x880J’avais été très touchée par « Les Ronces », le joli recueil de poésie de Cécile Coulon, qui est devenu l’un de mes livres de chevet. Lorsque je suis allée au Festival du livre de Paris, je n’ai donc pas hésité longtemps (disons même : pas du tout hésité) devant son nouveau recueil, « Retrouver la douceur ».

Je l’ai lu par petits bouts, quelques poèmes un jour, quelques poèmes la semaine suivante, au gré de l’humeur, comme j’aime toujours le faire avec la poésie.

J’ai retrouvé dans ce recueil le style de Cécile Coulon – et c’est beau de dire d’une auteure de poésie qu’elle a un style bien à elle ! Même poésie du quotidien, même écriture sans rime mais pas tout à fait en prose, même mélange de fragilité et de rudesse.

J’ai marqué plein de pages du recueil avec de petits autocollants ; j’aime relire les passages que je préfère dans les poèmes, j’aime me souvenir de ce que je vivais au moment où je les ai notés, et me rappeler pourquoi ils m’ont touchée. Je vous en cite quelques extraits en commentaires.

On manque de poésie dans nos vies. Ça fait pourtant du bien d’en lire. Surtout des recueils comme celui-ci.

S 3-3Le Castor Astral, 169 pages, 16€

BD

« Bohème à Paris » d’Andi Watson et Simon Gane

Capture d’écran 2025-05-04 181634L’une est Américaine, l’autre Anglaise.

La première est artiste peintre, la deuxième est une jeune fille de bonne famille, prête à être mariée.

Toutes deux se rencontrent dans le Paris des années 1950. Juliet, l’artiste américaine, doit réaliser le portrait de Deborah. Toutes deux partagent un amour de l’art, et très vite elles développent des sentiments l’une pour l’autre, bien que tout les oppose en apparence.

C’est une agréable bande dessinée qui rend hommage au Paris artistique, et qui emmène le lecteur dans les caves de Saint Germain des Prés, devant les œuvres du Louvre ou encore à Belleville.

Le trait est atypique mais assez original (même si les visages de certains personnages sont bizarres – pauvre Georges !). Le choix du noir et blanc en bande dessinée me déroute toujours un peu (je préfère les BD en couleur), puis finalement j’ai pris ce choix comme un parallèle avec un vieux film en noir et blanc des années 1950. Cela m’a mise dans l’ambiance ! Mais en réalité l’histoire pourrait se dérouler à plusieurs époques, y compris de nos jours. L’intrigue est assez classique, mais j’ai aimé l’ambiance de la BD à travers différents clins d’oeil à des quartiers emblématiques de Paris.

S 3-3Locus Solus, 144 pages N&B, 22€. BD reçue dans le cadre d’une « Masse critique ».

Roman

« La Louisiane » de Julia Malye

Capture d’écran 2025-05-02 170855Il y a des romans dont chaque chapitre est un petit coup de poing, et ce roman-ci en fait partie. C’est un roman de femmes, ou plutôt un roman sur des parcours de femmes. Elles sont de toutes jeunes filles (quinze ans parfois) à quitter en ce jour de 1720 la Salpêtrière, embarquées plus ou moins malgré elles dans un bateau qui va traverser l’Atlantique. Orphelines, avorteuses, criminelles : leurs passés chargés avaient fait d’elle des prisonnières dans cette institution qu’est la Salpêtrière. Alors l’exil vers la Louisiane pourrait être un nouveau départ. On attend d’elles qu’elles deviennent des épouses pour les colons qui y sont installés, et bien sûr des mères de famille.

Mais ce « nouveau départ » se transforme vite en cauchemar. Je m’attendais, à la lecture de la quatrième de couverture, à un parcours de résilience et à une lumière au bout du chemin. Mais il est question de viols, de mariages forcés, de femmes battues… rares sont celles qui trouveront un peu de salut. L’ambiance est pesante, et si j’ai aimé cette lecture, j’ai parfois dû la poser (surtout le soir avant de dormir !). Certains passages sont elliptiques et comme les filles, une fois mariées, changent de nom, il m’est arrivé de me perdre un peu dans leurs vies.

Ce roman raconte aussi (j’allais dire : surtout) l’éternelle douleur des femmes, leurs luttes pour ne pas être enceintes, leurs luttes pour le devenir plus tard (le personnage de Geneviève, la « faiseuse d’anges », est central dans le livre), la violence que les hommes leur imposent… Ce qui m’a frappée dans ce livre, c’est le manque d’amour…

N’oubliez pas de lire la postface de l’auteure pour comprendre ses sources d’inspiration, et mesurer, s’il en était besoin, le travail de huit années de recherches qui a permis d’aboutir à ce roman historique.

S 3-3Le Livre de poche, 576 pages, 10,40€

En anglais·Roman

« Gatsby le magnifique » de Francis Scott Fitzgerald

8758.1740652207« Un classique est un livre que tout le monde voudrait avoir lu, mais que personne ne veut lire » disait Mark Twain.

« Gatsby le magnifique » faisait pour moi partie de ces romans dont j’avais maintes fois entendu parler, sans jamais m’y confronter. C’est la jolie édition bilingue que les éditions « Les Belles lettres » m’ont proposé de découvrir qui m’a donné envie de lire enfin ce texte.

J’ai lu le roman essentiellement en français, mais je me suis référée plusieurs fois au texte originel – en particulier parce que la traduction proposée ici est celle de 1926 et il me semble (bien que n’étant pas traductrice) que certaines tournures de phrases ou expressions seraient traduites différemment aujourd’hui.

Nick Carraway s’est installé à New-York, dans le West Egg, et vit modestement à côté de son voisin – le fameux Gatsby – qui est plutôt flambeur et donne régulièrement de somptueuses fêtes. La cousine de Nick, Daisy, est mariée à Tom, archétype de l’Américain moyen de l’entre-deux guerres, qui n’est pas rendu sympathique au lecteur. Si le début du roman s’étale en bavardages de voisinage, mesquineries, et autres heures d’ennui, on découvre progressivement des liens entre personnages, et l’histoire prend son envol.

J’ai trouvé le texte assez daté – dans le sens où on situe facilement l’endroit, l’époque, avec des marqueurs très forts qui ont ancré dans mon esprit une image très nette des personnages. Les échanges entre les personnages, leur mentalité, les pensées des femmes, les attitudes des hommes, reflètent une époque.

Il y a quelques passages un peu trop elliptiques à mon goût, même si l’histoire n’en pâtit pas au final. La deuxième partie du roman est plus sombre, c’est la partie où l’ordre établi se retrouve bousculé définitivement.

Voilà donc un classique que je suis contente d’avoir lu !

S 2-3Les Belles lettres, édition bilingue Anglais-Français, 362 pages, 15,90€ (partenariat)