Roman

« Saint Jacques » de Bénédicte Belpois

product_9782072972058_195x320C’est un bonheur de lecture de se plonger dans un roman comme celui-ci.

Au décès de sa mère, Paloma hérite d’une maison délabrée dans les Cévennes. D’abord persuadée qu’elle doit vendre cette maison qui lui vient d’une mère qui ne l’a jamais aimée, elle se prend d’affection pour la maison, pour les Cévennes, et pour quelques personnes attachantes qui composent le voisinage.

«  On ne perçoit pas consciemment comment certaines personnes vous manquent avant de les connaître, on devine juste, une fois qu’on les a rencontrées, qu’on ne pourra plus jamais vivre sans elles. »

C’est tellement bien écrit, avec une justesse incroyable dans la description des sentiments, une pudeur sans facilité ni mièvrerie, que ce roman captive dès les premières pages.

Paloma, sa fille étudiante, sa vieille voisine, sa copine coeur d’artichaut, sont de beaux portraits de femmes. Et puis on sent l’amour pour une région, un terroir, jusque dans la description des toits en pierre de lauze.

J’ajoute aussitôt le premier roman de cette auteure dans la liste de mes futures lectures. J’ai envie de lire plein d’autres livres aussi justes et pleins de charme.

S 3-3Folio, 192 pages, 7,60€

Roman

« Réputation » de Lex Croucher

9782258198081ORIJ’étais très curieuse de découvrir ce roman, attirée par cette couverture colorée assez différente des autres couvertures des Presses de la cité, et par ailleurs ambiguë : quatre jeunes femmes habillées de robes façons XIXe siècle, portant chacune un verre ou une bouteille de vin. En dédicace, l’auteure fait un clin d’oeil à Jane Austen, mais on est quand même bien loin de « Raisons et sentiments ».

La jeune Georgiana se désole d’avoir été envoyée chez son oncle et sa tante. Désireuse de se faire de nouveaux amis, elle s’intègre dans une bande de jeunes débauchés menée par Frances Campbell, issue d’une bonne famille mais au comportement dépravé.

Cela n’aurait pu être qu’une chronique de la vie mondaine de jeunes gens riches qui cherchent à se distraire par tous les moyens. Mais le roman va bien au-delà, et aborde plusieurs thèmes aux résonances très modernes. Derrière une société anglaise d’un autre siècle, c’est aussi un miroir tendu vers notre société contemporaine. C’est léger et grave à la fois, amusant et dérangeant, et le lecteur virevolte dans les bals puis panse les plaies qui s’ensuivent.

L’histoire fonctionne bien, après un démarrage qui ne laisse rien présager de la tournure que va prendre l’histoire. On ne s’ennuie pas en suivant ces jeunes gens dans une romance moderne et intelligente.

S 3-3Presses de la cité, 450 pages, 19€

Policier

« De si bonnes mères » de Céline de Roany

9782258196063ORIJ’avais beaucoup aimé le rythme et l’intrigue des «Beaux mensonges», premier roman de Céline de Roany. Le lecteur y faisait la connaissance de Céleste Ibar, capitaine de police à la PJ de Nantes, qui pour se défendre d’une horrible agression, avait tué son agresseur en ripostant avec la même violence.

On retrouve Céleste, près de Nantes, en mission pour découvrir l’assassin de femmes enceintes. Il y avait déjà du glauque dans « Les beaux mensonges » , il y en a encore ici. Je ne suis pas très fan des thrillers trop sombres, j’attends avant tout une intrigue, des rebondissements. Heureusement tout y est ici, comme dans le premier tome. Le démarrage des premiers chapitres est un peu moins convaincant, moins rythmé, mais une fois la machine lancée, le roman tient toutes ses promesses.

Plusieurs personnages étaient déjà présents dans le premier roman (la famille de Céleste, son co-équipier) et de nouveaux personnages apparaissent car Céleste doit faire équipe avec la gendarmerie locale.

J’étais assez proche de trouver la solution pendant tout le roman, les fausses pistes sont moins présentes que dans le premier tome, mais l’intrigue fonctionne bien. Céleste est un personnage atypique, avec de grosses séquelles physiques et psychologiques, et en même temps elle est dévouée à ses enquêtes, à son métier. J’imagine que Céleste peut devenir un personnage récurrent dans toute une série, il y a matière à une suite (pas sur l’intrigue en tant que telle, qui est bouclée avec toutes les réponses attendues, mais plutôt sur la vie de Céleste). Si c’est le cas, je lirai sans hésiter le prochain.

S 3-3Presses de la cité, 480 pages, 21€

Roman

« Les intrépides » de Hervé Commère

9782265144088ORIDans l’anonymat d’un tout petit immeuble parisien, il faut attendre un événement grave pour que les locataires se parlent. Et cet événement n’est rien d’autre que la vente de l’immeuble par son propriétaire, auprès d’un promoteur qui le rasera et expulsera les locataires actuels. Or chacun d’entre eux a une très bonne raison de ne pas accepter de partir. Malgré leurs différences, ils vont devoir faire équipe.

J’avais gardé un très bon souvenir de « Sauf », du même auteur. Ici l’histoire est très différente mais j’ai retrouvé la même écriture plaisante. L’histoire en elle-même est assez simple et je me demandais même comment l’auteur allait la faire vivre sur 300 pages. N’attendez pas de grands rebondissements ; en revanche le livre fourmille de trouvailles, d’anecdotes, de récits dans le récit qui sont comme des nouvelles à l’intérieur du roman, qui racontent des morceaux de vie et ont réussi à capter mon attention tout au long des chapitres. C’est le banc de 500kg déplacé pour une amoureuse, la réussite spectaculaire de deux frères devenus des milliardaires du numérique, le chagrin d’une jeune femme orpheline, la passion inavouée d’un homme d’affaires : autant de morceaux de vie racontés avec humanité et humour.

S 2-3Fleuve éditions, 336 pages, 18,90€

Essai / Document

« La fabrique du suspense » de Michel Bussi

cdab82b92031363432363735393432333737313837J’ai lu quasiment tous les romans (adultes) de Michel Bussi, et depuis « Nymphéas noirs » j’admire sa capacité à promener des lecteurs dans un récit parfois déstabilisant, mais qui offre toujours une fin réaliste – ce que l’on appelle le « twist ».

Dans cet ouvrage écrit par Michel Bussi, je suis entrée dans les coulisses de son écriture, avec l’impression de lever une partie du voile de la création de romans que j’ai tellement aimé lire.

Le livre donne quelques éléments sur son enfance et ses premiers pas d’écrivain (je vous conseille de lire son texte très drôle sur le 5e Evangile, écrit à l’âge de 12 ans). Il cite aussi quelques auteurs dont il apprécie les romans – et cela me fait toujours plaisir de voir Patrick Cauvin cité deux fois, après tout « Haute-Pierre » est aussi un bon roman pour les amateurs de twist ! J’ai aussi beaucoup aimé les explications très claires sur le twist et les différentes manières de créer du suspense. J’ai replongé avec plaisir dans tous les grands romans de l’auteur, auxquels il fait largement référence et en explique les « trucs » de construction. Attention pour ceux qui ne les ont pas lus, respectez bien les signes qui marquent les spoilers, car l’auteur dévoile toutes ses fins – et ce serait tellement dommage de les découvrir ainsi.

Au passage, l’auteur donne son avis sur ce qu’est un bon livre, et casse les préjugés sur la « Littérature » avec un grand L – et je suis bien d’accord avec lui, moi qui ai lu et aimé plein de « classiques » (Zola, Hugo etc etc) et aime beaucoup me détendre avec des livres plus légers et peut-être plus accessibles – et qu’importe ! J’aime lire et je lis de tout sans préjugé.

Pour l’instant les autres livres de cette collection « Secrets d’écriture » ne me disent rien, mais en revanche je relirai certainement celui-ci.

S 3-3Le Robert / Presses de la cité, 176 pages, 14,90€

Cosy mystery·Policier

« Agatha Raisin Enquête (tome 27) : Les pissenlits par la racine » de M.C. Beaton

9782226444226-jJ’avais quitté Carsely à la fin du 26e tome avec Agatha prête à donner un coup de main sur une affaire dans les jardins communautaires, et Mrs Bloxby, la si discrète femme du pasteur, en train de s’amouracher d’un nouveau venu au village – nouveau look, nouvelle coupe de cheveux, ça promettait !

J’ai retrouvé les personnages là où je les avais laissés – quand d’autres tomes laissent passer quelques mois entre deux. Je ne vous parle pas de Mrs Bloxby, je préfère vous laisser découvrir quel choix elle va faire. Quant à Agatha, elle se lance dans une nouvelle affaire : lord Bellington, qui voulait mettre fin aux jardins communautaires, a été empoisonné. Au-delà des jardiniers amateurs, c’est toute la famille du riche Lord qui est suspecte.

L’enquête est moins tordue que dans d’autres tomes – comprenez : je ne me suis pas perdue dans les fausses pistes et les multiples personnages.

Quant à Agatha, un nouveau rebondissement dans sa vie sentimentale vient mettre un peu de peps bienvenu dans l’histoire – et occupe d’ailleurs une bonne moitié du roman. C’est aussi ce qui fait le charme et le succès de cette série.

S 3-3Albin Michel, 14€

Policier

« Crime gourmand à Saint-Malo » de Jean-Luc Bannalec

9782258195448ORIPour sa neuvième enquête, j’ai retrouvé le sympathique commissaire Dupin à Saint-Malo. Invité pour un séminaire qui – vous connaissez le personnage – ne l’intéresse pas le moins du monde, il est témoin d’un meurtre en plein marché.

Une cheffe renommée vient de tuer sa sœur, elle aussi cheffe talentueuse. Et voilà notre Dupin, grand amateur de cuisine, dans les coulisses d’une histoire familiale sur fond de haute gastronomie (j’ai salivé pendant tout le roman). Avec deux commissaires confrères, mais loin de Nolwenn et de ses fidèles lieutenants, c’est une autre forme de coopération que va vivre Dupin.

Comme toujours dans cette série, le roman rend hommage à la ville qui héberge l’enquête. Je vous défie de ne pas avoir envie de parcourir la Bretagne de long en large en lisant les enquêtes de Dupin ! Cette fois c’est Saint-Malo, ses ruelles et ses légendes corsaires, qui est à l’honneur, pour mon plus grand plaisir. J’adore cette série, et je pèse mes mots. J’y retrouve tout ce que j’aime, les enquêtes, le décor qui permet de s’évader, un peu de gastronomie, une pointe d’humour… J’ai dévoré cette nouvelle enquête.

S 3-3Presses de la cité, 394 pages, 21€

Biographie

« Je suis le carnet de Dora Maar » de Brigitte Benkemoun

9782253820444-001-TC’est le hasard le plus complet qui a mis ce carnet d’adresses entre les mains de Brigitte Benkemoun. Ayant acheté un carnet à un antiquaire, elle y a trouvé, glissé à la fin, ce vieux répertoire. Après enquête et croisement des noms qui y figurent, elle en déduit que sa propriétaire était Dora Maar.

D’abord par jeu et par curiosité, puis par volonté d’aller au bout de ses recherches pour mieux comprendre Dora Maar, l’auteure a fait des recherches sur quasiment chacun des contacts du répertoire. Quels étaient les liens de chacun avec Dora Maar, leur place dans sa vie ? Au fil des pages, courts chapitres tous très intéressants, j’ai plongé dans un univers d’art et de création, le groupe surréaliste des années 1950, et l’on fréquente le temps d’un livre Eluard ou Picasso. Picasso n’en ressort pas grandi, Dora Maar est présentée aussi bien avec ses talents que ses zones d’ombre, et c’est tout à l’honneur de l’auteure, une fois passée la joie de découvrir ce carnet, d’avoir pris la distance nécessaire sur les personnalités qui y figurent.

J’ai beaucoup aimé, à travers un simple répertoire, me plonger dans cette époque. Le récit me parlait, j’avais l’impression d’observer leur groupe. J’ai aussi beaucoup appris sur leurs liens, leurs personnalités, et de Paris à la Côte d’Azur j’ai voyagé dans le temps et dans la France de l’époque.

J’ai aussi pensé au « Madeleine Project » de Clara Beaudoux, qui avec une autre approche, reconstituait aussi des morceaux de vie d’une personne à partir d’objets du quotidien.

J’ai regretté qu’il n’y ait pas de fac simile du carnet, juste pour le plaisir de voir l’écriture de Dora Maar. Cela n’a pas nui à mon plaisir de lecture mais j’ai été un peu déçue car je m’attendais à en voir.

S 3-3Le livre de poche, 288 pages, 7,70€

Cosy mystery·Policier

«Son espionne royale et la reine des cœurs (tome 8) » de Rhys Bowen

espionne t8Ce que j’aime dans cette série, c’est sa capacité à ne pas lasser le lecteur, en l’entraînant à chaque fois dans des décors différents. Cette fois-ci, Georgie embarque sur un paquebot, direction l’Amérique ! Ambiance croisière, mal de mer et dîner en jolie robe, voici Georgie bien loin du froid château des Rannoch. Sa mère est plus présente que jamais et, si elle continue à envoyer quelques vacheries à sa fille, elle l’encourage aussi à s’émanciper davantage.

Plusieurs vols ont lieu à bord, et Darcy est là pour enquêter (quelle coïncidence!).

La deuxième partie du roman se déroule aux Etats-Unis, dans le milieu du cinéma. Encore un nouveau décor ! C’est très agréable de suivre Georgie dans d’autres univers. La « vraie » enquête démarre d’ailleurs assez tardivement (mais qu’importe), et dans une ambiance huis clos façon Agatha Christie, qui forcément m’a plu.

Il y a bien quelques récurrences qui m’agacent : Queenie était drôle dans les premiers tomes, mais son personnage se répète beaucoup sans que cela n’apporte rien de neuf à l’histoire ; quant à l’histoire d’amour entre Georgie et Darcy, elle fait du sur place et les deux tourtereaux se perdent en prétextes… Mais ce huitième tome est encore une fois très réussi, à la fois dans la continuité des précédents, et avec un bel effort de renouvellement. La suite, la suite !

S 3-3Robert Laffont, 379 pages, 14,90€

Essai / Document

« Relire, repenser Proust » de Kazuyoshi Yoshikawa

Relire-repenser-ProustSous titré « Leçons tirées d’une nouvelle traduction japonaise de La Recherche », ce livre est la retranscription d’un cycle de quatre conférences prévues pour le Collège de France, et qui a été interrompu dès la première en raison du premier confinement en 2020.

Je ne suis pas une spécialiste de Proust, je n’ai même pas lu l’intégralité de « La Recherche ». Mais j’étais très curieuse de voir comment Kazuyoshi Yoshikawa, « expert » japonais de Proust, avait abordé ce texte si emblématique de la littérature française.

Toute la première conférence est absolument passionnante, pour comprendre comment Kazuyoshi Yoshikawa a traduit certains mots en japonais, et les recherches minutieuses et rigoureuses qu’il a menées et qui s’apparentent parfois à de véritables petites enquêtes. Les trois autres conférences abordent des thèmes plus spécifiques.

L’ensemble de l’ouvrage est intéressant, j’ai trouvé la lecture abordable même sans connaître en détail tous les tomes de « La Recherche » (mais il faut quand même en connaître les grands personnages).

S 2-3Collège de France