BD

« Le Château de mon père », de Labat, Véber, Lemardelé, Vitrebert

versaillesSi le clin d’œil du titre à Pagnol est évident, le château dont il est question dans cette BD n’a rien à voir avec un petit château de Provence. Sous titrée « Versailles ressuscité », cette BD raconte en effet la vie du conservateur qui a redonné vie et lettres de noblesse à l’un des plus célèbres châteaux de France.

Remettons les événements dans leur contexte : en 1887, quand Pierre de Nolhac arrive en poste comme conservateur de Versailles, le château est un bel endormi. Symbole de la royauté dans une France qui célèbre la République, il n’est voué qu’à sommeiller pour l’Histoire. Ce qu’on attend de Pierre de Nolhac ? Qu’il poursuive un travail d’historien, qu’il s’amuse un peu avec les archives, et surtout qu’il n’en fasse pas trop. Mais ce n’est pas ainsi que le nouveau conservateur envisage sa tâche…

BD très originale sur une histoire qui m’était inconnue, j’ai beaucoup aimé suivre ce conservateur, qui arrive avec femme et enfants dans un château que eux vont détester, mais que lui va faire revivre. Les épreuves de la vie n’épargneront pas leur famille, plusieurs fois endeuillée, mais Pierre de Nolhac continue inlassablement sa mission. Humble, dévoué, il avance à petits pas, mais à pas sûrs. Les dessins en noir et blanc sont très réussis (si la Galerie des glaces nous est familière, je ne l’avais jamais vue en noir et blanc). C’est d’ailleurs un choix très judicieux : en couleurs, l’œil du lecteur se serait attardé sur les dorures de Versailles, alors qu’en noir et blanc le lecteur se concentre davantage sur Pierre de Nolhac et son travail.

S 3-3La boîte à bulles, 168 pages, 24€

Audio·Roman

« Intuitio » de Laurent Gounelle

intuitioLe pitch de ce roman m’avait tapé dans l’œil : imaginez qu’un homme doive résoudre une enquête avec pour seul outil son intuition.

Je connaissais l’auteur de nom, mais je n’avais jamais encore lu ou écouté l’un de ses livres, et je me suis dit que c’était une bonne occasion.

L’histoire commence ainsi : Timothy est écrivain ; il a publié plusieurs romans mais n’est pas une star de l’édition – ou plutôt, il n’est pas encore une star, car l’émission d’Oprah Winfrey qu’il doit faire dans quelques jours, pour remplacer au pied levé Leonardo Di Caprio, pourrait bien changer sa vie. Il a une semaine pour s’y préparer, mais il ne sait pas encore que la semaine qui arrive ne va pas ressembler à ce qu’il avait imaginé.

En effet, le FBI a décidé de le recruter pour enquêter sur de mystérieuses attaques d’établissements financiers. Et pour cela, le FBI compte sur la seule intuition de Timothy.

C’est à ce moment-là de ma chronique que je dois faire une pause : parce que je veux bien me laisser emporter dans un récit qui ne soit pas 100 % crédible, je veux bien faire preuve d’imagination, mais là le point de départ est complètement tiré par les cheveux. Timothy le reconnaît lui-même, et plusieurs passages du roman l’illustrent : cet homme n’a aucune intuition. Dès qu’il se fie à son instinct, il se plante. Alors pourquoi le choisir, lui, pour cette mission ?

Heureusement je ne me suis pas arrêtée là, car pour le reste le roman est assez prenant, et l’enquête bien menée – j’avais envie de connaître la suite. J’avais sans doute trop d’attente et de curiosité autour de l’intuition, mais si cette partie-là du livre m’a déçue, je ne regrette pas cette écoute.

S 2-3Audiolib, 10h d’écoute, 22,90€, lu par Cyril Romoli

Policier

« Le léopard des Batignolles » de Claude Izner

léopard BatignollesJ’avais un peu oublié la complexité des romans de la série des « Victor Legris »… Ce cinquième tome de la série me l’a vite rappelé ! Et pourtant j’aime les personnages de cette série, ces deux libraires – Victor Legris, donc, et son accolyte Kenji Mori – heureux propriétaires d’une librairie dans le Paris de la toute fin du XIXème siècle. Depuis les premiers opus de la série, Victor Legris se transforme régulièrement en enquêteur, et mène ses recherches avec l’aide de Joseph, son commis, un jeune homme bougon mais bon enfant qui rêve de devenir écrivain.

J’aime cette ambiance historique, cette librairie qui fourmille de livres anciens, et son époque virevoltante où Paris évolue aussi vite que les mœurs, où la bicyclette est à la mode, et où les femmes s’émancipent peu à peu.

Mais il me fallait bien tout cet attachement au cadre de l’histoire pour m’aider à m’accrocher à un récit que j’ai trouvé très complexe et dans lequel j’ai eu du mal à entrer. Basé sur une arnaque de faux titres boursiers, le début de l’histoire enchaîne plusieurs chapitres qui semblent sans lien apparent ; et si le procédé est classique, il dure un peu trop longtemps à mon goût dans ce roman, ce qui m’a empêchée d’être saisie par l’histoire et d’avoir envie d’en connaître la suite.

S 1-310/18

Roman

« Un amour de Swann » de Marcel Proust

swannIl y a plusieurs années, j’avais essayé de « lire Proust », un peu comme un passage obligé dans ma vie de lectrice. J’avais consciencieusement commencé « A la recherche du temps perdu » par le premier tome… et je n’en ai jamais lu d’autre, perdue dans des phrases complexes et un récit qui m’avait plutôt ennuyée.

J’ai redécouvert Proust à travers l’excellente BD de Stéphane Heuet, qui m’a donné envie de retourner vers le texte original. J’ai choisi cette fois-ci « Un amour de Swann » qui est présenté comme une parenthèse dans l’ensemble de l’œuvre. Et comme je l’avais pressenti avec la BD, le roman, assez court, s’est avéré beaucoup plus abordable – et sans doute la BD m’a aidée à l’appréhender car je connaissais déjà l’histoire.

Alors bien sûr, il y a toujours quelques phrases qui me laissent songeuse quant à leur structure :

«  Toute « nouvelle recrue » à qui les Verdurin ne pouvaient pas persuader que les soirées des gens qui n’allaient pas chez eux étaient ennuyeuses comme la pluie, se voyait immédiatement exclue ». (p43)

ou encore :

«  – comme on voit des gens incertains si le spectacle de la mer et le bruit des vagues sont délicieux, s’en convaincre ainsi que de la rare qualité de leurs goûts désintéressés, en louant cent francs par jour la chambre d’hôtel qui leur permet de les goûter. » (p160)

Mais je n’ai pas envie de limiter ma lecture à ces quelques hésitations dans ma lecture. Car il se dégage de l’ensemble du roman beaucoup de thèmes intéressants. Je connaissais bien sûr la « madeleine » et j’ai découvert que l’auteur abordait ce thème du souvenir sous d’autres angles : une petite musique, ou même le choix de certains mots qui réveillent des sensations différentes.

Deux mots sur le sujet du roman : Swann s’est entiché d’Odette de Crécy, une demi-mondaine habituée à fréquenter le salon des Verdurin. D’abord introduit dans les soirées des Verdurin, Swann détonne par sa culture et son refus de s’abaisser à des plaisanteries idiotes ou des conversations trop faciles. Il est progressivement rejeté de chez Verdurin, et rongé de jalousie par les autres fréquentations d’Odette.

Pour finir, je tiens aussi à saluer la modernité de la couverture – je suis sensible aux couvertures, et un choix trop classique m’aurait davantage effrayée.

S 3-3Folio, 384 pages, 5€

Cosy mystery·Policier

« La curiosité est un péché mortel » de Ann Granger

lizzie t1 et 2Dans ce deuxième tome des Enquêtes de Lizzie Martin, Elizabeth (« Lizzie ») Martin est appelée comme demoiselle de compagnie auprès de la jeune Lucy. A dix-huit ans, celle-ci vient de perdre son enfant peu après l’accouchement. Elle est persuadée que son enfant n’est pas mort, et ses deux vieilles tantes qui l’hébergent ne savent plus comment la gérer. Son mari, un parvenu, a été envoyé gérer des affaires en Chine pour l’éloigner de la famille.

Très vite, Lizzie découvre qu’un complot familial semble se tramer pour faire passer Lucy pour folle. Mais l’est-elle vraiment ? Et jusqu’où sa famille est-elle prête à aller ?

Lizzie est un beau personnage féminin, à la fois ancré dans son époque (même si, à trente ans, son célibat est inhabituel), capable d’user de franc-parler tout en sachant se faire discrète quand les circonstances l’exigent. Ses liens avec l’inspecteur Ben Ross sont un moteur efficace pour faire avancer l’intrigue.

J’ai préféré ce deuxième tome au premier ; Lizzie s’est éloignée de sa région natale où survivent les mineurs de charbon, elle a pris une certaine indépendance. On comprend que ses aventures la mèneront dans différentes maisons, où son rôle de demoiselle de compagnie lui permet à la fois d’apporter un regard neuf sur une situation, tout en étant disponible pour recueillir des confidences – j’imagine que les autres romans de la série sont bâtis sur la même trame.

L’intrigue est bien menée, on sent qu’il y a beaucoup de non-dits dans cette famille, et on a hâte de découvrir la face cachée de cette famille de riches négociants de thé et de tissu. Le Dr Lefebre, invité comme Lizzie à venir surveiller la santé mentale de la jeune Lucy, est un personnage complexe, aussi intéressant qu’inquiétant, qui apporte une dimension supplémentaire à l’histoire, et ajoute de l’épaisseur au personnage de Lizzie – elle n’est plus seulement sensible au charme de Ben, le Dr Lefebre suscite en elle un mélange de peur, de colère et d’admiration. C’est bien trouvé.

S 3-310/18, 14,90€ pour le recueil des deux premières enquêtes

Cosy mystery·Policier

« Enquête troublante à Concarneau » de Jean-Luc Bannalec

concarneauQuel plaisir de retrouver le commissaire Dupin ! En ces périodes de limitation des déplacements, pouvoir voyager par la pensée jusqu’à Concarneau et la Bretagne est une bouffée d’oxygène bien agréable.

J’ai donc ouvert cette nouvelle aventure de Dupin et de ses fidèles coéquipiers Nolwenn, Le Ber et Labat – plus deux nouvelles recrues – avec une certaine gourmandise. Et je dois dire que mon plaisir n’a pas tari jusqu’à la dernière page de cette enquête.

Cette fois-ci, Dupin « joue à domicile », puisque c’est à Concarneau même qu’un homme a été retrouvé mort. Il s’agit de Chaboseau, médecin proche de la retraite. C’est un notable, connu pour avoir investi avec deux de ses amis – un pharmacien et un caviste – dans diverses entreprises de la région. En démarrant son enquête, Dupin explore tout un monde de notables qui se protègent entre eux.

Comme toujours dans les enquêtes du commissaire, il y a un comique de répétition: cette fois-ci, c’est l’arrivée des parents de Claire, la compagne de Dupin. Alors que Dupin enquête à sa manière, tantôt devant une entrecôte, tantôt en réfléchissant sur la plage, cela donne lieu à tout un tas de quiproquos bien trouvés et très amusants.

J’adore cette série de romans ! Chacune est originale, explore un angle différent de la Bretagne, et arrive à renouveler la série tout en en gardant l’esprit.

S 3-3Presses de la cité, 352 pages, 21€

Cosy mystery·Policier

« Les enquêtes d’Hannah Swensen (tome 1) : Meurtres et pépites de chocolat » de Joanne Fluke

meurtres & pépitesVous connaissez mon goût pour les cosy mysteries. Couplé avec une certaine gourmandise, cela faisait de moi une cible idéale pour cette nouvelle série de romans.

Hannah tient une boutique de cookies. Célibataire, elle mène une petite vie tranquille entre sa boutique et son logement où l’attend son chat. Lorsque son livreur de lait, Ron, est retrouvé mort assassiné, elle décide de s’impliquer dans l’enquête. Son beau-frère, Bill, avec lequel elle est très amie, est justement un policier local ; il accepte son aide. Et voilà comment, de pâtissière le jour, Hannah se retrouve enquêtrice à ses heures perdues !

Les personnages sont sympas, quoique très classiques : la mère qui veut caser sa fille, le dentiste-prétendant plus cool qu’il n’y paraît, la nièce adorable… Rien de très original pour renouveler le genre, mais la lecture est agréable.

Par contre, je préfère vous prévenir, le roman donne d’irrépressibles envies de cookies ! Je n’ai testé aucune des recettes du livre, parce que les doses ne sont pas très claires (malgré le tableau de conversion proposé), donc j’ai ressorti ma propre recette de cookies.

Je me suis fait surprendre par la fin du roman, non pas par sa grande originalité, mais parce que je n’avais pas vu que le livre contenait aussi une nouvelle après le roman principal. Je pensais donc qu’il me restait une centaine de pages à lire, et donc que le dénouement n’était qu’une fausse piste…

(La nouvelle, cela dit en passant, est assez agréable à lire.)

J’ai déjà à portée de main le deuxième tome de la série, je le lirai avec plaisir ; je suis curieuse de voir quelle tournure va prendre cette série.

S 2-3Le Cherche Midi, 544 pages, 15€

Essai / Document

« Le mystère Tintin» de Renaud Nattiez

mystère tintinBeaucoup d’ouvrages ont déjà été publiés sur Tintin et sur son créateur Hergé. Alors d’entrée de jeu l’auteur fixe son cadre : il ne parlera quasiment pas d’Hergé, ne s’essaiera pas à une nouvelle théorie psy ni ne lancera des polémiques. Son propos est ailleurs, et vise à analyser ce qui donne le sous-titre de son essai, à savoir « les raisons d’un succès universel ».

Pourquoi Tintin est-il aussi universel ? Comment fait-il pour traverser les générations et plaire partout dans le monde ?

La première phrase du livre est aussi fascinante que déroutante : « J’ai deux familles : la mienne, et les Tintin ».

J’ai lu tous les Tintin, certains plusieurs dizaines de fois, et j’ai longtemps été capable de citer de très nombreux personnages secondaires – vous savez, selon ce petit jeu entre tintinophiles pour essayer de se piéger gentiment les uns les autres ! J’ai un peu laissé de côté la relecture des Tintin ces dernières années, mais j’ai plongé dans cet essai avec d’autant plus de plaisir que cela a été l’occasion de renouer avec l’œuvre d’Hergé par un angle différent.

La première partie du livre est celle que j’ai trouvée la plus intéressante : elle reprend les fondamentaux de l’œuvre d’Hergé, mais aussi le travail sur le rythme, la documentation etc. Bref tout ce qui fait que l’on « accroche » à ces BD sans avoir conscience du travail de construction qui est derrière. La deuxième partie s’attache à analyser davantage la structure de l’œuvre, et j’ai trouvé cette partie moins captivante, parce qu’elle est plus dans l’intellect et fait moins le lien avec mes souvenirs et mes émotions de lectrice.

J’ai quand même appris énormément sur l’œuvre – je n’avais pas exemple jamais mesuré le tournant que représentait « Tintin au Tibet » dans la série d’albums, même si je connaissais l’existence du « vrai » Tchang ami de Hergé. Le livre fourmille aussi de petites anecdotes, comme la présence de Hergé et de sa femme dans plusieurs épisodes (voir page 47 du livre pour les détails).

C’est une prise de recul sur l’ensemble d’une œuvre, avec des points communs et des différences entre albums, et surtout une progression analysée de manière très intéressante des intrigues et des personnages. Parions que tout cela vous donnera envie de rouvrir un album !

S 3-3Les impressions nouvelles, 368 pages, 22€

Audio·Roman

« Fantaisie allemande » de Philippe Claudel

fantaisie allemandeCela faisait bien longtemps que je n’avais pas découvert de texte de Philippe Claudel. J’avais presque oublié à quel point son écriture aux mots ciselés forme de la belle ouvrage, et la version audio permet de profiter encore mieux du texte.

Le début du roman est un peu déroutant, assez sombre. Un homme erre seul ; c’est un soldat. On ne sait pas trop au départ si la guerre est finie ou s’il est déserteur. Il a faim, froid, mais l’on hésite à le plaindre car on ne sait rien de lui – victime ou bourreau ? J’ai redouté au départ que l’ensemble du roman ne tourne qu’autour de l’histoire de la fuite de cet homme, et j’ai d’ailleurs fait une petite pause dans mon écoute après le premier chapitre. Mais finalement plusieurs histoires vont s’enchaîner ; j’ai pensé qu’il s’agissait de nouvelles distinctes, puis j’ai compris qu’elles formaient un tout. Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus sans gâcher la découverte de ce roman, mais il y a une construction vraiment intelligente dans ce texte. Les personnages sont intéressants, à défaut d’être sympathiques. A découvrir.

S 2-3Audiolib, lu par Noam Morgensztern, 2h50 d’écoute, 19,90€ pour la version CD

Roman

« Haute-Pierre» de Patrick Cauvin

Haute-PierreC’est en écoutant une interview où Michel Bussi citait Patrick Cauvin que j’ai eu envie de relire un roman de cet auteur dont j’ai dévoré bon nombre de romans pendant mon adolescence. Dans ma bibliothèque, j’ai retrouvé « Haute-Pierre », et comme je ne me souvenais pas de l’histoire, j’ai pris plaisir à le redécouvrir.

Marc est scénariste. Il a rencontré une femme formidable, Andréa, qui est déjà maman d’un petit garçon intelligent et malicieux qui s’amuse à changer de nom tous les jours. Pour se consacrer à l’écriture d’un scenario, Marc a décidé de quitter Paris et de s’installer pendant un an à la campagne. Il acquiert Haute-Pierre, un vieux manoir où il passe des jours heureux avec sa petite famille recomposée.

Mais après quelque temps des phénomènes étranges surviennent. En retraçant l’histoire de Haute-Pierre, Marc va de découvertes en découvertes ; il se rend compte que Haute-Pierre n’est peut-être pas le manoir idéal dont il rêvait.

J’avais oublié que Patrick Cauvin s’était essayé au récit ésotérique, et j’ai au départ été un peu surprise de relire ce texte assez différent de ses autres romans. Par contre, j’ai retrouvé tout ce que j’aime dans l’écriture de cet auteur, un style simple mais bien maîtrisé, et surtout un art incontestable pour faire grandir l’émotion au fil des pages et manier les rebondissements avec un sens très juste du rythme. Comme quoi, même des lectures adolescentes ne perdent pas toujours leur saveur avec le temps !

S 3-3Le Livre de poche