Biographie

« Victoria » de Daisy Goodwin

victoriaAprès « La trilogie de Corfou », c’est une fois de plus une série télévisée qui m’aura amenée vers un livre. C’est en effet la série britannique « Victoria » qui m’a donné envie de lire le roman biographique du même nom – et dont j’ai découvert qu’il était écrit par la scénariste, historienne de formation.

Cette biographie se lit comme un roman, celui de l’accession au trône britannique d’une jeune fille de dix-huit ans. Elevée loin des codes de la monarchie, protégée à outrance, devenir reine est pour elle un bouleversement qui sera synonyme de libération : libération de sa mère, qui dormait encore dans la même chambre qu’elle ; libération aussi de ceux qui espéraient régner à sa place.

Inexpérimentée, Victoria s’appuie fortement sur son Premier Ministre, Lord Melbourne. Surnommé affectueusement « Lord M » par la jeune reine, celui-ci est à la fois un guide politique, une figure paternelle bienveillante, et (dans le livre du moins) le premier homme dont la reine s’éprend.

Si vous avez vu la série, le livre y est globalement fidèle, même si j’ai trouvé le livre moins dramatique (notamment sur les tentatives de renversement et de mise sous tutelle de la jeune reine).

Je ne sais pas juger de la fidélité historique des propos, même si d’après quelques recherches il semblerait que le rôle de Melbourne soit moins romanesque que celui raconté, et que l’amour de la reine pour son époux soit plus fort et plus sincère que le choix un peu mitigé qui est celui du livre.

J’ai passé un très agréable moment de lecture, transportée dans le Londres royal des années 1830. Le cadre est idyllique (et idéalisé), l’histoire romanesque à souhait, et l’écriture d’une grande fluidité.

S 3-3Milady, 571 pages, 18,20€

Biographie

« Agatha Christie, les mystères d’une vie» de Marie-Hélène Baylac

agatha christie mystèresJ’ai tellement lu de romans d’Agatha Christie pendant mon adolescence que j’ai arrêté de les compter après avoir dépassé les quarante ou cinquante titres.

J’ai le souvenir très précis du point de départ de cette boulimie : c’était un jour d’ennui, où aucune activité ne me faisait envie, et où j’ai pioché dans la bibliothèque familiale un livre que jusqu’ici je n’avais jamais remarqué. C’était « ABC contre Poirot » et j’ai été subjuguée par l’intrigue et son dénouement. Beaucoup d’autres lectures ont suivi, et j’ai toujours beaucoup de tendresse pour le personnage d’Hercule Poirot, délicieusement agaçant.

Pourtant, si je connais bien ses romans et ses personnages, je ne savais que peu de choses d’Agatha Christie, et j’avais depuis longtemps envie de lire une biographie qui lui serait consacrée. C’est chose faite avec celle que Marie-Hélène Baylac consacre à la « Reine du crime ».

J’aime quand les biographies se lisent comme des romans, ce qui est tout à fait le cas de celle-ci. J’ai découvert la vie d’Agatha Christie, depuis sa naissance en 1890. Après l’échec d’un premier mariage, dont était née sa fille Rosalind, elle a refait sa vie avec Max Mallowan, un archéologue plus jeune qu’elle avec lequel elle a parcouru le Moyen-Orient au gré des chantiers de fouilles. J’ai découvert une femme simple (bien que démesurément riche), qui adorait les maisons mais appréciait tout autant la vie spartiate lors des programmes de fouilles archéologiques auxquelles elle participait avec son mari.

La biographe explore aussi bien la vie personnelle d’Agatha Christie, ses deux mariages, sa relation compliquée à la maternité (qui l’éloignera toujours de Rosalind), que ses méthodes de travail, qui alliaient un talent indéniable à une capacité impressionnante de « produire » des livres quasiment à la chaîne (et surtout quand il fallait payer ses dettes au fisc).

J’aurais aimé que l’auteure nous propose quelques photographies d’Agatha Christie pour illustrer différentes étapes de la vie de l’auteure. J’ai regretté aussi que quelques fins de romans célèbres soient dévoilées dans ce livre – pour ma part, ce sont des livres que j’avais déjà lus, mais je préfère prévenir des lecteurs qui auraient envie, après cette biographie, de mieux découvrir l’oeuvre d’ Agatha Christie : sautez ces paragraphes-là pour ne pas perdre le plaisir de découvrir par vous-mêmes la clé des énigmes.

Pour finir, rétablissons grâce à Marie-Hélène Baylac une petite vérité : non, Agatha Christie n’a jamais prononcé la phrase qui lui est trop souvent attribuée : « Un archéologue est le meilleur époux qu’une femme puisse avoir. Plus elle vieillit, plus il s’intéresse à elle. » Je classerai donc cette citation avec la brioche de Marie-Antoinette !

S 3-3Perrin, 416 pages, 23€

Biographie

« Radioactive » de Lauren Redniss

radioactiveSouvenez-vous, j’avais chroniqué il y a quelque temps un livre audio passionnant sur Marie Curie et sa sœur Bronia. J’ai donc tout naturellement découvert avec beaucoup de plaisir le livre « Radioactive » que Lauren Redniss consacre à Marie (et Pierre Curie). Le format et le contenu n’ont rien à voir, il s’agit de deux approches artistiques très (très) différentes ; mais j’ai trouvé que les deux ouvrages se complétaient bien.

« Radioactive » est au-delà d’un livre : c’est un projet. Mêlant éléments biographiques, parenthèses scientifiques, Histoire, il propose un éclairage dense et fourmillant sur l’oeuvre de Marie et Pierre Curie. Je suis contente d’avoir commencé par l’écoute de « Marie et Bronia », qui m’a permis d’avoir de solides repères biographiques sur Marie Curie, et donc de mieux situer les éléments rapportés dans « Radioactive ».

Et puis, surtout, « Radioactive » est un livre graphique, avec un travail très intéressant sur la forme. D’ailleurs je vous encourage, une fois n’est pas coutume, à commencer la lecture par les dernières pages du livre, où l’auteure explique les techniques qu’elle a utilisées pour la réalisation de ce livre. Sinon, si comme moi vous commencez classiquement par le début du livre, vous aurez envie de le feuilleter une deuxième fois pour revoir les illustrations après avoir compris comment elles ont été réalisées.

Le livre est assez dense (la radioactivité, ce n’est pas le sujet le plus simple à comprendre!) et part parfois dans plusieurs directions quand j’aurais préféré suivre un rythme plus traditionnel. Mais je salue l’incroyable travail (de fond et de forme) réalisé par Lauren Redniss, qui vaut assurément que vous découvriez ce livre.

S 2-3Fleuve éditions, 208 pages, 24,90€

Audio·Biographie

« Munkey Diaries (journal, 1957-1982)» de Jane Birkin

munkeyJe connaissais très peu le parcours de Jane Birkin. Bien sûr je l’ai vue, très belle, dans quelques films. Je l’ai entendue dans des interviews, avec son accent étonnant et charmant. J’avais quelques repères sur sa famille, ses filles, sa vie avec Gainsbourg.

J’étais donc très curieuse de mieux la découvrir au travers du premier volet de son journal intime, qui court de 1957 à 1982 (soit approximativement jusqu’à sa rupture avec Gainsbourg). Et je dois dire que l’écoute de ce livre (lu par Jane Birkin elle-même, tout autre choix aurait été inadapté) est allée au-delà de mes espérances.

J’ai découvert tout d’abord une femme très originale, et pour laquelle l’adjectif « vivante » prend tout son sens, tant sa vie est sautillante, libre, loufoque parfois, torturée aussi par moments. Rien ne semble impossible, je ne sais pas si c’est lié à la femme, à l’époque, ou aux deux. J’ai été assez amusée par certains passages assez surréalistes ; j’ai été émue aussi très souvent, par les chapitres sur son enfance, et par une sorte de mélancolie ou d’inquiétude qui revient régulièrement. Et bien sûr j’ai été touchée par son amour immense et sincère pour ses filles.

C’est autant le témoignage d’années de vie que d’une époque entière (le récit des années avec Gainsbourg est particulièrement truculent), que l’on écoute pour découvrir une femme, une artiste, que l’ambiance d’années passées entre Londres, Paris, les plateaux de tournage ou les vacances en bord de mer.

Malgré plus de 11 heures d’écoute, le journal est tronqué, par choix, pour ne pas blesser, ou tout simplement parce que certains journaux originaux ont été perdus. Parfois on passe donc d’une époque à l’autre un peu rapidement, mais peu importe. L’ensemble forme un journal cohérent, et une belle transmission. Car il faut beaucoup de courage pour publier de son vivant son journal intime, même quand plusieurs décennies ont passé, sans l’édulcorer ou le revisiter avec ses yeux d’aujourd’hui, et sans donner une impression de voyeurisme au lecteur.

S 3-3Audiolib, 11h27 d’écoute, lu par Jane Birkin, 24,90€

Audio·Biographie

« Marie et Bronia, le pacte des sœurs» de Natacha Henry

marie et broniaLes deux sœurs qui prêtent leurs noms au titre de ce livre, Marie et Bronia, sont Marie Curie et Bronia Dluska, toutes deux nées Skłodowska dans la Pologne de la fin du XIXème siècle. Nées dans une famille modeste mais aimante et instruite, elles ont traversé jeunes de lourdes épreuves, dont la perte de leur mère. Animé par le goût de l’instruction, et persuadé que l’avenir passe par la science, le père de Marie et Bronia les encourage à poursuivre leurs études, bien que cela leur soit interdit dans la Pologne sous influence russe.

Un pacte naît entre elles : tandis que Bronia s’inscrira à la faculté en France, à la Sorbonne, Marie travaillera en Pologne en tant que gouvernante pour payer les études de son aînée. Puis quand Bronia sera devenue médecin, elle paiera à son tour les études de Marie, à la Sorbonne toujours.

Si la vie continue à les malmener, y compris sentimentalement, les sœurs incroyablement soudées tiennent bon. Et ce récit de leurs vies dédiées à la science, mais solidement appuyées sur leur famille, est un bonheur à écouter. J’ai suivi avec énormément de plaisir le récit de la vie de Marie Curie, mais aussi celui indissociable de sa sœur (leurs vies sont d’ailleurs intelligemment traitées sans « favoritisme » par l’auteure, ce qui est un excellent parti pris). Ce goût pour le travail, pour le savoir, pour la science, est un modèle pour toutes les jeunes filles qui croient encore que les sciences leur sont inaccessibles.

Par ailleurs, même si les deux sœurs sont scientifiques, le récit est très accessible, tourné à la fois vers leur quotidien et vers leurs grands succès. La lecture de Florine Orphelin retranscrit très bien ce qu’on imagine être un mélange de douceur et de détermination chez les deux sœurs. Découvrez vite ce livre audio, c’est une réussite et un bonheur d’écoute !

S 3-3Audiolib, lu par Florine Orphelin, 5h54 d’écoute, 17,50€

Biographie

«Le rêve d’un fou» de Nadine Monfils

rêve fouJe n’ai jamais visité le « Palais idéal » du facteur Cheval, mais je connaissais les grandes lignes de l’histoire de cette construction faite de cailloux amassés au fil des années par un facteur.

Le récit biographique de Nadine Monfils m’a fait découvrir, au-delà de l’œuvre construite, les motivations et surtout les douleurs de l’homme qui l’a créée. Il faut dire que Ferdinand Cheval, né en 1836, n’a pas eu une vie joyeuse. Orphelin de mère à l’âge de onze ans, ayant perdu un enfant nouveau-né, puis ayant dû se séparer de son second fils, avant de perdre sa fille adolescente, il est entouré de morts et d’absents.

De son esprit naîtra finalement une œuvre incroyable et quasi inclassable. Évidemment, on aimerait avoir dans le livre des photographies du lieu – à défaut, on trouve facilement des visuels sur internet (notamment sur http://www.facteurcheval.com/ ).

J’aurais aimé que le récit soit un peu plus long que la centaine de pages qui le composent, car l’histoire du facteur est tellement intrigante ! Homme de peu d’éducation initiale, je trouve incroyable toutes les scènes (bibliques, mythologiques…) qu’il a reconstituées, et j’aurais aimé en découvrir plus sur ses inspirations.

Les personnages secondaires sont aussi très attachants et constituent autour du facteur Cheval un petit monde inspirant.

S 2-3Fleuve éditions, 128 pages, 14,90€

Biographie

« Madeleine project » de Clara Beaudoux

madeleineLorsque j’ai cherché ce livre dans une grande surface culturelle, le vendeur me l’a désigné vaguement, en me disant « si vous voulez vous charger… », à peu près du même ton qu’il aurait employé pour me dire que l’ouvrage était un peu trop épais pour caler une armoire bancale… Bonjour la rencontre avec Madeleine…

Il est vrai que ce livre est étonnant, un objet inattendu parmi les romans avec lesquels il est classé. Mais pauvre Clara qui en est l’auteur, on se fiche bien, malgré vos propres interrogations, de savoir si votre livre est de la littérature, ou si vous êtes bien légitime comme auteur. Toutes ces questions n’y changeront rien : vous avez eu une idée formidable, vous l’avez transformée en une quête intelligente et en avez fait un livre sensible et plein d’espoir. C’est une lecture qui fait du bien, qui rassure et qui émeut, et le seul critère de la littérature peut bien être celui de l’émotion, après tout.

Pour ceux qui ne connaissent pas « Madeleine Project », revenons sur son origine. Avant d’être un livre, c’est d’abord et avant tout une saga publiée sur Twitter. S’installant dans un nouvel appartement, Clara Beaudoux a découvert dans la cave un amoncellement d’objets ayant appartenu à une certaine Madeleine, dont elle se met en tête de retracer la vie. Au fil de ses recherches, elle publie ses découvertes et ses pensées sur Twitter avec le mot clé #MadeleineProject. Et aujourd’hui c’est devenu un (gros) livre !

La démarche n’est pas du tout voyeuriste, au contraire elle est très respectueuse de la manipulation des souvenirs de Madeleine, et tout ce qui est raconté est raconté avec bienveillance et pudeur.

« J’ai aimé utiliser cette forme ultramoderne pour raconter des vieilleries pleines de poussière. Décalage presque anachronique entre le fond et la forme. »

Au départ j’étais un peu perdue dans la chronologie, ne sachant situer via les dates des tweets à quel moment il avait été écrit, et s’il reprenait l’intégralité des tweets publiés (ce qui n’est a priori pas le cas). Mais très vite j’ai oublié ce détail, emportée avec Clara Beaudoux dans les recherches sur Madeleine. Il faut dire que Clara Beaudoux n’a pas ménagé sa peine pour retracer le passé de cette ancienne institutrice, passant des dizaines de coups de fil, se déplaçant, collant des affiches dans les rues…

Qu’aurais-je fait à sa place, face à des valises poussiéreuses et pleines de petits bêtes… Madeleine a bien de la chance d’être tombée sur Clara pour perpétuer sa mémoire. Et si elle n’a pas eu d’enfant, elle a la plus belle héritière dont elle aurait pu rêver, celle qui continue à faire vivre son souvenir.

S 3-3Le Livre de poche, 640 pages, 16,90€

Biographie

« Écoute » de Mélanie Hamm

ecouteQu’est-ce que la malentendance ? Beaucoup d’entre nous imaginent que ce n’est qu’un terme politiquement correct pour désigner la surdité. Le récit autobiographique de Mélanie Hamm met à mal cette interprétation et rétablit la réalité sur le quotidien des malentendants.

Mélanie est née malentendante. Je n’écrirai pas que Mélanie est née avec une infirmité, car croyez-moi cette jeune femme pleine d’énergie et de volonté est loin d’être infirme !

Son parcours scolaire a été semé d’embûches, mais Mélanie Hamm est devenue diplômée, docteur en Sciences de l’éducation, aidée d’abord par son frère jumeau, puis soutenue par certains professeurs.

A quoi ressemble le quotidien d’une jeune malentendante ? A un quotidien ordinaire… à la différence près que tout est plus compliqué pour comprendre son environnement et son entourage. Quand certains s’acharnent à lui parler plus fort, elle éveille le lecteur en expliquant que ce n’est pas le volume mais la sonorité qui importe : « On pense toujours à amplifier le bruit avec les malentendants, alors que c’est s’approcher de la source sonore qui importe »…. Lire la suite

Biographie

« Charlotte » de David Foenkinos

            charlotteLes premiers paragraphes de « Charlotte » surprennent : phrases très courtes, retour à la ligne à chaque phrase. Visuellement, c’est un poème, même si la lecture du texte prouve que ce n’en est pas un. J’interromps ma lecture, feuillette le reste du livre : tout le roman est écrit sous cette forme. Je me demande pourquoi Foenkinos a fait ce choix qui risque de gêner la lecture de son texte. Il faut attendre plusieurs dizaines de pages pour comprendre que ce n’est pas un effet de style, mais la retranscription de ce que l’auteur ressent lorsqu’il pense à la vie de Charlotte Salomon.

              « J’ai tenté d’écrire ce livre tant de fois.

              (…)

              Je commençais, j’essayais puis j’abandonnais.

              Je n’arrivais pas à écrire deux phrases de suite.

              Je me sentais à l’arrêt à chaque point.

              (…)

              J’éprouvais la nécessité d’aller à la ligne pour respirer.

              Alors, j’ai compris qu’il fallait l’écrire ainsi. »

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