Audio·Roman

« Le cadavre du Palais Royal » de Laurent Joffrin

palais royalJ’ai lu tous les romans de la série « Nicolas Le Floch », commissaire au Châtelet sous Louis XV puis Louis XVI. Si ce blog ne compte pas beaucoup de chroniques de cette série, c’est parce que mes premières lectures ont débuté bien longtemps avant la création de ce blog. Le décès en 2018 de Jean-François Parot, le créateur de Nicolas Le Floch, marquait l’arrêt de cette série, et pour nombre de lecteurs (dont je fais partie), le regret de ne pas savoir comment Nicolas, marquis de Ranreuil et fidèle indéfectible à la royauté, allait traverser la Révolution française de 1789.

En découvrant qu’un autre auteur, en l’occurrence Laurent Joffrin, allait écrire la suite des aventures, j’ai d’abord été hésitante. Allais-je retrouver « mon » Nicolas Le Floch ?

Alors quitte à partir sur de nouvelles bases, j’ai aussi changé de mode de lecture pour cette nouvelle aventure, en passant à la version audio.

Trève de suspense : j’ai beaucoup aimé !

Tout d’abord, l’auteur a eu la bonne idée de faire un rapide résumé, bien amené, des précédentes aventures de Nicolas. Cela permet au lecteur de se souvenir rapidement où il avait laissé le Commissaire. Ensuite, on retrouve les personnages habituels, qui ont vieilli mais n’ont rien perdu de leurs caractéristiques : le fidèle Bourdeau, le médecin Semacgus, Sartine le mentor qui intervient toujours à point nommé, et le bon vieux Noblecourt, rassurant et perspicace.

Quant à l’histoire, elle s’inscrit dans la continuité des complots de cour des précédents tomes, sur fond de rappels historiques qui vont réveiller des souvenirs de leçons d’Histoire de bien des lecteurs. Cette fois-ci, ça ne rigole pas, parce que les complots visent directement le roi et son épouse Marie-Antoinette – et quand on sait que l’histoire se déroule en 1789 après la prise de la Bastille, il y a de quoi s’inquiéter ! Sans vouloir trop en dévoiler, on voit Nicolas évoluer dans sa position vis-à-vis des plus humbles – même si j’ai trouvé que son revirement de posture, quoique indispensable pour la suite de la série, soit amené de manière un peu maladroite (dans un passage où Nicolas se sent moins élevé socialement qu’une princesse – mais enfin, lui qui fréquente la cour depuis une éternité ne découvre pas du jour au lendemain quels en sont les travers et les injustices!).

La lecture faite par Philippe Sollier est impeccable. Le comédien nous emporte avec sa belle voix, qu’il sait adapter aux personnages, et donne beaucoup de rythme à sa lecture, appuyant l’action du roman quand cela est nécessaire.

Pari doublement réussi pour ce livre audio, pour Laurent Joffrin qui a rempli avec panache la mission de faire survivre Nicolas Le Floch à son créateur, et pour Philippe Sollier qui en livre une lecture juste.

S 3-3Audiolib, 7h49 d’écoute, 20,90€ en version CD

Roman

« Les bouffeurs anonymes » de Marie Aline

9791033911319-1642005469C’est une chronique sur un autre blog qui m’a donné envie de lire ce roman. J’avais bien compris que les « Bouffeurs anonymes », version alimentaire des « Alcooliques anonymes », se réunissaient et parlaient nourriture dans une société (à peine) futuriste, qui a limité à leur strict minimum les apports en gras / sucre / sel etc.

Je pensais que le roman regorgerait de recettes de cuisine, de descriptions alléchantes de plats gourmands, bref de quoi faire saliver le lecteur. Même pas. Bien sûr, il est fait référence à la cuisine, mais le livre réussit le (triste) exploit de ne pas m’avoir donné faim – bizarre pour un livre sur des « bouffeurs ».

Il y a quand même quelques bonnes trouvailles sur les dérives d’un Etat qui voudrait tout contrôler, et des références à la pandémie de Covid ou à notre société contemporaine.

HarperCollins

Roman

« Saint Jacques » de Bénédicte Belpois

product_9782072972058_195x320C’est un bonheur de lecture de se plonger dans un roman comme celui-ci.

Au décès de sa mère, Paloma hérite d’une maison délabrée dans les Cévennes. D’abord persuadée qu’elle doit vendre cette maison qui lui vient d’une mère qui ne l’a jamais aimée, elle se prend d’affection pour la maison, pour les Cévennes, et pour quelques personnes attachantes qui composent le voisinage.

«  On ne perçoit pas consciemment comment certaines personnes vous manquent avant de les connaître, on devine juste, une fois qu’on les a rencontrées, qu’on ne pourra plus jamais vivre sans elles. »

C’est tellement bien écrit, avec une justesse incroyable dans la description des sentiments, une pudeur sans facilité ni mièvrerie, que ce roman captive dès les premières pages.

Paloma, sa fille étudiante, sa vieille voisine, sa copine coeur d’artichaut, sont de beaux portraits de femmes. Et puis on sent l’amour pour une région, un terroir, jusque dans la description des toits en pierre de lauze.

J’ajoute aussitôt le premier roman de cette auteure dans la liste de mes futures lectures. J’ai envie de lire plein d’autres livres aussi justes et pleins de charme.

S 3-3Folio, 192 pages, 7,60€

Roman

« Réputation » de Lex Croucher

9782258198081ORIJ’étais très curieuse de découvrir ce roman, attirée par cette couverture colorée assez différente des autres couvertures des Presses de la cité, et par ailleurs ambiguë : quatre jeunes femmes habillées de robes façons XIXe siècle, portant chacune un verre ou une bouteille de vin. En dédicace, l’auteure fait un clin d’oeil à Jane Austen, mais on est quand même bien loin de « Raisons et sentiments ».

La jeune Georgiana se désole d’avoir été envoyée chez son oncle et sa tante. Désireuse de se faire de nouveaux amis, elle s’intègre dans une bande de jeunes débauchés menée par Frances Campbell, issue d’une bonne famille mais au comportement dépravé.

Cela n’aurait pu être qu’une chronique de la vie mondaine de jeunes gens riches qui cherchent à se distraire par tous les moyens. Mais le roman va bien au-delà, et aborde plusieurs thèmes aux résonances très modernes. Derrière une société anglaise d’un autre siècle, c’est aussi un miroir tendu vers notre société contemporaine. C’est léger et grave à la fois, amusant et dérangeant, et le lecteur virevolte dans les bals puis panse les plaies qui s’ensuivent.

L’histoire fonctionne bien, après un démarrage qui ne laisse rien présager de la tournure que va prendre l’histoire. On ne s’ennuie pas en suivant ces jeunes gens dans une romance moderne et intelligente.

S 3-3Presses de la cité, 450 pages, 19€

Roman

« Les intrépides » de Hervé Commère

9782265144088ORIDans l’anonymat d’un tout petit immeuble parisien, il faut attendre un événement grave pour que les locataires se parlent. Et cet événement n’est rien d’autre que la vente de l’immeuble par son propriétaire, auprès d’un promoteur qui le rasera et expulsera les locataires actuels. Or chacun d’entre eux a une très bonne raison de ne pas accepter de partir. Malgré leurs différences, ils vont devoir faire équipe.

J’avais gardé un très bon souvenir de « Sauf », du même auteur. Ici l’histoire est très différente mais j’ai retrouvé la même écriture plaisante. L’histoire en elle-même est assez simple et je me demandais même comment l’auteur allait la faire vivre sur 300 pages. N’attendez pas de grands rebondissements ; en revanche le livre fourmille de trouvailles, d’anecdotes, de récits dans le récit qui sont comme des nouvelles à l’intérieur du roman, qui racontent des morceaux de vie et ont réussi à capter mon attention tout au long des chapitres. C’est le banc de 500kg déplacé pour une amoureuse, la réussite spectaculaire de deux frères devenus des milliardaires du numérique, le chagrin d’une jeune femme orpheline, la passion inavouée d’un homme d’affaires : autant de morceaux de vie racontés avec humanité et humour.

S 2-3Fleuve éditions, 336 pages, 18,90€

Roman

« La gitane aux yeux bleus » de Carmen Sanchez

gitaneSi vous aimez les histoires de femmes, entre « Desperate housewives » et les films de Pedro Almodovar, ce roman est fait pour vous !

Cinq femmes gèrent une petite revue littéraire en Espagne. Elles font partie d’un groupe anglais mais se soucient peu de leurs commanditaires. Et la vie s’écoule paisiblement, la photocopieuse recouverte d’un napperon sert à poser les churros, et quand les enfants de l’une sont malades, le bureau se transforme en garderie. Entre leurs histoires de couples et petits tracas du quotidien, elle n’ont pas vu venir que leur journal allait devoir fermer.

Envoyé par son père, le jeune Atticus arrive pour fermer la boutique. Mais rien ne va se passer comme prévu…

Si le roman se passe sur fond d’enquête (Atticus disparaît et un inspecteur est chargé d’enquêter sur sa disparition), c’est loin d’être la partie importante du roman car le lecteur suit deux histoires en parallèle et sait donc ce qui arrive à Atticus.

L’intérêt du roman repose surtout sur son côté très solaire, son écriture rythmée et aussi enthousiaste que les femmes qui composent cette joyeuse troupe. Impossible de ne pas avoir le sourire en lisant ce roman.

S 2-3Folio, 384 pages, 8,70€

Roman

« Les pantoufles » de Luc-Michel Fouassier

pantouflesImaginez un matin d’un jour où vous êtes pressé, où vous devez passer à la Poste avant d’aller assister à une importante réunion professionnelle. Ce matin-là, il faudrait que tout se passe bien, or c’est justement ce jour-là que vous sortez en ayant oublié vos clés à l’intérieur de votre appartement, et manque de chance… vous êtes en pantoufles.

Vous pourriez courir dans le premier magasin venu, ou tout simplement sonner chez le voisin pour qu’il vous prête une paire de baskets. Mais le narrateur de cette histoire prend une autre décision : il va assumer ses pantoufles. Oui oui, même au bureau.

Le point de départ de l’histoire est cocasse – sans être irréaliste – tout en posant des questions sur le paraître et l’image de soi, ce qu’on assume ou pas dans notre apparence. C’est assez amusant, il y a quelques jeux de mots, et c’est un tout petit livre qui se glisse dans la poche pour passer un moment de lecture léger. Il n’aurait pas fallu plus de pages de toute façon, on fait quand même vite le tour du sujet et les transitions entre les situations sont un peu abruptes.

A lire donc pour ce que c’est, un roman sympa, court et gentiment décalé.

Qu’on peut lire en pantoufles.

S 2-3Folio, 128 pages, 6,50€

Roman

« Le piège » de Jean Hanff Korelitz

9782749171685ORIJ’étais très alléchée par le résumé du roman : un auteur en mal de reconnaissance vole l’idée géniale de l’un de ses étudiants et se retrouve acclamé comme auteur de best-seller. Quand on aime lire, il y a des mots qui font mouche dans un résumé : suivre l’histoire d’un auteur, son enseignement sur un campus, ses mésaventures littéraires.

Le début du livre donne le cadre, malheureusement cela dure trop longtemps. Je me suis plutôt ennuyée pendant les 200 premières pages. Pourtant l’écriture est agréable, l’histoire n’est pas inintéressante, mais quand le résumé me promet un thriller psychologique avec plein de suspense, forcément cela me rend exigeante !

On suit donc Jake, auteur qui s’est fait remarquer pour son premier roman, mais qui n’arrive pas à transformer l’essai. Ses autres romans sont passés inaperçus, il en est réduit à donner des cours à des étudiants qui rêvent de devenir écrivains. Les cours l’ennuient ; seul l’échange avec un étudiant brillant mais prétentieux va provoquer une tempête à retardement : quand Jake découvre quelques années plus tard que l’étudiant est mort sans avoir publié le roman génial qu’il avait en tête, Jake se l’approprie.

En tant que lecteur, on n’arrive pas complètement à le blâmer, car Jake semble de bonne foi. Par contre c’est très frustrant de lire toutes ces pages autour d’une « idée géniale » dont le lecteur ne sait rien. Et quand on comprend plus tard dans le roman en quoi consiste cette « idée géniale »… pour ma part je ne l’ai pas trouvée si géniale que ça, pas si originale…

De la page 200 à la page 300, il y a beaucoup de rebondissements, Jake a écrit son livre, il est démasqué par un mystérieux inconnu, et cela donne du rythme à l’histoire. Je me suis dit « enfin, ça décolle, il se passe quelque chose ! ».

Sauf que vers la page 300 j’avais compris la chute, et les cent dernières pages n’en ont été que la confirmation.

Je reste donc avec un sentiment mitigé, d’un livre à la fois agréable dans son écriture, avec un coeur d’intrigue qui m’intéressait, mais dont le suspense n’a pas été suffisamment exploité pour en faire le roman choc auquel je m’attendais.

S 2-3Le Cherche Midi, 416 pages, 22€

Roman

« Grèves de la fin… » de Eric Vernassière

greves-de-la-fin-image-debredinagesJ’ai la chance de connaître parmi mes amis et connaissances quelques auteurs. Je lis toujours leurs écrits ou romans avec beaucoup d’intérêt et de curiosité, d’abord parce que j’ai toujours plaisir à découvrir un nouveau texte, mais aussi parce que j’aime voir ce que l’auteur que je connais a choisi de mettre de lui dans son roman.

Découvrir le roman d’Eric a été un vrai plaisir. Je connais son amour des littératures – je mets un pluriel car il aime des textes de styles et d’époques variés – j’aime son enthousiasme permanent et sa verve joyeuse, et je voulais voir ce qu’il en mettrait dans son roman.

Dans son roman, j’ai surtout trouvé la plume d’un vrai auteur, qui a des choses intéressantes à dire, qui sait raconter une histoire et tenir le lecteur de page en page, et tout cela avec un style très agréable, érudit et accessible, comme Eric sait d’ailleurs l’être dans la « vraie vie ».

L’histoire est celle croisée de deux jeunes hommes, François en Allier et Yvan en Irlande, qui se battent sans armes mais avec leur conviction et leurs mots pour établir un ordre plus juste entre métayers et propriétaires terriens. Chacun, dans sa quête, sera secondé d’une belle femme – à deux on est plus forts…

Le texte est un voyage historique (j’ai beaucoup appris sur le métayage) et géographique puisque la moitié du roman se déroule en Irlande, cette « terre de colère ». Le roman mêle érudition historique et nombreuses références littéraires

L’écriture est vive, le style très plaisant, et j’ai retrouvé quelques marqueurs qui tiennent à cœur à Eric, comme le débredinoir de Saint-Menoux (allez voir au passage le blog Débredinages de l’auteur!), ou ce joli détail d’écriture qui consiste à parler d’Amitié avec le même grand « A » que celui du grand Amour.

Si ce roman est aujourd’hui auto-édité, il aurait toute sa place dans une librairie traditionnelle.

S 3-3Auto-édition, disponible sur Amazon (broché et Kindle)

Roman

« Le Sanctuaire » de Laurine Roux

product_9782072934025_195x320Lire une histoire de pandémie a pris une autre dimension depuis deux ans, et une résonance particulière.

Dans ce roman, ce sont des oiseaux qui ont apporté une maladie qui a décimé toute une partie de l’humanité. Une famille a fui dans les montagnes ; deux petites filles grandissent dans une bulle hors du temps. L’une d’elle a connu le « monde d’avant », tandis que la seconde ignore tout de ce qu’est une voiture ou même une peluche pour enfant. Les parents ont développé des trésors d’ingéniosité, de récup’ et d’imagination. Le père élève ses filles dans la peur des oiseaux ; la mère a développé une nostalgie proche de la folie.

Ce court roman contient tout un univers, celui d’une petite sauvageonne et de sa sœur, élevées pour la survie et dans une peur farouche de tous les volatiles – j’ai pensé au « Pigeon » de Patrick Süskind.

L’écriture prend aux tripes, émeut, fait frisonner. C’est un texte très fort, publié initialement dans l’excellente maison d’édition « Le Sonneur » et qui est maintenant disponible en poche (chez Folio).

C’est un texte marquant, plus abordable qu’ « Une immense sensation de calme », où l’on retrouve toute la force de l’écriture de Laurine Roux.

S 3-3Folio, 144 pages, 7€