Roman

« Clara lit Proust » de Stéphane Carlier

G08313_ClaraLitProust_CV.inddC’est difficile de lire Proust.

La première fois que j’ai essayé de lire « La Recherche », le livre m’est tombé des mains. J’ai mis des années à y revenir, et parfois il faut savoir prendre des chemins détournés, des adaptations, des hommages, pour découvrir l’œuvre initiale par petites touche et avoir envie de s’y plonger davantage.

« Clara lit Proust » donne envie de lire Proust dans le texte.

Clara est coiffeuse dans un petit salon sans envergure de province. Entre une patronne un peu fantasque et un petit ami pas très investi dans leur relation, on ne peut pas dire que l’entourage de Clara la tire vraiment vers le haut. Jusqu’au jour où l’un des clients du salon oublie un livre en partant. Et pas n’importe quel livre…

Ce roman est un joli hommage à l’œuvre de Marcel Proust, sans prétention, accessible aux lecteurs qui connaissent déjà « La Recherche », autant qu’à ceux qui n’en ont jamais lu une page.

Au passage, l’auteur égratigne un peu notre époque et ses paradoxes, dans quelques phrases savoureuses, dont celle-ci qui a forcément eu de l’écho auprès de la blogueuse littéraire que je suis :

« Elle l’a trouvé charmant, ce livre posé sur le plaid en mohair moutarde qui lui couvrait les jambes […] et en a fait une photo qu’elle a postée sur Instagram […].

Vers dix heures du soir, elle est retournée sur Instagram. Sa photo avait reçu dix « j’aime ». A titre de comparaison, son cliché le plus apprécié, celui du chat réfugié dans le sac de sport de JB avec juste la tête qui dépasse, en a obtenu cent quatre-vingt-treize. »

S 3-3Folio, 224 pages, 8,30€

Policier·Roman

« Drame de pique » de Sophie Hénaff

9782253249498-001-TJ’avais adoré le premier tome de « Poulets grillés », qui m’avait fait beaucoup rire ; mais après le deuxième, puis le troisième qui m’avait laissé un petit goût de déception, je n’aurais pas parié cher sur le fait que je poursuivrais cette série – préférant rester sur ma bonne impression du premier tome, drôle d’histoire de flics « placardisés », bande d’énergumènes qui finalement se complètent bien, et mènent des enquêtes « à leur manière ».

C’est en lisant « Voix d’extinction », une autre série de la même auteure (qui m’a fait beaucoup rire) que je me suis souvenue de la capacité de l’auteure à me faire rire avec des situations décalées, et j’ai donc finalement lu « Drame de pique », le tome 4 de « Poulets grillés ».

Nos flics atypiques sont plus que jamais oubliés de tous… sauf d’un nouveau supérieur, qui fait à Anne Capestan et à son équipe une offre que la cheffe ne peut pas refuser : la possibilité d’être officiellement réintégrés, en échange d’un peit coup de main sur une enquête. Pour eux qui n’ont ni voiture de fonction, ni accès à la police scientifique, ce serait un sacré gain de temps ! Mais l’idée ne plaît pas à tous…

En attendant, l’enquête les mène sur les traces d’un mystérieux agresseur qui pique ses victimes. Tout Paris est en alerte, car les femmes tombent comme des mouches… et certaines en meurent.

J’ai eu l’impression de retrouver une bande de potes, pas vus depuis longtemps mais jamais oubliés, dont j’aurais eu plaisir à prendre des nouvelles. Ils sont tous là, les farfelus, les déprimés, apportant chacun leur pierre à l’édifice de l’enquête. Le décor parisien, et l’appartement cosy qu’ils occupent en guise de commissariat, ajoutent une ambiance spéciale au roman.

L’enquête se complique un peu vers la fin du roman, ce qui n’était pas utile à mon sens – mais j’ai quand même apprécié cette lecture, pour l’ambiance et les personnages avant tout.

S 3-3Le Livre de poche, 384 pages, 8,90€

Roman

« Le volume du temps (tome 2) » de Solvej Balle

Capture d'écran 2024-05-01 195126Souvenez-vous (mais ne lisez pas la suite si vous n’avez pas fini le premier tome) : le premier tome s’achevait sur un espoir, celui que le 366ème jour du 18 novembre vécu par Tara Selter soit l’occasion que le temps reprenne son cours normal.

Mais le début du deuxième tome (comme on pouvait s’y attendre vu qu’il y a sept tomes annoncés) montre que rien n’a changé. Tara s’est habituée à cette répétition du même jour. Mais elle voudrait ressentir à nouveau la variation des saisons. Elle décide alors de parcourir l’Europe. Dans les pays nordiques, novembre a déjà un goût d’hiver. Tandis qu’en Espagne, le soleil chauffe comme au printemps.

Tout ce tome est consacré à ce voyage d’un pays à l’autre. Ce n’est pas inintéressant, mais j’ai regretté qu’il y ait pas de rebondissements. Seule la toute dernière page offre un revirement inattendu, pour donner envie de lire le troisième. Mais c’est dommage que les rebondissements n’arrivent qu’à la toute fin de chaque tome ! Je trouve le procédé un peu facile et un peu agaçant. Je vais laisser reposer l’histoire de Tara Selter avant le troisième tome, pour voir si j’ai envie de lire la suite. A ce stade, j’ai plutôt peur que l’histoire soit diluée, avec juste une nouvelle piste en fin de chaque tome. Pourtant l’idée de départ était propice à tant de variantes et de rebondissements possibles !

S 2-3Grasset, 288 pages, 19,90€

Roman

« Le volume du temps (tome 1) » de Solvej Balle

Capture d'écran 2024-04-29 222158Première surprise en ouvrant ce livre : je me réjouissais d’avoir acheté d’un coup les deux tomes (pour éviter la pause lecture entre les deux), et je découvre que la série en comptera… sept ! Me voilà prise dans un piège !

L’histoire est celle de Tara, spécialisée avec son mari dans l’achat-vente de livres rares. Alors qu’elle est en déplacement pour affaires un 18 novembres, elle se réveille le lendemain, et comprend qu’elle revit la même journée. Ce thème a déjà été abordé, au cinéma (« Un jour sans fin », entre autres…) ou en littérature (« Replays », entre autres…). Je me demandais quel axe serait pris pour renouveler le genre.

Voyant qu’elle revit encore et encore la même journée, Tara rentre chez elle. Et là, l’auteure a été bien inspirée, car elle évite le piège du personnage incompris : au contraire, le mari de Tara va la soutenir et chercher des réponses avec elle. Malgré tout, lasse de repartir de zéro chaque matin dans ses discussions avec son mari, Tara décide de s’isoler dans une pièce de leur maison…

Le livre est assez court (250 pages avec des marges et des interstices bien larges). Je me demande comment l’histoire va pouvoir s’étendre sur sept tomes… J’attends le twist inattendu, le petit truc qui va faire basculer le roman (dans le fantastique ? ou quoi d’autre?). Je connais mal la littérature fantastique, je n’y vais pas spontanément, mais entre « Blackwater » ou « Les voleurs d’innocence », j’ay ai fait quand même quelques pas…

Le roman s’achève par une nouvelle piste, je suis curieuse de voir si elle sera réellement exploitée dans le deuxième tome. Je vous en dis plus très vite dans une prochaine chronique !

S 2-3Grasset, 252 pages, 18,90€

Roman

« Un animal sauvage » de Joël Dicker

Screenshot_2024-01-18_at_13.44.56Voilà un page turner comme je les aime, qui m’a tenue en haleine jusqu’à l’épilogue ! Je l’avais bien sûr remarqué dès sa sortie, ayant lu (je crois) tous les précédents romans de Joël Dicker ; mais il m’a fallu patienter un peu, au milieu de toutes mes lectures en attente, pour me décider à l’acheter. Et je ne regrette pas cet achat ! J’ai passé un excellent moment de lecture. L’ambiance m’a un peu rappelé celle de « L’énigme de la chambre 622 », qui se déroulait aussi en Suisse.

Près de Genève, dans une bourgade chic, on fait la connaissance de deux couples : Sophie et Astrad, respectivement avocate et financier ; et Karine et Grégoire, respectivement vendeuse et policier d’intervention. Les premiers habitent la « Maison en verre », ils ont une vie parfaite, de belles situations professionnelles, et beaucoup d’argent à la banque. Les seconds, plus modestes, habitent « La Verrue » et sont en admiration devant leurs voisins. D’espionnage malsain en barbecue faussement amical, les rapports entre les deux couples sont complexes et tortueux – pour le plus grand plaisir du lecteur, qui ne sait jamais à quoi s’attendre.

Le retour d’un homme, qui s’était fait discret depuis plusieurs années, va ajouter de la confusion et créer de multiples rebondissement.

C’est un roman psychologique parfaitement bien construit, où toutes les apparences sont trompeuses, et qui ne laisse aucun détail au hasard. Je l’ai dévoré en quelques jours, ravie de cette lecture captivante.

S 3-3Rosie & Wolfe, 400 pages, 23€

Cosy mystery·Policier·Roman

« Le crime parfait d’Agatha Christie » de Bénédicte Jourgeaud

9782264082978ORIOn n’en finit pas de publier des livres autour d’Agatha Christie. Entre les rééditions de ses romans, les BD qui en sont des adaptations, les cosy crimes qui se revendiquent de l’héritage Christie, le choix est vaste.

Dans « Le crime parfait d’Agatha Christie », c’est cette fois-ci Agatha Christie elle-même qui est l’héroïne de l’histoire.

Soyons honnête : c’est d’abord la couverture qui m’a fait de l’œil. Et bien que je la trouve un peu trop copiée des sublimes couvertures de Monsieur Toussaint Louverture, une fois le livre entre les mains pour le feuilleter, c’était trop tard le piège s’était refermé sur la fan d’Agatha Christie que je suis.

Le point de départ est aussi déjà vu, puisque l’histoire se situe dans un moment très particulier de la vie de l’auteure, lorsque celle-ci a mystérieusement disparu quelques jours après la demande de divorce de son mari Archie. Comme personne n’a jamais vraiment su ce qui s’était passé pendant ces jours, c’est un matériau propice au roman.

Dans sa fuite, elle rencontre plusieurs personnes aux personnalités très fortes – autant de personnages de romans potentiels. L’idée est amusante, puisque le roman crée de multiples sources d’inspiration pour la romancière. On découvre (pour la fiction) les personnages qui auraient pu inspirer les intrigues les plus célèbres de la Reine du crime.

J’ai plutôt bien aimé le démarrage du livre, où l’ambiance est fidèle aux romans d’Agatha Christie (voyage en train, en bateau, huis-clos,…). En revanche, j’ai regretté, pour ceux qui n’ont pas encore lu les romans originaux, que les clés de nombreuses énigmes soient dévoilées au lecteur ! Il me semble qu’une mention au début du roman aurait été une bonne précaution.

Par ailleurs, la fin du roman (soixante-dix / cent pages avant la fin, quand même) part dans une direction complètement bizarre, très décevante, qui va à l’encontre de toutes les « règles » du roman policier. Grosse déception donc pour la fin, qui pourrait bien me décourager de lire le deuxième tome.

S 2-3Ed 10/18, 360 pages, 8,90€

Roman

« Morts en débit (tome 2) : D’un port l’autre » d’Eric Vernassière

erciSouvenez-vous : dans le premier tome de « Morts en débit », nous avions fait la connaissance de plusieurs personnages hauts en couleurs, ne partageant pas les mêmes convictions mais marquant chacun à leur manière leur volonté d défendre leurs idées. Il y avait d’abord Roger Miremont, nationaliste, prêt à tout pour se faire bien voir de son parti, et follement épris de Suzanne qui lui préfère pourtant le chef du mouvement. Et puis, de l’autre côté, il y a l’inspecteur Fradin, qui n’a de cesse de poursuivre les perturbateurs. On les retrouve là où on les a laissés, et j’ai apprécié qu’il n’y ait pas d’ellipse narrative entre les deux tomes, pour qu’il n’y ait pas de discontinuité dans leurs parcours.

Miremont vient de mettre le feu à l’hôtel de ville de Nice, et a grièvement blessé Fradin avant de s’enfuir. Pour l’un, ce sera donc l’exil pour échapper à la police et à la justice.

J’ai retrouvé dans ce deuxième tome toutes les qualités du premier, un grand sens historique, révélateur de l’intérêt que porte l’auteur à la grande Histoire – et à ceux qui la font. Les personnages sont forts, engagés, et le livre regorge de références aux régions que l’auteur met à l’honneur – par des anecdotes, des recettes culinaires, etc.

Le lecteur parcourt un bout de l’Histoire de France (et de pays voisins) à travers le parcours de personnages truculents, qui portent en eux les splendeurs et les misères de leur époque.

L’écriture est toujours vive, érudite et précise, et les dialogues dynamiques. Ce deuxième tome m’a totalement convaincue, et puisque l’auteur annonce une trilogie, je serai au rendez-vous du prochain opus !

S 3-3Autoédition, 384 pages, 18,99€ en version brochée, 7€ en format Kindle

Roman

« Les gens dans l’enveloppe » d’Isabelle Monnin

Capture d'écran 2024-03-08 173518L’auteure de ce livre a acheté un jour sur internet un lot de photographies familiales. Romancière et journaliste, elle se lance deux défis : d’abord, écrire un roman dont les personnages seront inspirés des photos, de ces « gens dans l’enveloppe » qu’elle a reçue par la Poste ; ensuite, se lancer dans une enquête sur les traces de cette famille.

Dans le roman, elle centre l’histoire autour d’une petite fille, qu’elle décide de prénommer Laurence, et qu’elle imagine abandonnée par sa mère partie rejoindre son amant en Argentine. Cette partie-là est assez classique. J’imagine que c’était très amusant pour l’auteure de chercher des détails sur les photos autour desquels inventer une histoire (une peinture, un rôtissoire à poulet… sont autant de pistes sur lesquelles bâtir des anecdotes).

Mais la partie la plus intéressante du livre est l’enquête menée pour découvrir qui étaient les personnes présentes sur les photos. Je ne vous donne pas plus d’informations, pour vous laisser partir vous aussi sur leurs traces.

On ne comprend qu’à la toute fin du livre comment ces photos se sont retrouvées vendues sur internet (ça m’a travaillée pendant toute la lecture, ce n’est pas habituel de vendre un lot de photos familiales).

Ce livre m’a fait penser à « Je suis le carnet de Dora Maar », qui a aussi pour point de départ un objet acheté par hasard sur internet, et qui ouvre la voix à un récit original.

Pour être exhaustive, il y aussi une troisième partie sous forme d’un CD avec des musiques originales proposées par Alex Beaupain, et des reprises. Pour ma part, je l’ai laissé de côté mes temps de lecture de ce livre ne se prêtaient pas à une écoute simultanée du CD, et je n’ai pas eu envie d’y revenir une fois le livre refermé.

S 3-3JC Lattès, Livre + CD 22€

Audio·Roman

« Les petites reines » de Clémentine Beauvais

Capture d'écran 2024-02-27 205609On choisit parfois un livre sur le seul nom de son auteur. Et parfois, on choisit un livre audio sur le nom de son lecteur – en l’occurrence ici, une lectrice, l’excellente Rachel Arditi, que j’avais déjà entendue dans « Les dames de Marlow ».

J’avais aussi lu quelques chroniques très enthousiastes sur « Les petites reines », roman qui a aussi été adapté en bande dessinée.

Bref, j’avais deux bonnes raisons d’écouter ce livre audio !

Le bilan de mon écoute est très positif. L’histoire, d’abord, a un point de départ qui interpelle : Mireille, Hakima et Astrid ont été élues « boudins de l’année » par l’un de leur camarade. Avec la viralité des réseaux sociaux, il y a de quoi déprimer… Mais Mireille n’en est pas à sa première élection, et prend cela désormais avec beaucoup de recul. Elle rallie à sa défense les deux autres « boudins », et elles partent toutes les trois à vélo, destination Paris, pour y porter chacune une revendication qui lui tient à coeur.

C’est aussi drôle que sensible, aussi bouleversant que léger. Il y a de tout dans ce roman vif et intelligent. Le message est optimiste, montre que les insultes et le harcèlement ne doivent jamais être banalisés ; et aussi qu’il y a de la place pour la révolte et la résilience, que la honte peut changer de camp.

Quant à la lecture de Rachel Arditi, elle est juste parfaite : d’ailleurs c’est moins une lecture qu’une incarnation. La voix de l’actrice porte le texte avec une incroyable justesse, le juste rythme, le bon choix d’enthousiasme ou de silence.

Ce roman est publié comme un roman jeunesse, mais il peut être lu par des adultes autant que par des collégiens.

S 3-3Audiolib, lu par Rachel Arditi, 6h15 d’écoute, 19,20€ en version CD

Roman

« Leçons de chimie – La brillante destinée d’Elizabeth Zott » de Bonnie Garmus

Incroyable destin que celui d’Elizabeth Zott ! Brillante chimiste de l’Amérique du début des années 1960, son travail est pourtant relégué au second plan. Pensez donc : une femme, chercheuse en chimie ? Quelle plaisanterie ! Et les hommes qu’elle rencontre le lui font vite comprendre : en abusant d’elle, en volant son travail, ils lui montrent chaque jour que… Lire la suite « Leçons de chimie – La brillante destinée d’Elizabeth Zott » de Bonnie Garmus