Biographie·Roman

« Danser encore » de Charles Aubert

Danser-encoreJ’aime bien quand les livres me font découvrir des univers qui ne me sont pas familiers, et bousculent mes a priori. Un livre sur un boxeur ? Sans doute serais-je passée à côté (à tort) s’il ne m’avait pas été conseillé.

Ce roman biographique entraîne le lecteur dans l’univers de la boxe, et pourtant il porte le doux titre de « Danser encore », tant Rukeli (Johann Trollman) avait une technique qui ne ressemblait à aucune autre.

Si vous ne connaissez rien à la boxe, et même si vous n’aimez pas les sports de combat, que cela ne vous empêche pas de découvrir ce texte, qui va bien au-delà du sport. Il raconte le parcours de Rukeli, boxeur tsigane au style jugé trop atypique dans une Allemagne en pleine montée du nazisme. Le rayonnement du champion, sa vie modeste et ordinaire, bousculée d’abord par les succès sportifs, puis rattrapée par les préjugés raciaux et par la guerre, font de ce livre un combat entre ombre et lumière.

Les chapitres, présentés comme des « rounds » se lisent facilement. L’écriture est accessible et efficace, avant tout au service de l’histoire.

S 3-3Istya & Cie, 172 pages, 20€

Policier·Roman

« Les meurtres zen (tome 3) – Des meurtres pour retrouver son calme » de Karsten Dusse

9782749176727ORIJ’ai déjà eu l’occasion de lire des romans ou des témoignages sur le pèlerinage vers Saint Jacques de Compostelle, mais assurément aucun ne ressemblait au pèlerinage façon Björn Diemel ! Si vous avez suivi les deux premiers tomes de cette série au nom étrange de « Meurtres zen », vous savez déjà que Björn, avocat de mafieux et autres trafiquants, est devenu lui-même à la tête d’une organisation basée sur le meurtre et l’élimination de toutes sortes « d’obstacles ».

Cette fois-ci, Björn a décidé de partir en pèlerinage. Bien sûr, rien ne va se passer comme prévu, car une menace de représailles pèse sur lui.

Je me demande toujours, avant d’entamer un tome de cette série, comment l’auteur va se renouveler. Et je dois dire qu’il y arrive plutôt bien, tout en gardant ce qui fait l’originalité de cette série, c’est-à-dire un humour noir et second degré présent dans tous les chapitres. Björn est père de famille, encore un peu épris de son ex-femme, et derrière cette façade d’homme ordinaire se cache un tueur qui s’ignore (presque) tant il semble déconnecté de la réalité. Les interprétations très personnelles qu’il fait des conseils de son psy le rendent dangereux sans même qu’il s’en rende compte.

C’est drôle et gênant, bourré de second degré et de moments où l’on oscille entre dégoût, sourire noir et incrédulité. Bref, dans son genre, c’est très efficace !

S 3-3Le Cherche-Midi, 384 pages, 19,90€

Roman

« Ma tempête » de Eric Pessan

HD_AFDV_Tempete_couv-280x410Shakespeare comme vous ne l’avez jamais lu !

Un père de famille, contraint de garder sa fille un jour de grève de la crèche, transforme cette journée en initiation ludique au plus grand dramaturge anglais. Sa fille n’a pourtant que deux ans, mais il transforme son appartement en scène immense, où il lui fait découvrir « La Tempête ».

Pourquoi ce texte-là en particulier ? Parce que pendant plusieurs années, il a préparé la mise en scène de cette pièce, l’a retraduite intégralement… et que son projet n’a pas pu voir le jour. Depuis, il déprime.

Le roman alterne entre scènes familiales, jeu autour de la pièce de théâtre, et réflexions sur la condition d’artiste, d’auteur, de metteur en scène. Le statut des intermittents est expliqué simplement, et les aberrations de certaines subventions publiques sont dénoncées à travers l’exemple de cette pièce sacrifiée. Mais ce n’est pas un essai sur le sujet, et le livre reste un roman, qui traite bien des interrogations d’un homme qui place l’art au coeur de sa vie et qui est confronté à des plans marketing, business plan, et autres démarches loin de son univers.

Ce livre court (moins de 150 pages) se lit aussi comme le récit d’une journée entre un papa et sa fille adorée, l’envie qu’il a de lui transmettre ses passions tout en ayant conscience qu’elle développera ses propres goûts et centres d’intérêt.

Tous ces thèmes trouvent leur place dans ce livre, avec beaucoup de justesse, de pudeur, et une grande déclaration d’amour à tous les arts.

S 3-3Aux forges de Vulcain, 160 pages, 18€

Roman

« Les albums » de Ariel Denis

LES_ALBUMS-652x1024Imaginez le cauchemar que vit le personnage de ce roman : grand lecteur, tous ses albums chéris, ceux qui ont bercé son enfance (Tintin, Spirou, Marsupilami…) ont disparu.

Au réveil, groggy, il repense à ses déménagements et à la bascule dans sa vie de lecteur qui a eu lieu quand il avait treize ans. Un narrateur omniscient se plonge, aux côtés du lecteur, dans la quête d’un passé disparu, fait de lecteurs enfantines, d’albums usés et décolorés à force d’être lus.

Sous couvert « d’enquête », c’est une part de l’histoire de la bande dessinée qui est racontée, avec un hommage rendu à la ligne claire.

Beaucoup de citations issues notamment des « Tintin » vont parler à de nombreux lecteurs. Nombreux parmi vous partagent sûrement des références et reconnaîtront des lectures d’enfance (et aussi des sacrifices regrettables faits lors de déménagements).

Le livre est assez court (moins de 150 pages), et c’était le format maximal pour moi sur ce thème. Le sujet n’est pas inintéressant, mais le prisme de « l’enquête » ne fonctionne pas (selon moi). C’est surtout un prétexte narratif.

S 2-3Champ Vallon, 136 pages, 19€. Reçu dans le cadre d’une « masse critique »

Roman

« Le dernier jour du Tourbillon » de Rodolphe Casso

tourbillonLe Tourbillon est l’un de ces cafés qui ont donné leur âme à de nombreux quartiers. Bien avant les enseignes internationales, bien avant le wifi gratuit et les client avec leurs casques sur les oreilles, il a été l’un de ces cafés où l’on parlait, où l’on faisait connaissance et refaisait le monde. Il reste quelques habitués qui viennent prendre l’apéro entre copains et qui, sans doute, ne se fréquentent pas en dehors de ce lieu.

Lorsque Gus débarque dans ce café, c’est un monde qu’il découvre.

Il y a une vraie tendresse dans ce texte, envers les personnages (très largement masculins, les femmes apparaissant plutôt comme des éléments perturbateurs dans l’histoire, ou comme des sujets de discussion), et aussi envers une proximité qui n’existe plus dans les grandes villes que dans quelques quartiers délaissés par les touristes.

On imagine qu’il n’y a rien dans ce café qui mérite d’être pris en photo et commenté sur les réseaux sociaux. C’était un autre monde.

C’est un roman qui se lit comme des chroniques du quotidien, au milieu des habitués, de leurs préoccupations (l’un vient d’être quitté, l’autre attend un premier rendez-vous, un autre se prend pour une vedette…). D’ailleurs je l’ai lu en plusieurs fois, le posant, le reprenant, un peu comme j’aurais pris de temps en temps des nouvelles des clients fidèles de ce café.

S 3-3Aux Forges de Vulcain, 192 pages, 20€

Roman

« Ikiro » de Benoît Marie Lecoin

9782373057225-280x430La couverture est à elle seule une promesse : les sakuras, les célèbres cerisiers à fleurs du Japon dont la floraison est attendue chaque année, portent un symbole de poésie qui transparaît dans tout ce roman.

On suit d’abord Ikiro, jeune homme qui vit chez sa grand-mère adorée depuis le décès prématuré de ses parents. Son quotidien, son lieu de vie, ses habitudes, m’ont transportée immédiatement au Japon, et ont fait remonter à ma mémoire des images de dessins animés japonais.

A l’heure où il démarre sa vie d’étudiant, Ikiro tombe fou amoureux de Midori, une autre étudiante, passionnée de photographie. Désormais, toute sa vie et ses pensées sont orientées vers cet amour.

Mais l’auteur ne raconte pas seulement une histoire d’amour : il entraîne progressivement le lecteur dans un autre univers, où l’amour se démultiplie dans le vortex.

Ne résistez pas à ce monde parallèle : il faut vous laisser porter par la poésie du texte, et si tout n’est pas réaliste ce n’est pas grave ! La poésie est ailleurs.

Dans ce Japon décrit à travers les yeux de la jeunesse, le lecteur porte tour à tour des lunettes d’émerveillement et des lunettes d’imaginaire. L’ensemble est agréable à lire, et propose une aventure sentimentale entre plusieurs mondes, où la réalité se confronte aux rêves d’un adolescent qui vit son premier grand amour.

S 3-3Aux forges de Vulcain (partenariat) 176 pages, 20€

Roman

« Voix d’extinction » de Sophie Hénaff

9782253195290-001-T2031. Les girafes, les gorilles, et la plupart des animaux sur Terre, vivent leurs dernières heures. Un sommet de la dernière chance, réunissant tous les chefs d’État, doit se tenir dans quelques jours. Mais le principal négociateur est en situation d’échec, et ses arguments sont devenus inaudibles.

Furieux, Dieu (ou plutôt : Déesse) décide d’envoyer à la table des négociations quatre animaux, à qui elle donnera apparence humaine et le langage humain. Après tout, les animaux peuvent réussir là où les humains ont échoué. Noé (celui de l’Arche) n’a que quelques jours pour leur apprendre comment se comporter en société.

J’avais adoré « Poulets grillés » et j’ai retrouvé dans ce livre tout l’humour que j’avais aimé chez l’auteure. J’ai beaucoup ri ! Je ne peux pas vous raconter pourquoi car je ne veux pas vous ôter le plaisir de découvrir les gags. Mais entre les échanges entre Déesse et Noé, ou les premiers pas des quatre animaux parmi les humains, il y a plein de scènes cocasses.

Ce roman n’est pas juste une fiction à l’humour décalé. Le propos de fond est intelligent, pointe les égoïsmes, et évoque de manière concrète l’élevage intensif ou encore la pollution des océans par le plastique.

J’ai adoré ! Courez, courez lire ce roman !

S 3-3Le Livre de poche, 352 pages, 8,90€

Roman

« Watership down » de Richard Adams

watershipCe livre est incroyable et ne ressemble à aucun autre que j’ai lu jusqu’ici.

Si vous lisez le résumé, vous saurez qu’il parle d’une « poignée de braves », de « héros »…

Si vous commencez la lecture, vous comprendrez tout de suite que ces héros sont… des lapins.

C’est assez déstabilisant au début, car depuis « Pierre Lapin » je n’avais jamais lu d’histoires de lapins ! Et encore moins d’histoire de lapins pour adulte, avec plus de 500 pages… Savez-vous ce qui m’a convaincue de ne pas abandonner ? Ma confiance en la maison d’édition (Monsieur Toussaint Louverture). Car l’éditeur de « Blackwater » ou des « Aiguilles d’or » n’aurait pas publié une bête histoire de lapins sans qu’il y ait un contenu vraiment intéressant.

J’ai bien fait de poursuivre car les aventures de ces lapins sont finalement très prenantes, et j’ai suivi avec curiosité leur périple pour fuir leur garenne menacée par les constructions humaines, leur conquête d’un nouvel espace puis leurs efforts pour construire l’avenir.

C’est donc bien un livre d’aventures et de héros courageux. Mais surtout, l’auteur a su créer tout un univers, une galerie de personnages attachants ou détestables, avec un vocabulaire propre à la garenne et à la vie de lapin.

J’ai bien trouvé quelques longueurs (dans la fuite initiale, dans les combats), mais ce livre sort tellement de l’ordinaire que c’est vite pardonné. Je pense que c’est un livre dont je me souviendrai longtemps, pour son originalité et la créativité que l’auteur a insufflée à cette histoire.

S 3-3Monsieur Toussaint Louverture, 544 pages, 12,50€

Roman

« Une activité respectable » de Julia Kerninon

9782812612039Si vous aimez démesurément lire, si vous aimez écrire pendant des heures, ou mieux encore si vous aimez les deux : ce livre est fait pour vous.

Dans ce joli témoignage écrit comme un cri d’amour aux livres, Julia Kerninon raconte ses premières années de lectrice, élevée par des parents qui ne pensaient qu’à lire partout et tout le temps, puis sa vie de jeune adulte entièrement tournée vers les livres (en lire, en écrire).

Tous les amoureux des livres seront rassurés de lire ce témoignage qui montre que des vies entières, des quotidiens sur plusieurs années, peuvent être dédiés à la lecture.

Au passage, l’auteure déclare en filigrane son amour à ses parents, qui n’étaient riches que de livres et l’ont élevée ainsi.

« J’écris à cause de Jo March mangeant ses pommes et lisant perchée dans un arbre loin de ses sœurs. »

La toute dernière page du livre montre aussi toute la lucidité de l’auteure sur sa situation. Plusieurs de ses livres ont été édités, mais elle mesure qu’il fallait au moins ça pour justifier toutes les années où elle a vécu en dehors du monde, consacrant ses nuits à l’écriture sans perspective concrète de pouvoir en vivre.

S 3-3Ed. du Rouergue, 64 pages, 10,80€

Roman

« Karoo » de Steve Tesich

142890_couverture_Hres_0Ne vous fiez pas aux néons représentés sur la couverture : la vie de Saul Karoo ne fait pas que briller. Il est pourtant un scénariste ultra recherché par les producteurs de cinéma. Sa spécialité ? Récrire les scenarii médiocres pour les transformer en chefs d’oeuvre. Alors forcément Karoo a la grosse tête, c’est un personnage assez détestable qui vit entre luxe et alcool (j’ai souvent pensé au héros de « American Psycho », même si c’est une lecture trop lointaine pour que je m’en souvienne avec précision). Il représente l’Amérique aisée des années 1980 / 1990.

C’est embêtant de ne pas pouvoir vous dire ec qui va changer dans sa vie, mais sinon je vais vous dévoiler un rebondissement qui n’arrive que vers la page 200 ! Sachez qu’une femme va faire son entrée dans la vie de Karoo de manière inattendue, et changer malgré elle les projets de cet homme.

Le personnage de Karoo est agaçant, et le début du livre ne fait pas de lui un personnage sympathique ! L’histoire est plutôt maline et de bonne construction, mais il y a beaucoup trop de longueurs, notamment autour de l’alcool, des femmes, de son divorce raté… Même si tout concourt à comprendre le personnage et à mettre en place le décor de l’intrigue, c’était un peu trop long à mon goût.

S 2-3Points, 600 pages, 8,90€