Roman

« Missouri 1627 » de Jenni Hendricks et Ted Caplan

Capture d'écran 2023-11-11 170826Voilà à quoi sert un club de lecture : à s’ouvrir à des livres qu’on n’aurait pas lus spontanément, à lire des livres pour ado quand on a passé l’âge.

Les auteurs de « Missouri 1627 » revendiquent d’avoir eu le projet d’écrire un « livre drôle sur l’avortement ».

Bon, il faut quand même nuancer : disons que c’est un livre qui parle d’avortement mais sans pathos, avec des digressions dans l’histoire qui apportent un peu de légèreté et de folie adolescente.

L’histoire est celle de Veronika, major de sa promo, lycéenne modèle promise à un parcours brillant. Lorsqu’elle découvre qu’elle est enceinte, son monde s’écroule. Elle ne peut pas garder cet enfant sans compromettre ses projets universitaires ; elle ne peut pas non plus avorter car ses parents s’y opposeraient et, dans l’État des Etats-Unis où elle vit, leur autorisation est indispensable.

Alors contre toute attente, c’est auprès de Bailey, la fille la plus étrange du lycée, qu’elle va trouver de l’aide. Et voilà les deux ado lancées dans un road trip sans temps mort pour parcourir les 1627 kilomètres qui les séparent de la première clinique qui acceptera de procéder à un avortement sans autorisation parentale.

L’écriture est vive, le propos intelligent, nuancé. Même si la volonté des auteurs était de proposer un traitement différent du sujet, ils ont su apporter les bon équilibre dans le ton et ne pas sous-estimer les doutes et les questions de Veronika. Si le propos est clairement favorable au droit des femmes à disposer de leur corps, il ne banalise pas la démarche, décrit les rendez-vous médicaux préalables de manière très directe, ainsi que les effets post-opératoires.

Comme je le disais plus haut, ces passages sérieux sont entrecoupés de scènes cocasses, notamment celle avec le petit-ami qui n’en ressort pas grandi, ou les différentes courses poursuites, changements de véhicules, etc, qui font progresser le récit à une cadence infernale avec cette question en fil rouge : Veronika arrivera-t-elle à l’heure à son rendez-vous ?

S 3-3Bayard, 368 pages, 15,90€

Roman

« Les voleurs d’innocence » de Saraï Walker

walker-sarai-les-voleurs-d-innocenceCoup de coeur !

Ce livre est incroyable. L’ambiance est si particulière, un mélange de langueur et de tension qui m’a tenue en haleine jusqu’au bout.

Elles sont six sœurs, héritières de l’empire d’armes à feu Chapel. Leur mère, Belinda, est hantée par les fantômes de tous ceux qui ont péri à cause d’une arme à feu qui a fait la fortune de leur famille. Je précise que si vous n’êtes pas familiers des romans gothiques ou des histoires de fantômes, il ne faut surtout pas que cela vous empêche de découvrir ce livre !

Le drame de cette famille, c’est la mort des femmes, à l’accouchement ou après le mariage. Et la mort d’Aster, l’aînée des six filles, ouvre la voie tragique de la malédiction qui se perpétue sur la nouvelle génération.

Ce livre se lit tellement bien, c’est un récit captivant qui mêle le quotidien de sœurs unies façon « Quatre filles du Docteur March » et une ambiance doucement fantomatique comme dans « Blackwater ». Un vrai bijou, qui raconte le destin infernal de six sœurs qui se savent condamnées, et qui pose en arrière-plan la question de la parole des femmes et de leurs destins imposés.

« Que se passerait-il si une seule femme disait la vérité sur sa vie ?

Le monde s’ouvrirait en deux. »

S 3-3Gallmeister, 624 pages, 26,40€

Roman

« Les aiguilles d’or » de Michael McDowell

C’est l’incontournable (et géniale) saga « Blackwater » qui m’a fait découvrir Michael McDowell, et en même temps les éditions Monsieur Toussaint Louverture. 2 belles découvertes, qui appelaient forcément d’autres lectures. J’avais repéré depuis des mois « Les aiguilles d’or », et l’ai acheté dès sa sortie. L’auteur est celui de « Blackwater », mais les points communs s’arrêtent là. L’ambiance… Lire la suite « Les aiguilles d’or » de Michael McDowell

Roman

« Angélique » de Guillaume Musso

9782702183687-001-TGuillaume Musso sait raconter des histoires, surprendre son lecteur, le berner. Je le savais déjà, et j’ai quand même été agréablement surprise à nouveau. La couverture de ce roman m’avait tapé dans l’oeil depuis longtemps ; j’attendais la sortie en poche, et finalement je l’ai trouvé avant. Je ne savais pas grand-chose de l’histoire car la quatrième de couverture en dit peu sur l’histoire, et je n’avais pas lu d’avis non plus.

Mathias, hospitalisé, reçoit la visite d’une bénévole qui intervient auprès des patients de l’hôpital. Elle est jeune, joue du violoncelle, et a une idée en tête : convaincre Mathias, l’ancien flic, d’enquêter sur la mort de sa mère. Louise, la jeune bénévole, est en effet convaincue que sa mère, ancienne danseuse étoile, n’est pas morte accidentellement.

Commence alors un roman fait de rebondissements, de chemins croisés et entrecroisés, de personnages complexes, avec chacun leur part d’ombre. Les masques tombent, mais pas toujours ceux que l’on attendait. Je me suis fait piéger à plusieurs reprises, vers la fin j’ai même trouvé que cela allait un peu loin et que les ficelles étaient un peu trop tortueuses. Mais cela fonctionne bien, dans un rythme qui ne laisse aucune place à l’ennui. C’est vif, efficace, plein d’ingéniosité.

S 3-3Calmann-Levy, 320 pages, 21,90€

Audio·Roman

« Sido » et « Les vrilles de la vigne » de Colette

sidoMes souvenirs de lecture de Colette remontent à mes années scolaires. Je me souviens d’un extrait d’un roman de « Claudine », mais c’est à peu près tout.

J’ai toujours beaucoup de plaisir à redécouvrir des classiques sous forme audio. Je trouve que cela leur donne une nouvelle jeunesse ! Et pour moi, l’occasion de redécouvrir des textes, autrement.

« Sido » est évidemment un grand classique, mais qui se lit très bien grâce à l’écriture fluide et spontanée de Colette. La narratrice y raconte sa vie familiale, mais le livre est avant tout une grande déclaration d’amour à sa maman. C’est un joli texte autobiographique, basé sur les souvenirs d’enfance de l’auteure.

Dans la version Audiolib, ce texte est suivi des « Vrilles de la vigne ». C’est un recueil de nouvelles, très dynamique. On y retrouve l’écriture directe, simple, poétique de Colette, comme des petites vignettes de vie piochées ici et là. Chapeau bas à Elsa Lepoivre qui lit ces textes de manière très vivante, et en particulier le récit très rythmé de « Toby chien ». Il faut absolument écouter ce texte, pour l’exercice d’expression presque théâtrale qu’en fait la comédienne.

Une belle redécouverte !

Audiolib (partenariat), durée d’écoute 5h34, 22,90€ pour la version CD

Roman

« Jetez des fleurs » de Christian Wasselin

jetezJ’ai eu envie de lire ce roman car l’histoire commence dans un cimetière. Etrange lieu pour une rencontre ! Etrange lieu, habituellement où tout finit, pour commencer une histoire ! C’est ce qui m’a intriguée…

L’histoire est celle d’Aurélien, dont on apprend assez vite qu’il n’a que douze ans. Assistant avec sa grand-mère à des funérailles, il est interpelé par la lecture d’un extrait du roman d’Aragon qui a pour titre son prénom : Aurélien.

Le lecteur de ce texte n’est autre que l’amant de la défunte, et il va nouer avec le jeune garçon une amitié basée sur les souvenirs, mais aussi sur la nature environnante (ils sont sur une île) et sur la mythologie.

On sent à la lecture l’effort fait sur le choix de chaque mot. Le texte n’est pas à proprement parler poétique, même si certains passages tentent de s’en rapprocher.

Le personnage d’Aurélien est parfois surprenant, car son vocabulaire et ses connaissances semblent bien développés pour un enfant de son âge !

Le fil rouge du roman est le décès de la femme aimée, et les pensées sur l’amour et la mort sont nombreuses. Il y a quelques belles pensées mais l’auteur évite l’écueil des aphorismes, qui aurait été un piège facile sur ces sujets.

S 2-3Les soleils bleus éditions, 15€ (reçu dans le cadre d’une « Masse critique »)

Roman

« Les rescapés de Junas » de Florence Roche

9782258206656ORIDans les années 1950, un petit village ardéchois est décimé par un mal mystérieux : en quelques heures à peine, tous les habitants meurent foudroyés. Est-ce une épidémie ravageuse, une malédiction ?

Il faudra attendre vingt années pour que quelqu’un s’intéresse à nouveau au sort du village. Cette personne, c’est Mathilde. Héritière d’une industrie autrefois florissante d’eau en bouteille, elle se retrouve à enquêter sur le passé de son père, aujourd’hui décédé, qui semble avoir aimé une jeune femme dont elle n’a jamais rien su. Et les réactions de son grand-père et de sa mère ne font qu’attiser sa curiosité.

Les allers-retours entre 1955 et 1975 font qu’il y a au départ beaucoup de personnages à situer dans l’histoire, mais tout se met en place finalement assez bien.

Mathilde est un personnage dynamique, volontaire, et cela donne beaucoup de rythme à l’histoire. Il y a quelques petites maladresses (personnages providentiels, rencontres fortuites) mais cela permet de ne pas alourdir le récit en conservant une bonne progression dans l’histoire. Car ce roman se lit comme une enquête, et même une double enquête : l’une est familiale, l’autre concerne l’anéantissement du village de Junas dans les années 1950.

Avoir choisi l’industrie de l’eau comme décor est une très bonne idée, et plus originale que le vin, le parfum, etc, qui sont des trames qui fonctionnent toujours bien mais que l’on retrouve dans de nombreux romans.

C’est un bon roman, agréable à lire. J’étais très curieuse d’aller jusqu’au bout du roman pour avoir les réponses et comprendre ce qui s’était passé, je l’ai lu en 2 jours seulement !

S 3-3Presses de la cité, 352 pages, 21€

Roman

« La femme moderne selon Manet » de Alain Le Ninèze

manetCette collection de petits livres propose un point de vue très attractif : et si les grandes œuvres nous étaient racontées de l’intérieur ? Si par exemple, le célébrissime tableau « Olympia » de Manet était raconté par Victorine Meurent, le modèle qui donne ses traits à Olympia ? C’est très original comme approche !

On découvre l’envers du travail de l’artiste, mais aussi ses fréquentations, ses relations avec son modèle, et l’accueil peu chaleureux qui fut réservé au tableau. Le lecteur voit aussi graviter au fil des pages quelques uns des noms d’artistes les plus célèbres du XIXe siècle, de Baudelaire à Zola, de Pissaro à Monet. Le livre est court (une centaine de pages). On aurait pu imaginer suivre encore plus de détails de la création de cette œuvre ; c’est visiblement un parti pris de se concentrer sur un résumé assez succinct. On sent que ce texte a nécessité un certain travail de documentation ; en revanche le style et les dialogues ne sont pas des plus recherchés et ce décalage m’a un peu gênée à la lecture. Cela donne quand même envie de revoir les tableaux de Manet. J’ai apprécié d’ailleurs que le tableau « Olympia » soit reproduit sur la couverture intérieure, avec même un détail agrandi. « Le déjeuner sur l’herbe », auquel il est aussi largement fait référence (et pour lequel Victorine Meurent a aussi servi de modèle), n’est en revanche pas repris en illustration – il faudra aller le chercher vous-mêmes.

S 2-3Ateliers Henry Dougier, 128 pages, 12,90€

Audio·Roman

« Les gens de Bilbao naissent où ils veulent » de Maria Larrea

bilbaoQuel beau roman autobiographique !

La narratrice raconte son histoire familiale, celle de sa mère, celle de son père, deux gamins pas très aimés, pas très désirés, nés en Espagne. Adultes, leur vie se poursuit à Paris, dans la loge d’un théâtre parisien, où ils élèvent une petite fille – la narratrice.

J’ai lu ou écouté beaucoup de récits autobiographiques, et celui-ci est particulièrement incisif. La très bonne idée de cette version audio est d’avoir confié la lecture à l’auteure elle-même : le récit en est d’autant plus touchant, et l’auteure porte ses mots avec une telle énergie ! J’ai adoré sa lecture, tantôt sensible, tantôt révoltée, et son espagnol parfait (notamment pour les insultes et les cris d’énervement!).

L’histoire est particulièrement touchante. C’est une quête familiale, une quête de l’histoire personnelle, que je ne vous raconte pas en détail pour ne pas interférer dans votre découverte de ce beau texte. La première moitié de l’histoire est un récit assez classique (mais très bien mené) d’une histoire familiale ; la seconde partie est beaucoup plus personnelle, plus intime. J’ai adoré ce roman, et j’ai adoré le découvrir en version audio.

Pour un premier roman, l’auteure frappe fort. J’ai hâte de découvrir sa plume dans un prochain roman.

S 3-3Audiolib, lu par l’auteur, 4h16 d’écoute, 21,90€ en version CD

Roman

« Le festin » de Margaret Kennedy

G07507_LeFestin_CV.inddDès les premières pages, le lecteur sait que ce « festin » se terminera mal.

Au début du roman, le décor est planté : une falaise s’est effondrée sur une pension de famille ; il y a eu des morts. La grande question sera donc : qui a survécu ? qui est mort ?

La pension de famille est tenue par une famille qui est prête à accepter tous les locataires pour gagner un peu d’argent. Se côtoient donc un chanoine irascible, une mère méchante et ses petites filles, des domestiques à la langue bien pendue… J’ai cru ne jamais me repérer parmi les personnages ! Mais tout se met progressivement en place, les personnages et la tension qui monte progressivement.

Certains critiques ont comparé l’ambiance de ce livre à un livre d’Agatha Christie, ce qui est assez pertinent : un groupe d’individus qui ne se connaissent pas, réunis dans une pension de famille, inconscients du drame qui les attend…

Au fil des chapitres, qui suivent les jours de la semaine, la tension monte vers le drame que le lecteur est le seul à anticiper. Les vies des personnages, d’abord traitées indépendamment les unes des autres, finissent par s’entremêler et former un ensemble cohérent.

En conclusion, il faut accepter le début qui est un peu décousu, pour capter ensuite tout le tissage de l’histoire.

S 3-3Folio, 576 pages, 9,70€