Roman

« Ma tempête » de Eric Pessan

HD_AFDV_Tempete_couv-280x410Shakespeare comme vous ne l’avez jamais lu !

Un père de famille, contraint de garder sa fille un jour de grève de la crèche, transforme cette journée en initiation ludique au plus grand dramaturge anglais. Sa fille n’a pourtant que deux ans, mais il transforme son appartement en scène immense, où il lui fait découvrir « La Tempête ».

Pourquoi ce texte-là en particulier ? Parce que pendant plusieurs années, il a préparé la mise en scène de cette pièce, l’a retraduite intégralement… et que son projet n’a pas pu voir le jour. Depuis, il déprime.

Le roman alterne entre scènes familiales, jeu autour de la pièce de théâtre, et réflexions sur la condition d’artiste, d’auteur, de metteur en scène. Le statut des intermittents est expliqué simplement, et les aberrations de certaines subventions publiques sont dénoncées à travers l’exemple de cette pièce sacrifiée. Mais ce n’est pas un essai sur le sujet, et le livre reste un roman, qui traite bien des interrogations d’un homme qui place l’art au coeur de sa vie et qui est confronté à des plans marketing, business plan, et autres démarches loin de son univers.

Ce livre court (moins de 150 pages) se lit aussi comme le récit d’une journée entre un papa et sa fille adorée, l’envie qu’il a de lui transmettre ses passions tout en ayant conscience qu’elle développera ses propres goûts et centres d’intérêt.

Tous ces thèmes trouvent leur place dans ce livre, avec beaucoup de justesse, de pudeur, et une grande déclaration d’amour à tous les arts.

S 3-3Aux forges de Vulcain, 160 pages, 18€

Roman

« Les albums » de Ariel Denis

LES_ALBUMS-652x1024Imaginez le cauchemar que vit le personnage de ce roman : grand lecteur, tous ses albums chéris, ceux qui ont bercé son enfance (Tintin, Spirou, Marsupilami…) ont disparu.

Au réveil, groggy, il repense à ses déménagements et à la bascule dans sa vie de lecteur qui a eu lieu quand il avait treize ans. Un narrateur omniscient se plonge, aux côtés du lecteur, dans la quête d’un passé disparu, fait de lecteurs enfantines, d’albums usés et décolorés à force d’être lus.

Sous couvert « d’enquête », c’est une part de l’histoire de la bande dessinée qui est racontée, avec un hommage rendu à la ligne claire.

Beaucoup de citations issues notamment des « Tintin » vont parler à de nombreux lecteurs. Nombreux parmi vous partagent sûrement des références et reconnaîtront des lectures d’enfance (et aussi des sacrifices regrettables faits lors de déménagements).

Le livre est assez court (moins de 150 pages), et c’était le format maximal pour moi sur ce thème. Le sujet n’est pas inintéressant, mais le prisme de « l’enquête » ne fonctionne pas (selon moi). C’est surtout un prétexte narratif.

S 2-3Champ Vallon, 136 pages, 19€. Reçu dans le cadre d’une « masse critique »

Roman

« Le dernier jour du Tourbillon » de Rodolphe Casso

tourbillonLe Tourbillon est l’un de ces cafés qui ont donné leur âme à de nombreux quartiers. Bien avant les enseignes internationales, bien avant le wifi gratuit et les client avec leurs casques sur les oreilles, il a été l’un de ces cafés où l’on parlait, où l’on faisait connaissance et refaisait le monde. Il reste quelques habitués qui viennent prendre l’apéro entre copains et qui, sans doute, ne se fréquentent pas en dehors de ce lieu.

Lorsque Gus débarque dans ce café, c’est un monde qu’il découvre.

Il y a une vraie tendresse dans ce texte, envers les personnages (très largement masculins, les femmes apparaissant plutôt comme des éléments perturbateurs dans l’histoire, ou comme des sujets de discussion), et aussi envers une proximité qui n’existe plus dans les grandes villes que dans quelques quartiers délaissés par les touristes.

On imagine qu’il n’y a rien dans ce café qui mérite d’être pris en photo et commenté sur les réseaux sociaux. C’était un autre monde.

C’est un roman qui se lit comme des chroniques du quotidien, au milieu des habitués, de leurs préoccupations (l’un vient d’être quitté, l’autre attend un premier rendez-vous, un autre se prend pour une vedette…). D’ailleurs je l’ai lu en plusieurs fois, le posant, le reprenant, un peu comme j’aurais pris de temps en temps des nouvelles des clients fidèles de ce café.

S 3-3Aux Forges de Vulcain, 192 pages, 20€

Roman

« Ikiro » de Benoît Marie Lecoin

9782373057225-280x430La couverture est à elle seule une promesse : les sakuras, les célèbres cerisiers à fleurs du Japon dont la floraison est attendue chaque année, portent un symbole de poésie qui transparaît dans tout ce roman.

On suit d’abord Ikiro, jeune homme qui vit chez sa grand-mère adorée depuis le décès prématuré de ses parents. Son quotidien, son lieu de vie, ses habitudes, m’ont transportée immédiatement au Japon, et ont fait remonter à ma mémoire des images de dessins animés japonais.

A l’heure où il démarre sa vie d’étudiant, Ikiro tombe fou amoureux de Midori, une autre étudiante, passionnée de photographie. Désormais, toute sa vie et ses pensées sont orientées vers cet amour.

Mais l’auteur ne raconte pas seulement une histoire d’amour : il entraîne progressivement le lecteur dans un autre univers, où l’amour se démultiplie dans le vortex.

Ne résistez pas à ce monde parallèle : il faut vous laisser porter par la poésie du texte, et si tout n’est pas réaliste ce n’est pas grave ! La poésie est ailleurs.

Dans ce Japon décrit à travers les yeux de la jeunesse, le lecteur porte tour à tour des lunettes d’émerveillement et des lunettes d’imaginaire. L’ensemble est agréable à lire, et propose une aventure sentimentale entre plusieurs mondes, où la réalité se confronte aux rêves d’un adolescent qui vit son premier grand amour.

S 3-3Aux forges de Vulcain (partenariat) 176 pages, 20€

Roman

« Voix d’extinction » de Sophie Hénaff

9782253195290-001-T2031. Les girafes, les gorilles, et la plupart des animaux sur Terre, vivent leurs dernières heures. Un sommet de la dernière chance, réunissant tous les chefs d’État, doit se tenir dans quelques jours. Mais le principal négociateur est en situation d’échec, et ses arguments sont devenus inaudibles.

Furieux, Dieu (ou plutôt : Déesse) décide d’envoyer à la table des négociations quatre animaux, à qui elle donnera apparence humaine et le langage humain. Après tout, les animaux peuvent réussir là où les humains ont échoué. Noé (celui de l’Arche) n’a que quelques jours pour leur apprendre comment se comporter en société.

J’avais adoré « Poulets grillés » et j’ai retrouvé dans ce livre tout l’humour que j’avais aimé chez l’auteure. J’ai beaucoup ri ! Je ne peux pas vous raconter pourquoi car je ne veux pas vous ôter le plaisir de découvrir les gags. Mais entre les échanges entre Déesse et Noé, ou les premiers pas des quatre animaux parmi les humains, il y a plein de scènes cocasses.

Ce roman n’est pas juste une fiction à l’humour décalé. Le propos de fond est intelligent, pointe les égoïsmes, et évoque de manière concrète l’élevage intensif ou encore la pollution des océans par le plastique.

J’ai adoré ! Courez, courez lire ce roman !

S 3-3Le Livre de poche, 352 pages, 8,90€

Roman

« Watership down » de Richard Adams

watershipCe livre est incroyable et ne ressemble à aucun autre que j’ai lu jusqu’ici.

Si vous lisez le résumé, vous saurez qu’il parle d’une « poignée de braves », de « héros »…

Si vous commencez la lecture, vous comprendrez tout de suite que ces héros sont… des lapins.

C’est assez déstabilisant au début, car depuis « Pierre Lapin » je n’avais jamais lu d’histoires de lapins ! Et encore moins d’histoire de lapins pour adulte, avec plus de 500 pages… Savez-vous ce qui m’a convaincue de ne pas abandonner ? Ma confiance en la maison d’édition (Monsieur Toussaint Louverture). Car l’éditeur de « Blackwater » ou des « Aiguilles d’or » n’aurait pas publié une bête histoire de lapins sans qu’il y ait un contenu vraiment intéressant.

J’ai bien fait de poursuivre car les aventures de ces lapins sont finalement très prenantes, et j’ai suivi avec curiosité leur périple pour fuir leur garenne menacée par les constructions humaines, leur conquête d’un nouvel espace puis leurs efforts pour construire l’avenir.

C’est donc bien un livre d’aventures et de héros courageux. Mais surtout, l’auteur a su créer tout un univers, une galerie de personnages attachants ou détestables, avec un vocabulaire propre à la garenne et à la vie de lapin.

J’ai bien trouvé quelques longueurs (dans la fuite initiale, dans les combats), mais ce livre sort tellement de l’ordinaire que c’est vite pardonné. Je pense que c’est un livre dont je me souviendrai longtemps, pour son originalité et la créativité que l’auteur a insufflée à cette histoire.

S 3-3Monsieur Toussaint Louverture, 544 pages, 12,50€

Roman

« Une activité respectable » de Julia Kerninon

9782812612039Si vous aimez démesurément lire, si vous aimez écrire pendant des heures, ou mieux encore si vous aimez les deux : ce livre est fait pour vous.

Dans ce joli témoignage écrit comme un cri d’amour aux livres, Julia Kerninon raconte ses premières années de lectrice, élevée par des parents qui ne pensaient qu’à lire partout et tout le temps, puis sa vie de jeune adulte entièrement tournée vers les livres (en lire, en écrire).

Tous les amoureux des livres seront rassurés de lire ce témoignage qui montre que des vies entières, des quotidiens sur plusieurs années, peuvent être dédiés à la lecture.

Au passage, l’auteure déclare en filigrane son amour à ses parents, qui n’étaient riches que de livres et l’ont élevée ainsi.

« J’écris à cause de Jo March mangeant ses pommes et lisant perchée dans un arbre loin de ses sœurs. »

La toute dernière page du livre montre aussi toute la lucidité de l’auteure sur sa situation. Plusieurs de ses livres ont été édités, mais elle mesure qu’il fallait au moins ça pour justifier toutes les années où elle a vécu en dehors du monde, consacrant ses nuits à l’écriture sans perspective concrète de pouvoir en vivre.

S 3-3Ed. du Rouergue, 64 pages, 10,80€

Roman

« Karoo » de Steve Tesich

142890_couverture_Hres_0Ne vous fiez pas aux néons représentés sur la couverture : la vie de Saul Karoo ne fait pas que briller. Il est pourtant un scénariste ultra recherché par les producteurs de cinéma. Sa spécialité ? Récrire les scenarii médiocres pour les transformer en chefs d’oeuvre. Alors forcément Karoo a la grosse tête, c’est un personnage assez détestable qui vit entre luxe et alcool (j’ai souvent pensé au héros de « American Psycho », même si c’est une lecture trop lointaine pour que je m’en souvienne avec précision). Il représente l’Amérique aisée des années 1980 / 1990.

C’est embêtant de ne pas pouvoir vous dire ec qui va changer dans sa vie, mais sinon je vais vous dévoiler un rebondissement qui n’arrive que vers la page 200 ! Sachez qu’une femme va faire son entrée dans la vie de Karoo de manière inattendue, et changer malgré elle les projets de cet homme.

Le personnage de Karoo est agaçant, et le début du livre ne fait pas de lui un personnage sympathique ! L’histoire est plutôt maline et de bonne construction, mais il y a beaucoup trop de longueurs, notamment autour de l’alcool, des femmes, de son divorce raté… Même si tout concourt à comprendre le personnage et à mettre en place le décor de l’intrigue, c’était un peu trop long à mon goût.

S 2-3Points, 600 pages, 8,90€

Roman

« Prendre la vie comme elle vient » de Carène Ponte

9782265156388ORIJusqu’ici, je n’avais lu de Carène Ponte que ses « romans de Noël », des condensés d’humour et de bons sentiments que j’avais beaucoup aimés. Avec « Prendre la vie comme elle vient », sorti il y a plusieurs mois et qui attendait son tour dans ma PAL, je découvre une autre facette de ses romans. Le thème de départ de celui-ci n’est guère joyeux : Alice, qui entame doucement sa crise de la quarantaine, voit sa vie basculer lorsque Aymeric, son mari et grand amour, est victime d’un terrible accident de voiture.

La vie, ensuite, aura le choix entre plusieurs voies.

Et Alice, face à ses doutes, en plein questionnement sur sa vie, sur son rêve inabouti de devenir championne de patinage, qui a renoncé à devenir mère après plusieurs fausses couches traumatisantes, devra s’adapter, en toutes circonstances.

Le roman surfe sur des thèmes immuables, le couple, les choix de vie, la vie qui bascule. Rien d’original mais rien de déplaisant non plus, d’autant plus que Carène Ponte a un style rythmé et vivant qui se lit très bien.

Le livre est très court et se lit en deux heures environ. Le temps quand même de suivre ce couple dans son passé, son présent, et ses avenirs possibles. Un format plus long n’aurait pas été utile, et aurait risqué de délayer les sentiments. Le piège a été évité.

S 2-3Fleuve éditions, 272 pages, 18,90€

Roman

« Complètement cramé ! » de Gilles Legardinier

9782266337281ORIQuand un riche industriel anglais, qui aurait l’âge de prendre sa retraite, décide de prendre plutôt du recul et de partir en France, c’est le début d’un roman qui va forcément parler des choix de vie et des chemins que l’on prend (ou pas).

Quand cet Anglais décide en plus de se faire passer pour un majordome afin d’être embauché dans un manoir, c’est le début de l’aventure.

Et quand il découvre dans ce manoir une propriétaire nostalgique, une cuisinière bougonne, une jeune femme de ménage un peu paumée et un jardinier timide, on sait que les situations amusantes ne manqueront pas.

C’est le premier livre de Gilles Legardinier que je lis, grâce à un jeu concours qui m’a permis de gagner cette édition collector. Le format, avec sa couverture rigide, est d’ailleurs très agréable et rend ce « poche » un peu différent.

Quand à l’histoire, elle est fort sympathique, pas toujours crédible mais qu’importe. Avec un peu d’humour et de situations décalées, c’est une lecture plaisante. J’ai plutôt passé un bon moment avec ces personnages tous attachants, même si j’ai trouvé quelques longueurs. Le personnage principal et ses acolytes ont chacun quelque chose de touchant, et les bons sentiments, ça fait du bien aussi !

S 2-3Pocket, 9,90€ dans cette édition