Roman

« Trust » de Hernan Diaz

152855_couverture_Hres_0Petite déception sur ce roman, sur lequel j’avais pourtant lu d’enthousiastes avis.

Début XXième siècle, dans l’Amérique conquérante et audacieuse, Andrew est un financier à qui tout réussit. Sa fortune est immense, et lui est aussi respecté que craint. Mais derrière la réussite financière, sa vie personnelle auprès de sa femme Mildred n’est pas aussi rose – car celle-ci est gravement malade.

Et soudain le roman bascule sur une toute autre histoire.

Il faut attendre une bonne moitié du roman pour comprendre où l’auteur veut en venir. J’ai eu un moment d’incompréhension dans ma lecture, perturbée par des chapitres sans lien. Je me disais bien que les pièces du puzzle s’assembleraient à un moment pour donner un sens à l’ensemble, mais j’ai été trop perdue dans ma lecture pour retomber sereinement sur mes pieds. Le dernier tiers du roman, quand les choses prennent place, devient alors beaucoup plus intéressant, même si je n’ai pas trouvé l’ensemble révolutionnaire.

S 1-3Points, 406 pages, 10,20€. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nicolas Richard

Biographie

« Emma Calvé » de Laetitia Bex

Capture d’écran 2024-09-06 195050Je n’avais jamais entendu parler d’Emma Calvé avant de découvrir une pièce qui lui est consacrée dans un musée de Millau. Je suis toujours intriguée par la genèse des destins hors du commun : comprendre leur parcours, découvrir leur histoire familiale, et surtout lever un peu le voile qui sépare la personnalité célèbre et l’homme ou la femme derrière les apparences.

Emma Calvé (1858-1942) est une cantatrice qui était très célèbre à son époque. D’origine modeste, très attachée à l’Aveyron de son enfance, c’est sa voix qui lui a permis de devenir une artiste mondialement connue – elle a en particulier beaucoup voyagé aux Etats-Unis.

Ce livre retrace essentiellement sa vie d’artiste, ses choix, ses succès, mais aussi ses failles (ses maladies, ses angoisses) et ses engagements pour de nombreuses causes. Quand les sources documentaires existent, on apprend aussi les grandes étapes de sa vie de femme – on y découvre les grands traits de sa personnalité, mais elle-même est toujours restée réservée sur sa vie privée, et beaucoup d’interrogations restent sans réponse.

J’ai beaucoup aimé cette biographie qui se lit comme un roman, à travers des chapitres très courts qui donnent beaucoup de rythme au récit. Les quelques photos reproduites au centre du livre permettent de mettre un visage sur une vie. Nul besoin d’être un mélomane averti pour être séduit par ce livre, un beau portrait de femme talentueuse et tourmentée.

S 2-3Acala, 385 pages, 20€

Biographie·Essai / Document

« Voyage à Berlin – Danielle Darrieux sous l’Occupation », de Jérôme Bimbenet

tallandier-d.darieux-sous-occupation-crgSur la photo de couverture, c’est une jeune femme élégante, souriante, pleine de fraîcheur : c’est une femme amoureuse. Nous sommes en mars 1942 et Danielle Darrieux part rejoindre l’homme qu’elle aime, Porfirio Rubirosa, qui ne peut quitter Berlin.

Qui étaient les acteurs qui ont accepté de voyager en train jusqu’en Allemagne par temps de guerre ? Pourquoi ont-ils accepté ce voyage, qu’avait chacun d’entre eux à y gagner ?

Longtemps ce voyage leur a été reproché, même si Danielle Darrieux s’est toujours défendue en arguant qu’elle n’avait pour seule motivation que de retrouver son fiancé.

Faire tout un livre sur ce voyage pourrait faire craindre quelques longueurs, en particulier pour les lecteurs qui n’ont pas connu la plupart des acteurs cités (ce qui est mon cas). Pourtant le livre va bien au-delà du voyage de Danielle Darrieux et raconte une tranche de l’histoire du cinéma français.

Si l’auteur du livre semble un admirateur sincère de Danielle Darrieux, il n’est pas un admirateur aveugle et s’étonne – voire s’agace – des réponses un peu naïves de l’actrice lorsqu’elle a été interrogée sur certains épisodes de cette période. L’auteur ne juge pas, n’accuse pas, il souligne des faits et raconte des situations qui mettent le lecteur mal à l’aise – amoureuse, ambitieuse, mais aveugle à quel point ?

Derrière l’actrice, il y a aussi le portrait d’une époque, les écarts de traitement entre le milieu du cinéma et le reste de la population. J’ai trouvé très instructif de voir cette période historique traitée sous un angle très spécial (celui du cinéma français et des vedettes de l’époque), entre insouciance, ambitions personnelles, et œillères souvent difficiles à défendre.

S 2-3Tallandier, 297 pages, 21,50€

En anglais·Roman

« American Royals (tome 2) : Majesty » de Katharine McGEE

majestyMon défi lecture de l’été était de sortir du fond de ma PAL un roman en anglais, acheté il y a longtemps, et reposé rapidement après seulement quelques pages lues. Défi relevé avec la lecture de « American Royals »… et je devrais même dire que le défi a été doublement relevé, puisque j’ai poursuivi avec la lecture du deuxième tome de la série.

Ce deuxième opus est aussi réussi que le premier. On y retrouve bien sûr Beatrice, dans son nouveau rôle de Reine (oui oui) des Etats-Unis ; sa sœur la turbulente Samantha, son frère Jefferson qui fait tourner les têtes, la timide amie Nina et la détestable Daphne Deighton qui rêve d’intégrer la famille royale.

La bonne idée qui apporte un vent de nouveauté sur l’histoire est l’arrivée de nouveaux personnages secondaires, qui complexifient l’histoire (il faut aimer les histoires de triangles amoureux dans ce tome ! ) ; en effet, Daphne veut éloigner Nina de Jeff en la jetant dans les bras de son meilleur ami (Ethan) ; Sam veut rendre jaloux Teddy (le futur roi) avec l’aide de Marshall ; et Beatrice a vu Connor, son premier amour, disparaître du jour au lendemain à l’annonce de son mariage. Ça a l’air un peu compliqué raconté comme ça, mais l’histoire est suffisamment bien menée pour ne jamais perdre le lecteur dans ces jeux de dupes. Le roman est plein de fraîcheur et d’énergie, les chapitres avancent bien (il se passe toujours quelque chose qui fait progresser l’histoire) ; Beatrice est parfaite dans son rôle de jeune reine, sa sœur est complètement décalée dans un univers très rigide, leurs amoureux sont parfaits dans leurs rôles, et on adore même détester la peste Daphne.

Au passage, la modernité du roman est aussi portée par les jolis personnages féminins, notamment Beatrice en première Reine des Etats-Unis.

J’ai hâte de lire le prochain tome !

S 3-3Penguin Random House, 370 pages

Biographie

« Edouard-Alfred Martel » de Norbert Casteret

I23356Le monde souterrain, celui des gouffres et des grottes, est un monde fascinant qui réveille l’imagination. Se dire que, il y a une grosse centaine d’années, les spéléologues exploraient ces espaces à la bougie me paraît incroyable (et un peu fou, aussi).

En commençant cette biographie d’Edouard-Alfred Martel, spéléologue autodidacte, explorateur de dizaines et dizaines de grottes et gouffres de France et d’Europe (il a découvert, et étudié pendant des années, le gouffre de Padirac par exemple), je pensais lire un récit d’aventures. Ce que j’aime d’habitude dans ces biographies, c’est en particulier découvrir la jeunesse des héros, ce qui les a menés sur le chemin d’une vie extra-ordinaire. Je voulais lire ses étonnements, ses projets, ses succès et ses échecs.

J’ai donc été assez déçue par cette lecture, qui est moins le récit de sa vie qu’un récit assez technique et scientifique, porté par le regard d’un homme (Norbert Casteret), lui-même spéléologue, qui raconte les exploits de l’un de ses prédécesseurs. Il porte donc un regard admiratif sur lui, mais surtout un regard d’expert parfois décalé pour une lectrice novice comme moi.

La biographie se transforme assez vite en liste d’exploits et recensement des excursions. Les anecdotes sont plutôt intéressantes (sa rencontre avec un forgeron qui deviendra son co-équipier, son empoisonnement par une eau souterraine, qui alimentera par la suite de nombreux travaux sur la pollution des eaux souterraines, etc). Mais j’aurais aimé lire un récit moins décousu, plus axé sur sa vie de spéléologue et sa vie « à côté ».

A noter, les photos au centre du livre sont bienvenues et donnent chair à l’homme dont on lit l’histoire.

S 1-3La Table Ronde, coll. La petite vermillon, 256 pages, 8,70€

BD

« Tous nos étés » de Séverine Vidal et Victor L. Pinel

Capture d’écran 2024-08-10 210940Parfois le choix d’une lecture se fait en fonction de la saison. Quand j’ai sélectionné quelques lectures pour cet été, cette bande dessinée m’a naturellement tapé dans l’œil : par le titre d’abord, mais aussi parce qu’elle raconte l’histoire d’une maison familiale de vacances.

Cette maison de vacances, nous la suivons sur plusieurs décennies, au fil de ses propriétaires successifs. J’ai été un tout petit peu gênée par l’enchaînement des dates, j’ai à chaque fois dû revenir en arrière pour situer la période qui commençait. Passé ce petit ralentissement dans ma lecture, j’ai beaucoup apprécié cette BD aux couleurs douces, qui restitue très bien l’ambiance estivale (à la plage ou sous l’ombre des arbres du jardin).

La BD commence avec Julie, enceinte, veuve depuis peu, de retour pour l’été dans la maison familiale. Son oncle a décidé de vendre sa part – et c’est toute la famille qui est chamboulée. Peu à peu, on découvre l’histoire de la maison avant que la famille de Julie ne l’achète. C’est doux, sentimental, plein de souvenirs comme savent les réveiller les lieux qui ont bercé les étés de notre enfance.

L’été n’est pas fini, vous avez encore largement le temps de vous plonger dans cette jolie BD de saison.

S 3-3Grand angle, 160 pages, 19,90€

En anglais·Roman

« American Royals (tome 1) »  de Katherine McGee

Capture d’écran 2024-08-10 165438Il y a bien longtemps (2 ans, peut-être), j’étais très motivée pour essayer de lire un roman en anglais (après plusieurs tentatives infructueuses). J’avais opté pour un roman « young adult » qui me semblait plus accessible : « American Royals ». J’avais même acheté les 2 tomes (motivée, vous disais-je).

Je ne suis même pas arrivée à la page 10 du premier tome, qui est allé dormir sur une étagère…

Et me voilà, au début de cet été, remotivée pour repartir à l’assaut de ce roman !

Les premiers chapitres ont été assez durs à lire, mais ma grande victoire de cet été sera d’être allée au bout des 440 pages ! Je suis même prête à attaquer le deuxième tome !

L’histoire, maintenant. L’auteure imagine que Georges Washington (premier Président des Etats-Unis) avait en réalité créé une monarchie. Le roman se déroule de nos jours, et l’on suit les aventures (surtout sentimentales) des trois enfants du roi actuel.

Béatrice, l’héritière, est amoureuse de son garde du corps – mais ses parents lui préparent un mariage arrangé. Samantha et Jefferson, ses cadets, jumeaux, sont eux aussi amoureux, mais pas des bonnes personnes non plus… Ajoutez à cela une peste qui veut devenir princesse et une roturière complexée qui ne trouve pas sa place, et vous aurez le tableau complet.

Il y a plein de références évidentes à la monarchie anglaise (la rebelle tante Margaret, les tabloïds, etc) et on réalise à peine que l’histoire se déroule aux Etats-Unis. Je pensais que le contexte américain serait beaucoup plus exploité dans l’histoire, c’est le seul bémol que je mets. Sinon, c’est léger et rafraîchissant, avec quelques parenthèses plus sérieuses sur la place des femmes dans les instances de pouvoir, ou encore le poids des traditions ancestrales.

S 3-3Penguin Books, 440 pages

Poésie

« Les ronces » de Cécile Coulon

Capture d’écran 2024-08-07 161146Je vous présente mon livre de chevet du moment ! Celui que je feuillette dans n’importe quel sens, commençant par les dernières pages, piochant au hasard, relisant des lignes déjà lues.

Je chronique assez peu de poésie sur le blog (c’est un tort). Lire de la poésie, c’est tellement personnel, tellement intime. Les phrases qui me touchent, celles qui me font verser une larme, sont celles qui ont un écho personnel pour moi – et c’est difficile à partager.

Je connaissais Cécile Coulon en romancière – même si c’était il y a longtemps et que j’avoue avoir oublié cette lecture… Je la découvre ici en poétesse, et c’est une belle découverte. Quelques mots sur la quatrième de couverture interpellent (même si je les pense issus d’un autre ouvrage) : «  On se remet de tout mais jamais à l’endroit ». Le décor est planté.

Dans ce recueil de poèmes à la forme très contemporaine (n’y cherchez pas des alexandrins ni des rimes, et d’ailleurs on s’en fiche), elle parle à la fois de son Auvergne natale, de la maison familiale, d’une rupture quasi impossible à guérir, des difficultés de la vie, des pensées nocturnes… Je n’ai pas envie de noter ici des citations extraites de ce livre, elles seraient forcément réductrices. Mais je ne peux que vous encourager à feuilleter, à votre rythme, ce livre court (162 pages) mais d’une grande intensité.

S 3-3Le Castor Astral, 162 pages, 15€

Roman

« Les adieux à la villa aux étoffes » (tome 6) d’Anne Jacobs

9782264083937ORIJ’ai toujours un petit pincement dans mon cœur de lectrice quand je sais que j’aborde un dernier tome, surtout quand c’est une série que j’ai autant aimée que « La villa aux étoffes ».

J’avais quitté la famille Melzer dans les tourments de la Seconde Guerre mondiale, alors que Marie (l’héroïne et épouse du directeur de l’usine de textile) avait émigré aux Etats-Unis pour fuir l’Allemagne nazie. Au début de ce tome, j’ai été un peu déstabilisée, ayant perdu mes repères sur la nouvelle génération (les enfants de Marie et leurs cousins), jeunes adultes face à la guerre, et dont j’avais pour certains oublié jusqu’à leurs prénoms, davantage concentrée sur les histoires de leurs parents…

Mais j’ai vite retrouvé le fil de l’histoire. C’est d’ailleurs une des grandes qualités de cette série que de toujours bien resituer les personnages pour le lecteur – et ils sont nombreux, les personnages, entre la famille au cœur de l’intrigue, les domestiques, les amis et les ennemis…

Ne lisez pas la quatrième de couverture, qui va trop loin dans le résumé, et profitez juste de retrouver les héros de cette histoire attachante. Le récit des réactions de chacun face à la guerre sonne toujours juste, sans caricature ni facilité. Tandis que Paul perd peu à peu tout contrôle sur l’usine familiale, Dodo sa fille est devenue une aviatrice hors paire. Klippstein est plus détestable que jamais – mais on découvre aussi ses failles. Quant aux domestiques, ils ancrent le récit dans la gestion du quotidien (l’approvisionnement, l’hébergement), qui font aussi partie du charme de ces romans. On tremble, on sourit, on serre les dents… jusqu’à la dernière page.

S 3-310/18, 624 pages, 10,10€

BD

« Larzac » de Pierre-Marie Terral et Sébastien Verdier

larzac-histoire-dune-revolte-paysanneSi le Larzac semble aujourd’hui une terre plutôt isolée, qui ne fait plus trop parler d’elle, c’est aussi un endroit qui a symbolisé dans les années 1970 une lutte pacifique entre les paysans et l’État.

Pour celles et ceux qui n’auraient pas vécu ces années-là, rappelons quelques éléments : en 1971, l’État annonce l’extension d’un camp militaire déjà présent sur le Larzac. Or cette extension signifie l’expropriation d’une centaine de personnes qui exploitent ces terre, et qui décident de ne pas se laisser faire. Dans un combat sans violence, mais avec une grande détermination, ils vont occuper les lieux, aidés par une jeunesse pacifiste, anti-militariste, venue des villes pour s’installer plus ou moins à long terme ici.

D’habitude j’ai une préférence pour les bandes dessinées en couleur, mais ici les dessins en noir et blanc sont très bien réalisés et j’ai beaucoup aimé le rendu. Les différents protagonistes (paysans, néo-ruraux, politiques, militaires) ont tous droit à la parole, et les oppositions au sein d’un même camp ne sont pas minimisées (comme les divergences entre paysans locaux et nouveaux venus).

La lecture est d’autant plus agréable et rythmée qu’il y a aussi de nombreuses touches d’humour, ou encore des copies de photos ou de tracts, qui donnent un côté documentaire mais sans jamais alourdir la lecture. Cette bande dessinée est une très grande réussite : elle parvient à raconter l’histoire et les positions de chaque clan, de manière linéaire qui rend le récit très clair et très compréhensible. Il est fort probable, si vous ne connaissez pas encore le Larzac, que cette BD vous donnera envie d’aller faire un petit tour du côté de la « Blaquière », cette bergerie emblématique des lieux.

S 3-3Dargaud, 176 pages, 23,50€