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« Les carnets secrets d’Agatha Christie » de John Curran

carnetsLes fans inconditionnels d’Agatha Christie doivent absolument lire ce livre ! En effet, c’est une plongée dans les carnets de notes préparatoires aux romans et nouvelles de la plus célèbre auteure de romans d’enquêtes. On y découvre les idées initiales, les sources d’inspiration, mais aussi les questionnements sur les intrigues et les pistes abandonnées. On y découvre aussi les idées de titres qui n’ont pas été retenues – et l’on sait à quel point le titre est décisif, surtout pour un roman policier !

Ecrit par un admirateur d’Agatha Christie, pour les admirateurs d’Agatha Christie, ce livre peut se lire d’une traite ou par petits bouts. J’ai en effet trouvé quelques longueurs à la lecture de certains carnets (surtout quand ils faisaient référence à des histoires dont je ne me souvenais plus), mais cela n’ôte rien au plaisir de découverte, car la plupart des carnets sont passionnants !

Seul point d’attention, le livre dévoile la solution de très nombreuses intrigues – c’est indispensable pour comprendre le processus créatif, les choix et les hésitations de l’auteure. Si vous avez le projet de lire ou relire certains romans, il vous suffit de sauter la partie qui y fait référence (les romans dont la solution est dévoilée sont cités au début de chaque partie).

Cerise sur le gâteau, le livre s’achève avec deux nouvelles inédites d’Hercule Poirot : l’une, certes inédite dans cette version, a été plus ou moins reprise dans une autre nouvelle ; l’autre en revanche semble bien être une pépite qu’Agatha Christie n’aurait jamais proposée à son éditeur ! Et pour moi qui ai lu « tout » Agatha Christie, c’est une lecture qui a un charme supplémentaire, d’autant que la nouvelle en question est de très bonne qualité !

S 3-3Editions du Masque, 580 pages, 24,50

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« Meurtres haute-couture » d’Astrid Faguer et Maud Gabrielson

MeurtresHauteCouture_RVB-e1662111573247Dans ce livre documentaire très bien fait sont racontées 9 affaires plus ou moins récentes, et plus ou moins célèbres, qui ont entaché le monde de la mode et du luxe. C’est une plongée dans la partie obscure de cet univers de paillettes, entre kidnappings, décès suspects et autres affaires sordides.

Je connaissais (au moins dans les grandes lignes) plusieurs de ces histoires ; d’autres m’étaient totalement inconnues. On y trouve des victimes et des personnages sulfureux, tous mi-anges mi-démons qui ont une vie aussi extra-ordinaire que le milieu dans lequel ils évoluent.

C’est intéressant, le livre se lit comme une succession de courtes enquêtes journalistiques, qui redonnent le contexte, la personnalité des protagonistes, et bien sûr les faits. On sent le gros travail de documentation et de collecte d’informations qui a été nécessaire pour constituer ces récits.

S 3-3Editions Séguier, 224 pages, 20,50€

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« La fabrique du suspense » de Michel Bussi

cdab82b92031363432363735393432333737313837J’ai lu quasiment tous les romans (adultes) de Michel Bussi, et depuis « Nymphéas noirs » j’admire sa capacité à promener des lecteurs dans un récit parfois déstabilisant, mais qui offre toujours une fin réaliste – ce que l’on appelle le « twist ».

Dans cet ouvrage écrit par Michel Bussi, je suis entrée dans les coulisses de son écriture, avec l’impression de lever une partie du voile de la création de romans que j’ai tellement aimé lire.

Le livre donne quelques éléments sur son enfance et ses premiers pas d’écrivain (je vous conseille de lire son texte très drôle sur le 5e Evangile, écrit à l’âge de 12 ans). Il cite aussi quelques auteurs dont il apprécie les romans – et cela me fait toujours plaisir de voir Patrick Cauvin cité deux fois, après tout « Haute-Pierre » est aussi un bon roman pour les amateurs de twist ! J’ai aussi beaucoup aimé les explications très claires sur le twist et les différentes manières de créer du suspense. J’ai replongé avec plaisir dans tous les grands romans de l’auteur, auxquels il fait largement référence et en explique les « trucs » de construction. Attention pour ceux qui ne les ont pas lus, respectez bien les signes qui marquent les spoilers, car l’auteur dévoile toutes ses fins – et ce serait tellement dommage de les découvrir ainsi.

Au passage, l’auteur donne son avis sur ce qu’est un bon livre, et casse les préjugés sur la « Littérature » avec un grand L – et je suis bien d’accord avec lui, moi qui ai lu et aimé plein de « classiques » (Zola, Hugo etc etc) et aime beaucoup me détendre avec des livres plus légers et peut-être plus accessibles – et qu’importe ! J’aime lire et je lis de tout sans préjugé.

Pour l’instant les autres livres de cette collection « Secrets d’écriture » ne me disent rien, mais en revanche je relirai certainement celui-ci.

S 3-3Le Robert / Presses de la cité, 176 pages, 14,90€

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« Relire, repenser Proust » de Kazuyoshi Yoshikawa

Relire-repenser-ProustSous titré « Leçons tirées d’une nouvelle traduction japonaise de La Recherche », ce livre est la retranscription d’un cycle de quatre conférences prévues pour le Collège de France, et qui a été interrompu dès la première en raison du premier confinement en 2020.

Je ne suis pas une spécialiste de Proust, je n’ai même pas lu l’intégralité de « La Recherche ». Mais j’étais très curieuse de voir comment Kazuyoshi Yoshikawa, « expert » japonais de Proust, avait abordé ce texte si emblématique de la littérature française.

Toute la première conférence est absolument passionnante, pour comprendre comment Kazuyoshi Yoshikawa a traduit certains mots en japonais, et les recherches minutieuses et rigoureuses qu’il a menées et qui s’apparentent parfois à de véritables petites enquêtes. Les trois autres conférences abordent des thèmes plus spécifiques.

L’ensemble de l’ouvrage est intéressant, j’ai trouvé la lecture abordable même sans connaître en détail tous les tomes de « La Recherche » (mais il faut quand même en connaître les grands personnages).

S 2-3Collège de France

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« Trois mois sous silence » de Judith Aquien

9782228928304Il y a des livres qui sont d’autant plus nécessaires, indispensables, qu’ils abordent des sujets qui ne sont pas ou peu abordés par ailleurs. C’est le cas de ce livre, dont le sous-titre est « Le tabou de la condition des femmes en début de grossesse ». Son auteure aborde cette période particulière du début de grossesse, qui est à la fois une période de grands bouleversements (physiques et autres), et paradoxalement une période vécue « sous silence ». Peu de femmes annoncent leur grossesse avant la fin du premier trimestre, ce qui leur fait vivre dans une certaine solitude ces quelques mois pourtant fatigants et qui nécessiteraient déjà une bienveillance et une adaptation de la société autour de la femme enceinte.

Le livre est écrit comme un coup de gueule, mais avec sérieux, en s’appuyant sur des études, des témoignages, et en faisant des propositions concrètes notamment à destination des DRH.

L’auteure pointe aussi les énormités qui sont encore dites ou écrites sur les fausses couches (ou la peur de vivre une fausse couche), sur les conseils parfois ahurissants donnés sur des sites internet pourtant de réputation « sérieuse ». Elle élargit aussi son propos, par exemple autour de la douleur (cela m’a fait penser à un excellent documentaire diffusé il y a quelques semaines sur la santé des femmes et la prise en charge médicale de celles-ci).

Tout le monde croise des femmes enceintes, dans son entourage, dans sa vie professionnelle, alors lisez ce livre, il concerne tout le monde (la grossesse est un sujet de société qui ne concerne pas que les parents).

Le livre est écrit avec justesse, avec colère mais aussi avec des petites touches d’humour pour faire quelques raisonnements par l’absurde (lisez les pages sur les « petits maux » de la grossesse !).

C’est un texte utile, à lire, à offrir, à diffuser… Pour que ces trois mois ne restent plus sous silence.

S 3-3Payot, 220 pages, 14€

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« L’Elysée à la plage » de Pierrick Geais

élysée plageVoilà un livre parfait pour l’été, pour faire un tour de France (et plus!) des vacances des Présidents de la 5e République. De la Boisserie au Cap Nègre, de Latche dans les Landes à la Côte d’Azur, chaque lieu en dit long sur le Président qui y a passé ses vacances, mais aussi sur son époque. Des vacances studieuses pour certains ou tape-à-l’oeil pour d’autres, chacun son style.

Le livre ne dévoile aucun scoop mais offre une lecture agréable et sans prétention. Les chapitres sont organisés par ordre chronologique, Président par Président, de De Gaulle à Macron. On retiendra quelques anecdotes, qui font sourire ou s’agacer.

En fil rouge, le Fort de Brégançon, lieu de villégiature présentielle par excellence, a été occupé ou délaissé, selon les époques. Sa récupération forcée par le Général de Gaulle est pour le moins étonnante ; pour le reste les anecdotes sur ce lieu sont souvent déjà connues.

Au-delà des lieux, c’est aussi la question du « droit aux vacances » de nos Présidents qui est posée. Et si l’on peut accepter qu’un Président est aussi un homme (ou un jour une femme ! ;-)) qui a besoin comme tout le monde de se ressourcer, l’époque semble bien loin où les vacances présidentielles s’étalaient du 14 juillet à la rentrée parlementaire de septembre !

S 3-3Ed du Rocher, 224 pages, 17,90€

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« Chère mamie au pays du confinement » de Virginie Grimaldi

mamie confinementSi vous suivez Virginie Grimaldi sur les réseaux sociaux, vous connaissez déjà ces petits billets d’humour, sous forme de courtes lettres adressées à sa grand-mère, qui croquent notre quotidien. Elle en déjà fait un livre, « Chère Mamie » et récidive avec une série de lettres écrites jour après jour pendant le premier confinement.

Qui d’autre que Virginie Grimaldi aurait pu croquer cette période avec autant de perspicacité, ce mélange de gravité et d’humour qui fait la « patte » de l’écriture de cette auteure, et qui est ici à son summum ? Qui d’autre qu’elle pour nous parler de l’école à la maison, des courses au drive, de la couture des masques ? Qui d’autre qu’elle pour jongler avec la peur de la maladie (elle avoue régulièrement son hypocondrie) et les petits bonheurs du quotidien ? En quelques pages bien trouvées, vous allez retrouver ce quotidien qui nous a surpris, et quelque part nous a unis dans une même stupeur. Racontés avec beaucoup d’autodérision, les petits tracas et les angoisses prennent une autre dimension, et soudain on mesure à quel point nous avons partagés un moment d’humanité.

S 3-3Fayard / Le Livre de poche, 5,50€, tous les bénéfices sont reversés à la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France

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« Le mystère Tintin» de Renaud Nattiez

mystère tintinBeaucoup d’ouvrages ont déjà été publiés sur Tintin et sur son créateur Hergé. Alors d’entrée de jeu l’auteur fixe son cadre : il ne parlera quasiment pas d’Hergé, ne s’essaiera pas à une nouvelle théorie psy ni ne lancera des polémiques. Son propos est ailleurs, et vise à analyser ce qui donne le sous-titre de son essai, à savoir « les raisons d’un succès universel ».

Pourquoi Tintin est-il aussi universel ? Comment fait-il pour traverser les générations et plaire partout dans le monde ?

La première phrase du livre est aussi fascinante que déroutante : « J’ai deux familles : la mienne, et les Tintin ».

J’ai lu tous les Tintin, certains plusieurs dizaines de fois, et j’ai longtemps été capable de citer de très nombreux personnages secondaires – vous savez, selon ce petit jeu entre tintinophiles pour essayer de se piéger gentiment les uns les autres ! J’ai un peu laissé de côté la relecture des Tintin ces dernières années, mais j’ai plongé dans cet essai avec d’autant plus de plaisir que cela a été l’occasion de renouer avec l’œuvre d’Hergé par un angle différent.

La première partie du livre est celle que j’ai trouvée la plus intéressante : elle reprend les fondamentaux de l’œuvre d’Hergé, mais aussi le travail sur le rythme, la documentation etc. Bref tout ce qui fait que l’on « accroche » à ces BD sans avoir conscience du travail de construction qui est derrière. La deuxième partie s’attache à analyser davantage la structure de l’œuvre, et j’ai trouvé cette partie moins captivante, parce qu’elle est plus dans l’intellect et fait moins le lien avec mes souvenirs et mes émotions de lectrice.

J’ai quand même appris énormément sur l’œuvre – je n’avais pas exemple jamais mesuré le tournant que représentait « Tintin au Tibet » dans la série d’albums, même si je connaissais l’existence du « vrai » Tchang ami de Hergé. Le livre fourmille aussi de petites anecdotes, comme la présence de Hergé et de sa femme dans plusieurs épisodes (voir page 47 du livre pour les détails).

C’est une prise de recul sur l’ensemble d’une œuvre, avec des points communs et des différences entre albums, et surtout une progression analysée de manière très intéressante des intrigues et des personnages. Parions que tout cela vous donnera envie de rouvrir un album !

S 3-3Les impressions nouvelles, 368 pages, 22€

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«Une farouche liberté» de Gisèle Halimi

farouche libertéJe me souviens très bien comment j’ai découvert le parcours de Gisèle Halimi pour la première fois. J’étais adolescente et fréquentais avec assiduité la bibliothèque municipale ; j’y allais avec une longue liste de livres que j’avais envie de lire et qui n’y étaient jamais, alors j’en choisissais d’autres, souvent au hasard, parce qu’un titre ou une couverture avaient attiré mon attention.

Je ne me souviens plus du livre que j’avais lu, je pense que c’était « Le lait de l’oranger ». Mais je me souviens d’avoir été frappée par le parcours de cette femme, courageuse, tellement engagée, dont je découvrais les combats.

En écoutant «Une farouche liberté», j’ai retrouvé dès les premiers instants d’écoute tout ce qui avait forcé mon admiration dans le parcours de cette femme. Interrogée par Annick Cojean, Gisèle Halimi raconte – par la voix de Françoise Gillard dans la version audio – sa jeunesse, sa prise de conscience de ce qu’implique d’être une femme, les rencontres décisives de son parcours féministe (dont celui avec Simone de Beauvoir) puis les combats qu’elle a menés et son entrée en politique pour continuer à faire évoluer la cause des femmes par d’autres moyens.

C’est passionnant ! J’aurais voulu que cette écoute dure des heures, j’aurais adoré assister aux échanges entre Annick Cojean et Gisèle Halimi, et chaque question posée me donnait envie d’en poser deux autres.

Il est captivant de suivre le parcours de cette pionnière, et surtout que ce soit elle qui le raconte, qui explique les « déclics » mais aussi certaines de ses difficultés. Son récit d’un avortement raté et d’un curetage « à vif » fait froid dans le dos ; j’ai pensé à celui d’Annie Ernaux dans « L’Evénement », qui est un livre qu’on n’oublie jamais.

Françoise Gillard interprète Gisèle Halimi plus qu’elle ne lit ses propos ; elle porte avec sa voix tout l’enthousiasme et toute la révolte de l’avocate, et rend ce livre d’autant plus agréable à écouter.

Gisèle Halimi est décédée en juillet 2020, mais son témoignage doit continuer à être entendu et transmis.

S 3-3Audiolib, 3h21 d’écoute, 18,90€. L’écoute en classe de ce CD est autorisée par l’éditeur.

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« Les énigmes de l’histoire du monde » sous la direction de Jean-Christian Petitfils

énigmes histoire mondeQue vous soyez féru d’Histoire, ou que votre scolarité vous ait laissé un mauvais souvenir des dates à apprendre par cœur, ce livre vous fera passer un passionnant moment de lecture.

En effet, il compile vingt énigmes de l’Histoire du monde, chacune racontée par l’un de ses spécialistes. Autant le dire tout de suite, il y en aura pour tous les goûts, puisque le lecteur voyage de l’Atlantide jusqu’au pont de l’Alma qui fût fatal à Lady Di.

Si quelques unes de ces énigmes m’ont moins intéressée (celle sur Sébastien de Portugal, ou encore celle sur Louis II de Bavière), la plupart sont passionnantes, et rendues accessibles au plus grand nombre. Chaque énigme est retracée en une vingtaine de pages, qui situent le contexte et le point de départ de l’énigme, rappellent les différentes pistes étudiées au fil des années (ou des siècles!) et concluent avec l’état actuel des connaissances.

Parmi les auteurs, certains ferment toute possibilité de questionnement résiduel, d’autres au contraire semblent prendre plaisir à laisser ouvertes plusieurs réponses – et donc à conserver une part de mystère (ce sont ces histoires-là qui m’ont le plus plu, je le reconnais!).

Je connaissais certaines de ces énigmes (l’affaire Anastasia, le suaire de Turin, l’assassinat de Kennedy), mais j’ai aimé voyager dans l’Histoire de cette manière. Un très bon livre pour cet été !

S 3-3Perrin, 416 pages, 21€