Roman

« La collectionneuse de mots oubliés » de Pip Williams

9782265155626ORI« Les mots ont-ils un autre sens pour les hommes et pour les femmes ? Et le cas échéant, est-il possible que nous ayons perdu quelque chose au cours de leur processus de définition ? »

C’est en partant de ces interrogations que l’auteure a imaginé ce roman.

Début XXe siècle, Esme grandit auprès de son père qui travaille au Scriptorium, lieu réunissant des hommes chargés de créer un dictionnaire. Le travail est long, fastidieux. Un jour, Esme découvre que tous les mots ne sont pas traités à l’identique, et que certains sont rapidement écartés : mots « de femmes », mots jugés vulgaires. Alors, à sa manière, Esme va essayer d’y remédier…

Le roman mélange un rythme paisible (le rythme de la construction du dictionnaire, mot après mot, lettre après lettre, pendant des années – avec cet infini travail qui fait que, quand la dernière définition sera écrite, il sera temps de revenir à la lettre A pour actualiser le dictionnaire), et le temps de l’action – celui de Esme qui est une lutte contre l’oubli, celui aussi des suffragettes dont les combats explosent à la même période. Il y a dans la démarche de Esme un mélange d’idéalisme (redonner à certains mots la place qu’ils méritent) et un grand pragmatisme (ses oreilles recueillent des mots assez fleuris). J’ai aimé ce livre pour tout cela, et pour ce joli portrait de femme moderne dans sa démarche, et au charme un peu désuet vu de nos jours, avec ses petites fiches cartonnées qui donnent un charme suranné au roman.

Ce roman est fait pour ceux qui aiment les mots, qui aiment jouer avec, qui utilisent des mots peu courants voire disparus.

Et je ne peux pas conclure cette chronique sans parler de la très jolie couverture, extérieure et intérieure, qui donne aussitôt envie de se plonger dans cette lecture.

S 3-3Fleuve éditions, 432 pages, 22,90€

Roman

« Code 612 Qui a tué le Petit Prince ? » de Michel Bussi

9782266328210ORIJ’aime beaucoup les romans de Michel Bussi, mais j’ai attendu la sortie en poche de celui-ci. Il faut dire que je ne suis pas une inconditionnelle du Petit Prince ; l’ai-je lu trop tôt ou trop tard, je ne sais pas, mais c’est un conte que je trouve trop subtil pour de jeunes enfants, et trop obscur si c’est un livre pour adultes. Allez, ne m’en veuillez pas si vous êtes fans du Petit Prince ! D’ailleurs cela n’est qu’un prétexte de départ pour le roman de Michel Bussi ; que vous connaissiez par coeur des citations du livre de Saint-Exupéry, ou que vous n’en ayiez que de vagues souvenirs, vous pouvez lire ce livre (mais si vous faites partie des rares lecteurs à ne pas connaître du tout le Petit Prince, ça risque d’être gênant quand même).

Le point de départ est hyper original : et si la mort de Saint-Exupéry, restée plus ou moins mystérieuse, devait trouver sa clé dans la mort du Petit Prince lui-même ? Si les deux disparitions n’étaient que deux faces d’un même miroir ? C’est sur cette thématique que vont enquêter Andie et Neven, un duo réuni pour l’occasion. Et pour enquêter, ils vont parcourir le monde pour rencontrer les membres du « Club 612 », un club de passionnés du Petit Prince, chacun ayant sa théorie sur la disparition du petit personnage et de son créateur.

Le roman est bien plus court que les autres romans de Bussi (215 en format poche), ce qui est dommage car certains points auraient pu donner matière à plus de détails, plus de suspense. Il y a quelques trouvailles troublantes et passionnantes, et l’on retrouve tout le talent de Michel Bussi pour bousculer le lecteur, pour nous faire hésiter entre réalité et fiction…

J’ai plutôt été moins séduite par ce roman que par d’autres romans de l’auteur, parce que les pistes ne sont pas toutes exploitées jusqu’au bout, et que l’enquête auprès de chaque membre du « Club » est assez répétitive sur la forme. Mais je lis en filigrane l’admiration de l’auteur vers un autre auteur, créateur d’une œuvre mondialement connu, et par ailleurs insaisissable sur bien des aspects de sa vie. En préparant cette chronique, je me suis aussi souvenue que le premier titre de Bussi était « Code Lupin », un autre « Code », un autre hommage à un auteur admiré. La boucle est bouclée.

S 2-3Pocket, 215 pages, 7,10€

Roman

« Immortelle(s) » de Bertrand Touzet

9782258196605ORIAnna, ex business woman reconvertie en boulangère, découvre qu’elle est atteinte d’un cancer du sein.

Camille, qui vient d’ouvrir un salon de tatouage dans un village, tente de se reconstruire après un deuil.

Deux femmes, deux destins difficiles. Et deux volontés de se reconstruire, physiquement et moralement, d’aller de l’avant.

Si j’ai versé des larmes face à la tragédie de leurs histoires, j’ai aimé aussi le souffle de vie permanent qui émane de ce roman, et en fait un livre à la fois profond et optimiste.

L’écriture est très juste (et merci à cet auteur masculin d’écrire avec une si grande douceur sur les femmes et leurs drames!) ; il y a aussi beaucoup de pudeur dans l’expression des sentiments.

C’est un très beau roman, intense et percutant, mais aussi positif et semé de touches de douceur. A mettre entre toutes les mains !

Si le mot n’est jamais écrit, c’est évidemment un roman de la résilience. Le sujet est traité ici avec une grande élégance, et par ailleurs dans un récit bien construit, sans temps mort, qui happe le lecteur jusqu’à la dernière page.

S 3-3Presses de la cité, 256 pages, 20€

Roman

« Broadway Limited 2 : Un shim sham avec Fred Astair », de Malika Ferdjoukh

9782211234849J’avais adoré le premier tome de « Broadway Limited », l’ambiance insouciante et pleine d’énergie qui s’en dégageait. Dans ce deuxième tome, on retrouve le groupe de filles de la pension Giboulée, toujours en proie aux affres de leur âge, partagées entre des rêves auxquels elles s’accrochent, et un quotidien plus terre-à-terre.

Jocelyn, « le » garçon du groupe, petit frenchie arrivé là par hasard, est moins présent que dans le premier tome. Mais ce sont les mêmes personnages que l’on voit évoluer (ce tome-ci se déroule dans la continuité du précédent, il s’écoule cinq à six mois entre le début de la série et la fin de ce tome). L’histoire est un peu moins légère ; et encore une fois, l’auteure donne un contenu historique à son roman, le plaçant dans la catégorie des romans jeunesse de très (très) bonne qualité. La ségrégation raciale ou la « chasse aux sorcières » anti-communistes ne sont pas masqués par la légèreté des fêtes ou la découverte des progrès technologiques (la télé, le polaroid…).

J’ai un petit peu moins aimé ce tome que le précédent (il y a vraiment trop de personnages), mais cela reste une saga que je vais conseiller pendant longtemps, je le pressens !

S 3-3Ecole des loisirs, 11€ dans la collection Medium + poche

Roman

«Broadway Limited 1 : Un dîner avec Cary Grant », de Malika Ferdjoukh

9782211234993Quel bonheur d’avoir découvert ce roman jeunesse !

Comme souvent, c’est le hasard d’une flânerie dans une librairie qui a mis sur ma route de lectrice cette série.

Dans l’immédiat après-guerre, le jeune Jocelyn quitte la France pour les Etats-Unis. Mais pour les Américains, la confusion est facile, et Jocelyn – prononcez Jocelyne en anglais – se retrouve dans une pension pour jeunes filles ! Et les jeunes filles en question sont d’enthousiastes demoiselles entre 17 et 20 ans, qui se rêvent danseuse ou actrice – et qui en attendant enregistrent des publicités pour des soupes ou des shampooings…

J’ai adoré ce roman plein de fraîcheur, rempli de cette énergie positive de la jeunesse. J’ai passé un excellent moment de lecture, loin de ce que je lis d’habitude, mais contente de suivre ce groupe de jeunes gens pleins de rêves et d’envie.

Le roman est conseillé par l’éditeur pour les 13 ans et +, à mon avis il s’adresse à des lecteurs plus aguerris – parce que le roman est assez volumineux, avec beaucoup de personnages et surtout beaucoup de références à des acteurs ou personnalités que les plus jeunes risquent de ne pas connaître. A noter aussi, les titres des chapitres sont tous en anglais, sans proposition de traduction.

Après cette première lecture, j’inscris déjà le deuxième tome dans mes prochaines lectures !

S 3-3Ecole des  loisirs, collection Médium poche, 11€,

Cosy mystery·Policier·Roman

« Son Espionne royale (tome 9) et les conspirations du palais » de Rhys Bowen

espionne t9« Son Espionne royale » fait partie de ces lectures réconfortantes, que j’aime avoir sur ma table de chevet. Je l’avais acheté dès sa sortie, puis gardé « sous le coude » , et j’ai pris un grand plaisir à le lire ces jours-ci.

Tout ce que j’aime dans la série est présent : Georgie, une fois de plus, est envoyée par la Reine en mission auprès d’un membre de la famille royale. Cette fois-ci, elle tiendra compagnie à Marina, qui doit bientôt épouser un membre de la famille royale, au passé plutôt sulfureux. Or une ancienne maîtresse du futur marié est retrouvée morte assassinée. Qui cherche à nuire à ce futur mariage ? Et pour quelles raisons ?

Comme dans les précédents tomes, Georgie va enquêter en parallèle de la police. Les personnages secondaires ont une place particulièrement bien travaillée dans ce tome : Belinda, l’amie frivole de Georgie, montre une autre facette au lecteur ; l’histoire d’amour entre Gerogie et Darcy O’Mara connaît un rebondissement inattendu ; quant à Queenie, que j’ai parfois trouvé exaspérante dans d’autres tomes, elle reprend sa place de personnage décalé et amusant avec le juste dosage.

C’est un très bon tome dans la série, efficace, avec plusieurs pistes possibles jusqu’à la fin.

S 3-3Robert Laffont, 378 pages, 14,90€

Policier·Roman

«Les sœurs Mitford enquêtent (tome 3) : Un parfum de scandale » de Jessica Fellowes

Un-parfum-de-scandaleLes années ont passé. Diana Mitford, qui n’était qu’un personnage secondaire des précédents tomes, est devenue une jeune femme. Mariée à Bryan Guinness, elle mène une existence aisée, mais se retrouve indirectement liée, à plusieurs années d’intervalle, à plusieurs morts. Si la première avait été clairement identifiée comme accidentelle (la chute mortelle d’une jeune serveuse), la mort suivante, celle d’un ami du couple, paraît plus suspecte.

Je le redis : le titre de cette saga est erroné, puisque ce ne sont pas les sœurs Mitford qui enquêtent, mais leur gouvernante Louisa ! Et c’est donc Louisa, qui navigue entre deux mondes (la « bonne société » qu’elle aimerait tant rejoindre, et le monde des gouvernantes et des nurses) qui essaie de démêler ces histoires sans lien apparent. Il y a plusieurs histoires dans l’histoire, plusieurs enquêtes dont le lecteur comprend vite qu’elles seront liées.

L’histoire est un peu complexe (mais rien de trop non plus), la lecture est assez agréable, mais contrairement à d’autres séries d’enquêtes, il y a assez peu de « fil rouge » entre les tomes. On pourrait presque même les lire sans avoir lu les précédents. Dans chaque tome, l’intrigue concerne l’une des sœurs Mitford en particulier, mais elles sont beaucoup moins présentes que Louisa. J’ai bien aimé cette lecture, mais je ne sais pas encore si je lirai les prochaines.

S 2-3Le livre de poche, 8,40€

Audio·Roman

«Le Grand Monde » de Pierre Lemaitre

Grand MondeQuel talent !

Quand on me demande quel est mon auteur contemporain préféré, je réponds invariablement « Pierre Lemaitre ». J’ai découvert les romans de cet auteur il y a des années, bien longtemps avant son Goncourt, lorsqu’il écrivait des polars (excellents, cela dit en passant).

« Le Grand Monde » est, une fois encore, une réussite. La construction de l’histoire, brique par brique, fait monter la tension romanesque au fil des chapitres. On découvre les personnages, et même ceux que l’on pense avoir cernés dans les premiers chapitres recèlent des surprises jusqu’à la fin du roman. Car le grand talent de Pierre Lemaitre est de combiner, dans un roman à décor historique, une fresque romanesque riche, des personnages d’une belle complexité, et des rebondissements qui, s’ils ne relèvent pas du polar, fournissent au lecteur de beaux revirements de situation. Quant à l’écriture, elle est toujours juste, le choix des mots est précis – j’allais dire « parfait », tant chaque mot semble être à sa place.

J’ai pourtant eu une petite inquiétude en démarrant ce livre, que l’auteur a choisi de situer pendant la guerre d’Indochine. C’est une guerre dont je connais peu de choses, je n’étais pas sûre de réussir à entrer dans l’histoire – et le début du roman comporte beaucoup d’éléments très informatifs, issus d’une restitution presque trop méticuleuse du contexte historique.

Mais pourquoi ai-je douté ? Car une fois le décor bien planté, l’histoire démarre avec force, et la tension ne diminue pas jusqu’aux ultimes mots du roman. L’histoire est celle d’une famille, les Pelletier, savonniers bourgeois habitant Beyrouth, dont les quatre enfants ont quitté le nid et vivent chacun de leur côté : tandis que François a renoncé à de brillantes études pour se lancer dans le journalisme, Jean dit « Bouboule » mène une vie plutôt décevante aux côtés d’une femme qui le rabroue sans cesse ; Etienne, quant à lui, vient de partir en Indochine où son amant a été tué ; sa sœur jumelle, Hélène, moins présente au début du roman, s’émancipe et n’a pas fini d’en faire voir à sa famille… Passionnante histoire que celle de cette famille complexe, dont les vicissitudes n’ont pas fini de vous surprendre.

Depuis « Couleurs de l’incendie », j’ai pris l’habitude de découvrir les romans de Pierre Lemaitre en version audio lue par l’auteur lui-même. Car en plus du talent d’auteur, celui-ci a le talent de lecteur idéal pour lire ses romans. Sa voix, ses hésitations, son incarnation des personnages, donnent un relief particulier au texte. Prévoyez quand même 17h30 d’écoute (!) mais cela vaut vraiment le coup.

S 3-3Audiolib, 17h34 d’écoute, 26,50€ en version CD

Roman

« Le Mystère Jérôme Bosch » de Peter Dempf

9782266282871ORIUn bon livre en appelle toujours un autre, je ne cesse de le répéter. La lecture mène à la lecture. J’avais adoré « Le Mystère Caravage » du même auteur, plongée passionnante dans l’Italie du XVIe siècle et dans la créativité d’un génie.

J’étais très curieuse de lire ce roman sur Jérôme Bosch, dont j’avais aussi entendu beaucoup de bien. Il y a des similitudes entre les deux romans, qui sont construits autour d’une figure forte de la peinture (quoique je reconnais n’avoir rien su de Jérôme Bosch avant d’ouvrir ce livre ! ).

Ce roman-là navigue entre époque contemporaine (un peu) et période de l’Inquisition (90 % du livre). Je n’avais pas trop de références sur cette époque, donc j’ai trouvé le côté historique intéressant. En revanche, l’intrigue, qui a pour point de départ une attaque contre un tableau qui aboutit à la révélation d’une partie cachée, m’a semblé trop classique. J’ai lu ce pitch sur des dizaines d’autres romans… Il m’a manqué du peps, des rebondissements, du suspense (il y en a un peu dans les chapitres qui se déroulent de nos jours, mais pas dans le reste du roman).

Au final, j’ai trouvé la lecture plutôt longue ; j’aurais bien raccourci d’un tiers le roman !

S 1-3Pocket, 544 pages, 8,50€

Roman

« La famille Martin » de David Foenkinos

9782072962325_1_75Le point de départ des romans de David Foenkinos est souvent très original, le pitch me fait souvent envie. Ce roman-là n’échappe pas à la règle : un écrivain en mal d’inspiration décide de prendre pour personnage de son prochain roman la première personne qu’il croisera dans la rue ! Le destin met sur le chemin de l’écrivain une vieille dame, Madeleine, qui lui présente très vite le reste de sa famille. Voilà donc notre auteur au milieu de la famille Martin.

J’avais imaginé un gros revirement de situation, par exemple que l’auteur allait découvrir qu’il était lui-même un objet d’expérimentations, que la famille Martin allait renverser l’histoire et utiliser l’écrivain pour ses propres intérêts. Bref j’avais beaucoup brodé dans ma tête ! Le roman est moins romanesque que ça, une fois passée la mise en situation. On suit les Martin et leur biographe dans le quotidien, et cela génère quelques passages assez ennuyeux, ou du moins quelconques.

L’auteur – le vrai – n’est pas avare de bonnes trouvailles côté formulations, mais même là je me suis lassée de lire autant d’aphorismes.

Ce n’est pas un roman désagréable, mais j’en attendais trop… donc j’ai été déçue.

S 1-3Folio, 254 pages, 8,20€