Roman

« Les intrépides » de Hervé Commère

9782265144088ORIDans l’anonymat d’un tout petit immeuble parisien, il faut attendre un événement grave pour que les locataires se parlent. Et cet événement n’est rien d’autre que la vente de l’immeuble par son propriétaire, auprès d’un promoteur qui le rasera et expulsera les locataires actuels. Or chacun d’entre eux a une très bonne raison de ne pas accepter de partir. Malgré leurs différences, ils vont devoir faire équipe.

J’avais gardé un très bon souvenir de « Sauf », du même auteur. Ici l’histoire est très différente mais j’ai retrouvé la même écriture plaisante. L’histoire en elle-même est assez simple et je me demandais même comment l’auteur allait la faire vivre sur 300 pages. N’attendez pas de grands rebondissements ; en revanche le livre fourmille de trouvailles, d’anecdotes, de récits dans le récit qui sont comme des nouvelles à l’intérieur du roman, qui racontent des morceaux de vie et ont réussi à capter mon attention tout au long des chapitres. C’est le banc de 500kg déplacé pour une amoureuse, la réussite spectaculaire de deux frères devenus des milliardaires du numérique, le chagrin d’une jeune femme orpheline, la passion inavouée d’un homme d’affaires : autant de morceaux de vie racontés avec humanité et humour.

S 2-3Fleuve éditions, 336 pages, 18,90€

Roman

« La gitane aux yeux bleus » de Carmen Sanchez

gitaneSi vous aimez les histoires de femmes, entre « Desperate housewives » et les films de Pedro Almodovar, ce roman est fait pour vous !

Cinq femmes gèrent une petite revue littéraire en Espagne. Elles font partie d’un groupe anglais mais se soucient peu de leurs commanditaires. Et la vie s’écoule paisiblement, la photocopieuse recouverte d’un napperon sert à poser les churros, et quand les enfants de l’une sont malades, le bureau se transforme en garderie. Entre leurs histoires de couples et petits tracas du quotidien, elle n’ont pas vu venir que leur journal allait devoir fermer.

Envoyé par son père, le jeune Atticus arrive pour fermer la boutique. Mais rien ne va se passer comme prévu…

Si le roman se passe sur fond d’enquête (Atticus disparaît et un inspecteur est chargé d’enquêter sur sa disparition), c’est loin d’être la partie importante du roman car le lecteur suit deux histoires en parallèle et sait donc ce qui arrive à Atticus.

L’intérêt du roman repose surtout sur son côté très solaire, son écriture rythmée et aussi enthousiaste que les femmes qui composent cette joyeuse troupe. Impossible de ne pas avoir le sourire en lisant ce roman.

S 2-3Folio, 384 pages, 8,70€

Roman

« Les pantoufles » de Luc-Michel Fouassier

pantouflesImaginez un matin d’un jour où vous êtes pressé, où vous devez passer à la Poste avant d’aller assister à une importante réunion professionnelle. Ce matin-là, il faudrait que tout se passe bien, or c’est justement ce jour-là que vous sortez en ayant oublié vos clés à l’intérieur de votre appartement, et manque de chance… vous êtes en pantoufles.

Vous pourriez courir dans le premier magasin venu, ou tout simplement sonner chez le voisin pour qu’il vous prête une paire de baskets. Mais le narrateur de cette histoire prend une autre décision : il va assumer ses pantoufles. Oui oui, même au bureau.

Le point de départ de l’histoire est cocasse – sans être irréaliste – tout en posant des questions sur le paraître et l’image de soi, ce qu’on assume ou pas dans notre apparence. C’est assez amusant, il y a quelques jeux de mots, et c’est un tout petit livre qui se glisse dans la poche pour passer un moment de lecture léger. Il n’aurait pas fallu plus de pages de toute façon, on fait quand même vite le tour du sujet et les transitions entre les situations sont un peu abruptes.

A lire donc pour ce que c’est, un roman sympa, court et gentiment décalé.

Qu’on peut lire en pantoufles.

S 2-3Folio, 128 pages, 6,50€

Roman

« Le piège » de Jean Hanff Korelitz

9782749171685ORIJ’étais très alléchée par le résumé du roman : un auteur en mal de reconnaissance vole l’idée géniale de l’un de ses étudiants et se retrouve acclamé comme auteur de best-seller. Quand on aime lire, il y a des mots qui font mouche dans un résumé : suivre l’histoire d’un auteur, son enseignement sur un campus, ses mésaventures littéraires.

Le début du livre donne le cadre, malheureusement cela dure trop longtemps. Je me suis plutôt ennuyée pendant les 200 premières pages. Pourtant l’écriture est agréable, l’histoire n’est pas inintéressante, mais quand le résumé me promet un thriller psychologique avec plein de suspense, forcément cela me rend exigeante !

On suit donc Jake, auteur qui s’est fait remarquer pour son premier roman, mais qui n’arrive pas à transformer l’essai. Ses autres romans sont passés inaperçus, il en est réduit à donner des cours à des étudiants qui rêvent de devenir écrivains. Les cours l’ennuient ; seul l’échange avec un étudiant brillant mais prétentieux va provoquer une tempête à retardement : quand Jake découvre quelques années plus tard que l’étudiant est mort sans avoir publié le roman génial qu’il avait en tête, Jake se l’approprie.

En tant que lecteur, on n’arrive pas complètement à le blâmer, car Jake semble de bonne foi. Par contre c’est très frustrant de lire toutes ces pages autour d’une « idée géniale » dont le lecteur ne sait rien. Et quand on comprend plus tard dans le roman en quoi consiste cette « idée géniale »… pour ma part je ne l’ai pas trouvée si géniale que ça, pas si originale…

De la page 200 à la page 300, il y a beaucoup de rebondissements, Jake a écrit son livre, il est démasqué par un mystérieux inconnu, et cela donne du rythme à l’histoire. Je me suis dit « enfin, ça décolle, il se passe quelque chose ! ».

Sauf que vers la page 300 j’avais compris la chute, et les cent dernières pages n’en ont été que la confirmation.

Je reste donc avec un sentiment mitigé, d’un livre à la fois agréable dans son écriture, avec un coeur d’intrigue qui m’intéressait, mais dont le suspense n’a pas été suffisamment exploité pour en faire le roman choc auquel je m’attendais.

S 2-3Le Cherche Midi, 416 pages, 22€

Roman

« Grèves de la fin… » de Eric Vernassière

greves-de-la-fin-image-debredinagesJ’ai la chance de connaître parmi mes amis et connaissances quelques auteurs. Je lis toujours leurs écrits ou romans avec beaucoup d’intérêt et de curiosité, d’abord parce que j’ai toujours plaisir à découvrir un nouveau texte, mais aussi parce que j’aime voir ce que l’auteur que je connais a choisi de mettre de lui dans son roman.

Découvrir le roman d’Eric a été un vrai plaisir. Je connais son amour des littératures – je mets un pluriel car il aime des textes de styles et d’époques variés – j’aime son enthousiasme permanent et sa verve joyeuse, et je voulais voir ce qu’il en mettrait dans son roman.

Dans son roman, j’ai surtout trouvé la plume d’un vrai auteur, qui a des choses intéressantes à dire, qui sait raconter une histoire et tenir le lecteur de page en page, et tout cela avec un style très agréable, érudit et accessible, comme Eric sait d’ailleurs l’être dans la « vraie vie ».

L’histoire est celle croisée de deux jeunes hommes, François en Allier et Yvan en Irlande, qui se battent sans armes mais avec leur conviction et leurs mots pour établir un ordre plus juste entre métayers et propriétaires terriens. Chacun, dans sa quête, sera secondé d’une belle femme – à deux on est plus forts…

Le texte est un voyage historique (j’ai beaucoup appris sur le métayage) et géographique puisque la moitié du roman se déroule en Irlande, cette « terre de colère ». Le roman mêle érudition historique et nombreuses références littéraires

L’écriture est vive, le style très plaisant, et j’ai retrouvé quelques marqueurs qui tiennent à cœur à Eric, comme le débredinoir de Saint-Menoux (allez voir au passage le blog Débredinages de l’auteur!), ou ce joli détail d’écriture qui consiste à parler d’Amitié avec le même grand « A » que celui du grand Amour.

Si ce roman est aujourd’hui auto-édité, il aurait toute sa place dans une librairie traditionnelle.

S 3-3Auto-édition, disponible sur Amazon (broché et Kindle)

Roman

« Le Sanctuaire » de Laurine Roux

product_9782072934025_195x320Lire une histoire de pandémie a pris une autre dimension depuis deux ans, et une résonance particulière.

Dans ce roman, ce sont des oiseaux qui ont apporté une maladie qui a décimé toute une partie de l’humanité. Une famille a fui dans les montagnes ; deux petites filles grandissent dans une bulle hors du temps. L’une d’elle a connu le « monde d’avant », tandis que la seconde ignore tout de ce qu’est une voiture ou même une peluche pour enfant. Les parents ont développé des trésors d’ingéniosité, de récup’ et d’imagination. Le père élève ses filles dans la peur des oiseaux ; la mère a développé une nostalgie proche de la folie.

Ce court roman contient tout un univers, celui d’une petite sauvageonne et de sa sœur, élevées pour la survie et dans une peur farouche de tous les volatiles – j’ai pensé au « Pigeon » de Patrick Süskind.

L’écriture prend aux tripes, émeut, fait frisonner. C’est un texte très fort, publié initialement dans l’excellente maison d’édition « Le Sonneur » et qui est maintenant disponible en poche (chez Folio).

C’est un texte marquant, plus abordable qu’ « Une immense sensation de calme », où l’on retrouve toute la force de l’écriture de Laurine Roux.

S 3-3Folio, 144 pages, 7€

Roman

« Le Complexe d’Eden Bellwether » de Benjamin Wood

lecomplexededenbellwether02ii-hd-572098-380x570J’ai lu récemment un excellent roman psychologique, « Mrs March », et je suis très contente d’en avoir découvert un autre, cette fois-ci chez Zulma.

Oscar est un jeune aide-soignant. Un jour, entendant le son d’un orgue s’échapper d’une église, il entre par curiosité. Il se lie d’amitié avec Eden, le jeune organiste, et sa sœur Iris, dont Oscar tombe amoureux. Mais très vite Oscar découvre que le génie musical d’Eden cache une face plus sombre.

Roman très bien écrit, qui explore à la fois la puissance guérisseuse de la musique, la folie humaine, la maladie et l’espoir, mais aussi des thèmes de société. D’un côté, Oscar, jeune homme simple et responsable, autonome, travaille pour gagner sa vie ; de l’autre, une jeunesse dorée représentée par Eden, Iris et leurs amis, étudiants favorisés, fêtards, intelligents et cultivés, semblent coupés du monde. La confrontation des deux univers est fascinante. Le lecteur peut se mettre à la place d’Oscar, et découvre avec lui un univers à part, et surtout des personnages très complexes. Eden, le musicien brillant, est-il un génie ou un fou ? Sa sœur, Iris, est-elle admirative de son frère, ou croit-elle à l’imposture ?

Ajoutez à ces personnages deux vieux hommes en fin de vie, qui vont être à la fois les passerelles entre ces deux mondes, et une bouée de secours pour Oscar.

Avec une juste dose de suspense, le roman pousse le lecteur dans ses retranchements, et nous oblige à nous interroger sur ce que nous serions prêts à croire ou à accepter face à la maladie ou une blessure. L’écriture est sensible et contribue à faire osciller le lecteur entre réalité et folie. Une réussite.

« Pour ceux qui ont la foi, aucune explication n’est nécessaire. Pour ceux qui ne l’ont pas, aucune explication n’est possible. »

S 3-3Zulma poche, 515 pages, 9,95€

Roman

« Nouvelle Babel » de Michel Bussi

9782258200326ORISi vous pensiez qu’internet avait aboli en partie les frontières, c’est bien peu de chose par rapport à ce que Michel Bussi imagine pour 2097. Les frontières ont vraiment disparu depuis que les humains sont capables de se téléporter. En une fraction de seconde, ils peuvent se déplacer au bout du monde.

Mais l’équilibre de ce monde pourrait être bouleversé depuis que dix personnes ont été assassinée sur leur île privée, et que leur meurtrier a laissé derrière lui plusieurs messages inquiétants. Trois enquêteurs (des personnages bien croqués comme dans tous les romans de l’auteur, avec chacun un tempérament qui le rend attachant à sa manière) sont envoyés sur place. Mais leur enquête va être rendue complexe par un étrange duo, celui formé par un journaliste en quête de scoop et une institutrice nostalgique du « monde d’avant ».

J’ai adoré ce roman à la fois fascinant, inquiétant, qui m’a fait voyager dans le temps mais aussi autour du monde, dans les endroits les plus spectaculaires ou les plus reculés – pas étonnant quand on connaît le passé de géographe de l’auteur. Il est amusant d’imaginer ce monde où avions, voitures, et mêmes vélos n’ont plus leur place ; où l’espagnol, langue des pays du soleil et de la fête, est devenue langue internationale.

Le roman fourmille aussi de clins d’œil au monde d’aujourd’hui (même aux confinements!) et fait aussi réfléchir le lecteur : car si le début du roman montre surtout les avantages de ce monde universel, où l’on peut prendre son petit-déjeuner n’importe où sur la planète, vivre au Japon et travailler en France, petit à petit le lecteur est amené à s’interroger sur les revers de ce monde idyllique.

La fin du roman est plus facilement prévisible que dans d’autres romans de l’auteur, mais cela n’a pas gâché mon plaisir de lecture. Autant vous dire que j’ai dévoré les plus de 400 pages.

Je suis toujours un peu hésitante en commençant la lecture d’un roman d’anticipation : soit c’est caricatural et je n’aime pas du tout ; soit c’est bien dosé et je suis capable de me projeter dans l’histoire. Avec Michel Bussi, une fois de plus, c’est une grande réussite.

S 3-3Presses de la Cité, 456 pages, 21,90€

Roman

« Mrs March » de Virginia Feito

mrs marchDans la catégorie des thrillers psychologiques, « Mrs March » est un très bon cru.

Dès les premières pages, on comprend que Mrs March n’est pas la femme au foyer aussi lisse qu’elle pourrait le laisser penser. Alertée par sa boulangère, qui pense que son mari s’est inspirée d’elle pour décrire l’héroïne prostituée de son nouveau roman, Mrs March est dans tous ses états. A partir de là, le lecteur devient le témoin du quotidien de Mrs March, et le confident de ses interrogations. Qui est vraiment George March, le célèbre écrivain ? Que cache-t-il à sa femme ?

Je me suis posé beaucoup de questions au fil des chapitres ; j’ai plaint Mrs March, je l’ai redoutée, j’ai essayé de la comprendre. La lecture est très addictive, une pelote psychologique que l’on s’amuse à dénouer.

Le personnage de Mrs March est aussi attachant qu’inquiétant ; George son mari écrivain est assez mystérieux, la gouvernante Martha, la boulangère, la voisine, les amis de George, sont autant de personnages qui donnent de la profondeur au texte, et qui contribuent à semer le doute dans l’esprit du lecteur.

La fin n’est pas complètement surprenante, elle est une conclusion assez logique à tout ce que l’auteure a créé au fil des chapitres.

Il en faut du talent, pour écrire un premier roman d’une telle qualité ! J’espère qu’il y en aura d’autres.

S 3-3Le Cherche Midi, 352 pages, 22€

Roman

« L’Hôtel du cygne » de Zhang Yueran

LHôtelDuCygne-375x570Chine, de nos jours.

Yu Ling est nourrice dans une famille très aisée. Elle s’occupe du petit Dada, un garçon gentil mais gâté et sans ami. Avec son fiancé, Yu Ling a organisé un improbable kidnapping de l’enfant, pour obtenir de l’argent en rançon – mais sans faire le moindre mal à Dada, qu’au fond elle aime bien.

Or leur plan est contrarié par l’arrestation du père et du grand-père de Dada – la mère, quant à elle, est partie à Hong Kong, une histoire de botox sans doute…

Seule avec l’enfant, le personnage de Yu Ling évolue progressivement vers plus de tendresse maternelle, et on s’attache à ce duo.

Je ne connais pas la littérature chinoise contemporaine, et comme souvent c’est en faisant une confiance quasi aveugle à Zulma que ce livre avait retenu mon attention – j’adore cette maison d’édition, qui m’a déjà amenée vers d’étonnantes découvertes… et je ne parle même pas de leurs couvertures toujours très belles. En tout cas j’ai bien fait d’aller vers ce court roman, une lecture à la fois plaisante, instructive (sur la Chine aisée) et parsemée de tendresse. Dada, malgré son côté « enfant gâté », est un personnage attachant. Dans son « hôtel du cygne », une tente au milieu du salon, il reçoit toutes sortes d’amis qu’il se crée – jouets et animaux. Quant à Yu Ling, la complexité de son personnage transparaît avec parcimonie, sans cliché ni facilité. En 160 pages, c’est un résultat réussi !

S 3-3Zulma, 160 pages, 17,50€, traduit du chinois par Lucie Modde