Roman

« Le code Twyford » de Janice Hallett

G07688_LeCodeTwyford_CV.inddLes romans avec des messages codés et autres casse-têtes ont souvent beaucoup de succès auprès des lecteurs, qui se mettent à la place des personnages pour résoudre énigmes et codes secrets. Or Edith Twyford, le personnage au cœur de l’intrigue de ce roman, aurait elle-même caché des messages dans ses livres pour enfants – livres interdits depuis longtemps, car jugés immoraux.

Steven Smith, après avoir passé des années en prison, n’a qu’une idée en tête : résoudre l’énigme qu’aurait laissée Edith Twyford pour élucider un autre mystère, celui de la disparition mystérieuse de son ancienne professeure. Il retrouve d’anciens camarades de classe, et les convainc d’enquêter avec lui.

Une fois de plus, cette lecture vient d’un conseil d’une autre bloggueuse. Il est resté longtemps dans ma PAL et je l’en ai sorti récemment, après plusieurs lectures qui m’avaient laissée un peu sur ma faim. J’ai trouvé la forme originale (ce sont des retranscriptions d’enregistrements). J’ai aimé aussi toute la partie de recherche sur le décryptage du code. Mais j’ai trouvé que l’histoire finissait par s’enliser, avec des longueurs. J’aurais préféré, en tant que lectrice, être davantage « challengée », avoir moi-même les énigmes à résoudre, et ne pas juste être spectatrice de l’enquête – c’est un peu frustrant dans un roman à clé. Le dernier quart du roman est vraiment long, on ne sait pas si toutes les réponses ont été données ou s’il faut s’attendre à d’ultimes révélations.

S 2-3Folio, 646 pages, 9,90€

Roman

« Le coloc de Noël » de Lili Malone

9dd1d89d439b7f1e4f3bc3d1d64a8954-detail_page_coverDans mon incroyable calendrier de l’Avent de cette année se cache chaque jour une surprise d’un genre différent. Et dans l’un des paquets j’ai découvert ce roman de Noël. J’ai l’habitude, chaque année en cette saison, de lire un roman à l’ambiance bon enfant, chocolat chaud et gentille romance.

Autant dire que la version 2024 est un peu plus épicée que ce que je lis d’habitude !

Élodie a loué pour les fêtes un chalet avec ses deux meilleures amies. Mais le chalet en question a aussi été loué à trois copains. Ni les uns ni les autres n’ont envie de cette cohabitation, et comme toujours dans ce genre de roman, c’est d’abord un jeu du chat et de la souris qui s’installe entre Élodie et Luc, l’un des trois colocataires inattendus. Mais à force de croiser la jeune femme nue à la sortie de la salle de bains, et de la sauver de situations périlleuses sur les pistes de ski, Luc se laisse attendrir… tandis qu’Élodie se contente très bien de son célibat (et de son sex-toy).

Tout est assez prévisible, et on n’attend pas autre chose… Les amatrices de New Romance vont retrouver tous les codes du genre, l’histoire d’amour et les passages explicites, sur fond – saison oblige – de raclette et de décorations de Noël. Pour ma part, j’ai surtout ri de certains passages amenés un peu vite, comme le passage où Élodie est soulagée de ne pas avoir de cheville cassée et de pouvoir continuer ses cours de pole dance… Au bingo de la New Romance, toutes les cases sont cochées.

S 1-3Addictives Eds, 8,90€

Policier·Roman

« Le fauteuil hanté » de Gaston Leroux

9782253006107-001-TJ’ai eu envie de lire ce roman de 1909 sur les (toujours bons) conseils de mon ami Yves. Le point de départ me plaisait bien : à l’Académie française, les Immortels sont terrorisés depuis que les successeurs au fauteuil de Mgr d’Abbeville meurent mystérieusement, les uns après les autres, au moment de leur discours d’hommage. Plus personne ne voudra candidater, et le siège vacant risque de le rester pour longtemps.

A moins que le salut de l’Académie ne passe par un homme que personne n’attend dans ce rôle… un simple marchand de tableaux, Gaspard Lalouette, qui cache cependant un secret…

J’avais lu d’autres romans de Gaston Leroux il y a fort longtemps : « Le mystère de la chambre jaune » (un classique) ou encore la série des « Chéri-Bibi » (qui a beaucoup vieilli). Dans « Le fauteuil hanté », l’ambiance et les personnages sont aussi datés, mais j’ai aimé entrer dans les coulisses de l’Académie française, avec ses personnalités fantasques et ce mystère autour des morts successives et inexpliquées de plusieurs prétendants à l’Académie.

La fin est un peu étrange, ne correspond pas à ce que j’attendais (même si j’avais flairé une partie de la solution), mais tout finit par trouver une explication.

S 2-3Le Livre de poche, 192 pages, 4,20€

Policier·Roman

« Dans l’ombre d’April » de Ruth Ware

9782265155992ORIDepuis « La disparue de la cabine n°10 », j’ai attendu chaque roman de Ruth Ware avec impatience. J’aime le côté page turner de ses thrillers psychologiques, cette impatience qu’elle crée chez le lecteur de toujours vouloir poursuivre sa lecture – peu importe l’heure, peu importe ce qu’on a à faire.

April est une it-girl, qui souffle le chaud et le froid sur le microcosme des étudiants de Pelham. Sa colocataire, Hannah, est une fille modeste et sérieuse, quand April est riche et dévergondée. Pourtant les deux étudiantes deviennent amies, et la mort d’April plonge Hannah dans le désespoir, d’autant plus que c’est son témoignage qui envoie un homme en prison.

Les années ont passé, et un événement va remettre en cause le témoignage d’Hannah, et obliger celle-ci à repenser son passé sous un autre angle.

Le roman se lit très bien (comme toujours avec Ruth Ware) ; il n’y a pas de temps mort, même si la tension est beaucoup moins forte que dans ses précédents romans. Ce roman se lit plus comme une enquête que comme un thriller. On apprend à découvrir les personnages, et on s’immerge dans le campus où les étudiants se fréquentent dans une ambiance digne du « Cercle des poètes disparus ».

Les allers-retours entre la vie « avant » la mort d’April, et celle « après » (comprenez : dix ans plus tard) sont plutôt bien amenés – et pourtant vous savez combien je déteste les flash-backs dans les romans !

Au final, même s’il est moins addictif que les précédents, c’est un bon roman d’enquête, dans un décor différent de ceux déjà explorés par l’auteure.

S 2-3Fleuve éditions, 496 pages, 22,90€ (reçu dans le cadre d’un partenariat)

Roman

« Un homme qui savait » d’Emmanuel Bove

I23597J’ai tant de livres qui attendent d’être lus près de ma table de chevet, des livres que j’empile au fur et à mesure de mes coups de cœur, des lectures d’autres chroniqueurs, de mes centres d’intérêt et de mes lubies du moment, que parfois j’oublie comment un livre est arrivé là.

J’ai oublié ce qui m’avait donné envie de lire ce livre.

Le pire, c’est que la lecture de ce roman ne m’a pas aidée à m’en souvenir !

Maurice Lesca, retraité dont on ne sait pas grand-chose, vit dans la misère (ou dans une aisance perdue) avec sa sœur Emily – leur cohabitation étant subie plus que voulue. La seule autre femme avec laquelle Maurice discute, c’est Madame Maze, la libraire, pour laquelle il s’est mis en tête de récupérer de l’argent auprès de l’ex mari de celle-ci.

Le roman raconte le quotidien triste et rébarbatif de cet homme. J’ai attendu jusqu’aux dernières pages une étincelle, un sursaut, une révélation qui aurait donné un autre prisme à la vie de cet homme. Rien n’est venu. Alors si le texte est plutôt bien écrit, cela n’a pas suffi à me convaincre : il m’a manqué un rebondissement, ou un éclairage différent sur Maurice Lesca, pour que je trouve le personnage attachant et l’histoire plus captivante.

S 1-3La table ronde, 224 pages, 7,10€

Roman

« Aux marges du palais » de Marcus Malte

PLAT1MargesDuPalais-scaledD’un côté, il y a un palais, une cage dorée dans laquelle vit Aneth, seize ans, héritière protégée qui n’est jamais sortie de chez elle.
De l’autre côté des grilles du palais, c’est un autre monde qui vit : peuple pauvre, affamé, parfois sans domicile. C’est dans cette partie-là du monde que vivent la Baronne, Mo, Zap, La Souris, Doc, autant de marginaux qui se sont regroupés pour partager un logement (et leurs galères). C’est aussi ce groupe-là, mené par la Baronne, qui projette de bousculer le monde établi en s’attaquant à la Tour F le 1er mai.

    « Je veux que tous ces hommes, toutes ces femmes, tous ceux qui se joindront à nous, je veux qu’ils aient l’occasion de se montrer, de sortir de leur trou à rat, de relever la tête, de faire entendre leur voix. Je veux qu’au moins une fois dans leur vie ils puissent hurler : J’existe ! »

L’écriture est riche, pleine de jeux de mots et de doubles sens : c’est un beau travail de précision, qui se déguste pour le plaisir du bon mot, de la petite phrase bien trouvée. Le texte est écrit de façon à créer une certaine proximité entre l’auteur et le lecteur ; l’auteur se met à notre niveau comme s’il racontait cette histoire de vive voix, avec ses commentaires, comme s’il était pleinement concerné par le récit et nous le racontait avec son regard et sa sensibilité. C’est assez efficace pour conserver l’attention du lecteur (malgré quelques longueurs) et le mettre dans la confidence de la préparation de ce 1er mai révolutionnaire. Le royaume de Frzangzwe ressemble beaucoup à une certaine critique de la France (même s’il m’a fallu une bonne partie du livre pour voir le jeu de mot sur le pays!).
La couverture, faut-il encore le mentionner quand on parle de Zulma, est une fois de plus très réussie.
Petit regret, les titres des chapitres sont formulés comme des définitions de mots croisés, et je n’en ai résolu qu’un seul ! Mettre les solutions en fin d’ouvrage aurait été une bonne conclusion.

S 2-3Zulma, 496 pages, 24€ (reçu dans le cadre d’une « masse critique »)

Roman

« L’école des soignantes » de Martin Winckler

ecole-des-soignantesJ’avais été très marquée par « Le chœur des femmes » de Martin Winckler. Quand je l’avais lu, je crois que c’était la première fois que je lisais un médecin, homme qui plus est, décrire avec autant de justesse le vécu des femmes, leur lien avec leur corps, avec la médecine. Il y a tant à dire sur la prise en charge de la santé des femmes – c’est une thématique qui émerge de plus en plus, mais le chemin à parcourir est encore long. Des violences médicales existent encore trop souvent, héritage d’un certain patriarcat et de préjugés en tous genres.

Dans ce livre, Martin Winckler imagine un hôpital où les femmes sont au cœur de la prise en charge – femmes qu’on soigne, et femmes qui soignent. Un homme entre comme soignant dans cet hôpital, et c’est par son regard et son vécu que l’on découvre cet hôpital atypique. Il y a, comme dans les autres livres de Martin Winckler, toujours beaucoup d’engagement, une défense permanente des femmes. Hélas dans ce livre-ci j’ai trouvé les messages peu subtils, les propositions moins nuancées (presque une somme de caricatures qui sonnaient un peu faux à force d’être accumulées). J’ai préféré m’arrêter vers la page 100 (sur plus de 500), et rester sur le bon souvenir de ma précédente lecture.

S 1-3P.O.L, 562 pages, 21,50€

Policier·Roman

« Un dernier verre avant la guerre » de Dennis Lehane

81Jg5x-ejBL._SY466_Aurais-je abordé ce livre de la même manière s’il ne m’avait pas été recommandé ? Probablement pas. Il y a des livres que l’on ouvre avec un a priori positif, parce qu’on nous en a parlé en bien, parce qu’on a envie de se dire qu’on va aimer cette lecture nous aussi.

Heureusement – et j’en viens au fait – cette lecture a été à la hauteur de mes attentes ! C’est le premier tome d’une série consacrée aux détectives Patrick Kenzie et Angela Gennaro, installés à Boston (dans un clocher, bizarrerie de l’histoire).

Si vous avez l’habitude de lire mes chroniques, vous vous dites peut-être : détectives + duo + série = cosy mystery.

Pas du tout.

Ici on est loin des quiches empoisonnées et des jalousies de village. Ici on est dans le glauque, le poisseux, l’Amérique sombre des années 1990. D’ailleurs j’ai trouvé le début un peu daté, avec des détails qui créent une ambiance de vieux film noir, où des politiques véreux font appel à des détectives pour retrouver des documents volés par une femme de ménage. Dans l’Amérique décrite ici, c’est avant tout un combat de classes, les puissants contre les modestes, les Blancs contre les Noirs.

Les deux personnages principaux ne sont pas spécialement sympathiques : lui est désabusé (au début du livre on ne sait pas trop dans quel camp il joue) ; elle est une femme battue dont on ne comprend pas l’absence de révolte. Mais j’ai fini par m’attacher à eux, aux blagues acerbes de Patrick, aux erreurs d’Angela (bien qu’il multiplie les liaisons, Patrick est amoureux d’elle, et elle devient attachante à travers ses yeux à lui).

Il y a quelques scènes assez violentes pendant les affrontements entre gangs de rue ; j’ai lu ces quelques pages en diagonale pour ne pas trop m’y attarder. Tout le reste du roman est bien construit, avec des messages de fond, et un bon équilibre entre la noirceur du récit et parfois des petites pointes d’humour noir qui nous arrachent un sourire et laissent une trêve de quelques pages au lecteur.

Je sais déjà que je lirai le prochain tome (je l’ai déjà réservé à la bibliothèque…), et dans tous les cas je ne regrette pas d’avoir suivi ce conseil de lecture !

S 3-3Rivages, 352 pages, 9,65€

Roman

« Perspective(s) » de Laurent Binet

Capture d’écran 2024-09-29 202901J’étais très intriguée par ce roman dont j’ai souvent vu passer la couverture dans des chroniques de lecteurs. L’histoire se passe à Florence (raison de plus pour me laisser séduire) en 1557. Un célèbre peintre, commandité pour décorer une chapelle, est retrouvé assassiné. Cela faisait des années qu’il travaillait dans le plus grand secret sur cette fresque, alors les suspects ne manquent pas : des religieuses choquées par les peintures de nu, un comparse peintre, un noble…

La bonne idée de ce roman est d’être un mélange de roman épistolaire et d’enquêtes. Les lettres que s’échangent les différents personnages permettent d’identifier progressivement les suspects et de comprendre quelles auraient pu être leurs motivations – jusqu’au dénouement, qui n’est pas totalement inattendu.

J’ai plusieurs fois confondu ou oublié des personnages et ai été obligée de me référer à la quatrième de couverture pour reprendre le fil. J’ai aussi regretté quelques longueurs dans le dernier tiers du roman, et ai fini par m’ennuyer – dommage !

La partie qui explicite le titre « Perspective(s) » est très intéressante, mais hélas elle est arrivée trop tard dans ma lecture et n’a pas suffi à me faire changer d’avis sur l’ensemble du livre.

S 1-3Grasset, 304 pages, 21,50€

Roman

« Le Silence et la Colère » de Pierre Lemaitre

Capture d’écran 2024-09-25 141931S’il y a bien un auteur dont je conseille tout le temps les romans, c’est Pierre Lemaitre. Depuis ses romans noirs jusqu’à la trilogie « Les enfants du désastre » (contenant l’excellent « Couleurs de l’incendie »), j’ai lu à peu près tous ses romans.

Dans « Le Silence et la Colère », on retrouve la famille Pelletier déjà présente dans « Le Grand monde ». Les deux romans peuvent se lire indépendamment, mais ne vous privez pas de les lire dans l’ordre pour apprécier encore plus la singularité des personnages. Il y a Louis, le patriarche (ou du moins est-ce ainsi qu’il se voit) ; François le fils sérieux, journaliste ; Hélène, photographe et pigiste ; et Jean, dit Bouboule, marié à la tyrannique Geneviève. Chaque personnage a de l’épaisseur, chacun à lui seul pourrait porter un roman entier, tant l’auteur développe bien les intrigues autour d’eux. Tout est passionnant à lire : les doutes de François sur l’identité de sa compagne ; l’enquête d’Hélène dans un village promis à la destruction, sa grossesse non désirée à une époque où l’avortement était pénalement répréhensible ; Bouboule, son magasin et ses « dérapages » ; le patriarche et sa lubie de pèlerinage en famille… Et puis Geneviève, terrifiante, mesquine, et ridicule à la fois – elle est le ressort tragique et comique de cette saga. Tout, vous dis-je, tout m’a happée dès la première page et jusqu’à ce que je referme le livre. Il est difficile de résumer un tel roman, dense, bien construit, avec plein de ramifications ; alors faute de mieux, je n’ai qu’un mot : foncez !

S 3-3Calmann-Lévy, 592 pages, 23,90€ (existe aussi en format poche)