Roman

« Le testament du Roc » de Denis Marquet

testament rocQuand j’ai commencé ce gros pavé de plus de 500 pages, je ne pensais pas que cette lecture me passionnerait autant.

Imaginez que l’auteur a écrit une sorte de cinquième évangile : après celles de Matthieu, Marc, Luc et Jean, l’auteur nous propose le point de vue de Pierre. Rassurez-vous si vous n’êtes pas familier des textes religieux : chaque personnage est bien représenté, et bien remis dans le contexte de l’histoire religieuse dans laquelle il s’inscrit.

Prenons l’exemple de Pierre, puisque c’est lui qui est au centre de ce livre. Vous avez sans doute déjà entendu la phrase « tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ». Vous allez comprendre toute la signification de cette phrase dans ce livre.

Autre exemple : vous avez déjà entendu parler de St Pierre, dont on dit qu’il aurait les clés du paradis : eh bien c’est de ce Pierre-là dont on parle.

Pierre est un simple pêcheur, quand il commence à entendre parler de Jésus. Un homme, Iohanan le Baptiseur (Jean le Baptiste), décrit comme un illuminé, presque un fou marginal, immerge les foules en annonçant la venue prochaine du Messie. Les populations se divisent, si certains prennent la suite de Iohanan, beaucoup sont sceptiques : « Le règne de Dieu […] ? Tu parles d’une nouveauté ! Des siècles qu’il est annoncé, on ne le voit jamais poindre ». On touche ici du doigt ce que j’ai adoré dans ce livre. Si l’on connaît plus ou moins les croyances du christianisme, on sait que Jésus sera ensuite entouré d’apôtres, qu’il mourra sur la croix et qu’il ressuscitera. Mais le livre, parce qu’il détaille le contexte des gens simples qui vont entourer Jésus, et parce qu’il sort des formules et des traductions passées dans le langage courant, donne l’impression au lecteur de redécouvrir totalement cette histoire. C’est bizarre de le dire ainsi, mais pourtant il y a du suspense dans ce texte ! C’est un angle extrêmement original que d’avoir pris le parti de raconter comme une histoire « normale » des événements qui ont marqué deux mille ans d’histoire.

Ce qui est très intéressant aussi, c’est que l’auteur revient sur tout ce que Jésus marque comme ruptures, à la fois envers le judaïsme dont il est à la fois l’un des enfants et le vecteur d’une séparation d’avec le christianisme qui va lui survivre ; et aussi rupture envers les romains, qui avaient toujours considérés leurs dieux comme « utilitaires ».

Quant à Judas, il est largement réhabilité ici, lui dont le nom est devenu synonyme de traîtrise au plus haut point. Ici il est considéré – y compris par Jésus lui-même – comme le maillon indispensable pour que s’accomplisse le destin de Jésus.

J’utilise depuis tout à l’heure le nom de « Jésus », mais dans le texte il est appelé « Yeshoua », ce qui aide aussi le lecteur à se détacher des a priori et des connaissances qu’il a déjà, pour redécouvrir l’histoire avec un œil neuf.

L’histoire est racontée dans le cadre d’un cachot, où trois hommes attendent leur condamnation ; l’un deux est Pierre, et les deux autres, d’abord incrédules, vont progressivement se laisser captiver par ce récit hors du commun.

Si la vie de Jésus a inspiré bien des auteurs, des cinéastes, des scénaristes, des créateurs de spectacles ou de comédies musicales, ce livre à la fois fort érudit et captivant de Denis Marquet restera à mon avis comme une référence.

S 3-3Flammarion, 544 pages, 21,95€

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