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« Origines de l’homme, origines d’un homme » de Yves Coppens

Quand j’entame la lecture de mémoires ou d’une autobiographie, quel que soit l’auteur (son métier, son sexe, son parcours), et quelle que soit l’époque à laquelle il a vécu, ma curiosité est guidée par la même question : qu’est-ce qui fait qu’un enfant est devenu un talent, quelles étapes d’un parcours transforment une vie en destin ?… Lire la suite « Origines de l’homme, origines d’un homme » de Yves Coppens

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« L’amour après » de Marceline Loridan-Ivens

aprèsCe livre s’ouvre sur une scène dramatique : lors d’une séance de dédicace, l’auteur perd la vue. Mais aussitôt, au lieu de se lamenter, et bien qu’inquiète, elle rebondit vers la vie. Elle part manger « des petits calamars frits ». Cette étonnante attitude est-elle symbolique du fil conducteur de sa vie, s’accrocher, résister aux blessures ?

L’auteur, rescapée des camps, ouvre une valise qui contient des lettres échangées avec les amours de sa vie. Elle décide d’en retranscrire certaines, en les replaçant dans le contexte de sa vie, et de réfléchir à ce que peut être l’amour quand on a connu l’horreur.

Le rythme de ce texte est très fort dès le début. Je suis très partagée sur ce livre. D’un côté, la thématique principale, sur la capacité à aimer, est fort intéressante. Par petites touches, l’auteur évoque l’horreur connue dans sa jeunesse, et le lecteur mesure la profondeur des cicatrices qui en résultent.

« […] tous les jours qui passent ne sont pas la vie, mais du rabe qu’on a lui a laissé et qu’elle n’a pas le droit de gâcher. » « Je suis une fille de Birkenau et vous ne m’aurez pas. »

Mais d’un autre côté j’étais souvent gênée dans ma lecture par une certaine impudeur à livrer ainsi aux lecteurs les lettres d’amour d’hommes parfois connus et/ou parfois encore vivants (pauvre Edgar Morin). J’avais parfois l’impression de lire les écrits d’une adolescente qui jette en pâture ses amoureux sans bien mesurer la puissance des sentiments en jeu.

« Tout le malheur de l’homme vient de ce qu’il ne sait pas rester enfermé dans une chambre. » (Pascal)

S 2-3Grasset, 162 pages, 16€

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« En camping-car » de Ivan Jablonka

camping carDepuis quelques années, le mot « camping » est régulièrement associé au film de Franck Dubosc, que l’on soit un adepte du camping avec ses places réservées, ses soirées, ses rituels… ou que l’on déteste ça pour les mêmes précédentes raisons.

Ici l’histoire n’a rien à voir, le lecteur est prévenu dès la deuxième page : « Nous avons la chance de voyager, de découvrir des pays […]. Il y a des gosses qui passent les vacances chez eux ou dans un quelconque camping des Flots bleus ». Dont acte.

L’auteur retrace ses étés vagabonds dans le camping-car familial, le combi Volkswagen qui permettait de passer des vacances simples mais de se déplacer partout, y compris à l’étranger, dans ces années où le camping sauvage était encore facilement accessible. Ce mode de vie est bien sûr un rêve pour un gamin ; même si certaines journées sont moins drôles que d’autres, que parfois l’ennui se transforme en d’interminables journées de lecture, c’est un univers propice à la rêverie et au développement de l’imagination.

« Je nous imaginais, avec notre camping-car et quelques ustensiles, capables de déménager du jour au lendemain, de rouler pour ne plus nous arrêter, pour ne jamais nous enraciner ; car se poser c’est attendre, les envahisseurs et les tortionnaires ».

Avec le recul, le petit garçon devenu adulte garde un souvenir tendre et heureux de ces étés-là. Le point de départ du livre est assez classique ; je suppose que vous avez déjà lu des tas d’ouvrages sur des souvenirs d’enfance. Ce qui est intéressant, c’est de voir ce que l’auteur fait de ses souvenirs. Ici, il ne se contente pas de les raconter, il s’en sert pour faire une analyse presque sociologique, il cherche à lier des choix au départ familiaux aux modes de vie et aux influences d’une époque (ainsi le combi familial devient un objet de consommation). Après avoir fait plusieurs récits de voyages, qui ressemblent aux souvenirs que l’on se raconte autour d’un album-photo, l’auteur prolonge son récit par des interrogations, une analyse sur les vacances selon le milieu social, l’époque, et parle aussi de liberté et de l’évolution de l’Europe.

J’ai aimé deux choses en particulier dans ce livre :

D’abord, ce que l’auteur raconte de valeurs acquises au cours de ses vacances : le combi l’a fait devenir « un citoyen européen » grâce à ses voyages, et lui a aussi appris l’écologie (économiser l’eau, se passer d’électricité…).

Ensuite ses souvenirs de vacances sont racontés avec beaucoup de pudeur et de tendresse, notamment envers la figure paternelle, dont le portrait est dressé avec une bienveillance toute filiale.

Ce joli livre vient d’obtenir hier le Prix Essai 2018 des lecteurs de France Télévisions, et je suis fière d’y avoir (un petit peu) contribué !

S 3-3Seuil, Prix Essai 2018 des lecteurs de France Télévisions

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«  Le saboteur » de Paul Kix

saboteurNi biographie, ni roman, ce livre est un peu les deux à la fois. C’est l’histoire (vraie) de Robert de La Rochefoucauld, descendant de François de La Rochefoucauld, le célèbre auteur des « Maximes ».

En 1940, il s’engage dans la Résistance et accomplit avec un immense courage de nombreux actes risqués, dont il se sort presque miraculeusement à chaque fois.

Son histoire personnelle, celle d’un héros, est aussi l’histoire d’un pays en guerre : le château familial est réquisitionné par les Allemands, on écoute De Gaulle en cachette. Robert rencontre d’ailleurs De Gaulle à Londres, mais préfère rejoindre le SOE, le Special Operations Executive de Churchill.

Tour à tour roman historique, roman d’aventures, à la fois plein de rebondissements et parsemé de passages douloureux comme les scènes de torture, le livre bouscule. Le sujet est traité avec réalisme, sans pathos, sans caricature, avec le sérieux nécessaire. J’ai pensé à l’excellente série télévisée « Un village français », par le traitement du sujet, mêlant les grands événements historiques et le quotidien d’un jeune homme dans la guerre.

Personnage courageux, héros qui s’ignore, il finira par reconnaître que la chance lui a aussi sauvé la mise à bien des reprises.

A noter, des citations de Jorge Semprun, belles et violentes : « Et sans doute l’être du résistant torturé devient-il un être-pour-la-mort, mais c’est aussi un être ouvert au monde, projeté vers les autres : un être-avec, dont la mort, éventuelle, probable, nourrit la vie. »

S 2-3Cherche Midi, 400 pages, 21€

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« Ceux qui désirent acquérir la grâce d’un prince» (extraits du « Prince ») de Machiavel

G00145_Ceux_qui_desirent_acquerir_Machiavel.indd« Un classique est un livre que tout le monde veut avoir lu, mais que personne ne veut lire . » J’utilise souvent cette citation de Mark Twain pour justifier de n’avoir pas (encore) lu certains livres incontournables. C’est le cas encore une fois pour « Le Prince » de Machiavel, dont j’ai très souvent entendu parler, dont je connais la destination du récit, mais que je n’avais pas lu – et pas vraiment l’intention de lire.

Les extraits publiés dans la collection « Folio Sagesses »sont un bon compromis pour résoudre cette « flemme ». Dans « Ceux qui désirent acquérir la grâce d’un prince… », on retrouve un condensé d’une centaine de pages de ce fameux texte du « Prince ». Donc soyons précis, je ne chronique pas ici l’oeuvre intégrale, mais uniquement ces extraits.

Première bonne surprise : pour un texte écrit au XVème siècle, je l’ai trouvé très abordable. Bien sûr il fait référence à des princes d’un autre lieu et d’autres temps, néanmoins le lecteur ne perd pas le fil.

Le texte, adressé comme une leçon à Laurent de Médicis, est découpé en chapitres qui suivent une vraie logique d’analyse ; et il suffit de lire les titres des chapitres pour savoir où veut nous emmener l’auteur dans sa démonstration.

Je ne suis pas sûre que ce soit un guide très opérationnel, mais on ne peut s’empêcher de chercher des champs d’application contemporains : dans la vie politique actuelle, et même dans la vie professionnelle, où jeux d’influence et jeux de pouvoir ont encore de beaux jours.

Si le nom de Machiavel est passé à la postérité sous un aspect peu flatteur, à la lecture de ce livre je le trouve plus « stratège » ou « politologue » que « machiavélique » au sens où on l’entend aujourd’hui.

S 2-3Folio Sagesses, 107 pages, 3,50€

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« Le Soldat XXè-XXIè siècle » sous la direction de François Lecointre, chef d’état-major des armées

soldatJe n’aurais pas imaginé que ce livre, si éloigné de mes lectures habituelles, m’intéresse autant. « Le Soldat » : d’emblée le titre place le lecteur sur le terrain de l’armée, de la guerre. Ecrit par un collectif de militaires, de professeurs, de spécialistes de la question militaire, c’est un livre que j’ai eu envie de découvrir car le « soldat », aujourd’hui, ce n’est plus seulement le militaire envoyé dans un lointain pays pour faire la guerre ; c’est aussi ces hommes et ces femmes que nous croisons maintenant tous les jours dans la rue.

Le livre est structuré autour de trois thèmes.

Le premier pose la question de l’engagement, et décrit les valeurs qui les motivent. C’est ce thème-là, tout d’abord, qui m’intéressait : comprendre ce qui motive ces hommes et ses femmes qui s’engagent, et identifier comment le rôle des soldats a évolué en un siècle.

Le deuxième thème se concentre autour de l’action, le cœur de métier, et analyse comment la technologie a fait bouger les lignes.

Le troisième thème, enfin, parle de la « vie d’après » et du retour au quotidien des militaires qui ont participé à un combat.

Après seulement quelques pages de lecture, j’étais déjà complètement plongée dans le livre, et j’ai sorti mon crayon de papier pour en souligner des passages qui m’interpellaient, des thèses que je trouvais intéressantes. Lire la suite

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« La Grande Arche» de Laurence Cossé

Ce livre est passionnant. Voilà, si vous n’avez pas le temps de lire l’intégralité de ma chronique, au moins saurez-vous qu’il ne faut pas passer à côté de cet ouvrage. Retracer l’histoire de la Grande Arche de la Défense pourrait s’apparenter à écrire un ouvrage d’architecture. Or ce projet a vécu tant de rebondissements, de… Lire la suite « La Grande Arche» de Laurence Cossé

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« Street Paris » de Simon Pradinas

Street ParisN’imaginez pas que ce livre remplacera votre plan de Paris si vous êtes perdus dans la capitale. « Street Paris » regroupe certes les plans de 45 quartiers parisiens, mais ce sont des plans artistiques, qui mettent en lumière les immanquables des divers arrondissements. On voit ainsi surgir le Sphinx et la Joconde du quartier du Louvre. Vous pouvez d’ailleurs feuilleter des extraits du livre sur le site de l’éditeur, ce sera plus parlant car c’est un livre très visuel, coloré et graphique.

La lecture est très agréable, la forme alterne les fameux plans d’illustration et des anecdotes historiques ou décalées sur le quartier. On n’évite pas malheureusement quelques clichés, qui font que je n’ai pas toujours retrouvé ma propre vision de ces quartiers, mais après tout c’est la vision subjective de l’auteur.

Il faut feuilleter le livre au fil de ses promenades dans Paris, ou pour les non-parisiens s’en servir pour imaginer une future visite de la capitale. J’ai pour ma part été plus naturellement attirée par la lecture des chapitres sur les quartiers que je connais déjà, pour confronter ma perception à celle de l’auteur. Ne passez pas à côté de l’avant-propos qui explique bien la démarche de Simon Pradinas et sa méthode. En filigrane, bien sûr, il y a un véritable amour pour Paris : « sur chaque bout de trottoir il s’est passé quelque chose d’unique. » Rien que ça.

S 2-3Chêne, 160 pages, 19,90€

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« Créer ses jardins de peintres » de Philippe Collignon

Créer ses jardins de peintres« Créer ses jardins de peintres » : voilà un programme bien alléchant pour quiconque aime flâner au milieu des fleurs ou des arbres ! Le principe du livre est prendre pour point de départ un tableau qui fait la part belle à la nature ; de décortiquer les essences peintes sur le tableau ; et de faire ensuite un zoom sur ces plantes et leurs familles, en conseillant le jardinier sur les meilleures associations et sur leur entretien.

Claude Monet est évidemment présent à plusieurs reprises dans cet ouvrage ; on y trouve aussi Caillebotte, Renoir -les autres ont été pour moi des découvertes.

Par exemple si vous voulez agrémenter un mur ou une palissade avec des plantes grimpantes, le livre vous présente les plus connues, et donne des conseils pour faire les bons choix décoratifs sans nuire aux vieilles pierres.

Vous découvrirez aussi des plantes médicinales de base, mais aussi les rosiers, des vivaces, des bulbeuses, … Le grand point fort de cet ouvrage est de proposer une grande variété de propositions florales. J’aurais bien aimé d’ailleurs voir un jardin ou une parcelle réalisée « en vrai » sur la base de l’inspiration de l’un des tableaux.

Le livre ne se lit pas comme un roman : je vous conseille d’observer déjà les tableaux qui vous plaisent, ceux qui vous inspirent le plus, et de vous laisser conter ensuite la construction d’associations qui devraient faire un rendu similaire. Bon, bien sûr ce sera compliqué de rivaliser avec les jardins de Monet… Mais cela ne retire rien à cet ouvrage très agréable qui devrait donner aux jardiniers de belles idées à planter !

S 2-3Ed. Le Chêne, 208 pages, 29,90€

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« Le petit livre des arbres » de Dominique Pen Du

Le petit livre des arbresEn ces périodes de forte chaleur, il est un bon réflexe : celui de rechercher l’ombre protectrice d’un arbre. Si, pendant votre sieste, vous levez le nez pour observer l’arbre au dessus de votre tête, vous aurez peut-être envie d’en savoir plus sur celui-ci. Avec « Le petit livre des arbres », le lecteur découvre l’histoire et les symboles associés à plus de soixante-dix arbres, des plus connus (le chêne, le platane, le marronnier …) aux plus inattendus (le santal, le sumac, le dragonnier…).

Chacun de ces arbres se voit consacrer une double page : celle de gauche est consacrée à texte court mais complet, reprenant les caractéristiques de l’arbre (son feuillage, son implantation…) ainsi que les anecdotes ou les mythes qui y sont associés. Le livre fourmille d’informations curieuses, étonnantes, et qui vous feront sans doute regarder les arbres différemment lors de votre prochaine balade en forêt.

Chaque page de droite est quant à elle dédiée à une illustration ancienne autour de l’arbre. Ces images plaisantes donnent un vrai charme à ce petit livre, mais quel dommage que leur format paysage oblige à tourner le livre systématiquement !

Enfin, que les novices se rassurent : une introduction riche en informations permet de comprendre comment les arbres sont apparus sur Terre, et comment ils se sont inscrits dans l’Histoire des hommes et de celle du commerce. Le livre, publié dans la même collection que « Le petit livre du langage des fleurs », est à la fois plaisant et instructif, on y pioche des informations au gré de ses promenades ou de ses curiosités.

S 2-3Le Chêne, 176 pages, 14,95€