Roman

« L’énigme de Turnglass » de Gareth Rubin

Capture d’écran 2025-03-19 205746Ce qui fait qu’on choisit un livre tient parfois à des critères bien différents. Un résumé qui donne envie. Une jolie couverture qui nous fait de l’œil. Un conseil d’un autre lecteur qui titille notre curiosité. Et parfois c’est la forme du livre qui crée l’envie de lecture. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai choisi de lire « L’énigme de Turnglass ».

Le concept ? Prenez le livre d’un côté, et lisez l’histoire. Tournez le livre, et vous en lirez une deuxième. Les deux récits ne sont pas indépendants, ils se complètent et se répondent.

J’ai commencé par le côté vert, qui se déroule en 1881 en Angleterre. Simon Lee, médecin, est appelé au chevet d’un oncle en fin de vie, Oliver, qu’il n’a jamais vu. Arrivé à Turnglass, l’étrange demeure où vit l’homme malade, Simon découvre avec stupeur qu’une femme vit enfermée dans une pièce de verre.

L’autre côté, le côté rouge du roman, se déroule aux États-Unis en 1939. Ken est un jeune acteur qui se lie d’amitié avec un écrivain célèbre, Oliver Tooke, dont le dernier roman s’intitule… « L’énigme de Turnglass ».

C’est à partir de ces « coïncidences » (entre lieux, entre personnages) que le lecteur se fait chatouiller le cerveau pour comprendre comment s’articulent ces deux histoires qui n’ont pas l’air d’avoir d’autres points communs – mais bien sûr elles sont complètement liées, et je vous rassure vous aurez à la fin toutes les réponses que vous attendez.

J’ai trouvé le concept de livre « tête bêche » très ludique. Le côté vert est complètement addictif et m’a tenue en haleine pendant un long temps de lecture sans pause. Le côté rouge est plus classique dans la structure et dans l’histoire, j’ai été moins happée par cette partie, si ce n’est par l’envie d’avoir le fin mot de l’histoire.

En théorie on doit pouvoir lire l’un ou l’autre côté en premier, mais je trouve vraiment plus pertinent de commencer par le côté vert (c’est-à-dire l’histoire la plus ancienne). Le côté rouge (plus récent) donne des réponses, et surtout il fait souvent référence au côté vert (qu’il est donc préférable d’avoir déjà lu).

Et vous, par quel côté avez-vous commencé ce livre ? Cela vous a-t-il paru logique pour la suite de votre lecture ?

S 3-310/18, 464 pages, 22€

Cosy mystery·Policier·Roman

« Les enquêtes d’Hannah Swensen (tome 12) : Meurtres et chaussons aux pommes » de Joanne Fluke

Capture d’écran 2025-03-11 020119La première question que je me pose en pensant au prochain tome des enquêtes pâtissières d’Hannah Swensen, c’est le nom du gâteau qui sera mis à l’honneur dans le titre. Après diverses tartes, un pudding, un carrot cake, un cobbler aux pêches (une découverte pour moi), un cheesecake, des muffins et j’en passe, voici donc le quart d’heure de gloire des chaussons aux pommes !

Hannah et son associée Lisa doivent en effet en confectionner des centaines pour un gala de charité. Hannah, d’ailleurs, ne se réjouit pas de participer à ce gala, où elle doit au pied levé remplacer l’assistante d’un magicien. Le gala vire au cauchemar quant le Monsieur Loyal du spectacle, qui n’est autre qu’un ex d’Hannah, est retrouvé assassiné.

Dans ce douzième tome, j’ai très vite eu l’impression que j’allais prendre des nouvelles d’une vieille copine : voir comment avançaient ses amours (toujours entre Mike et Norman), m’intéresser aux nouvelles recettes qu’elle propose dans sa pâtisserie, dire bonjour à sa mère et ses sœurs, et passer une main sur le dos de son chat Moshe.

La victime était déjà apparue dans un précédent tome, mais je n’en avais pas souvenir – et contrairement à mes premières craintes, cela n’a pas été bloquant pour ma lecture.

Certaines recettes, comme d’habitude, donnent faim et vous feront sans doute sortir la plaque à pâtisserie.

Quant aux prétendants de Hannah, si Mike apparaît plus sincère que jamais (et lucide sur ses travers), Norman est quant à lui plus distant – il vous faudra attendre les toutes dernières lignes du roman pour en connaître la raison.

S 3-3Le Cherche Midi, 360 pages, 15,90€ (partenariat)

Roman

« Le code rose » de Kate Quinn

Le-Code-Rose-Grand-Prix-du-Roman-Historique-2023J’ai abordé ce livre comme un roman historique, et je me suis trompée. Il est bien plus que ça.

Oui, il y est question de la Seconde Guerre mondiale. Oui, le roman retrace la vie de « casseurs de codes », esprits brillants recrutés pour déchiffrer des messages codés, si précieux en temps de guerre.

Mais il y est surtout question d’amitié, d’émancipation féminine, de coopération vers un but commun. C’est passionnant, et les 700 pages ne doivent surtout pas vous rebuter, tant l’histoire est prenante.

Osla est une jeune femme de bonne famille ; Mad une fille des quartiers malfamés, maltraitée par la vie. Toutes deux sont recrutées par Bletchley Park pour contribuer à l’effort de guerre. Si elles ne sont officiellement que secrétaires, elles contribuent en réalité à décoder des messages secrets défense. A leur suite est recrutée Beth, la fille de leur logeuse. A peine sortie de l’adolescence, et totalement dévouée à sa mère, Beth utilise son esprit logique hors du commun pour craquer les codes les plus retors – et se libère en même temps du joug familial.

Elles sont donc trois, différentes, complémentaires, attachantes chacune à sa manière, et j’ai adoré suivre leurs aventures au sein de Bletchley Park et en dehors, leurs victoires contre les codes, leurs déboires sentimentaux, leur capacité de résistance et de reconstruction. C’est un très beau roman qui rend hommage à des femmes qui œuvrèrent dans l’ombre et gardèrent le secret de leur activité, quel qu’en ait été le coût pour elles. Ne refermez pas ce livre sans lire la note de fin de l’auteure, où elle raconte la genèse de ses personnages et ses sources d’inspiration.

S 3-3Hauteville, 744 pages, 8,90€

Roman

« Nage libre » de Jessica Anthony

9782749181943ORIDans les États-Unis des années 1950, Kathleen et Virgil forment un couple parfait… en apparence. Lui est représentant dans les assurances ; elle est une ancienne joueuse de tennis de haut niveau. Ils ont deux enfants, vont à l’église le dimanche, et monsieur joue au golf.

Mais les apparences sont parfois trompeuses, et il n’est parfois pas nécessaire de gratter beaucoup le vernis pour découvrir un quotidien moins lisse qu’il n’y paraît.

Dans ce petit roman de moins de 150 pages, l’auteure réussit à nous immerger dans cette Amérique de film où madame prépare le dîner pour la famille, tandis que monsieur sort boire un verre le soir avec ses collègues et les retrouve sur un green le week-end. Et quand l’épouse décide de bousculer les habitudes et de passer son temps dans la piscine de l’immeuble, en plein mois de novembre, on comprend qu’il se passe quelque chose, que la roue bien huilée du quotidien est soudain grippée. Les révélations s’enchaînent, dans une écriture vive et sans temps mort. L’auteure croque avec justesse et efficacité les personnalités de l’épouse et du mari, chacun englué dans ses habitudes et dans ses erreurs, jusqu’aux dernières pages qui mettent un point final à la crise – on laissera chaque lecteur juge de la fin choisie par l’auteure.

S 2-3Le Cherche Midi, 144 pages, 18€ (partenariat)

Roman

« Les braises de Patagonie » de Delphine Grouès

9782749181806ORIEn 1958, Valentina est l’une des rares femmes médecins à exercer sur les terres hostiles de Patagonie. Nous la suivons dans ses périples en pleine nature sauvage, forte contre les éléments, à la rencontre d’hommes qui la considèrent avec plus ou moins de respect.

En 1988, Luis enterre sa mère au Havre. Au-delà du chagrin, c’est un moment d’introspection qui lui rappelle à quel point cette femme est restée secrète toute sa vie. Un banal rendez-vous chez le notaire va lui ouvrir des perspectives de compréhension du passé.

A travers deux vies (dont on saisit assez rapidement comment elles seront reliées), on explore cette terre sauvage, dure, mais passionnante aussi, qu’est la Patagonie. On entrevoit aussi quelques axes historiques sur le Chili du XXième siècle. Le roman entremêle descriptions courtes de la nature locale, points historiques, et récit familial. La notion de transmission est évidemment très présente, mais sans pathos, plutôt prise sous l’angle de la compréhension et de la résilience.

S 2-3Le Cherche Midi, 256 pages, 20,90€ (reçu dans le cadre d’un partenariat)

Fantasy·Roman

« Janua Vera » de Jean-Philippe Jaworski

Capture d’écran 2025-02-12 130230J’ai ouvert ce livre avec beaucoup de curiosité, intriguée de découvrir un univers nouveau pour moi, sans savoir à quoi m’attendre (ni sur le fond, ni sur la forme).

Les dix nouvelles qui composent cet ouvrage sont toutes très bien écrites, dans un style précis mais accessible (modulo 1 ou 2 histoires avec un vocabulaire très spécifique), utilisant toujours le juste mot pour décrire le détail d’une tenue, restituer une ambiance, saisir la complexité d’une personnalité.

L’auteur a créé tout un univers autour du Vieux Royaume, dont il a imaginé une chronologie (complexe) disponible en annexe, et raconte dans chaque nouvelle l’histoire de personnages très variés, des combattants ou des servantes, sur fond de galanterie, de vengeance, de songes voire de magie. La petite mélodie de l’écriture crée un lien entre les différents récits, qui pourraient se lire indépendamment les uns des autres – j’ai d’ailleurs lu ce roman par petits bouts, comme on croque des carrés de chocolat sans dévorer la tablette en une seule fois. Les légendes et les croyances qui parsèment le livre donnent à certains textes des airs de contes, même si le cahier des charges d’une nouvelle (un texte court, et une chute inattendue) est toujours bien respecté. Les fins de chaque texte sont en effet surprenantes, et ponctuent joliment chaque récit avant d’entamer le suivant.

Même si ce livre n’est pas dans mon univers naturel de lecture, j’ai été touchée par la dimension intemporelle de ce que vivent les personnages, les guerres de conquêtes de territoires, les rêves et les croyances, la paternité,…

Ne manquez pas les annexes qui donnent un éclairage complémentaire au contexte, et démontrent l’imagination foisonnante de l’auteur.

S 3-3Les moutons électriques éditeur, 413 pages

Roman

« Pussy suicide » de Rosanna Lerner

Capture d’écran 2025-01-30 191322Ottessa n’a que seize ans, mais une vie sexuelle déjà très active. Oscar lui fait tourner la tête, mais elle ne sait pas nommer cela amour. Elle collectionne les rencontres, les aventures d’un soir où même les prénoms ne sont pas dits. Avec sa copine Chloé, aussi paumée et délurée qu’elle, elles sortent en boîte, draguent des hommes de tous âges, se perdent.

Vous l’aurez compris, c’est un roman qui parle de destruction, de gamines désorientées pour lesquelles le sexe est un exutoire. Le vocabulaire est cru, les scènes sont très explicites.

Mais le récit est froid, les scènes s’enchaînent sans grande nuance, et la pitié que j’ai ressentie au début pour Ottessa s’est vite éteinte. Tous les ingrédients étaient réunis pour que le roman soit percutant, troublant, dérangeant ; pour que l’on tremble pour Ottessa quand elle se met en danger, pour qu’on ait envie de la sortir de la spirale infernale dont elle est prisonnière. Pourtant cela n’a pas fonctionné pour moi, je n’y ai vu qu’une accumulation de scènes prévisibles, sans nuance dans les émotions. Même la fin ne va pas jusqu’au bout, comme un ultime renoncement à faire de ce roman davantage qu’un livre qui sera vite oublié.

S 1-3Grasset, 224 pages, 19€ (livre reçu dans le cadre d’une opération « Masse critique »)

Roman

« Mon cœur a déménagé » de Michel Bussi

J’ouvre toujours les romans de Michel Bussi avec la curiosité de voir où l’auteur va m’emmener, dans quel labyrinthe habilement construit il va me perdre, et dans quels pièges je vais tomber.

9782266347105ORISes romans à « twist » (pour reprendre le terme que l’auteur utilise) sont inégaux, il y en a certains que j’adore et d’autres que j’ai trouvés moins surprenants. Celui-ci fait partie de ceux qui sont plutôt réussis, pas complètement révolutionnaire mais avec pas mal de rebondissements jusqu’aux dernières pages (et aussi des rebondissements intermédiaires, ce qui est encore mieux).

Ophélie, sept ans, vit dans un climat familial toxique : son père, alcoolique et drogué, est violent avec sa mère… jusqu’au jour où celle-ci est retrouvée morte. Le mari est accusé, emprisonné, et Ophélie est placée dans un foyer. Elle est persuadée que le travailleur social qui accompagnait sa mère aurait pu la sauver. A partir de là, elle n’aura qu’une idée en tête : le retrouver et se venger de lui.

On suit Ophélie jusqu’à l’âge adulte, dans une quête pleine de détermination où la vengeance est construite pierre par pierre, réfléchie, et donc redoutablement efficace.

Sur fond de drame familial, et tout en mettant sous les projecteurs les violences faites aux femmes et les féminicides, Michel Bussi entraîne son héroïne dans une trajectoire de vengeance bien menée.

Il n’oublie pas au passage quelques clins d’œil à ses références préférés, que ses lecteurs assidus ne manqueront pas de relever : Rouen, Saint-Exupéry, et bien sûr un extrait de chanson en guise de titre.

S 3-3Pocket, 480 pages, 9,20€

Roman

« Sous le compost » de Nicolas Maleski

9791033904687J’aime bien l’humour grinçant, le second degré, les histoires dont on ne sait pas tout de suite si elles seront drôles ou sombres – ou les deux. « Sous le compost » remplit tous ces critères. Son titre, déjà, ne laisse pas indifférent et m’a fait imaginer plein d’histoires, plein de chemins possibles pour ce roman.

L’histoire est celle de Franck et Gisèle, un couple uni qui vit dans un petit village. Elle mène une brillante carrière de vétérinaire ; il est écrivain de seconde zone et avant tout père au foyer et cultivateur de potager à plein temps.

Lorsqu’une lettre anonyme informe Franck que sa femme le trompe, il aurait pu la quitter, ou s’effondrer – et cela aurait été un tout autre roman. Mais Franck décide de prendre le contre-pied de cette tromperie, et de tromper à son tour sa femme avec celle de l’amant supposé. Passé l’effet de vengeance, il va se retrouver dans une situation de plus en plus difficile à gérer…

Avec un second degré très bien amené, l’auteur nous propose un roman qui balaie une grande diversité de situations qui mettent en scène les rapports humains, bien au-delà des relations de couple qui sont à la base de l’histoire : les amitiés de village, les jalousies professionnelles, et même le quotidien avec les enfants. Franck est tour à tour la victime et le coupable, il retourne les situations avec aplomb et une certaine dose de cocasserie.

C’est irrévérencieux, et cela m’a plu.

S 3-3HarperCollins, 256 pages, 7,50€

Roman

« Le roman de Marceau Miller »

Capture d’écran 2024-12-26 102943Marceau Miller est un écrivain à succès. Lorsqu’il meurt pendant une session d’alpinisme à mains nues, sa veuve ne peut se résoudre à considérer sa mort comme un accident : elle est persuadée qu’il a été tué.

Mais qui était donc Marceau Miller ? Quels secrets cachait-il ? Et ses amis, Karen l’associée de sa femme, Rollin et Alexis ses copains de jeunesse, en savent-ils plus qu’ils ne le disent ?

Le roman commence avec une mise en abyme qui place aussitôt le lecteur dans une ambiance très particulière : Marceau Miller est censé être l’auteur du livre que l’on a entre les mains, et il raconte la scène de sa propre mort… Evidemment tout n’est pas cohérent dans cet angle de vue, mais cela donne un rythme très vif à la lecture dès les premières pages. Tout le roman est bien cadencé, les chapitres sont courts et l’histoire progresse avec efficacité. J’ai retrouvé un peu l’esprit des romans de Joël Dicker (avec moins de complexité dans la construction), notamment à travers les personnages qui mènent une vie à l’apparence parfaite, dans de belles maisons au bord du lac Léman, mais qui cachent des failles que le lecteur découvre peu à peu.

S 3-3Ed. La Martinière, 400 pages, 20,90€. Parution à venir le 17 janvier 2025. Merci aux éditions La Martinière de me l’avoir fait découvrir en avant-première !