Le livre :
Ne vous fiez pas au titre un peu décalé : il y a de la « vraie » philosophie dans ce livre de Marcel Conche. Professeur émérite de philosophie à la Sorbonne, aujourd’hui âgé de 94 ans, il nous propose dans « Epicure en Corrèze » un livre inclassable, mêlant souvenirs et pensées philosophiques. Il est capable de passer en une page du récit d’anecdotes de son enfance et de l’épluchage des châtaignes à la notion de temps vue par Kant.
Cela peut dérouter le lecteur, mais pour ma part j’ai aimé ce mélange touchant, qui aide à comprendre comment le petit garçon de la campagne a cheminé vers la philosophie, lui qui a raté une bourse d’études car il était incapable de disserter sur « les bruits que fait le laitier le matin », vivant à la campagne et n’ayant pas besoin du laitier…
Il lit Kant tout en assurant les travaux des champs, raconte sa jeunesse avec une honnêteté pleine de fraîcheur et qui est sans doute due à son âge. Il est ainsi capable d’assumer de ne pas s’être engagé dans la Résistance pendant la Seconde guerre mondiale, et raconte avec sincérité combien il avait besoin que ce soit son père qui lui interdise d’y aller.
Et puis il parle de Montaigne et d’Epicure, loin des clichés que l’on utilise au quotidien sur cette philosophie. Au fil des pages, le livre devient plus profond et ouvre des réflexions philosophiques sur la vie et la mort, sur la notion de « mal absolu », le tout ponctué de petites pensées qui font sourire et équilibrent le contenu du livre. « Si je choisissais de mourir volontairement, j’opterais pour un moment où je ne risquerais pas d’être découvert trop tôt : on serait fichu de me réanimer trop tôt […]. Je ne choisirais donc ni le jour où vient mon aide-ménagère, ni le dimanche parce que mon fils me téléphone à 18 heures. »
Le ton est donné : la philosophie, oui, mais accessible et ancrée dans les préoccupations du quotidien.
Mon conseil : une bonne entrée en matière qui donne envie d’approfondir certaines notions avec l’auteur (notamment sur le temps et sur le « mal absolu », c’est-à-dire le mal que rien ne peut expliquer ni justifier).
Folio, 6.50€, 192 pages
Le « mal absolu », si je me souviens bien, est un concept expliqué par Hanna Arendt dans Le système totalitaire.
Après quelques rapides recherches, je n’ai pas trouvé s’il s’agit du même concept que le mal radical de Kant.
Peut-être qu’un philosophe qui passerait par là pourrait nous éclairer ?