Audio·Roman

« Une nuit particulière » de Grégoire Delacourt

Capture d'écran 2023-11-17 175407Il y a toujours dans les romans de Grégoire Delacourt un mélange de douceur et de gravité, et « Une nuit particulière » est construit avec ces mêmes ingrédients. Les deux personnages, Aurore et Simeone, se rencontrent une nuit de désarroi. Aurore vient d’être quittée par son mari, le grand amour de sa vie, et cherche du réconfort ; elle trouve Simeone sur son chemin, et ensemble ils vont vivre quelques heures inattendues, construites sur des douleurs et une quête de survie parmi les épreuves de la vie.

La bonne idée de cette version audio est de faire une lecture à deux voix (celle d’Aurore, celle de Simeone), parfois en duo, parfois dans des chapitres à une seule voix. La voix de Simeone contraste beaucoup avec celle d’Aurore, ce qui surprend un peu au début de leurs échanges, mais prend tout son sens dans la deuxième partie, dont il est le personnage principal.

C’est une lecture toute en douceur, avec un mélange de mélancolie, de profondeur et d’amour, qui s’écoute volontiers le soir dans la quasi-pénombre pour être complètement dans l’ambiance de cette nuit hors du temps.

S 3-3Audiolib, 3h46 d’écoute, 20,90€ pour la version CD

Manga

« A la recherche du temps perdu », adaptation en manga par le collectif Variety Artworks d’après Marcel Proust

9782302064089-001-XMa découverte de l’œuvre de Proust est assez originale. Pour ceux qui n’ont pas suivi mes précédentes chroniques, j’avais d’abord commencé par lire le texte original, qui m’est tombé des mains et que je n’ai pas rouvert pendant des années. Puis j’ai découvert les premiers tomes de la formidable adaptation en BD par Stéphane Heuet, un petit bijou visuel qui se base sur le texte original et qui m’a donné envie de réessayer de lire Proust dans le texte. Et quand j’ai lu la chronique d’un lecteur sur cette adaptation en manga, j’ai été intriguée. Quel challenge de synthétiser toute la « Recherche » dans un manga de 384 pages ! Les éditeurs ont pris la précaution de mettre un encart au début du livre pour préciser que c’est une adaptation qui ne dispense pas de la lecture des romans, comme une première approche pour découvrir ces textes. Et c’est exactement comme ça que j’ai abordé ce livre, comme on verrait un film avant de lire le livre. Cela donne les grandes lignes, cela permet de situer les personnages, et pour le reste, allez lire le roman…

Je ne suis pas du tout une experte de Proust et n’ai pas tout lu de son œuvre. Pour ce que j’en connais, je trouve que malgré les larges coupes indispensables pour tenir dans un format court, et malgré un ordre qui me paraît modifié dans le déroulé, on retrouve bien les personnages clés, les passages incontournables, et les conclusions métaphysiques de l’auteur, son rapport au temps,… Donc cela fonctionne plutôt bien et la promesse initiale est tenue !

Une particularité de ce manga est qu’il se lit comme un livre européen et non pas dans le format japonais des mangas.

Je ne suis pas très fan des bruitages écrits et des commentaires pour préciser les attitudes des personnages, qui n’apportent pas grand-chose ici, les dessins étant déjà réussis et expressifs.

Sans forcément reprendre le texte initial comme dans la BD de Stéphane Heuet, quelques phrases incontournables (« longtemps je me suis couché de bonne heure » etc) auraient apporté la cerise sur le gâteau.

En tout cas c’est vraiment une bonne entrée en matière à mettre dans les mains de tous ceux qui n’arrivent pas à lire les romans mais sont curieux d’en découvrir l’histoire et les personnages.

S 3-3Editions Soleil, 384 pages, 8,50€

Roman

« Missouri 1627 » de Jenni Hendricks et Ted Caplan

Capture d'écran 2023-11-11 170826Voilà à quoi sert un club de lecture : à s’ouvrir à des livres qu’on n’aurait pas lus spontanément, à lire des livres pour ado quand on a passé l’âge.

Les auteurs de « Missouri 1627 » revendiquent d’avoir eu le projet d’écrire un « livre drôle sur l’avortement ».

Bon, il faut quand même nuancer : disons que c’est un livre qui parle d’avortement mais sans pathos, avec des digressions dans l’histoire qui apportent un peu de légèreté et de folie adolescente.

L’histoire est celle de Veronika, major de sa promo, lycéenne modèle promise à un parcours brillant. Lorsqu’elle découvre qu’elle est enceinte, son monde s’écroule. Elle ne peut pas garder cet enfant sans compromettre ses projets universitaires ; elle ne peut pas non plus avorter car ses parents s’y opposeraient et, dans l’État des Etats-Unis où elle vit, leur autorisation est indispensable.

Alors contre toute attente, c’est auprès de Bailey, la fille la plus étrange du lycée, qu’elle va trouver de l’aide. Et voilà les deux ado lancées dans un road trip sans temps mort pour parcourir les 1627 kilomètres qui les séparent de la première clinique qui acceptera de procéder à un avortement sans autorisation parentale.

L’écriture est vive, le propos intelligent, nuancé. Même si la volonté des auteurs était de proposer un traitement différent du sujet, ils ont su apporter les bon équilibre dans le ton et ne pas sous-estimer les doutes et les questions de Veronika. Si le propos est clairement favorable au droit des femmes à disposer de leur corps, il ne banalise pas la démarche, décrit les rendez-vous médicaux préalables de manière très directe, ainsi que les effets post-opératoires.

Comme je le disais plus haut, ces passages sérieux sont entrecoupés de scènes cocasses, notamment celle avec le petit-ami qui n’en ressort pas grandi, ou les différentes courses poursuites, changements de véhicules, etc, qui font progresser le récit à une cadence infernale avec cette question en fil rouge : Veronika arrivera-t-elle à l’heure à son rendez-vous ?

S 3-3Bayard, 368 pages, 15,90€

Cosy mystery·Policier

« Les enquêtes de Milady (tome 1) : Le baiser de la tulipe noire » de Maxime Fontaine et Bertrand Puard

9782265157835ORIMa première rencontre avec les romans d’Alexandre Dumas s’est faite assez tôt, autour de « La Tulipe noire » – livre que j’avais adoré et dont j’avais découvert plus tard que ma version était une adaptation pour la jeunesse…

Des « Trois Mousquetaires », en revanche, je garde un souvenir imprécis, celui d’un enthousiasme très limité – sans que je me souvienne précisément pourquoi.

Quand j’ai vu la sortie de cette nouvelle série présentée comme « un cosy mystery dans l’univers des Trois mousquetaires », j’ai été très curieuse de découvrir le premier tome : une enquête + un contexte historique + des personnages issus de romans = ce livre avait tout pour me plaire !

J’ai effectivement passé un très bon moment de lecture, captivant, à suivre Milady dans ses aventures avant « Les Trois Mousquetaires ». A cette époque-là, elle est encore Cristabel (l’un de ses nombreux pseudonymes) et officie comme marchande de thé. Mais si l’occasion se présente, elle devient Milady de Winter pour enquêter. Or justement, elle est appelée auprès de Aude de Mantégnac car une mort suspecte a eu lieu au château familial : un homme a été retrouvé mort, les lèvres noires, le corps entouré de mystérieuses fleurs que personne n’avait jamais vues – des tulipes noires.

Dans une ambiance de cape et d’épée, avec poursuites sur les toits, Milady mène l’enquête. C’est rythmé, on ne s’ennuie pas un instant. Les hommages à Alexandre Dumas sont nombreux mais savamment distillés pour que tous les lecteurs y trouvent leur compte, y compris ceux qui ne connaissent pas du tout l’oeuvre de Dumas.

Milady est un personnage fascinant, dont on devine qu’elle cache encore bien des secrets. J’ai hâte de découvrir un deuxième tome pour la retrouver en héroïne courageuse, moderne, et mystérieuse.

S 3-3Fleuve éditions, 304 pages, 15,90€

Cosy mystery·Policier

« Les enquêtes d’Hannah Swensen (tome 9) : Meurtres et carrot cake » de Joanne Fluke

9782749177311ORIC’est toujours un plaisir de retrouver Hannah, la pâtissière du Cookie Jar, dans ses enquêtes. Hannah n’est ni policière ni détective, mais elle se retrouve toujours mêlée à des enquêtes, qu’elle résout plus efficacement que Mike, l’un de ses deux prétendants.

Cette fois-ci, c’est Gus, un lointain oncle de l’associée d’Hannah, qui est retrouvé mort. Or Gus avait disparu de Lake Eden depuis des décennies ; son retour providentiel pour une réunion de famille n’est sans doute pas étranger à son meurtre.

L’enquête est classique et construite comme la plupart des tomes de la série ; donc vous ne serez pas dépaysés ! L’histoire progresse étape par étape, on suit Hannah dans ses investigations.

Côté vie perso, Moshe le chat d’Hannah s’ennuie et fait des siennes, Michelle et Andrea les deux sœurs d’Hannah participent activement à l’enquête, Mike et Norman sont égaux à eux-mêmes (avantage à Norman dans ce tome-ci).

Et bien sûr, il y a toujours les immanquables recettes qui donnent très envie de pâtisser comme Hannah ! Cette fois-ci j’ai noté les recettes de fondant au chocolat et de deux sortes de brownies… et bien sûr de carrot cake !

S 2-3Le Cherche-Midi, 400 pages, 15,90€

Roman

« Les voleurs d’innocence » de Saraï Walker

walker-sarai-les-voleurs-d-innocenceCoup de coeur !

Ce livre est incroyable. L’ambiance est si particulière, un mélange de langueur et de tension qui m’a tenue en haleine jusqu’au bout.

Elles sont six sœurs, héritières de l’empire d’armes à feu Chapel. Leur mère, Belinda, est hantée par les fantômes de tous ceux qui ont péri à cause d’une arme à feu qui a fait la fortune de leur famille. Je précise que si vous n’êtes pas familiers des romans gothiques ou des histoires de fantômes, il ne faut surtout pas que cela vous empêche de découvrir ce livre !

Le drame de cette famille, c’est la mort des femmes, à l’accouchement ou après le mariage. Et la mort d’Aster, l’aînée des six filles, ouvre la voie tragique de la malédiction qui se perpétue sur la nouvelle génération.

Ce livre se lit tellement bien, c’est un récit captivant qui mêle le quotidien de sœurs unies façon « Quatre filles du Docteur March » et une ambiance doucement fantomatique comme dans « Blackwater ». Un vrai bijou, qui raconte le destin infernal de six sœurs qui se savent condamnées, et qui pose en arrière-plan la question de la parole des femmes et de leurs destins imposés.

« Que se passerait-il si une seule femme disait la vérité sur sa vie ?

Le monde s’ouvrirait en deux. »

S 3-3Gallmeister, 624 pages, 26,40€

Roman

« Les aiguilles d’or » de Michael McDowell

C’est l’incontournable (et géniale) saga « Blackwater » qui m’a fait découvrir Michael McDowell, et en même temps les éditions Monsieur Toussaint Louverture. 2 belles découvertes, qui appelaient forcément d’autres lectures. J’avais repéré depuis des mois « Les aiguilles d’or », et l’ai acheté dès sa sortie. L’auteur est celui de « Blackwater », mais les points communs s’arrêtent là. L’ambiance… Lire la suite « Les aiguilles d’or » de Michael McDowell

Roman

« Angélique » de Guillaume Musso

9782702183687-001-TGuillaume Musso sait raconter des histoires, surprendre son lecteur, le berner. Je le savais déjà, et j’ai quand même été agréablement surprise à nouveau. La couverture de ce roman m’avait tapé dans l’oeil depuis longtemps ; j’attendais la sortie en poche, et finalement je l’ai trouvé avant. Je ne savais pas grand-chose de l’histoire car la quatrième de couverture en dit peu sur l’histoire, et je n’avais pas lu d’avis non plus.

Mathias, hospitalisé, reçoit la visite d’une bénévole qui intervient auprès des patients de l’hôpital. Elle est jeune, joue du violoncelle, et a une idée en tête : convaincre Mathias, l’ancien flic, d’enquêter sur la mort de sa mère. Louise, la jeune bénévole, est en effet convaincue que sa mère, ancienne danseuse étoile, n’est pas morte accidentellement.

Commence alors un roman fait de rebondissements, de chemins croisés et entrecroisés, de personnages complexes, avec chacun leur part d’ombre. Les masques tombent, mais pas toujours ceux que l’on attendait. Je me suis fait piéger à plusieurs reprises, vers la fin j’ai même trouvé que cela allait un peu loin et que les ficelles étaient un peu trop tortueuses. Mais cela fonctionne bien, dans un rythme qui ne laisse aucune place à l’ennui. C’est vif, efficace, plein d’ingéniosité.

S 3-3Calmann-Levy, 320 pages, 21,90€

Audio·Roman

« Sido » et « Les vrilles de la vigne » de Colette

sidoMes souvenirs de lecture de Colette remontent à mes années scolaires. Je me souviens d’un extrait d’un roman de « Claudine », mais c’est à peu près tout.

J’ai toujours beaucoup de plaisir à redécouvrir des classiques sous forme audio. Je trouve que cela leur donne une nouvelle jeunesse ! Et pour moi, l’occasion de redécouvrir des textes, autrement.

« Sido » est évidemment un grand classique, mais qui se lit très bien grâce à l’écriture fluide et spontanée de Colette. La narratrice y raconte sa vie familiale, mais le livre est avant tout une grande déclaration d’amour à sa maman. C’est un joli texte autobiographique, basé sur les souvenirs d’enfance de l’auteure.

Dans la version Audiolib, ce texte est suivi des « Vrilles de la vigne ». C’est un recueil de nouvelles, très dynamique. On y retrouve l’écriture directe, simple, poétique de Colette, comme des petites vignettes de vie piochées ici et là. Chapeau bas à Elsa Lepoivre qui lit ces textes de manière très vivante, et en particulier le récit très rythmé de « Toby chien ». Il faut absolument écouter ce texte, pour l’exercice d’expression presque théâtrale qu’en fait la comédienne.

Une belle redécouverte !

Audiolib (partenariat), durée d’écoute 5h34, 22,90€ pour la version CD

Roman

« Jetez des fleurs » de Christian Wasselin

jetezJ’ai eu envie de lire ce roman car l’histoire commence dans un cimetière. Etrange lieu pour une rencontre ! Etrange lieu, habituellement où tout finit, pour commencer une histoire ! C’est ce qui m’a intriguée…

L’histoire est celle d’Aurélien, dont on apprend assez vite qu’il n’a que douze ans. Assistant avec sa grand-mère à des funérailles, il est interpelé par la lecture d’un extrait du roman d’Aragon qui a pour titre son prénom : Aurélien.

Le lecteur de ce texte n’est autre que l’amant de la défunte, et il va nouer avec le jeune garçon une amitié basée sur les souvenirs, mais aussi sur la nature environnante (ils sont sur une île) et sur la mythologie.

On sent à la lecture l’effort fait sur le choix de chaque mot. Le texte n’est pas à proprement parler poétique, même si certains passages tentent de s’en rapprocher.

Le personnage d’Aurélien est parfois surprenant, car son vocabulaire et ses connaissances semblent bien développés pour un enfant de son âge !

Le fil rouge du roman est le décès de la femme aimée, et les pensées sur l’amour et la mort sont nombreuses. Il y a quelques belles pensées mais l’auteur évite l’écueil des aphorismes, qui aurait été un piège facile sur ces sujets.

S 2-3Les soleils bleus éditions, 15€ (reçu dans le cadre d’une « Masse critique »)