Essai / Document

« Carnets d’amour à Juliette Drouet » de Victor Hugo

filesConnaissant de nombreux poèmes de Victor Hugo – dont de nombreux poèmes qui parlent d’amour – j’étais curieuse de lire les messages personnels qu’il avait écrits à Juliette Drouet.

Victor Hugo a 31 ans lorsqu’il rencontre Juliette Drouet. Nous sommes en 1833. Elle est actrice, mère sans être mariée ; lui a déjà écrit « Le dernier jour d’un condamné », « Notre-Dame de Paris » ou encore « Hernani ».

Dans ce livre sont regroupés plusieurs carnets que Victor Hugo a écrits à Juliette Drouet, avec leur reproduction en fac-similés et la retranscription des textes – on y reconnaît parfaitement le style de ses poèmes. C’est toujours ludique de chercher à lire le texte original, même si le format (poche) et l’écriture de Hugo n’aident pas à déchiffrer facilement les carnets !

La bonne idée de cette édition est de mettre en miroir de ces textes pleins d’amour les lettres écrites par Juliette Drouet. On y comprend mieux sa position de maîtresse, d’actrice d’origine populaire complexée face au grand écrivain, et ses décisions souvent changeantes (rester, partir), guidées par un amour plus grand que les difficultés. Leur liaison, non exclusive mais progressivement officialisée, durera jusqu’à la mort de Juliette en 1883, avant celle d’Hugo en 1885.

Si le début de l’ouvrage est orienté sur l’amour que Victor Hugo ressent pour Juliette, la suite replace leur relation dans un contexte moins rose. Hugo, bien que fou d’amour, exige de Juliette un dévouement et des renoncements qu’il ne s’applique pas à lui-même !

Au final, on peut lire cet ouvrage à partir d’entrées différentes, mais il ne faut pas s’arrêter aux carnets seuls, qui seraient bien incomplets si on les sortait de leur contexte.

S 2-3Folio, 320 pages, 10€

Essai / Document

« Vers la joie » de Laurence Tardieu

Capture d’écran 2025-03-21 100017Son fils de quatre ans a subi une chimiothérapie. Sa fille a fait un don de moelle osseuse pour le sauver. Elle a divorcé de son mari. Et tout ça en plein confinement 2020. On peut dire qu’en cinq mois, la vie n’a pas épargné Laurence Tardieu. Et pourtant elle a fait le choix d’intituler son récit « Vers la joie ».

Dans ce livre très personnel, elle précise dès les premières pages que son fils s’en est sorti et qu’il va bien. Car son but n’est pas de faire du pathos. Elle nous raconte comment elle a vécu les mois d’hospitalisation, mais surtout l’après, quand tout le monde croit que c’est fini, que tout va bien, que la page est tournée, alors que pour elle rien n’est fini. Elle nous montre avec sincérité à quel point un traumatisme peut rester présent et impactant dans une vie, même une fois le choc passé, même quand tout risque est écarté – il reste une empreinte indélébile, un truc qui réveille la nuit et fait qu’on n’est plus jamais la même personne. Elle n’est plus celle qu’elle a été, et ses proches ne comprennent pas toujours qu’elle ne peut pas simplement « rebondir », « aller de l’avant », quand elle-même se sent « désaxée ».

« Passer à autre chose, passer à autre chose… Mais qu’est-ce que cela voulait dire ? Comment leur dire, leur expliquer que moi je ne pouvais pas, je ne voulais pas, passer à autre chose ? Car ce par quoi j’étais passée, précisément, n’était pas une parenthèse temporelle dont j’aurais fini par sortir, comme on sort d’un long tunnel et se retrouve enfin à la lumière, hagard mais heureux. Ce par quoi j’étais passée m’avait faite, nouvelle, et m’avait fait découvrir de nouveaux liens à mon passé, bouleversants, nouvelles ramifications excavées de ma mémoire. »

L’auteure parle aussi de son rapport à l’écriture. Elle s’était dit pendant longtemps que l’écriture la sauverait de tout, mais elle peine à retrouver le goût de l’écriture apès la l’épreuve de la leucémie de son fils. Elle avait le projet d’écrire sur les bonheurs de sa vie, le cancer l’a stoppée dans son élan.

Je suis restée un tout petit peu sur ma faim car l’auteure évoque plein de sujets (la maladie, les dommages collatéraux pour ses autres enfants, son divorce, le monde médical etc) et j’aurais bien aimé qu’elle les détaille davantage.

Le livre est moins optimiste que ce que j’avais imaginé en l’achetant (j’en avais entendu parler en bien, mais je ne sais plus où, à la télé peut-être ?). Le récit est émouvant mais pas larmoyant, l’auteure a trouvé le juste équilibre pour parler de choses graves et intimes sans se plaindre ni tomber dans un récit trop lourd. On n’en sort pas triste – mais pas vraiment rassuré ni joyeux non plus.

S 2-3Robert Laffont, 176 pages, 19€

Essai / Document

« Réinventer l’amour » de Mona Chollet

9782355221743J’ai traversé ce livre avec des pensées contradictoires.

J’ai d’abord été agréablement surprise par l’écriture claire et fluide, qui en fait une lecture très accessible. D’ailleurs tous les exemples pris par l’auteure sont « grand public ». Le style est plus journalistique qu’essayiste, cela me convenait bien.

Dans l’introduction, j’ai apprécié que l’auteure raconte sa propre relation aux hommes, qu’elle donne quelques informations sur sa vie qui, elle le reconnaît elle-même, influent « forcément » sur ses écrits. Lucide sur elle-même, elle ne prétend pas être exonérée de tomber dans certains pièges ou clichés dans ses propres choix. Elle le redit plusieurs fois dans le livre, et cela m’a semblé essentiel pour nuancer les positions théoriques et la réalité parfois plus triviale que les grandes pensées. Elle n’est pas blasée de l’amour ni des relations hétérosexuelles ; des amies lui ont dit « tu es moins en colère que nous » et cela se ressent.

Bien sûr j’ai lu avec une attention particulière les quelques pages d’analyse de « Belle du Seigneur » (un classique!), où la passion d’Ariane et Solal ne peut survivre au quotidien.

Et que dire des témoignages sur la charge mentale… ? C’est affligeant de lire qu’on en est encore là…

Malheureusement, j’ai regretté qu’il y ait assez peu d’idées nouvelles. Les anecdotes et les illustrations sont intéressantes, mais au final les propos sont déjà vus si on a déjà quelques lectures féministes derrière soi. Loin de moi l’idée de minimiser le travail réalisé, c’est juste ma perception de femme déjà largement sensibilisée aux questions de charge mentale, de plafond de verre et de patriarcat professionnel, de « mensplaining » etc. J’ai eu parfois l’impression de sentir en filigrane que les femmes ne se rendent pas toujours compte des situations qu’elles vivent, que leurs œillères sont trop présentes pour qu’elles soient lucides, bref d’une certaines infantilisation qui m’a mise mal à l’aise.

Cela ne retire rien au fait que le livre fait sans doute écho au vécu de nombreuses femmes, qui se sentiront moins seules – et rien que ça, c’est déjà beaucoup.

S 2-3La Découverte, 19€

Essai / Document

« Lettre à D. » d’André Gorz

Capture d’écran 2025-03-12 163636Ce livre est extrêmement connu, et j’en entends parler depuis si longtemps, je l’ai noté dans ma liste de lectures il y a tant d’années, que j’ai même l’impression de l’avoir peut-être déjà lu – ce qui est possible.

La « D » à qui est adressée cette lettre est Dorine, l’épouse du philosophe André Gorz . Ce texte est connu pour être une déclaration d’amour passionnée d’un homme au soir de sa vie, pour la femme qu’il a aimée pendant plus de cinquante ans.

Passé l’étonnement de la taille du livre – c’est un tout petit format d’environ 70 pages, polices et interlignes assez grandes – j’étais donc curieuse de découvrir ce « classique ».

Mais très vite, j’ai ressenti une certaine gêne dans ma lecture. Certes le premier paragraphe est une jolie déclaration d’amour, prometteuse pour la suite. Hélas le livre prend vite une autre tournure. Sous couvert d’une déclaration d’amour à sa femme aujourd’hui disparue, c’est en alité le récit de sa propre vie (ses projets, ses écrits, son mode de vie) qui est fait par l’auteur. De Dorine, finalement, on n’apprend que très peu de choses. Et il y a moins de déclarations d’amour basées sur sa personnalité à elle, que de regrets exprimés par l’auteur sur ses propres erreurs.

Je prendrai un jour le temps de compter les « Je » dans ce livre, mais j’ai eu l’impression qu’ils étaient bien plus nombreux que les « Tu ». Quel paradoxe !

Je referme donc ce livre avec un sentiment très mitigé, et en tout cas la certitude que je n’ai pas lu ce que j’étais venue chercher.

S 1-3Folio, 96 pages, 6,50€

Essai / Document

« Le But » de Eliyahu M. Goldratt et Jeff Cox

Capture d’écran 2025-02-28 175330En ce moment j’essaie de piocher davantage de lectures dans ma (grande) PAL, et c’est comme ça que « Le But », qui m’y attend depuis au moins un an, s’est retrouvé sur le haut de la pile. Ce livre m’avait été conseillé comme étant une référence en matière d’organisation et de management. Il est d’ailleurs classé dans la liste du Times des 25 livres de management les plus influents.

Premier constat, cette édition propose avant l’introduction un article écrit par le même auteur, vingt-cinq ans après la publication du « But », et censé en approfondir les concepts. Autant vous dire que cet article a failli me décourager de lire la suite, car il expose de manière très condensée de nombreux concepts qui ne sont pas encore familiers au lecteur. Pour une entrée en matière, c’est assez ardu !

Pourtant le cœur du livre est beaucoup plus accessible. Il raconte, sous forme de roman, comment Al, un directeur d’usine, est confronté à des difficultés dans sa chaîne de production, et comment il va réorganiser celle-ci pour la rendre optimale.

Dit comme ça, j’imagine que je ne vous fais pas rêver… Mais tout l’intérêt du livre est de voir le processus d’analyse et de test que fait le personnage principal. On suit ses raisonnements, souvent pleins de bon sens et issus de la vie quotidienne (donc accessibles sans être un expert des chaînes de production !), et la mise en œuvre des propositions que son équipe et lui inventent.

L’essentiel du livre est bien vulgarisé – à part la toute fin du livre, où les solutions évidentes ont déjà été explorées, et où on passe un cap de complexité. Mais à ce moment-là, l’essentiel a déjà été dit et compris.

Un petit coup de griffe pour finir : j’ai été très agacée par les nombreuses coquilles, les dialogues où il manque des tirets, l’absence d’espace entre paragraphes alors qu’il y a des changements de situation… pour un livre publié par l’Afnor, cela aurait mérité un travail de relecture plus sérieux.

S 2-3Afnor éditions, 421 pages, 30,50€

Essai / Document

« Les mythes grecs » de Pierre Sauzeau

8669.1728401254J’ai eu entre les mains de nombreux ouvrages consacrés à la mythologie grecque, et celui-ci est sûrement le plus complet et le plus précis d’entre eux.

Tout d’abord l’auteur précise assez vite qu’il n’y a pas « une » mythologie grecque, mais que de nombreuses versions sont parvenues jusqu’à nous – et dans la suite du livre il précise souvent les différentes versions en question, avec leurs auteurs.

L’ouvrage est aussi précis que pointu, il y a une vraie démarche d’exhaustivité et de précision dans chacun des chapitres. Je n’ai donc pas abordé ce livre comme une suite de « récits » mythologiques – d’ailleurs ce n’en est pas l’objectif me semble-t-il, l’auteur ayant pris le parti de rester très factuel, d’éviter tout embrasement littéraire qu’il est si facile de faire naître quand on parle de héros ou de grandes épopées.

Une fois ceci acquis, j’ai choisi d’abandonner la lecture linéaire de l’ouvrage et de choisir mes chapitres de lecture au gré de mes envies (et comme dans un dictionnaire, une entrée en appelle une autre, et j’ai fait des allers-retours entre les chapitres sans aucune difficulté).

Les chapitres sont structurés soit par récit mythologique (la Toison d’or, la Guerre de Troie, les Travaux d’Héraclès etc) soit par thématique (le ciel, les nymphes, les magiciens et magiciennes etc).

Ne manquez pas en introduction la représentation quasi généalogique des dieux et demi-dieux, qui vous donnera le vertige et montrera au lecteur, s’il en était besoin, le maillage entrelacé de ces personnages incontournables qu’il va côtoyer au cours des 550 pages.

S 3-3Les Belles lettres, 570 pages, 29,90€ (merci à l’éditeur pour l’envoi de ce livre)

Essai / Document

« Écrire sa vie » de Marianne Chaillan

9791032931929Ne vous fiez pas au titre, ce livre n’est pas un ouvrage de développement personnel. C’est un livre de philosophie. Autrement dit, ne vous attendez pas à des formules toutes faites ou des solutions clés en main, mais plutôt à des pistes de réflexion – à vous de voir quel courant philosophique aura le plus de résonance en vous.

Le point de départ est inspiré du film « Le Cercle des poètes disparus », quand Keating montre à ses élèves les photos des promos précédentes. Peut-on y deviner ce que deviendront ces jeunes gens ?

L’auteure propose alors plusieurs pistes de réflexion, inspirées des grands philosophes. Chez les stoïciens, aucun de ces jeunes n’aura vraiment le choix, déterminé par un destin qui le dépasse. Chez Aristote, c’est la contingence du futur, et nos propres délibérations, qui font de nous des êtres libres. Chez Sartre, aucune situation n’est favorable ou adverse : « Tel rocher qui manifeste une résistance profonde si je veux le déplacer sera, au contraire, une aide précieuse si je veux l’escalader pour contempler le paysage ». Au fil des chapitres, on fait un détour par la sociologie (Durkheim, Bourdieu), pour revenir à la dictature du « on » chez Heidegger, et la notion de liberté chez Spinoza, qui doit nous « décomplexer » en remettant en cause la notion de libre arbitre.

J’ai retrouvé des auteurs et des thèmes abordés en cours de philo au lycée, dans une version accélérée mais très pédagogique, utilisant des exemples actuels qui parlent à tous. J’ai pris pas mal de notes pour approfondir certains concepts et poursuivre mes lectures (Kafka, Camus, notamment).

Le livre ouvre aussi sur des sujets connexes, les algorithmes internet qui nous enferment dans nos domaines de prédilection, les techniques de nudging (le petit truc qui oriente nos décisions, comme l’achat d’un article parce qu’il est précisé que c’est le dernier disponible), tout en continuant à faire appel aux classiques, Balzac, Zola… J’ai navigué plaisamment entre les époques et les courants de pensée.

L’auteure conclut, sur l’air de « My way » de Sinatra : « Le bonheur n’est pas dans une plénitude qui exclurait toute souffrance, mais dans l’assentiment que l’on donne à son existence, telle qu’elle est. »

S 3-3Éditions de l’Observatoire, 160 pages, 19€

Essai / Document

« Ces hommes qui m’expliquent la vie » de Rebecca Solnit

147241_couverture_Hres_0C’est une discussion récente sur le « mansplaining » (ou en français : « mecsplication ») qui m’a fait sortir ce livre de ma pile à lire, où il m’attendait depuis plusieurs mois, conseillé par l’une de mes collègues. Le « mansplaining », ce sont les situations où un homme explique à une femme, de manière condescendante, un sujet dont elle est elle-même experte. Même si l’auteure de ce livre indique ne pas être la créatrice de la notion, elle en est bien l’inspiratrice.

« Au cas où je n’aurais pas été assez claire, je le dis et le répète : j’aime qu’on m’explique des choses, qu’on me parle de sujets qui m’intéressent mais dont j’ignore tout ; c’est quand ils m’expliquent ce que je sais et eux non que la conversation dérape ».

Ce livre est un recueil d’articles féministes écrits il y a 10-15 ans, qui vont au-delà du « mansplaining », et restent hélas d’actualité – même si j’ai pris conscience en lisant ces articles de tout le chemin parcouru en dix ans dans la libération de la parole et la définition des frontières de ce qui n’est plus tolérable.

J’ai apprécié, dès les premières pages, qu’il n’y ait pas de caricature, et que le discours ne soit pas basiquement « anti-mecs ». Au contraire, l’auteure fait très bien la distinction entre le bon grain et l’ivraie. Dire que la très grande majorité des violences (agressions, viols) est commise par des hommes n’est pas la même chose que de dire que tous les hommes sont des agresseurs.

« Nous sommes libres ensemble ou esclaves ensemble »

est une phrase que n’aurait pas reniée mon prof de philo dans nos cours sur la liberté.

Mariage pour tous, affaire Strauss-Kahn, Virginia Woolf… sont autant de thématiques abordées. Arrêtez-vous aussi sur les paragraphes où l’auteure explique comment les mots peuvent changer la donne.

« La violence domestique, la mecsplication, la culture du viol et le sexual entitlement font désormais partie des outils linguistiques qui redéfinissent le monde que doivent affronter beaucoup de femmes au quotidien, et ouvrent la voie pour commencer de le changer. ».

A noter, la version poche restitue mal les œuvres d’Ana Teresa Fernandez qui illustrent chaque début d’article.

S 3-3Points, 176 pages, 8,40€

Essai / Document

« L’invention de la couleur par les Lumières » d’Aurélia Gaillard

8626.1723108128Je me souviens d’un document de France Culture intitulé « Pourquoi la couleur a disparu de notre quotidien », où le designer Jean-Gabriel Causse décryptait les raisons de la disparition progressive des couleurs dans l’architecture, la mode, les biens de consommation (dont les voitures). Ce document m’est resté en mémoire, et je continue à m’intéresser au sujet. C’est pourquoi j’étais curieuse de découvrir « L’invention de la couleur par les Lumières ».

Dans cet essai, l’auteure débute par une analyse bien antérieure aux Lumières du rôle et de la perception de la couleur, d’Aristote au Moyen-Age. Elle analyse également comment l’étude scientifique de la couleur (avec les travaux de Newton) a marqué le début d’une révolution. Le vocabulaire, aussi, s’est enrichi pour rendre compte de l’infinie variété des nuances de couleurs (un lexique en fin d’ouvrage y est d’ailleurs consacré).

Le contenu est très documenté, les sources précises, et le livre fourmille d’informations intéressantes. A noter cependant, cela reste un ouvrage assez formel, de haut niveau, et donc parfois assez ardu à lire. Pour ma part, j’ai dû le reposer et le reprendre à plusieurs reprises pour « digérer » la quantité d’informations.

A ne pas manquer dans votre lecture, le chapitre consacré au rose, qui commence par une analyse lexicale, et fait ensuite (évidemment !) référence aux travaux de Michel Pastoureau (que je cite très souvent sur cette thématique du rose, et du « genre » du rose en particulier).

S 2-3Les Belles lettres, 330 pages, 27€ (livre reçu dans le cadre d’une opération proposée par l’éditeur)

Essai / Document

« Proust, roman familial » de Laure Murat

9782253908630-001-T« Proust m’a sauvée »

écrit l’auteure en excipit du livre.

Il faut lire les 200 pages de ce texte pour comprendre comme Laure Murat, née aristocrate d’une famille citée à plusieurs reprises dans « A la recherche du temps perdu », reniée par sa mère en raison de son homosexualité, a trouvé dans l’oeuvre de Proust des clés de décryptage de son propre contexte social et familial.

Ne vous découragez pas à la lecture du premier tiers du livre, où sont cités de nombreux membres de sa famille (avec les liens de parenté), apparemment célèbres. Cela ressemble à un Who’s Who assez indigeste, où le name dropping est assez ennuyeux pour qui ne connaît pas l’arbre généalogique de l’auteure.

La suite est plus intéressante. En creusant les marqueurs de l’aristocratie, décrits par Proust et vécus par l’auteure pendant sa jeunesse, en cherchant à définir le snobisme, en analysant ses propres relations familiales, l’auteure ouvre un champ plus personnel, plus touchant. Elle propose alors un récit intime sur ses relations familiales, l’étroitesse d’esprit à laquelle elle a été confrontée en révélant son homosexualité (les passages avec sa mère sont terribles).

Le récit se recentre sur Proust dans la dernière partie, sur l’enseignement que cette professeure en fait à ses étudiants, et surtout sur son amour assumé pour une œuvre exigeante qu’elle défend contre tous les a priori. Et de conclure :

« Aucun livre de la langue française ne provoque autant de préventions et de défiances ».

On n’aurait pas dit mieux.

S 2-3Le Livre de poche, 264 pages, 8,40€