Audio·Roman

«La vie secrète des écrivains» de Guillaume Musso

vie secrète écrivainsQuand j’ai tenu entre mes mains ce livre audio, j’étais toute contente et pressée d’en débuter l’écoute. Je ne peux pas dire que je fais partie des lecteurs inconditionnels de Guillaume Musso. J’ai dû lire quelques uns de ses livres mais je n’en garde pas de souvenirs ; je trouve l’homme assez sympathique en interview ; et je respecte sa capacité à embarquer autant de lecteurs dans chacun de ses nouveaux livres.

Ce qui m’a surtout enthousiasmée, c’est que j’avais entendu beaucoup de bien de ce livre, y compris de chroniqueurs « sérieux » que je ne savais pas ouverts à cette littérature. Et puis le titre, cette idée qu’on allait parler littérature et écrivains, me plaisait.

Voilà, le contexte était donc très favorable pour débuter cette lecture !

L’histoire, en quelques mots : Nathan Fawles, un très célèbre écrivain, s’est retiré de la vie publique et a cessé d’écrire depuis plusieurs années. Il vit reclus sur l’île méditerranéenne de Beaumont, où il ne sort pas et ne parle à personne.

Deux personnes, qui ne se connaissent pas, vont décider presque au même moment de percer à jour le mystère de son retrait de la vie médiatique : Mathilde, une journaliste suisse, et Raphaël, un jeune écrivain en quête de conseils de la part de son idole.

Si le livre n’est pas un polar à proprement parler, il est construit avec beaucoup de suspense. Et ce suspense est bien mené, dans le sens où il n’y a pas de faux rebondissements ou de fausses attentes : l’histoire progresse bien, de manière continue, et on attend les chapitres suivants sans néanmoins ressentir la frustration que l’on a dans certains page turners où l’on se sent « promené » par l’auteur.

J’ai écouté avec plaisir les deux premiers tiers du roman, captivée par des rebondissements et par un assemblage progressif des pièces du puzzle. J’ai été tour à tour intéressée, surprise, impatiente… En revanche j’ai trouvé le dernier tiers du roman moins réussi : des explications qui apparaissent d’un coup et sans résonance particulière avec le début du livre ; quelques longueurs ; et un épilogue d’une vingtaine de minutes qui revient sur l’ensemble du roman sans rien apporter d’original.

A noter, comme d’habitude l’Audiolib se termine par une interview de l’auteur, et il est toujours intéressant de comprendre comme celui-ci travaille et comment il a construit son roman.

Malgré une fin un peu décevante pour moi, le roman reste très agréable à écouter, et la lecture de Rémi Bichet est plus proche de l’interprétation que de la simple lecture, ce qui apporte à la fois confort et plaisir d’écoute.

S 2-3Audiolib, 6h50 d’écoute, 22,90€

 

Audio·Roman

«Le Sillon» de Valérie Manteau

sillonJ’ai eu un coup de cœur pour ce livre audio, dont le premier chapitre, pourtant, ne m’avait pas convaincue.

Toute la difficulté est de résumer ce livre. Non pas que le récit soit complexe ; mais si je vous dis qu’il est le récit d’une Française sur la situation en Turquie de nos jours, certes je vous donnerai l’une des clés de lecture du livre, mais elle sera bien insuffisante.

En effet ce livre est avant tout le témoignage d’un immense amour d’une jeune femme pour Istanbul, et surtout pour une jeunesse moderne et non résignée qui y vit. Prenant prétexte d’un livre qu’elle écrit sur Hrant Dink, journaliste arménien assassiné en 2007, la narratrice donne sa perception de l’évolution récente de la Turquie et revient sur son histoire récente.

Le premier chapitre ne m’avait pas convaincue car je ne m’attendais pas à ce style, à la fois très oral et parfois imprécis quant aux personnages qui parlent. Passée cette première barrière, j’ai été finalement happée par cette histoire, à la fois proche et lointaine, ancrée dans le quotidien et dans l’Histoire.

A écouter absolument, jusqu’aux dernières minutes et la toujours très intéressante interview de l’auteur qui clôture la plupart des Audiolib.

S 3-3Audiolib, lu par l’auteure, 5h21 d’écoute, 19€. Prix Renaudot 2018

Roman

«Le meilleur coiffeur de Harare» de Tendai Huchu

harareAu Zimbabwe, Vimbai est la coiffeuse fétiche du salon de Mme Khumalo. Les clientes lui sont fidèles et lui confient leurs cheveux les yeux fermés.

Quand Mme Khumalo embauche le jeune et talentueux Dumisani, le statut de Vimbai change du jour au lendemain : désormais les clientes ne jurent plus que par les doigts magiques du nouvel employé. Si l’hostilité de Vimbai ne cesse de croître, Dumisani tente d’apaiser leurs relations.

Sympathique roman, le texte fait voyager le lecteur dans un Zimbabwe joyeux mais rongé par la pauvreté et la corruption organisée. Le salon de Mme Khumalo, décor central de l’histoire, pourrait faire craindre une histoire centrée sur des petites guerres de coiffeurs ; mais le texte se lit avec plaisir. Le personnage de Vimbai, fille-mère, indépendante et au fort tempérament, est un joli portrait de femme. La fin est totalement prévisible, j’ai donc été un peu déçue par le « faux suspense » parsemé en fin de chapitres (« il me fallait des réponses », « je n’apprendrais que bien plus tard […] de quoi il retournait », « ce que j’allais découvrir était pire que tout ce que j’avais pu imaginer » etc). La lecture reste agréable et l’écriture simple en fait un bon livre pour l’été.

S 2-3Zoe, 304 pages, 9,90€

Roman

«Un dieu dans la poitrine» de Philippe Krhajac

G01734_Un_dieu_dans_la_poitrine.inddPhérial est un enfant de l’assistance publique. Il est baladé de foyer en famille d’accueil, et s’il y reçoit parfois un peu d’amour, il gardera aussi des séquelles de maltraitance.

Roman d’une vie, d’un enfant abandonné, atypique, mais qui au début du livre n’a pas l’air « si malheureux » : joueur, gentiment bagarreur avec les copains, taquin… Si le roman débute façon petit Nicolas à l’orphelinat, il bascule – sans que je l’aie vu venir – dans la douleur. D’un récit qui commençait avec un peu de tendresse, au milieu des chamailleries de gamins, la lecture devient plus profonde, au point de couper le souffle et de rendre le texte pesant et triste. Une lecture à la fois pleine de vie et de ressentiment laisse un goût amer et un sentiment mitigé.

S 2-3Folio, 400 pages, 7,90€

Roman

«Les ailes de courage» de George Sand

ailesIl existe en Normandie, pas très loin de Deauville, un bout de côte fleurie surnommée « les vaches noires » en raison de la forme et de la couleur de ses falaises. C’est ici que se réfugie Clopinet, petit paysan qu’on a voulu placer en apprentissage chez un tailleur. Clopinet a préféré la liberté à cette vie d’apprenti chez un maître trop sévère. Pour lui qui n’a connu que la campagne normande, la découverte de la mer, avec ses bruits et les oiseaux qu’elle abrite, aurait pu être terrifiante. Mais le jeune garçon a bien plus de courage que ne l’imaginait sa famille, et dans les moments angoissants, il sait déployer des « ailes de courage » qui vont l’aider à affronter la vie et à devenir un homme.

Conte initiatique écrit par George Sand pour Aurore et Gabrielle ses petites-filles, l’histoire entremêle un récit éducatif (le départ de chez les parents, la vie qu’il faut affronter courageusement) et des scènes qui frôlent le surnaturel et dans lesquelles on ne distingue pas ce qui relève de la magie ou de l’imaginaire de Clopinet. Petit livre de moins de cent pages, il plaira sans doute plus aux jeunes lecteurs mais vaut le coup d’être lu par tous comme un classique de notre littérature, qui plus est dans une édition à tout petit prix (2,90€).

S 2-3Flammarion, 2,90€

Roman

«Printemps parfumé»

Printemps-parfumePlusieurs éléments étonnent quand on a ce livre entre les mains.

Tout d’abord son format allongé et son élégante couverture en papier cartonné en font un joli objet, plutôt inhabituel, qui se démarque des autres formats de livres. Sans nom d’auteur, seule la mention « roman coréen » donne au lecteur un premier indice pour situer l’univers de ce livre.

Une autre mention étonne, celle de la collection : « La Bibliothèque secrète de Régine Deforges ». La préface est alors indispensable pour mieux situer cette collection, des rééditions de la collection d’une bibliophile (qui en possédait cent mille!) – et notons au passage que la préface est un joli témoignage d’amour d’un fils à sa mère.

Le roman, sinon, est une histoire d’amour assez classique entre la jeune Tchoun-Hyang (littéralement « printemps parfumé ») et I-Toreng, fils de bonne famille. Presque du boulevard, avec le père un peu tyrannique, la vieille entremetteuse, les amoureux qui se font des promesses qu’ils ne peuvent tenir… rien d’original, si ce n’est le cadre, cette Corée pas vraiment datée et que je n’ai pas l’habitude d’avoir comme décor à mes lectures. Là encore, la préface du traducteur est indispensable pour comprendre le cadre, et les mœurs coréennes.

Autour d’un texte classique, ce livre est un joli objet, et une démarche étonnante qui séduira ceux pour qui « avoir une bibliothèque » est un signe de reconnaissance, comme d’autres se reconnaissent autour d’une bonne cave.

S 3-3La bibliothèque secrète de Régine Deforges

Roman

«Cartographie de nos bleus» de Aude Vincent

cartographieEn France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son compagnon. Derrière cette statistique, au-delà des chiffres qui alertent, il y a une réalité de violences quotidiennes pour de nombreuses femmes. Surtout, il y a des noms de femmes qui souffrent : Morrigan, Marion, Alice, Fatiha…

« J’ai simplement peur de mourir » dit Morrigan au milieu du livre, résumant en une phrase toute simple l’horreur d’une violence banalisée.

L’histoire de leur quotidien prend le lecteur aux tripes. Présenté comme un roman, ce récit est bien plus que cela, car on imagine la réalité et les visages derrière le texte. Plusieurs fois j’ai fait des pauses dans cette lecture qui coupe le souffle, tendue par des passages qui sont des litanies de l’horreur :

« Cheveux arrachés, coquard, œil au beurre noir, pommette gonflée, joue déchirée sur plusieurs centimètres, coups à l’oreille (pas de trace visible), tympan foutu (perforé), lèvre fendue, dent perdue, mâchoire brisée, cicatrice au menton, traces d’étranglement sur le cou, coup à l’épaule (pas de trace encore), épaule démise, bleus dans le dos, bras tordu, bleus sur le bras, bras cassé, griffures, poignet cassé, poignet tordu, entorse au doigt, rhumatisme dans un petit doigt cassé, hématome sur les côtes, coup au ventre (pas de trace), fausse couche, utérus explosé, foie détruit, brûlure à la cuisse (cigarette), d’autres fractures, une brûlure de cigarette encore, d’autres bleus, d’autres brûlures. »

Et puis il y a ces poèmes de Pat Lowther (que je ne connaissais pas), dont on imagine au départ qu’ils vont apporter un peu de douceur, mais qui sont des témoignages de la même violence (elle-même a été tuée par son mari dans d’atroces conditions).

Un livre fort et percutant, documenté, engagé (jusque dans l’utilisation de l’écriture inclusive, encore assez rare dans les récits), qui met chaque lecteur devant ses responsabilités : ne pas subir, ne pas laisser faire. A travers l’association qui accompagne ces femmes, la parole retrouve une force bien plus importante que celle des poings.

S 3-3Editions du ruisseau intrépide, 223 pages

Roman

«Le mystère Henri Pick» David Foenkinos

henriNombreux sont les Français qui se rêvent écrivains. Un récent sondage (*) l’a encore montré : 53 % des Français ont déjà eu envie d’écrire un livre ou ont écrit un livre.

Pas étonnant que les manuscrits non édités s’accumulent… Et c’est ainsi qu’en Bretagne est née une bibliothèque qui recueille ces livres qui n’ont jamais trouvé ni lecteurs ni éditeurs. Créée sur l’enthousiasme d’un passionné, cette bibliothèque est aujourd’hui rongée de poussière, et les livres qui couvrent ses rayons sont oubliés dans un recoin où personne ne va plus jamais. Delphine, éditrice, et Frédéric, son compagnon, profitent d’un séjour dans cette ville pour feuilleter ces manuscrits ; et Delphine y découvre une pépite. Or son auteur est mort : c’était un humble pizzaiolo que personne n’avait jamais imaginé écrire une seule ligne. Le monde littéraire est en émoi, et le quotidien de chacun – celui de Delphine, celui de la veuve et de la fille de l’écrivain, … – se retrouve bouleversé.

Le point de départ du roman est particulièrement original et malin, et parlera sûrement (au moins) aux 53 % de Français mentionnés plus haut, cette « communauté de la désillusion » qui cherche un ultime asile pour ses œuvres. L’auteur est fidèle à son style simple et concret, ancré dans notre époque, semant des références contemporaines ou d’actualité sur l’univers littéraire. Il interroge aussi sur l’importance de la forme plus que du fond, même dans un univers littéraire qui se devrait pourtant d’être un des derniers bastions s’il en était de l’exigence intellectuelle.

Au bout d’un moment, pourtant, le récit s’essouffle, et j’ai deviné la fin environ dès la moitié du livre. Dommage. J’aurais bien aimé me faire promener encore un peu par cette histoire prometteuse.

S 2-3Folio, 336 pages, 7,90€ (*) https://www.librinova.com/blog/2019/03/11/les-francais-et-lecriture-decouvrez-les-resultats-du-sondage-exclusif-lire-et-librinova/

Roman

«Fugitive parce que reine » de Violaine Huisman

fugitiveCe livre est un coup de poing émotionnel.

Il est à la fois malsain, et violent, et follement rempli d’amour.

Il est articulé autour de trois parties, qui font basculer le lecteur dans des montagnes russes d’émotion.

La première partie est le récit que Violaine fait de son enfance, et en particulier de la folie ravageuse de sa mère. J’étais très mal à l’aise au début du texte : le portrait de la mère est peu flatteur : elle est violente, vulgaire, blessante avec ses filles. Je n’étais pas sûre de supporter ce portrait sur près de 300 pages.

Mais arrive la deuxième partie : Violaine change l’angle de son récit. Elle décide de dresser le portrait de sa mère depuis l’enfance de celle-ci. Et soudain la mère prend une autre dimension, enfant malheureuse, femme blessée par les hommes, mais toujours débordante de vie, de projets, lumineuse finalement malgré ses périodes d’ombres. Elle est femme, amante, et mère, sans maîtriser la juste orchestration des trois.

Je ne vous dirai rien de la troisième partie du livre, si ce n’est qu’une fois adulte Violaine portera encore un autre regard sur sa mère, toujours plein d’amour malgré les épreuves et la vie cabossée qu’elle leur a fait mener, à sa sœur et à elle.

« Entre la mère et la putain, maman n’avait jamais su choisir. Ce déséquilibre constant perdura par delà le départ de ses filles et l’avait certainement précédé. La femme vivait ce funambulisme, l’inéluctable funambulisme de son sexe, tant bien que mal, mais maman le vivait surtout mal […]. Et mère et salope, et soumise et lascive, et consentante et farouche, et mamelle et matrice, et dépendante et dominée. Les mères avaient tout à perdre et maman avait tout perdu […] »

S 3-3Folio, 304 pages, 7,90€

Roman

«Le parfum de l’hellébore» de Cathy Bonidan

helleboresEn tant que blogueuse, j’attache une certaine importance aux conseils d’autres lecteurs pour découvrir des auteurs ou des textes que je ne connais pas encore. « Le parfum de l’hellébore » est un livre qui, plus encore que conseillé, m’a littéralement été mis entre les mains par Laurence Labbé, elle-même auteur de plusieurs livres. Avec son enthousiasme habituel, elle a aiguisé ma curiosité sur ce premier roman de Cathy Bonidan, découverte sur le site monbesteller.com.

L’histoire débute dans les années cinquante : deux adolescentes racontent tour à tour leur expérience dans un centre psychiatrique. L’une est une patiente, soignée ici pour anorexie ; l’autre est la nièce du directeur, envoyée au centre pour effectuer un stage et se remettre dans le droit chemin après des écarts de conduite. Toutes deux vont se prendre de sympathie pour un jeune patient autiste, Gilles.

Là où l’approche de ce roman devient particulièrement intéressante, c’est que la seconde partie du livre se passe de nos jours. Une jeune femme, éternelle étudiante qui se cherche encore, s’intéresse dans le cadre de ses travaux universitaires aux centres psychiatriques dans les années 1950. Et c’est son regard, actuel, curieux, bienveillant, sur les traces des deux jeunes filles, qui donne du relief à la première partie du roman et transforme cette histoire d’adolescentes en quelque chose de plus profond.

Le récit alterne plusieurs genres, le récit, le journal intime, les échanges épistolaires… qui sont disséminés comme autant d’indices dont le lecteur se servira pour reconstituer le puzzle du passé.

On sent dans l’écriture de Cathy Bonidan une sincérité imprimée dans chaque mot, et dans chaque citation choisie en ouverture de chapitre. Si le lecteur ignore souvent ce qui pousse un auteur à choisir un thème plutôt qu’un autre pour son roman, nul doute que le choix de Cathy Bonidan doit être bien personnel pour qu’il se soit transformé en un si joli roman plein de sensibilité.

S 3-3Points, 312 pages, 7,50€. Et visitez le site de Laurence Labbé : https://www.laurencelabbelivres.com/accueil