Roman

« Umami» de Laïa Jufresa

umamiPourquoi choisit-on de lire un livre plutôt qu’un autre ? Parfois la réponse à cette question est un peu mystérieuse : pour « Umami », premier roman de Laïa Jufresa, c’est d’abord le titre qui a attiré mon attention.

« Umami », c’est le cinquième goût. Je dois reconnaître que mes connaissances s’arrêtaient à quatre goûts (le sucré, le salé, l’amer et l’acide), et c’était en soi une curiosité que de découvrir l’umami. Notez que ce livre n’est pas un roman culinaire ! Si l’on parle d’alimentation dans ce roman, c’est surtout pour défendre les traditions culinaires mexicaines, la « milpa » notamment, ce mélange de maïs, courge et haricot rouge qui sert de base à l’alimentation.

Mais dans les vies qui se croisent dans ce roman, c’est surtout une grande humanité qui se dégage : veuf éploré, adolescentes rêveuse, artiste tourmentée, cohabitent autour d’une cour d’immeuble organisée comme les goûts sur la langue. Si les allers-retours entre passé et présent n’apportent pas grand-chose à l’histoire (décidément, peu d’auteurs réussissent à manier les flash-back avec pertinence), je salue en revanche le travail de la traductrice, qui a su trouver les mots justes pour traduire les néologismes sur les couleurs et les ambiances qu’elles inspirent : « Quant à la couleur, ce blanc de tous les possibles […], elle l’appelera blanssible » ; « mauvasile » ; « griste . Sur la couleur qu’elle a créée, un peu gris, un peu triste. »

Ces portraits d’humains sensibles et ordinaires font ressortir une grande humanité de ce roman. Et que dire du désespoir qui habite cette femme qui adopte des poupées pour les élever comme ses enfants, jusqu’à choisir des modèles qui donnent l’illusion de respirer ?

Quant au Mexique, il est bien plus qu’une simple toile de fond. Bien sûr l’ombre de Frida Kahlo est présente. Mais plus que cela, c’est la défense de toute une culture traditionnelle : « Un jour, un connard de gringo overeducated […] écrira un livre […] avec dedans tout ce que je raconte depuis des années […]. On donnera au gringo un poste à Berkeley, et ensuite, les Chinois, qui cultivent déjà plus d’amarante que tout le monde, auront un nouveau marché à disposition : la classe moyenne américaine, si paumée dès qu’on parle d’alimentation, sans traditions, à la merci des médias et d’Internet. »

S 2-3Folio, 320 pages, 7,70€. Traduit de l’espagnol (Mexique) par Margot Nguyen Béraud

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