BD

« La maison du péril », adaptation BD par Frédéric Brrémaud et Alberto Zanon, d’après Agatha Christie

Capture d’écran 2025-02-16 102649J’étais impatiente de découvrir cette nouvelle adaptation en BD d’un roman d’Agatha Christie, dans la collection désormais bien fournie des éditions Paquet.

Plusieurs auteurs et illustrateurs contribuent à cette collection, mais j’ai reconnu dans « La maison du péril » les personnages tels qu’ils sont croqués dans d’autres tomes – j’étais donc dans un univers familier, même si la première fois je n’avais pas complètement aimé certains visages ni le style d’Hercule Poirot.

L’histoire est celle de Nick Buckley, une jeune femme désargentée propriétaire d’une demeure qui tombe en ruines ; alors qu’Hercule Poirot séjourne à proximité, il est témoin d’une tentative d’assassinat sur la jeune femme. Celle-ci lui explique alors que plusieurs autres incidents similaires ont eu lieu les jours précédents. Il n’en faut pas plus au détective belge pour s’intéresser à ces agressions, et tenter de sauver Nick.

L’histoire est bien adaptée, les personnages tous bien identifiables, et le récit progresse au fil des fausses pistes et des découvertes. J’avais pressenti le dénouement, peut-être plus facilement que cela n’aurait été le cas dans le roman originel (j’ai lu le roman, mais comme souvent je mélange un peu les histoires de Poirot et donc je n’en garde pas de souvenir précis).

J’ai beaucoup aimé aussi les décors et les couleurs, en particulier la maison (et le bureau bibliothèque!). Ils restituent bien l’ambiance à laquelle on s’attend quand Poirot enquête en Angleterre. Bref, c’est un bon tome de la série !

S 3-3Paquet, 64 pages, 16,50€

BD

« Le passage » de Benoît Vieillard

le_passage_cover-05631Nantes, 1837. Un notaire et un restaurateur ont tous deux de grandes idées pour transformer l’insalubre rue de la Fosse, et y faire déboucher un passage d’un nouveau genre. Au lieu de s’opposer, ils décident de s’unir, lèvent des fonds, et se lancent dans un investissement faramineux. On suit ainsi, au fil des pages, la création et la transformation du célèbre passage Pommeraye.

Si le livre a le format d’une bande dessinée, chaque double page est un plan en coupe de l’une ou l’autre des entrées du passage. Il y a un fil rouge de page en page, mais on peut s’attarder aussi sur les multiples détails, la vie aux différents étages des immeubles, la chocolaterie, la boucherie, l’hôtel…

L’angle de vue est vraiment intéressant, et plus original que si l’histoire avait été racontée via de classiques vignettes. Il fait réfléchir le lecteur sur la mémoire des lieux, sur ce que chacun y laisse, et sur l’évolution d’un endroit très fréquenté, que les passants traversent sans s’interroger. Si l’on ne connaît pas ce passage nantais, ce livre donne très envie d’aller y flâner et d’y chercher l’âme des esprits visionnaires qui l’on façonné, et de ceux qui ont continué, au fil des décennies, à y insuffler de la vie.

S 3-3Ed. Ouest France, 88 pages, 21€

BD

« Celle qui parle » d’Alicia Jaraba

Capture d’écran 2025-01-15 160345En 2024, j’ai vu au Musée du Quai Branly une exposition dédiée aux Mexicas, dont je garde un souvenir assez marquant. J’avais alors noté de lire cette bande dessinée, dans laquelle j’ai découvert une figure emblématique de l’Amérique centrale du XVIème siècle, dans cette zone qui deviendra le Mexique, et qui était alors habitée par des peuples opposés, voire ennemis.

Malinalli est la fille d’un chef de tribu, mais depuis le décès de celui-ci la vie du clan n’est plus la même pour elle. Entre les membres du clan qui sont vendus comme esclaves, ceux qui sont livrés pour des sacrifices humains, et la crainte permanente des exactions du peuple mexica, le quotidien de Malinalli est souvent celui d’une jeune fille qui se cache, encore, toujours. L’arrivée de conquistadors espagnols (dont Hernan Cortez, figure emblématique de cette époque) donne à Malinalli une opportunité qui pourrait aussi faire d’elle une traîtresse : elle va devenir la traductrice officielle entre les peuples.

Cette bande dessinée est particulièrement originale, en cela qu’elle traite d’une époque et d’un personnage féminin peu présents dans la littérature. Malinalli, à propos de laquelle nous sont parvenus peu de récits (et aucun d’elle directement, rappelons si nécessaire que les femmes à cette époque n’avaient pas le droit de s’exprimer), est un personnage féminin qui apparaît très moderne. Elle est à la fois prisonnière des traditions et des usages de son clan, et en même temps possède une certaine instruction (celle de la connaissance des plantes, que lui a transmise sa grand-mère ; celle des langues aussi) et surtout une indépendance d’esprit peu commune. Elle est souvent nommée comme étant « celle qui parle » et la bande dessinée fait la part belle à son rôle essentiel dans les échanges qui eurent lieu entre les Espagnols et différents peuples autochtones.

Quelle est la part historique, quelle est la part de fiction ? L’essentiel est la mise en avant d’une figure féminine trop oubliée de l’Histoire, dans un ouvrage très bien réalisé, où les regards sont expressifs, où l’enchaînement des cases reproduit bien les variations de rythme du récit (les temps apaisés à la rivière vs les moments de fuite, par exemple).

Dans un court texte en fin d’ouvrage, l’auteure explique avoir cherché à rendre Malinalli  «humaine ». Qu’elle se rassure, ce souhait est réalisé.

S 3-3Grand Angle, 216 pages, 24,90€

BD

« Le crime d’Halloween », adaptation en BD du roman d’Agatha Christie par Dominique Ziegler et Cristian Montes

Capture d’écran 2025-01-05 094932Je connaissais déjà le roman d’Agatha Christie « Le crime d’Halloween », pour l’avoir lu plusieurs fois (et d’ailleurs chroniqué ici). Mais je ne résiste pas à cette collection d’adaptations en BD aux éditions Paquet, qui fait appel à différents auteurs et dessinateurs selon les titres. Je ne collectionne pas tous les titres de la collection, je me concentre sur les romans que j’ai bien aimés, ou les illustrations qui me font particulièrement de l’œil.

J’ai tout de suite aimé l’ambiance de cette adaptation ; le roman d’Agatha Christie est bien respecté, dans la construction et dans l’atmosphère de cet après-midi d’Halloween où se réunissent les enfants d’un village pour participer à différents jeux. Quand la jeune Joyce se vante d’avoir assisté un jour à un meurtre, personne ne la prend au sérieux. Mais quand elle est retrouvée morte quelques instants plus tard, chacun regrette de ne pas avoir prêté attention à ses paroles.

Ariadne Oliver, célèbre auteure de romans policiers, était présente sur les lieux. Elle fait appel à son ami Hercule Poirot pour démasquer le coupable.

L’histoire, je l’ai dit, est très fidèle à l’œuvre originale. Les dessins sont aussi très réussis : les décors sont pleins de détails (les jardins, les bibliothèques, les maisons…) et la gestuelle des personnages est très bien reproduite (il y a un joli travail sur les mains, en particulier).

Rendez-vous le 22 janvier pour la prochaine adaptation en BD de cette collection : ce sera « La maison du péril ».

S 3-3Ed. Paquet, 64 pages, 16,50€

BD

« Imbroglio » de Lewis Trondheim

2547C’est une toute petite BD en noir et blanc d’une vingtaine de pages, mais il s’y passe tant de rebondissements !

Charles, Mylène et Peter forment un drôle de trio ; sur la base d’une accusation de falsification des comptes, les deux hommes vont essayer de s’entre-tuer… mais sans succès, et avec d’incroyables revirements de situation. On se laisse surprendre par le premier rebondissement, puis par le deuxième… et on finit par attendre avec amusement tous les suivants.

C’est un huis-clos malin et original, d’une efficacité redoutable, qui se lit en quelques instants mais laisse un petit sourire sur les lèvres pendant bien plus longtemps.

S 3-3L’Association, 22 pages

BD

« Bergères guerrières – La relève (tome 1) » de Jonathan Garnier et Amélie Fléchais

9782344016459-001-TIl y a dix ans, les hommes du village sont partis à la guerre. Depuis, nul n’est revenu. Comment s’organiser quand la moitié du village disparaît du jour au lendemain ? Comment défendre les terres ? Les femmes qui sont restées auraient pu être des victimes collatérales de cette guerre ; elles ont décidé de refuser leur sort et de prendre le destin de leur village en main.

Cette année, c’est la jeune Molly, accompagnée de ses copines, qui va intégrer l’entraînement pour devenir elle aussi une « bergère guerrière » et apprendre à défendre son village.

Cette BD fort réussie raconte le rite initiatique que vivent ces jeunes filles – elles vont apprendre à tirer à l’arc, à se battre, à manier l’épée. Si Molly est effrontément courageuse, toutes ses copines ne le sont pas autant, et l’histoire raconte aussi la pression qui pèse sur ces enfants qui doivent passer un cap dans leur vie. Ensemble, unies par l’appartenance à ce groupe, elles deviennent fortes. Et je ne parle pas de Liam, le petit garçon qui ne devrait pas faire partie de ce groupe de filles, mais qui va peu à peu gagner sa place à force de détermination.

Une jolie leçon de courage, d’engagement, de solidarité ! Cette lecture m’a d’autant plus plu qu’elle m’a été conseillée par une ado (merci Alix !) dont je ne peux que saluer la qualité des lectures.

S 3-3Glénat, 72 pages, 15,50€

BD·C'est mercredi, on lit avec les petits !

« Les enquêtes des enfants capables (tome 1) » de Nathalie Dargent et Lucie Bryon

81DDCsu4YaL._SY466_Ben et Capucine ont créé avec leur « mécanichien » Toto et leur ami imaginaire Ujesh le « Club des enfants capables ». Ben est un inventeur de génie, tandis que sa sœur Capucine adore les enquêtes et les mystères.

Dans ce premier tome, ils doivent retrouver qui a envoyé une lettre de menace à Ben pour le dissuader de participer à une course aérienne. L’enquête réserve quelques surprises, surtout dans le dénouement final. Les personnages sont originaux, enthousiastes, malins. Les dessins sont jolis et restituent bien l’ambiance un peu désuète de la fin du XIXième siècle, avec de nombreuses idées et illustrations de machines étonnantes (ne manquez pas de lire la double page après le roman, avec sa liste d’inventions plus ou moins farfelues, et toujours drôles).

S 3-3Ed Milan (le 1er tome ne se trouve plus en librairie, mais il est disponible dans une intégrale)

BD

« Tous nos étés » de Séverine Vidal et Victor L. Pinel

Capture d’écran 2024-08-10 210940Parfois le choix d’une lecture se fait en fonction de la saison. Quand j’ai sélectionné quelques lectures pour cet été, cette bande dessinée m’a naturellement tapé dans l’œil : par le titre d’abord, mais aussi parce qu’elle raconte l’histoire d’une maison familiale de vacances.

Cette maison de vacances, nous la suivons sur plusieurs décennies, au fil de ses propriétaires successifs. J’ai été un tout petit peu gênée par l’enchaînement des dates, j’ai à chaque fois dû revenir en arrière pour situer la période qui commençait. Passé ce petit ralentissement dans ma lecture, j’ai beaucoup apprécié cette BD aux couleurs douces, qui restitue très bien l’ambiance estivale (à la plage ou sous l’ombre des arbres du jardin).

La BD commence avec Julie, enceinte, veuve depuis peu, de retour pour l’été dans la maison familiale. Son oncle a décidé de vendre sa part – et c’est toute la famille qui est chamboulée. Peu à peu, on découvre l’histoire de la maison avant que la famille de Julie ne l’achète. C’est doux, sentimental, plein de souvenirs comme savent les réveiller les lieux qui ont bercé les étés de notre enfance.

L’été n’est pas fini, vous avez encore largement le temps de vous plonger dans cette jolie BD de saison.

S 3-3Grand angle, 160 pages, 19,90€

BD

« Larzac » de Pierre-Marie Terral et Sébastien Verdier

larzac-histoire-dune-revolte-paysanneSi le Larzac semble aujourd’hui une terre plutôt isolée, qui ne fait plus trop parler d’elle, c’est aussi un endroit qui a symbolisé dans les années 1970 une lutte pacifique entre les paysans et l’État.

Pour celles et ceux qui n’auraient pas vécu ces années-là, rappelons quelques éléments : en 1971, l’État annonce l’extension d’un camp militaire déjà présent sur le Larzac. Or cette extension signifie l’expropriation d’une centaine de personnes qui exploitent ces terre, et qui décident de ne pas se laisser faire. Dans un combat sans violence, mais avec une grande détermination, ils vont occuper les lieux, aidés par une jeunesse pacifiste, anti-militariste, venue des villes pour s’installer plus ou moins à long terme ici.

D’habitude j’ai une préférence pour les bandes dessinées en couleur, mais ici les dessins en noir et blanc sont très bien réalisés et j’ai beaucoup aimé le rendu. Les différents protagonistes (paysans, néo-ruraux, politiques, militaires) ont tous droit à la parole, et les oppositions au sein d’un même camp ne sont pas minimisées (comme les divergences entre paysans locaux et nouveaux venus).

La lecture est d’autant plus agréable et rythmée qu’il y a aussi de nombreuses touches d’humour, ou encore des copies de photos ou de tracts, qui donnent un côté documentaire mais sans jamais alourdir la lecture. Cette bande dessinée est une très grande réussite : elle parvient à raconter l’histoire et les positions de chaque clan, de manière linéaire qui rend le récit très clair et très compréhensible. Il est fort probable, si vous ne connaissez pas encore le Larzac, que cette BD vous donnera envie d’aller faire un petit tour du côté de la « Blaquière », cette bergerie emblématique des lieux.

S 3-3Dargaud, 176 pages, 23,50€

BD

« Mauvais genre » de Chloé Cruchaudet

Capture d’écran 2024-06-30 210135Paul et Louise sont amoureux, vivent ensemble, se marient. Mais la guerre est déclarée et Paul, qui faisait son service militaire, est appelé à combattre. Dans les tranchées, il voit l’horreur, la mort. Il tente d’échapper à la guerre en se blessant volontairement. Mais cela ne suffit pas.

Il déserte. Mais vivre enfermé le rend fou. Pour sortir dans la rue, il emprunte les vêtements de sa femme… et se rend vite compte que cette nouvelle apparence pourrait le sauver…

Cette BD est la tragique histoire d’un couple déchiré par les conséquences de la guerre, l’histoire aussi d’un homme marqué par l’horreur qu’il a vue, et la soif d’être libre et vivant. C’est un livre fort et marquant, dont on ne ressort pas tout à fait indemne.

Le choix du noir et blanc, avec quelques touches de rouge, est particulièrement judicieux pour servir le récit. Certains dessins, pour appuyer l’histoire, sont assez durs et nécessitent que le lecteur soit prévenu. L’ambiance globale est très spéciale ; si au départ le travestissement de Paul peut sembler amusant, il devient vite l’objet de scènes destructrices.

Je connaissais Chloé Cruchaudet pour son adaptation de la biographie de Céleste Albaret (la gouvernante de Proust) ; je la découvre ici dans un registre très différent, sombre, mais avec les mêmes qualités graphiques et narratives.

S 3-3Ed. Delcourt, 160 pages, 23,49€