Roman

« Le barman du Ritz » de Philippe Collin

« Dehors on traque les juifs, on fusille des gamins au mont Valérien, on meurt de faim, mais un palace se doit d’être irréprochable pour ce qui est des bigoudis. »

C’est toute l’ambiguïté de l’ambiance au Ritz depuis que la Gestapo en a fait un de ses lieux privilégiés de rendez-vous. On se presse autour du bar de Frank Meier, le talentueux barman qui réalise des cocktails comme personne, sait écouter sans intervenir, affiche toujours une mine impassible.

Pourtant Frank cache un secret : lui-même est juif. D’origine autrichienne, il a fait Verdun du côté de la France – et place encore en Pétain les espoirs d’un ancien combattant envers celui qui était encore considéré comme un héros.

La tension monte crescendo dans le roman ; et la légèreté prudente du début se transforme peu à peu en étau au fil des arrestations et de l’avancée de la guerre. D’abord à l’abri derrière son bar, Frank joue de plus en plus avec le feu. Entre ceux qu’il protège et celles qu’il convoite, il côtoie au quotidien des ennemis qu’il s’évertue à servir en affichant une neutralité bien maîtrisée.

L’histoire est inspirée de personnages ayant réellement existé (celui de Frank d’abord, des officiers allemands, mais aussi de plusieurs célébrités de l’époque, Guitry, Chanel,…). Le personnage de Frank est déstabilisant, son sang-froid et son aisance face à n’importe quel interlocuteur mettent parfois mal à l’aise dans la lecture. Et tandis que l’horreur se produit, le champagne et les cocktails coulent à flot…

Quant à Blanche Auzello, que Frank admire en secret, elle est à la fois évanescente, ombrageuse et rebelle, et finalement la seule capable de fendiller l’armure du barman.

Albin Michel, 416 pages, 21,90€

Roman

« Les Royaumes de feu (tome 1) – La prophétie » de Tui T. Sutherland

Je n’aurais jamais cru me passionner pour une histoire de dragons… et pourtant j’ai adoré ce roman ! Ce qui l’a fait sortir du lot dans les rayonnages, c’est d’abord la magnifique édition collector pour les 10 ans de la sortie du roman (il y a eu 16 autres tomes depuis !), avec sa couverture brillante et son jaspage, qui donnent envie d’ouvrir le livre juste pour le plaisir de regarder et toucher un bel objet.

L’histoire est celle de cinq jeunes dragons, Argil, Tsunami, Comète, Gloria et Sunny, élevés hors de leurs clans respectifs depuis leur naissance. Il faut dire que ces cinq dragonnets ont une particularité : ils sont des élus, ceux qui ont été identifiés pour réaliser une prophétie et ramener la paix entre des clans en guerre depuis des années.

Ce premier tome place Argil au centre de l’histoire ; dans l’interview de l’auteure reprise en fin d’ouvrage, elle explique que chacun des cinq premiers tomes met en avant l’un des dragonnets. Mais les autres ne sont pas pour autant absents de l’histoire ; au contraire, leurs aventures se vivent en groupe, avec la solidarité naturelle de ceux qui traversent des épreuves communes, mais aussi avec des tensions et des désaccords.

Chaque lecteur pourra ainsi préférer le caractère fougueux de Tsunami, la gentillesse d’Argil, ou compatir avec Gloria qui cherche sa légitimité… L’univers dans lequel évoluent les personnages n’est pas tendre, il y a des combats dans l’arène, des affrontements à la vie à la mort, et l’auteure ne prend pas de pincettes quand il faut sacrifier des personnages. L’éditeur conseille la lecture pour les 9-12 ans, ce qui me paraît bien, même s’il faut quand même être un lecteur motivé si tous les tomes de la saga comptent 400 pages ! Quant aux lecteurs adultes, ils ne seront pas déçus par ce roman qui crée tout un univers, des personnages attachants et aux caractères complexes, sans oublier quelques rebondissements et une petite point d’humour qui allège l’ambiance.

Gallimard jeunesses, 416 pages, 25€ pour l’édition collector, 17€ pour la version classique.

Cosy mystery·Policier·Roman

« Le club des amateurs de romans policiers (tome 6) – Meurtre en famille » de C.A. Larmer

J’aime beaucoup cette série de cosy mysteries où les enquêteurs amateurs sont une bande de lecteurs fans d’Agatha Christie. Même si Alicia et Lynette, les deux sœurs qui ont fondé le club de lecture, sont un peu plus présentes que les autres personnages, il en ressort un effet de « troupe » assez sympathique – qui me rappelle d’ailleurs un groupe de lecteurs dont je faisais partie, composé de personnalités différentes mais toutes adorables et complémentaires.

Ronnie, l’une des membres du club, fête son anniversaire dans la magnifique propriété qu’elle a héritée de son mari. Tous ses amis sont invités, et leur présence va s’avérer hélas nécessaire puisque la petite amie du neveu de Ronnie est retrouvée morte sur le cours de tennis. La police, bien sûr, ne s’en sortira pas sans l’enquête parallèle des détectives amateurs…

On s’éloigne de l’univers d’Agatha Christie, contrairement aux premiers tomes où les références étaient très présentes. C’est un peu dommage, mais maintenant que la mayonnaise a pris, le groupe se suffit à lui-même et le club de lecture est devenu un prétexte pour lier des personnages très différents. Il y a évidemment plein de fausses pistes, des personnages détestables, des histoires de famille, d’héritage… La vie privée des membres du club est évoquée en pointillés, mais elle est assez peu présente – ce qui me va bien, je préfère quand il n’y a pas trop de digressions dans l’enquête.

La couverture, comme toutes celles de cette collection, est très mignonne, avec quelques dessins à l’intérieur ; encore une jolie série dans ma bibliothèque…

Le Cherche Midi, 464 pages, 15,90€ (service de presse)

Policier·Roman

« La Psy » de Freida McFadden

Comme beaucoup d’entre vous, j’ai lu « La femme de ménage ». Comme beaucoup, j’ai aussi lu le deuxième volet, « Les secrets de la femme de ménage ». Et puis je me suis arrêtée là, j’ai choisi de ne pas lire les tomes suivants, par crainte de lire « l’histoire de trop » construite sur le même modèle.

Quand on m’a prêté « La Psy », j’ai quand même accepté le roman. Lecture facile, qui ne m’engageait à rien.

C’est un roman psychologique, comme « La femme de ménage » de la même auteure, mais construit différemment. Tricia et Ethan, deux jeunes mariés, sont coincés par le brouillard et la neige dans une maison inhabitée qu’ils devaient visiter avec leur agent immobilier. Cette maison a appartenu à une célèbre psychiatre, disparue sans laisser de trace, et que les policiers croient morte – même s’ils n’ont jamais trouvé les preuves de la culpabilité de son petit ami.

Mais la maison va révéler bien des secrets au jeune couple qui la visite… Je ne vous dis rien de plus sur l’histoire ; ce serait dommage car tout l’intérêt de ce genre de livre est de se laisser berner, de faire des découvertes et de pousser des « oh » de surprise.

J’ai passé le premier quart du livre à me laisser porter par le début de l’intrigue, puis une bonne moitié à penser que j’avais « tout deviné », je me suis cru maline, j’ai recoupé des indices qui collaient « forcément » avec ma théorie… jusqu’au dernier quart du livre, où j’ai compris que je m’étais fait avoir !

Et c’est très bien ainsi.

C’est donc un roman qui se lit facilement (400 pages mais avec une police assez grande et des interlignes très espacés), des rebondissements réguliers, et une fin qui ne déçoit pas. Me voilà prête à lire les prochains livres de cette auteure !

J’ai lu, 416 pages, 8,60€

En anglais·Roman

« The restaurant of lost recipes » de Hisashi Kashiwai


A Kyoto, Nagare et sa fille Koishi tiennent un restaurant d’un genre particulier ; à la demande de ses clients, le chef recrée des recettes oubliées, vecteurs de souvenirs. Nori Ben, ramen, ten don… au total, six recettes font l’objet de recherches dans ce roman (qui est en réalité le deuxième tome, mais nul besoin d’avoir lu le premier pour comprendre l’histoire). Le rituel est bien rodé : accueillir le visiteur, le mettre en confiance en lui proposant un bon repas ; puis écouter son histoire, la recette qu’il veut redécouvrir, et surtout les raisons pour lesquelles il cherche à retrouver les sensations provoquées par cette recette. Car derrière un plat, c’est avant tout un souvenir que les client du restaurant veulent faire revivre – et bizarrement, malgré la complexité de certaines demandes, le chef Nagare n’échoue jamais !

On a tous des recettes d’enfance ou qui sont capables de réveiller des souvenirs – évidemment j’ai pensé à Proust et à sa madeleine, à la capacité qu’un aliment ou un plat peut avoir de nous faire revivre des souvenirs marquants.

Ce sont souvent les recettes les plus simples qui font revivre les souvenirs les plus forts, parce que ce qui compte c’est la personne qui les a préparées, ou le lieu où on les a découvertes.

J’ai acheté ce livre dans une librairie londonienne, et c’est donc en anglais que je l’ai lu (traduit du japonais). Je n’ai pas toujours réussi à traduire en détail les composants des bentos ni les ingrédients spécifiques de la cuisine japonaise, certains termes m’ont résisté… mais j’ai compris l’ensemble, et au passage j’ai appris à dire « anguille » et à nommer quelques poissons (« Hamo eel » est une sorte d’anguille typique de Kyoto ; « Ayu sweetfish » un poisson à la chair sucrée…).

Les chapitres sont en fait des nouvelles (1 client = 1 chapitre), qui peuvent se lire séparément ou avec des pauses. L’ensemble est sympathique, le concept de « détectives culinaires » est amusant et aurait même pu être développé encore plus.

Pan Macmillan, 200 pages, 14£99

Policier·Roman

« Les assassins de l’aube » de Michel Bussi

Direction la Guadeloupe pour ce roman de Michel Bussi qui vient de sortir en format poche. La police locale est à cran : un meurtrier s’en prend à des touristes ; trois d’entre eux ont été tués avec un harpon dans le coeur et un message politique comme signature. Valéric, à la tête de l’enquête, est un… Lire la suite « Les assassins de l’aube » de Michel Bussi

Cosy mystery·Policier·Roman

« Son Espionne royale vole au secours de Belinda (tome 14) » de Rhys Bowen

Avec le temps, cette série est devenue une de mes lectures doudous, de celles que je mets de côté pour les moments où j’ai besoin d’une lecture pas trop sérieuse et de lire juste pour me détendre. Si parfois les séries ont tendance à se répéter, je trouve au contraire que celle-ci se bonifie au fil des tomes. Lady Georgiana est devenue une vraie jeune femme, courageuse, s’assumant de plus en plus, s’affirmant au fil des tomes. Les personnages agaçants (désolée Queenie!) sont complètement passés au second plan.

Dans ce quatorzième tome, Georgie est mariée depuis trois mois au séduisant Darcy. Celui-ci doit repartir en mission secrète, et Georgie ne goûte guère à la vie domestique est s’ennuie seule dans sa grande propriété. Elle cherche de la compagnie et se retrouve embarquée par Belinda, sa meilleure amie, au fin fond des Cornouailles, où Belinda vient d’hériter d’un cottage en piteux état. Sur place, Belinda retrouve des amis d’enfance, et le séjour va virer au cauchemar pour elle…

Comme toujours, l’enquête semble surtout un prétexte (le meurtre n’a lieu qu’au milieu du roman)… et cela ne me dérange pas ! On est dans le pur esprit du « cosy mystery ». J’aime avant tout lire les escapades de Georgie, ici dans une riche demeure des Cornouailles, ses promenades, les petites conspirations, la description de son quotidien de lady et les cérémonies du thé…

J’ai trouvé ce tome dépaysant, entre belles propriétés mystérieuses qui donneraient presque envie de devenir châtelaine, et cottages charmants quoique défraîchis.

Précision importante, il faut lire les tomes dans l’ordre pour comprendre la psychologie des personnages et leurs relations.

Deux coups de griffes pour finir : dans mon édition j’ai trouvé beaucoup de coquilles, à croire que le texte n’a pas bénéficié du regard d’un correcteur ; quant au nom de l’auteure, il ne figure même pas sur la couverture de mon livre, quelle maladresse !

Robert Laffont, coll. « La Bête noire », 378 pages, 14,90€

Roman

« Le Chardonneret » de Donna Tartt

Coup de cœur !

J’avais entendu beaucoup de bien sur ce livre il y a longtemps (grâce à une chronique de Caroline sur le blog qu’on partageait précédemment), mais il m’aura fallu attendre cet été pour le découvrir. Le bon moment n’arrive pas toujours quand on l’attend.

Theo Decker n’a que treize ans lorsqu’il est victime d’un attentat dans un musée. Sa mère, comme de nombreux visiteurs, décède dans l’attaque. Theo s’en sort, et se voit confier par un vieil homme mourant un tableau de valeur du musée : « Le Chardonneret ». Durant toutes les années qui vont suivre (et les 1100 pages de ce livre), Theo va être hanté par ce tableau.

Roman impressionnant par sa construction et sa densité, il entraîne le lecteur à la suite de Theo, de Manhattan à Las Vegas, d’un vieil atelier d’antiquaire jusqu’au riche appartement d’une famille d’accueil. Theo est un personnage attachant mais troublant, un enfant plein de potentiel qui se transforme au fil des chapitres en un adolescent puis un jeune homme dont la déchéance m’a souvent mise mal à l’aise.

Le récit ne souffre d’aucun temps mort ; j’ai su dès les premières pages que j’enchaînerais sans difficulté la lecture des chapitres – ce qui ne s’est pas démenti. J’ai aimé lire cette fresque d’une jeunesse esseulée et paumée, mais aussi toute la beauté apportée par les œuvres d’art et les antiquités qui parsèment le roman. Tous les personnages autour de Theo apportent une touche particulière à l’histoire : tantôt la douceur ou la confiance (Hobie l’antiquaire, Pippa la jeune rescapée, la mère de Theo), tantôt l’instabilité et le déclin (Boris l’ami russe, le père de Theo et sa compagne,…)

Récompensé par le Prix Pulitzer en 2014, ce roman a été aussi été l’objet de censure à travers la loi « HB 1467 » adoptée par certains Etats américains – et si vous ne deviez retenir qu’un argument pour lire ce roman, ce serait peut-être celui-là : qu’elle dérange ou qu’elle mette mal à l’aise, la littérature trouve toujours sa place quand les lecteurs continuent de la faire vivre.

Pocket, 1120 pages, 12,90€

Cosy mystery·Policier·Roman

« Les enquêtes d’Hannah Swensen (tome 13) : Meurtres et gâteaux du diable » de Joanne Fluke

Si le titre n’a pas l’air appétissant, la recette du « gâteau du diable » a pourtant l’air savoureuse. Oui, je commence par parler cuisine, car évidemment cette série de cosy mysteries culinaires fait la part belle à toutes sortes de pâtisseries, et parmi les 13 tomes déjà traduits en France, celui-ci offre de belles idées de… Lire la suite « Les enquêtes d’Hannah Swensen (tome 13) : Meurtres et gâteaux du diable » de Joanne Fluke

Audio·Roman

« Tout le monde aime Clara » de David Foenkinos

C’est l’histoire de Clara, une adolescente solaire, dont la vie bascule un soir de concert. Mais c’est aussi l’histoire de ses parents : Alexis, un banquier un peu terne qui s’est inscrit à un atelier d’écriture, et Marie, qui travaille dans le cinéma en attendant « le » film qui décrochera la Palme d’or. C’est aussi l’histoire d’Eric Ruprez, un écrivain oublié et aigri, qui dirige l’atelier d’écriture auquel participe Alexis.

Si je vous cite tous ces personnages en introduction, c’est parce que le titre du roman, et les très courtes lignes de la quatrième de couverture (que je vous conseille au passage de ne pas lire pour garder un peu de suspense) m’avaient laissé penser que le personnage principal du roman serait cette jeune fille, Clara, et que ma première surprise a été que le livre commence longuement par l’histoire de ses parents.

Passé cet étonnement, j’ai changé d’avis plusieurs fois au cours du roman (j’aime ? Je n’aime pas ?). Généralement j’aime plutôt bien les romans de David Foenkinos, et je lui reconnais une fois de plus le talent de savoir raconter les histoires de vie, de réussir à se placer successivement dans la peau de personnages qui ont des points de vue différents (l’histoire de Alexis et Marie est bien retranscrite par exemple). En revanche j’ai regretté que l’auteur ouvre trop de voies à explorer dans un seul roman : la vie d’un couple, le destin hors du commun d’une jeune fille, le monde de l’édition et le parcours d’un écrivain, une autre histoire d’amour… C’était un peu trop pour un roman assez court.

Point positif à noter : j’ai découvert ce texte en version audio. Cela faisait un petit moment que j’étais revenue à des lectures 100 % papier, et j’ai apprécié ce retour au livre audio. J’avais (presque) oublié à quel point c’est agréable de se laisser raconter une histoire. Je suis convaincue d’y retourner ponctuellement.

Ecoutez Lire pour la version audio ; lu par François Hatt ; 5h20 d’écoute, 18,90€ pour la version CD