Audio·Roman

«Le Grand Monde » de Pierre Lemaitre

Grand MondeQuel talent !

Quand on me demande quel est mon auteur contemporain préféré, je réponds invariablement « Pierre Lemaitre ». J’ai découvert les romans de cet auteur il y a des années, bien longtemps avant son Goncourt, lorsqu’il écrivait des polars (excellents, cela dit en passant).

« Le Grand Monde » est, une fois encore, une réussite. La construction de l’histoire, brique par brique, fait monter la tension romanesque au fil des chapitres. On découvre les personnages, et même ceux que l’on pense avoir cernés dans les premiers chapitres recèlent des surprises jusqu’à la fin du roman. Car le grand talent de Pierre Lemaitre est de combiner, dans un roman à décor historique, une fresque romanesque riche, des personnages d’une belle complexité, et des rebondissements qui, s’ils ne relèvent pas du polar, fournissent au lecteur de beaux revirements de situation. Quant à l’écriture, elle est toujours juste, le choix des mots est précis – j’allais dire « parfait », tant chaque mot semble être à sa place.

J’ai pourtant eu une petite inquiétude en démarrant ce livre, que l’auteur a choisi de situer pendant la guerre d’Indochine. C’est une guerre dont je connais peu de choses, je n’étais pas sûre de réussir à entrer dans l’histoire – et le début du roman comporte beaucoup d’éléments très informatifs, issus d’une restitution presque trop méticuleuse du contexte historique.

Mais pourquoi ai-je douté ? Car une fois le décor bien planté, l’histoire démarre avec force, et la tension ne diminue pas jusqu’aux ultimes mots du roman. L’histoire est celle d’une famille, les Pelletier, savonniers bourgeois habitant Beyrouth, dont les quatre enfants ont quitté le nid et vivent chacun de leur côté : tandis que François a renoncé à de brillantes études pour se lancer dans le journalisme, Jean dit « Bouboule » mène une vie plutôt décevante aux côtés d’une femme qui le rabroue sans cesse ; Etienne, quant à lui, vient de partir en Indochine où son amant a été tué ; sa sœur jumelle, Hélène, moins présente au début du roman, s’émancipe et n’a pas fini d’en faire voir à sa famille… Passionnante histoire que celle de cette famille complexe, dont les vicissitudes n’ont pas fini de vous surprendre.

Depuis « Couleurs de l’incendie », j’ai pris l’habitude de découvrir les romans de Pierre Lemaitre en version audio lue par l’auteur lui-même. Car en plus du talent d’auteur, celui-ci a le talent de lecteur idéal pour lire ses romans. Sa voix, ses hésitations, son incarnation des personnages, donnent un relief particulier au texte. Prévoyez quand même 17h30 d’écoute (!) mais cela vaut vraiment le coup.

S 3-3Audiolib, 17h34 d’écoute, 26,50€ en version CD

Roman

« Le serpent majuscule » de Pierre Lemaitre

9782226392084-jJ’adore les romans de Pierre Lemaitre. J’ai découvert cet auteur avec ses polars, bien avant son prix Goncourt pour « Au revoir là-haut ». Depuis « Couleurs de l’incendie », roman qui m’avait subjuguée, je dis souvent que c’est mon auteur préféré.

Alors je ne pouvais pas passer à côté de ce « nouveau » roman, qui est en fait la publication d’un livre écrit en 1985 et jusqu’ici jamais proposé à un éditeur. L’auteur, dans la préface, est assez lucide sur l’accueil qui peut être fait à un livre écrit il y a plus de trente-cinq ans : « il sera jugé avec sévérité par le lecteur intransigeant et avec bienveillance par le lecteur amical ».

Je dois dire que ce n’est pas, et de loin, mon roman préféré de l’auteur. Je n’en reconnais même pas le style, la précision du mot juste que j’aime tant habituellement, ni la construction qui donne envie de tourner les pages frénétiquement dans la plupart de ses autres romans.

L’histoire est celle de Mathilde, une veuve un peu grosse, un peu banale, qui cache bien son jeu. Car Mathilde est tueuse à gages. Par contrat, elle tue sans scrupule, et avec une efficacité redoutable. Mais le lecteur comprend vite que Mathilde a une faille : sa mémoire lui joue des tours…

Bien que quelques bonnes trouvailles parsèment le récit ici ou là, l’essentiel est assez lent, un peu redondant… bref j’ai été déçue. Donc si par hasard vous n’avez encore jamais lu de roman de Pierre Lemaitre, ne commencez pas par celui-ci, j’en ai de bien meilleurs à vous conseiller.

Malgré tout, je suis une lectrice « amicale », et je garde bien à l’esprit que c’était une œuvre de jeunesse.

S 1-3Albin Michel, 336 pages, 20,90€

Policier

« Cadres noirs » de Pierre Lemaitre

cadres noirsBien avant de lire sa trilogie des « Enfants du désastre » (dont j’ai chroniqué sur ce blog « Couleurs de l’incendie » et « Miroir de nos peines »), je connaissais Pierre Lemaitre comme un excellent auteur de polars. Avec « Alex » ou « Robe de marié », il m’avait déjà impressionnée par sa capacité à raconter des romans noirs très psychologiques, bien orchestrés et intelligents – c’est-à-dire pas seulement pleins de rebondissements (ce qui est déjà très bien), mais en construisant des personnages complexes, étonnants, qui reflètent tout ce que l’être humain peut avoir de ressorts cachés en lui.

« Cadres noirs » m’attendait depuis longtemps. Acheté un jour par hasard, avec la certitude que le livre me plairait, mais un peu noyé parmi d’autres livres que j’avais aussi envie de lire, il a attendu son heure. Enfin son heure est venue, et c’est un nouveau grand plaisir de lecture que j’ai vécu.

Alain Delambre est chômeur depuis plusieurs années. Proche de la retraite, il sait que retrouver un emploi comme ceux qu’il a connus – DRH dans une grande entreprise – est devenu inaccessible pour lui. Il accepte des petits boulots sans qualification, parce qu’il faut bien manger et payer les traites de l’appartement. Si sa femme ne lui reproche rien, lui se sent chaque jour un peu plus dévalorisé. Lorsqu’une annonce atypique est publiée (participer à une fausse prise d’otage organisée par un recruteur), Alain n’hésite pas. Pas question de s’attarder sur des considérations morales ; ce job, il le veut, et il va tout faire pour l’avoir.

Commence alors une quête tout à la fois ambitieuse et folle, celle d’un homme qui doit pouvoir saisir sa chance de retrouver son honneur – parce que c’est sans doute la dernière chance qu’il aura.

Avec beaucoup de rythme, de rebondissements, et toujours l’incroyable talent narratif qu’on lui connaît, Pierre Lemaitre fait de ce roman un thriller psychologique particulièrement bien construit. Alain Delambre, le personnage central, est un symbole d’acharnement, de « non-résignation » ; et ce roman, l’œuvre d’un fin stratège.

S 3-3Le Livre de poche, 442 pages, 7,90€

Audio·Roman

« Miroir de nos peines » de Pierre Lemaitre

Il y a des livres que l’on attend avec gourmandise, comme la promesse de passer un moment de littérature agréable, fort, émouvant, parfois drôle. Avec « Miroir de nos peines », dernier opus de la trilogie des « Enfants du désastre », Pierre Lemaitre signe à nouveau un roman réussi et qui réunit tous ces critères. J’ai choisi non… Lire la suite « Miroir de nos peines » de Pierre Lemaitre

Audio·Roman

« Couleurs de l’incendie » de Pierre Lemaitre

couleurs incendieDe Pierre Lemaitre, j’avais déjà lu plusieurs polars, et le désormais incontournable « Au-revoir là haut », couronné par le Prix Goncourt en 2013. « Couleurs de l’incendie » se veut une suite, et la deuxième partie d’une trilogie annoncée. Mais n’ayez crainte si vous n’avez pas lu le premier, celui-ci peut se lire totalement indépendamment.

Se lire… ou s’écouter. En ce qui me concerne, j’ai découvert « Couleurs de l’incendie » en version audio. Et quelle version ! Je redoutais au départ la longueur de l’écoute (plus de quatorze heures, quand même…), mais que ces moments d’écoute furent finalement agréables !

Tout y est. D’abord, le texte et son écriture d’orfèvre. Chaque mot est précis, juste, choisi par l’auteur comme un joaillier choisirait pierre après pierre les pièces qui vont constituer une pièce majestueuse et éblouissante. La langue est riche, mais jamais précieuse. Les phrases sont comme tissées, mais jamais emmêlées.

Quelques mots sur l’histoire. Dans l’entre deux-guerres, Madeleine Péricourt hérite de la banque familiale. Mais le jour de l’enterrement de son père, un drame survient : son fils Paul fait une chute par la fenêtre. Accident, tentative de suicide ?

Déboires financiers, jeux politiques, influence de la presse, mais aussi montée du nazisme en Allemagne, le livre est riche en décors et en rebondissements.

Je crois que je n’aurais pas autant apprécié cette élégance de l’écriture si je l’avais lu comme je lis tant d’autres romans. En écoutant le texte, j’ai pu déguster les mots, et ils étaient savoureux. Le roman est lu par l’auteur lui-même ; Pierre Lemaitre nous livre une lecture qui est une interprétation. Sans caricature, sans maquiller sa voix, il réussit à donner un ton à chaque personnage, qui fait que chacun des personnages, Madeleine, Paul, la nurse polonaise, le patron du journal… sont reconnaissables, même mieux que si plusieurs lecteurs se relayaient. J’ai trouvé génial que ce soit l’auteur qui lise lui-même son texte, parce qu’aucune autre personne mieux que l’auteur ne peut restituer le corps d’un personnage. C’est une écoute aussi délicieuse qu’une écoute d’enfant à qui on fait la lecture.

Le seul (tout petit) reproche que je peux faire à ce livre audio est d’avoir sacrifié certains temps de respiration dans la lecture – vous savez, ces coupures à l’intérieur des chapitres, qui permettent la pause nécessaire pour changer de situation ou de personnages (ça a sûrement un nom mais je l’ignore). Ce qui fait que j’ai parfois été surprise d’entendre parler d’un personnage qui n’était pas du tout cité depuis le début d’un chapitre.

A part ça, il n’y a rien à dire : sur le texte comme sur la lecture, ce livre audio est sublime.

S 3-3Audiolib, lu par l’auteur, avec la participation de Zygmunt Mioszewski pour les mots lus en polonais.