Bien avant de lire sa trilogie des « Enfants du désastre » (dont j’ai chroniqué sur ce blog « Couleurs de l’incendie » et « Miroir de nos peines »), je connaissais Pierre Lemaitre comme un excellent auteur de polars. Avec « Alex » ou « Robe de marié », il m’avait déjà impressionnée par sa capacité à raconter des romans noirs très psychologiques, bien orchestrés et intelligents – c’est-à-dire pas seulement pleins de rebondissements (ce qui est déjà très bien), mais en construisant des personnages complexes, étonnants, qui reflètent tout ce que l’être humain peut avoir de ressorts cachés en lui.
« Cadres noirs » m’attendait depuis longtemps. Acheté un jour par hasard, avec la certitude que le livre me plairait, mais un peu noyé parmi d’autres livres que j’avais aussi envie de lire, il a attendu son heure. Enfin son heure est venue, et c’est un nouveau grand plaisir de lecture que j’ai vécu.
Alain Delambre est chômeur depuis plusieurs années. Proche de la retraite, il sait que retrouver un emploi comme ceux qu’il a connus – DRH dans une grande entreprise – est devenu inaccessible pour lui. Il accepte des petits boulots sans qualification, parce qu’il faut bien manger et payer les traites de l’appartement. Si sa femme ne lui reproche rien, lui se sent chaque jour un peu plus dévalorisé. Lorsqu’une annonce atypique est publiée (participer à une fausse prise d’otage organisée par un recruteur), Alain n’hésite pas. Pas question de s’attarder sur des considérations morales ; ce job, il le veut, et il va tout faire pour l’avoir.
Commence alors une quête tout à la fois ambitieuse et folle, celle d’un homme qui doit pouvoir saisir sa chance de retrouver son honneur – parce que c’est sans doute la dernière chance qu’il aura.
Avec beaucoup de rythme, de rebondissements, et toujours l’incroyable talent narratif qu’on lui connaît, Pierre Lemaitre fait de ce roman un thriller psychologique particulièrement bien construit. Alain Delambre, le personnage central, est un symbole d’acharnement, de « non-résignation » ; et ce roman, l’œuvre d’un fin stratège.
Le Livre de poche, 442 pages, 7,90€