Biographie·Roman

« Victor Hugo vient de mourir » de Judith Perrignon

9782266273367ORISi les obsèques de célébrités sont aujourd’hui largement couvertes médiatiquement, il ne faut pas oublier que les adieux aux grandes personnalités ont toujours existé. Ainsi, lorsque Victor Hugo est sur le point de rendre son dernier souffle, c’est le Tout-Paris qui s’agite sous ses fenêtres. Journalistes, lecteurs, et même ses détracteurs, ne peuvent ignorer ce moment qui vient mettre un terme à une vie riche en œuvres et en engagements.

Si le livre est un roman, il fait vivre au lecteur les dernières heures de Victor Hugo, puis sa mort, presque comme un récit d’archive – j’imagine d’ailleurs le gros travail de documentation qui a dû être réalisé. Quel sera le dernier hommage rendu ? En faire trop, ce serait cautionner des engagements qui ne plaisaient pas à tout le monde ; enterrer ce grand homme dans la discrétion ferait courir le risque d’une révolte de la population. C’est finalement au Panthéon que Victor Hugo sera inhumé, lors de funérailles nationales.

Le format est assez court, ce qui est plutôt bien vu – je n’aurais pas imaginé 300 pages sur le sujet, quand même.

Merci à Yves du blog lyvres.fr qui est toujours de bon conseil, et dont la chronique m’a donné envie de découvrir ce texte.

S 3-3Pocket, 168 pages, 6,40€

C'est mercredi, on lit avec les petits !·Roman

« Broadway Limited (tome 3) : Un thé avec Grace Kelly » de Malika Ferdjoukh

couvferdjoukhbroadwaylimited3_cmjnCette série dont j’achève le troisième et dernier tome est une série jeunesse de très grande qualité ; et croyez-moi elle se lit très bien quand on est adulte !

Le troisième tome est dans la continuité des deux premiers : on y retrouve avec grand plaisir le groupe de jeunes filles qui habitent la pension Giboulée, à New-York dans l’après-guerre.

Elles sont danseuse, mannequin ou actrice, et elles ont des rêves plein la tête. Il y aussi un jeune homme, Jocelyn, un Français qui était le point de départ du premier tome mais qui est beaucoup moins présent dans celui-ci. J’ai retrouvé tout le plaisir de lecture du début, à suivre ces tourbillonnantes jeunes filles, enthousiastes, parfois sérieuses, parfois légères, qui se chamaillent pour la salle de bains, courent les castings, se réjouissent des réussites des unes et des autres. Elles pensent aussi aux garçons, avec toute la fraîcheur de leurs dix-sept ans. Le tout se joue dans un New-York artistique de carte postale, mais où ni le maccarthysme ni la ségrégation Noirs / Blancs ne sont occultés.

Je ne sais pas conseiller l’âge à partir duquel cette série peut être lue : car si les histoires des jeunes filles sont faciles à lire, il y a beaucoup de références artistiques ou de société qui risquent d’échapper aux plus jeunes – et ce serait dommage de ne pas reconnaître Ginger Rogers, Grace Kelly, Fred Astaire ou Woody Allen parmi les personnages secondaires.

S 3-3L’Ecole des loisirs, collection M+ poche, 644 pages, 11€

Roman

« La règle de quatre » de Ian Caldwell et Dustin Thomason

La-regle-de-quatreQuatre copains fréquentent l’université de Princeton. Ensemble, ils font les quatre cents coups, explorent les galeries interdites des souterrains, s’amusent des traditions ridicules du campus. Deux d’entre eux ont décidé de percer le mystère d’un livre codé vieux de plusieurs siècles : l’un parce qu’il en a fait le sujet de sa thèse, l’autre parce que son père y a consacré sa vie.

L’énigme et les explications des tentatives de résolution ne sont pas très limpides, j’aurais aimé que le défi à relever soit plus clair et plus explicite pour que je puisse prendre part aux recherches.

Heureusement, toute l’histoire autour est intéressante, l’ambiance oscille entre « Da Vinci code » et « Le cercle des poètes disparus ». Le campus décrit coche toutes les cases d’une image d’Epinal des études à l’américaine, entre amitiés et soirées

S 3-3Michel Lafon poche, 458 pages, 8,50€

Roman

« Médée » de Euripide

9782290318621C’est une émission de France Culture qui m’a donné envie de (re)découvrir l’histoire de Médée. Parmi les différentes versions qui existent, j’ai choisi celle d’Euripide.

Si vous n’êtes pas familiers des lectures classiques, que celle-ci ne vous effraie pas : le texte est court et très accessible, et la préface éclairante.

Médée a aidé Jason à conquérir la célèbre Toison d’or, au sacrifice de sa famille. Elle se sent donc particulièrement bafouée lorsque Jason choisit de la quitter pour une autre femme.

Incroyable tragédie qui raconte la détermination de cette femme prête à tous les sacrifices pour se venger d’une trahison. Le texte reste très actuel et accessible, et permet (pour un petit prix en plus dans cette édition) de se familiariser avec ce mythe.

S 3-3Librio, 2€

Audio·Roman

« Les ailes collées » de Sophie de Baere

Capture d’écran 2023-07-09 110838Paul va se marier. C’est un grand jour, qu’il vit entouré de sa famille et de ses proches. Mais un invité surprise est là aussi : Joseph.

Les deux hommes ne se sont pas vus depuis longtemps, pourtant Joseph a joué un rôle capital dans l’adolescence de Paul : ami, compagnon, révélateur de sentiments mais aussi de difficultés familiales.

Le roman questionne sur les choix d’une vie, et sur ce qu’il reste de l’adolescence dans une vie d’adulte. Où sont les amis chers ? Que reste-t-il des passions adolescentes ?

J’ai trouvé quelques longueurs et redondances dans le roman, mais peut-être était-ce voulu pour retranscrire les questionnements et les doutes de l’adolescence.

La lecture de Bernard Gabey est bien adaptée au texte et apporte le ton juste pour se rapprocher des sentiments de Paul – à tel point que j’ai complètement oublié que le roman était écrit par une femme.

S 2-3Audiolib, 7h07 d’écoute, 23,90€ en version CD

Biographie·Roman

« La valse des arbres et du ciel » de Jean-Michel Guenassia

9782253073710-001-TJean-Michel Guenassia est l’auteur du « Club des incorrigibles optimistes », dont je me souviens avoir apprécié la lecture il y a une dizaine d’années. Je n’avais rien lu de lui depuis cette époque, et c’est le hasard d’une offre promotionnelle du Livre de poche qui m’a permis de découvrir ce roman.

Le point de départ est très original car le roman est construit comme le témoignage de Marguerite Gachet, la fille du célèbre Dr Gachet peint par Van Gogh. Elle y raconte tout d’abord ses rêves de jeune fille en quête de liberté, d’émancipation pour peindre, et de voyage vers l’Amérique. Jusqu’au jour où arrive à Auvers sur Oise un peintre hollandais. Il ne vend pas encore de tableaux, mais se revendique comme un peintre de la modernité. Introduit par Pissaro auprès du Dr Gachet, celui-ci accepte de soigner sa maladie – on imagine une dépression même si le terme n’est jamais explicité – en échange de quelques toiles.

Gachet n’est ni philanthrope ni mécène : son soutien aux artistes est calculé, il espère tirer un jour une fortune des œuvres acquises contre des consultations.

L’arrivée de Van Gogh est une révélation pour Marguerite – révélation artistique autant que sentimentale.

Le roman est bien fait car on oscille entre la biographie et le roman, sans toujours démêler le vrai du faux. Si vous avez la possibilité de consulter des tableaux de Van Gogh en même temps, ce sera assurément un plus. Je me souviens avoir visité enfant Auvers sur Oise et avoir été frappée par la comparaison entre les lieux réels et les peintures de Van Gogh. Ici aussi, entre art et réalité, il faut se laisser porter par des allers et retours. Et au passage, voir quelques certitudes sur la fin de vie de Van Gogh être sérieusement remises en cause. C’est une approche originale et plaisante pour parler d’un artiste en dehors des contraintes de la biographie officielle, tout en apportant des éléments historiques. Entre fiction et réalité, ce roman se lit avec grand plaisir.

S 3-3Le Livre de poche, 288 pages, 7,70€ (le mien était offert dans le cadre d’une promo)

Audio·Roman

« Entre la source et l’estuaire » de Grégoire Domenach

Capture d’écran 2023-06-03 071250Sur le Doubs, un homme navigue avec son père. Il a un bateau à vendre ; il ne fait que passer. Mais dans un village, il est intrigué par un homme, taiseux, défiguré, sur lequel courent beaucoup du rumeur. Etrangement, cet homme, Lazare, accepte de se confier et de lui raconter les événements qui ont fait basculer sa vie et l’ont mis au ban de son village.

Dès le début du roman, j’ai été intriguée par ce personnage, Lazare, qui semble impressionnant voire dangereux, et qui révèle au fil du texte une vraie profondeur dans les sentiments et dans son rapport à la vie. Histoire a priori classique d’un triangle amoureux infernal et destructeur, la réussite du roman réside dans les portraits des personnages et dans quelques rebondissements bien amenés qui captivent le lecteur. Dès le début de l’écoute, je n’ai pas pu lâcher ce livre audio avant de savoir ce qu’il allait advenir de Lazare et des autres protagonistes.

Le récit à double narrateur (le navigateur qui raconte sa rencontre avec Lazare, et Lazare qui raconte son passé) est bien construit et donne beaucoup de rythme à l’écoute.

Découvrir ce roman en version audio permet de se laisser porter par la voix de Stéphane Varupenne, comme on se laisserait porter par le courant de la rivière. D’une histoire personnelle, intime, Grégoire Domenach fait un récit sensible et profond, mélancolique, qui interroge sur des thèmes universels comme la passion ou ce qu’il reste de nous après la mort.

S 3-3Audiolib, lu par Stéphane Varupenne, 4h33 d’écoute, 21,90€ en version CD

Roman

« Champollion l’Egyptien » de Christian Jacq

CHAMPOLLION_OK_CV-1-977x1536Sans nul doute, c’est la médiatisation de l’exposition sur « Ramsès II » qui m’a donné envie de me plonger dans un roman qui parle d’Egypte. Naturellement, un peu par facilité, mon choix s’est orienté vers un romancier connu pour ses nombreux ouvrages sur l’Egypte, et j’ai choisi son roman le plus célèbre. Avec « Champollion l’Egyptien » de Christian Jacq, je pensais partir sur les traces du premier à avoir traduit les hiéroglyphes – et donc je pensais que le livre m’éclairerait sur sa méthode, ses découvertes, son cheminement intellectuel.

Mais ce n’est pas du tout le thème de ce roman.

Le lecteur accompagne Champollion dans son voyage en Egypte, où il est censé « tester » en conditions réelles sa théorie sur le décryptage des hiéroglyphes. C’est donc plutôt un roman de voyage, sur une expédition pleine de pièges, où les ennemis sont nombreux à se dresser sur la route de Champollion. Un chercheur en minéralogie, un dessinateur, un prêtre censé surveiller Champollion, et une mystérieuse femme ambiguë complète l’expédition.

J’ai trouvé toute la première moitié du roman assez fastidieuse et décevante, avec des dialogues un peu poussifs. Une fois résignée à ne rien apprendre sur la méthode de Champollion et sur la traduction des hiéroglyphes, j’ai accepté que le roman soit un roman de voyage et d’aventures, et j’ai lu la deuxième moitié avec ce nouveau prisme. Il y a quelques passages et réflexions intéressants : sur l’origine du christianisme et sur ce qu’il a pu emprunter aux croyances de l’Egypte ancienne ; sur l’opposition entre préservation des trésors historiques et volonté de faire progresser un peuple vers la modernité.

Mais je suis restée quand même sur ma faim quant au mystère des hiéroglyphes, qui restent tout aussi obscurs pour moi qu’avant de commencer la lecture de ce roman. Dommage !

S 1-3XO Editions, 400 pages, 21,90€

Roman

« Manon des sources » de Marcel Pagnol

9782877065122-001-TLes années ont passé, Manon est devenue une jolie jeune fille de quinze ans, sauvage et libre. Elle garde toujours ses chèvres dans les collines, et évite les contacts avec les villageois des Bastides blanches.

Ugolin s’est enrichi grâce aux oeillets, qu’il cultive grâce à l’eau qui arrive en abondance de la source qui a tant manqué au père de Manon… Peu à peu, Ugolin développe des sentiments pour Manon. Mais les villageois commencent à parler, et si le Papet reste une figure imposante et respectée, il ne dupe plus grand monde sur sa responsabilité dans l’assèchement de la source. Manon, pour se venger, décide de priver à son tour le village de la précieuse eau…

Si l’on dit parfois qu’un film est fidèle au roman, ici c’est inversé car le livre a été écrit après le film de Pagnol, et c’est donc le livre qui est fidèle au film. Et puisqu’il y a eu une autre version dans les années 1990, la boucle est bouclée.

Roman familial, de vengeance, d’amour, d’ambition, ce livre se lit avec le même plaisir que le premier (même si le début est un peu plus lent, la deuxième partie est pleine de rebondissements). L’eau, au coeur du premier roman, est toujours très présente dans celui-ci, de même que les collines nourricières et sauvages. C’est un classique qui a bien mérité ce qualificatif.

S 3-3Grasset, coll Fortunio, 288 pages, 8€

Roman

« Jean de Florette » de Marcel Pagnol

9782877065115-001-TJ’ai vu plusieurs fois, il y a longtemps, les films « Jean de Florette » et « Manon des sources » avec Yves Montand, Gérard Depardieu, Daniel Auteuil, Emmanuelle Béart… Pourtant il a fallu attendre que je regarde la première version de « Manon des sources », avec Jacqueline Pagnol, pour avoir envie de lire les romans.

Au départ, d’ailleurs, il n’existait que le film « Manon des sources », et la genèse avec l’histoire du père (Jean) y est incluse et racontée au passé. Les livres ont été écrits plus tard.

Je pensais tout savoir de l’histoire, et pourtant j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce texte. J’ai aimé cette Provence indissociable de Pagnol, ses figuiers, ses amandiers, et ses vieilles bâtisses. J’ai eu chaud sous le soleil d’août, et attendu avec Jean la pluie salvatrice. C’est un beau texte, qui se lit facilement et dépayse le lecteur dès les premières pages. Les personnages sont fascinants et entiers, solides et simples comme les pierres de leurs bâtisses.

L’histoire est celle de Jean, dit Jean de Florette car sa mère s’appelait Florette. Il hérite d’une vieille maison délabrée, les Romarins, sur les hauteurs du village des Bastides blanches. Or cette maison, si elle n’a guère de valeur, est entourée de terres sur lesquelles Ugolin rêve de faire fortune en cultivant des oeillets. Alors avec son Papet, son vieil oncle, il bouche la source avoisinante, réduisant à la sécheresse la terre de Jean de Florette.

Je n’ai pas pu m’ôter de l’esprit Yves Montand en Papet intransigeant et calculateur, Daniel Auteuil en Ugolin soumis (même si son amitié avec Jean me paraît plus marquée dans le livre) et Gérard Depardieu en Jean de Florette, citadin instruit qui fait des plans et des calculs, et se rêve en fermier.

J’ai tout aimé dans ce livre ; aussitôt refermé, je débute déjà la lecture de « Manon des sources ».

S 3-3Grasset, coll. Fortunio, 288 pages, 8€